Star Wars - L'héritage de la Force, Tome 7 : Fureur

CHAPITRE 1

Au-dessus de la planète Kashyyyk,

à bord du Faucon Millenium

Le Faucon vira à la verticale d’un avant-goût de l’enfer.

Juste en dessous s’étendait une surface turbulente de noirs et de jaunes, de rouges et d’oranges. À l’est, une forêt condamnée commençait là où s’arrêtait le tapis de feu. La limite entre les deux était irrégulière et incertaine, et même à deux kilomètres, Han Solo voyait, en bordure, certains arbres s’enflammer et d’autres exploser sous l’effet de la chaleur.

À l’ouest, de l’air surchauffé s’élevait en une colonne de plusieurs kilomètres de diamètre et emportait la fumée dans les hautes couches de l’atmosphère en obscurcissant le soleil de l’après-midi. Cette masse noire témoignait du vrai danger du maelstrom. En montant, elle aspirait l’air de toutes les directions et soufflait sans cesse sur le feu qui l’entourait, alimentant la bête vorace qui brûlait, incontrôlable.

Autrefois, les grands arbres wroshyrs et les autres feuillages formaient une vue ininterrompue. Mais quelques jours plus tôt, le Destroyer Stellaire Anakin Solo, sur l’ordre de Jacen Solo, avait pointé ses turbolasers à longue portée vers la surface de Kashyyyk et avait concentré ses tirs pour réduire des kilomètres carrés de forêt en flammes. Ces frappes étaient destinées à punir les Wookiees d’avoir abrité les Jedi et d’avoir traîné les pieds avant d’engager leurs forces dans l’Alliance Galactique de Jacen.

Et ils avaient été bien punis. Les feux s’étaient transformés en tempêtes de flammes qui faisaient rage depuis.

Le Faucon tressauta en passant au-dessus d’une ascendance thermique. Han le stabilisa et lui fit reprendre son allure de vol en penchant la tête, à l’affût du moindre bruit provoqué par un panneau déplacé ou un boulon arraché par le mouvement inattendu, mais aucun son nouveau ne vint s’ajouter au catalogue des milliers qu’il connaissait déjà par cœur.

La voix de Leia grésilla sur la console de communication :

— Balayage terminé. J’ai caché la dernière balise.

Han fit virer le cargo en forme de disque et descendit vers leur point de rendez-vous, à deux kilomètres à peu près de la zone en feu.

— Des problèmes ?

— Sans arrêt. J’ai dû faire quelques réparations rapides sur une des balises. Et il a fallu que j’évite des flots d’animaux en fuite.

Un cahot plus fort secoua le Faucon au-dessus d’une ascendance thermique particulièrement violente puis il arriva sur la forêt intacte. Le sol y était plus haut et les arbres bien plus petits – aucun d’eux ne dépassait les cinq cents mètres. Des rapports géologiques indiquaient que le sol était trop mince pour supporter des wroshyrs adultes – une crête souterraine de pierre qui avait freiné le développement des arbres bloquerait le feu, au moins dans cette zone.

Han regarda le système de comm, à la recherche du signal transmis par la dernière balise de Leia puis il se dirigea dessus.

— Waroo ! Reste près du treuil.

Un grognement affirmatif lui répondit par l’intercom. Han put presque l’entendre, plus faiblement, résonner dans le couloir d’accès au cockpit derrière lui. Waroo attendait à côté de l’anneau d’arrimage tribord, ouvert sur l’atmosphère de Kashyyyk, prêt à récupérer Leia.

Han s’autorisa un petit sourire. Il appréciait d’avoir de nouveau un Wookiee à bord. Cela lui rappelait l’ancien temps, quand Chewbacca et lui étaient jeunes et insouciants – si on estimait qu’être poursuivi par des chasseurs de primes et des troupes impériales anti-contrebandiers ne causait pas de « soucis ».

Et Waroo n’était pas n’importe quel Wookiee. C’était le fils de Chewbacca. Un fils intelligent, un bon guerrier.

Si les choses avaient tourné autrement, si le fils de Han, Jacen, n’était pas devenu ce qu’il était, peut-être que le Faucon aurait pu lui revenir un jour, avec Waroo à ses côtés, et qu’ils auraient ainsi perpétué l’héritage de contrebandier de Han.

Mais Jacen était devenu sombre et horrible, un chef autoproclamé déterminé à imposer un contrôle rigide sur la galaxie. Il avait comploté, torturé, trahi, tué, en croyant, tel un fou, en la justesse de sa cause.

Han avait beau se dire que Jacen était mort à ses yeux, qu’il n’était plus qu’un étranger partageant les traits et le nom de son fils, chaque nouvel outrage qu’il commettait lui donnait l’impression qu’on lui serrait le cœur très fort avec un gant de fer.

Le système de communications bipa pour indiquer qu’ils se rapprochaient de la balise. Han inclina la proue pour mieux voir en dessous. Il entendit un bruit sourd sur le côté tribord, suivi d’un grognement plaintif et sourit une nouvelle fois.

— Désolé. Plus de manœuvres brusques. Promis.

Les wroshyrs étaient encore assez grands pour que le plancher de la forêt reste un endroit très sombre et dangereux. Il n’y avait aucune clairière pour se poser. Mais Leia était visible, sa robe blanche jurant crûment avec la verdure, postée sur une haute branche, comme si elle se promenait sur un trottoir de Coruscant, sans se soucier des vents ou de la force de gravité, potentiellement dangereuse. Elle leur fit un signe de la main. Han plaça le Faucon à sa verticale.

— D’accord, Waroo. Remonte-la.

Un instant plus tard, il entendit le vrombissement du treuil dont la corde descendait jusqu’à Leia.

L’équipage du Faucon Millenium était sur le point de commettre un acte qui, dans d’autres circonstances, aurait semblé aussi horrible que l’incendie allumé par Jacen... car les deux étaient presque semblables.

Les batteries de turbolasers d’un croiseur de la Confédération en orbite planétaire basse allaient bientôt tirer sur la forêt, pour en incendier certaines portions. Mais cette frappe serait chirurgicale et suivrait précisément la ligne de balises que Leia avait placées sur des kilomètres. Une fois que ce trait serait délimité, les turbolasers l’étendraient vers l’est... puis le Faucon, d’autres cargos équipés de mousse anti-incendie ainsi que les équipes de pompiers wookiees circonscriraient le feu dans son périmètre occidental. Une fois éteint, l’incendie contrôlé ne laisserait au feu naturel que de la terre carbonisée à brûler et cet espace serait trop grand pour que des étincelles portées par le vent puissent le traverser.

Le feu s’arrêterait là. Et le Faucon et les autres vaisseaux iraient créer des coupe-feu ailleurs et finiraient par circonscrire l’incendie. Au bout du compte, dépourvu d’alimentation, le brasier, cette bête, mourrait de faim.

En laissant derrière lui des millions d’hectares brûlés et un monde ravagé disparaissant sous la fumée.

Han entendit le vrombissement du treuil cesser puis, quelques instants plus tard, reprendre pour remonter Leia jusqu’à lui. Un immense soulagement s’empara de lui. Il savait qu’elle pouvait se débrouiller seule. Mais cela ne l’empêchait pas de s’inquiéter lorsqu’elle se mettait en danger.

Il positionna doucement le Faucon vers l’ouest pour l’éloigner de la zone du coupe-feu et vérifia que ses communications étaient toujours réglées sur la fréquence de la Confédération.

— Faucon Millenium à Lillibanca. Les balises sont en place. Vous pouvez commencer. Au numéro un, de préférence, pas au numéro vingt.

Il entendit un petit rire avant que la voix masculine d’un officier de communication ne lui réponde :

— Bien reçu, Faucon. Et merci.

Puis une autre voix – féminine, grave et séduisante – prit la parole derrière Han :

— Vos sentiments vous trahissent.

Secoué par l’adrénaline, Han se retourna brusquement.

Une femme se tenait debout dans l’entrée du cockpit. Presque tout son corps, des pieds à la tête, était dissimulé sous des habits noirs. On ne voyait que son beau visage à la peau bleue et à l’expression enjouée.

Elle s’appelait Alema Rar et était venue le tuer.

Han dégaina son blaster. Alema, d’un grand geste du bras qui écarta sa cape de son corps, tendit la main gauche pendant que la droite attrapait son sabre laser à sa ceinture. Le pistolet de Han, à peine sorti de son holster, vola de sa paume jusqu’à celle d’Alema.

Il la regarda bouche bée. Elle n’aurait pas dû être capable de faire ça. Son bras gauche était censé être inerte depuis des années – il fonctionnait pourtant bien, à présent.

Elle fit claquer sa langue contre son palais en secouant la tête.

— Nous sommes un Jedi. Nous ne voulons pas nous faire tirer dessus. Cela nous est déjà arrivé. C’est désagréable.

Elle laissa tomber le blaster qui résonna en heurtant les plaques du pont.

Han s’exprima avec une pointe de bravade qui lui faisait pourtant défaut :

— Et alors ? Qu’allez-vous faire, me parler jusqu’à ce que je meure ?

Il passa mentalement en revue les armes et les ressources qu’il avait à sa portée. Il pouvait compter sur une vibrolame cachée qui ne serait pas d’une grande utilité contre une Jedi comme Alema, et sur une arme très grande qui l’avait rarement déçu.

— Nous allons attendre que votre scarabée-piranha de femme puisse nous voir, puis nous vous enfoncerons notre sabre laser dans le cœur. Elle pourra tenir votre cadavre et pleurer. Ça sera bien, n’est-ce pas ?

— Pas vraiment.

Parfois, Han trouvait merveilleux de connaître aussi bien le Faucon – il le connaissait tellement qu’il pouvait actionner n’importe quel instrument, n’importe quelle commande, même en étant aveuglé ou désorienté. Sans détourner le regard d’Alema, il tendit un bras et désactiva le compensateur d’inertie et le générateur de gravité artificielle du cargo. Au même instant, il appuya sur les propulseurs et tira sur le manche.

Il inclina le Faucon vers le haut et le fit partir en trombe vers l’espace. Les compensateurs d’inertie étant désactivés, l’accélération soudaine l’écrasa contre son siège. Quelques vertiges inhabituels lui firent tourner la tête.

L’expression d’Alema passa de la bonne humeur à la surprise la plus totale lorsqu’elle tomba en arrière. Han l’entendit heurter le mur du couloir d’accès au cockpit – elle avait dû se cogner à l’endroit où le corridor formait un angle vers bâbord et l’arrière. Il perçut le bruit de son blaster qui la suivait, en cliquetant, puis encore d’autres lorsque le pistolet et elle descendirent la pente formée maintenant par le mur.

Il y eut aussi un éclat de rire – celui d’Alema.