Les Dames de Pécharmant

Georges était un homme solitaire hanté par ses années de guerre. Pourtant, d'une certaine façon, il avait la nostalgie de ce temps au cours duquel il avait connu une véritable indépendance, la seule fois de sa vie d'ailleurs. D'abord admirateur inconditionnel du maréchal Pétain -, il s'engagea vite dans des réseaux de Résistance en Dordogne, entrant dans la clandestinité à partir de novembre 1942, quand les Allemands envahirent la France entière. Il gardait de son arrestation en 1944 un goût de sang dans la bouche. Accusé de terrorisme, il fut torturé dans une cellule sordide à la caserne Chanzy puis déporté en Allemagne. Transformé en bagnard dans le camp d'Auschwitz-Birkenau, il accueillait les familles juives qui débarquaient des trains, répétant comme une rengaine inoubliable : "Laissez vos bagages dans les wagons, mettez-vous en file, avancez." Parfois, au coeur de la nuit, les vieilles douleurs revenaient frapper à la porte de ses souvenirs. Cette mélopée de malheur se rappelait à lui. Ses mains tremblaient alors et il pleurait comme un enfant abandonné.

A son retour à la Libération, il entama un combat inutile jusqu'à ce que Mathilde le persuade d'enfermer les trahisons du passé dans le puits de sa mémoire. Mais le fond n'était jamais loin et resterait en lui une double peine. Celle d'avoir commis l'irréparable, la plus violente, et son pendant, le prix à payer. L'ultime espoir était que cette tragique histoire ne sorte jamais des coeurs de ceux qui l'avaient vécue.