Commentaires de livres faits par Virgile
Extraits de livres par Virgile
Commentaires de livres appréciés par Virgile
Extraits de livres appréciés par Virgile
— Il a tué un Blanc. Un genre d’accident sur les docks où il travaillait. Un conflit avec le contremaître qui a mal tourné. Le type est tombé de la plateforme et s’est cogné la tête. Raide mort. Pas une grande perte pour le monde, si vous voulez mon avis. Le shérif ne croit pas qu’il l’ait tué intentionnellement, mais ça ne fait aucune différence à ses yeux, ce qui est arrivé est arrivé, on ne peut pas changer l’histoire. Mais le meilleur reste à venir : le garçon a été jugé coupable. Sa sentence a été exécutée.
— Exécutée... ?
— Ils l’ont fusillé. Il y a six jours. Ça n’a pas marché.
— Comment ça, ça n’a pas marché ?
— Ma foi, le gamin respire toujours, dit-il en tournant ses yeux ombragés vers la prison. Je suppose que c’est ce qu’ils veulent dire. Selon la femme du shérif, on ne peut pas le blesser.
— Je parie qu’il n’a pas le même avis sur la question.
— Certes.
— Et donc, on le met dans un entrepôt, pour qu’il n’effraie pas les bonnes gens.
— Mademoiselle Quicke, le shérif ne veut surtout pas que les bonnes gens le sachent. Pour la ville de Natchez, Charlie Ovid a été fusillé en prison il y a six jours. Le garçon est déjà enterré. » On ne peut pas le blesser, songea-t-elle avec un soupir. Elle avait toujours méprisé les superstitions des esprits étroits qu’on rencontrait dans les petites villes. Ces gens voulaient une excuse, n’importe laquelle, pour frapper sans retenue un gamin noir qui avait tué un homme blanc. Se raconter que ça ne laissait aucune trace en valait bien une autre.
« Alors qu’est-ce qu’ils vont faire, maintenant ? demanda- t-elle. Si on n’était pas là pour les débarrasser du problème, qu’est-ce qu’ils feraient de lui ?
— J’imagine qu’ils l’enterreraient.
— Mais s’ils n’arrivent pas à le tuer... »
Coulton soutint son regard.
Alors, elle comprit. Ils l’enterreraient vivant. Elle laissa son regard dériver au-delà de l’épaule de son partenaire. « Putain d’endroit, lâcha-t-elle.
— Vous pouvez le dire. »
Mais il est vrai que sans elle j'aurais fini fonctionnaire, dans le meilleur des cas, courtisan. Je ne dirai jamais que le communisme est une bonne chose, mais en réalité on peut être heureux sous n'importe quel régime, tu sais...
Et surtout, tu sais quoi, Vadia? On ne sait jamais rien.
Tu ne contrôles pas les choses qui arrivent, pire, tu n'es même pas capable de savoir si elles sont bonnes ou mauvaises. Tu es là, tu attends une chose, tu la désires de toutes tes forces. Elle se produit enfin et, juste après, tu te rends compte que ta vie est gâchée. Ou le contraire.
Le ciel te tombe sur la tête et après un peu de temps tu te rends compte que c'est la meilleure chose qui pouvait t'arriver. Crois-moi, la seule chose que tu peux contrôler c'est ta façon d'interpréter les événements. Si tu pars de l'idée que ce ne sont pas les choses, mais le jugement que nous portons sur elles qui nous fait souffrit, alors tu peux aspirer à prendre le contrôle de ta vie. Sinon tu es condamné à tirer sur des mouches avec un canon. »
Te me souviens encore de l'expression de mon grand-père pendant qu'il prononçait ces mots. Il parlait sérieusement mais il y avait aussi une pointe d'ironie, comme s'il éprouvait un peu de gêne à jouer le rôle du vieux schnock.
Mais il y tenait. Les hommes de cette génération tenaient à transmettre ce qu'ils avaient compris de la vie, ils sentaient que c'était important. Je crois que ce sont les derniers à avoir pensé ainsi. À partir de la génération de mon père, personne n'a plus pensé que cela pourrait valoir la peine de transmettre quelque enseignement que ce soit.
Nous sommes tous devenus trop cool, trop modernes. Et puis nous vivons dans la terreur du ridicule. Personne ne veut jouer les vieux cons.
Mon grand-père n'était pas un patriarche du dix-neuvième, c'était déjà un homme moderne. Il avait lu Kafka et Thomas Mann, mais il était disposé à courir le risque du ridicule pour me dire ce qu'il avait à me dire.
Et je lui en serai touiours reconnaissant parce que, depuis lors, il m'est resté l'idée que nous tâtonnons dans le noir.
Que nous ne savons ni ce qui est bien ni ce qui est mal pour nous. Mais que nous pouvons librement décider du Sens à donner aux choses qui arrivent. Et cela, c'est au fond notre seule et unique force.
Mon éditeur m'avait proposé de me réserver une chambre d'hôtel, cela me revient, puisqu'il me fallait arriver chez Stock aux alentours de dix heures, et qu'en venant de Lyon ça me faisait lever aux aurores. Comme j'avais imposé ce changement de date, je ne pouvais pas demander à dédicacer plutôt l'après-midi. J'allais me faire conciliante et je déclinais la chambre d'hôtel dont je savais qu'elle occasionnerait des frais, déjà qu'on devait me payer un billet de train. Je n'ai jamais aimé cette distinction, qui fait des écrivains provinciaux des pourvoyeurs de notes de frais, c'est déjà bien assez compliqué d'être étiqueté régional, disons que les choses ont changé, mais à l'époque, un écrivain ça habitait Paris, ça passait chez son éditeur en allant au marché, en toute désinvolture. Moi j'étais toujours celle qui avait un train, cadrée par des horaires. Quand on ne savait plus quoi me dire, on me demandait si j'avais un train, ça faisait un sujet de conversation. Quand un apéro s'improvisait, je ne pouvais jamais en être parce que le dernier train, gare de Lyon, partait à 19 h 58. Combien de fois je suis arrivée en courant sous le panneau d'affichage.
et deviennent des fréquentations. Les personnages de mes lectures m'accompagnent si bien qu'il m'arrive
d'avoir envie de donner de leurs nouvelles. Je me tiens dans ma petite cuisine avec une amie, le café passe dans un sifflement courroucé, et quand j'essaie de dresser un tableau de mon état, il me semble soudain que je doive lui parler d'Aliocha Karamazov, avec qui j'ai passé du temps ces derniers jours et qui, en ce moment précis, compte plus pour moi que les voisins entraperçus ou l'artisan qui doit venir entretenir le poêle et m'a encore posé un lapin. L'amie est parfois un peu surprise et sa surprise, en retour, m'étonne. J'ai grandi avec
deux sœurs qui lisaient, comme moi, goulûment et vite et nous nous volions les romans les unes aux autres, pour dévorer un chapitre ou deux avant que le méfait
soit découvert. Nous avancions presque d'un même pas dans les pays de la fiction et les personnages étaient non seulement des sujets de discussion mais des amis communs. Lorsque le livre volé revenait à sa propriétaire légitime (carte de bibliothèque faisant foi) et qu'elle le dissimulait si habilement que l'escamoter de nouveau n'était plus une option, il ne nous restait plus
qu'à prendre des nouvelles, généralement au petit déjeuner, par des séries de question : comment va Aramis ? Est-ce que Montag s'est échappé ? Margaret a-telle eu ses règles ? Aujourd'hui encore, j'aime pouvoir
lire un roman juste avant ou juste après des amis. Que l'un puisse demander à l'autre : « Tu en es où ? Et tel personnage, il/elle fait quoi ? » Récemment, j'ai tenu B. informé de la progression des hommes mystérieux
qui s'invitaient chez Christine, Bergogne et Marion dans Histoires de la nuit de Mauvignier, lui riant de mon inquiétude car il connaissait déjà leur identité. Il m'a raconté comment progressaient les recherches sur Archimboldi dans 2666 de Roberto Bolaño, moi riant de savoir qu'elles ne mèneraient à rien et qu'il perdrait bientôt ses guides, remplacés par d'autres. J'ai attendu
avec impatience que V. découvre la virée en voiture de Marie dans Par les routes de Sylvain Prudhomme et je lui envoyais régulièrement des textos pour savoir si elle
l'avait atteinte. Dans ces moments de lectures partagées, les personnages deviennent des connaissances communes dont il n'est plus absurde de prendre ou de
donner des nouvelles au moment du café. « Alors, il fait quoi ? »
mais en salle, le royaume dont personne ne
veut, constitué du lobby intérieur où mangent les clients, de la terrasse, des toilettes et du local poubelle. Je suis en salle parce que je viens d'arriver et que les nouveaux servent à être là où personne ne veut travailler. Je comprends que je vais rester à ce poste. Lorsque je sers un
des plateaux posés sur le comptoir, je sais que les équipières de l'autre côté se sont battues pour être derrière le rectangle en béton du comptoir, planquées.
J'apprends que la formatrice s'appelle Chouchou et qu'elle est manageuse en salle. Chouchou précise qu'ici tout le monde l'adore et quand elle nous laisse à midi et passe la porte automatique, elle se retourne et s'écrie salut les filles, trop heureuse de partir en pause.
rédacteur en chef du Neues Wiener Tagblatt, Emil Löbl, fera paraître un article rendant hommage au petit dictateur Schuschnigg - ce qui était un bien minuscule acte de résistance; ce sera presque le seul. Dans la matinée, une clique déboulera au journal et on le forcera brutalement à quitter les lieux. Les SA surgissent dans les bureaux et
tabassent les employés, les journalistes, les
rédacteurs. Pourtant, ce ne sont pas des gauchistes, au Neues Wiener, ils n'ont pas soufflé mot lorsque le Parlement s'est dissous dans le néant, ils ont approuvé sagement le catholicisme autoritaire du nouveau régime, ils ont accepté les purges des rédactions sous Dollfuss; et le départ des sociaux-démocrates, emprisonnés, interdits de travail, ne les a pas trop gênés. Mais l'héroisme est une chose bizarre, relative, et en somme, ce matin-là, il est à la fois émouvant et inquiétant de voir Emil Löbl être le seul à se plaindre.
[spoiler]En vidant la maison de mon père, c’est son cerveau que je démantèle.
Je réponds que la tristesse prépare mieux à la vie, c'est-à-dire à la mort, et que la plupart des gens le comprennent très tôt.
W. est le premier romancier noir à recevoir tel prix ou à entrer dans telle académie : lisez son livre, forcément fabuleux.
X. est la première écrivaine lesbienne à voir son livre publié en écriture inclusive : c’est le grand texte révolutionnaire de notre époque.
Y. Est bisexuel athée le jeudi et mahométan cisgenre le vendredi : son récit est magnifique et émouvant et si vrai!
- Ton frangin est une bombe à retardement.
Oui. D'accord. Mèche allumée à la mort de la mère. Mais c'est une bombe qui a fait long feu. Feu de tout bois. Etrange qu'elle ait explosé si tardivement.
-Parce que je n'ai que des souvenirs malheureux du Zaïre. J'y ai passé les moments les plus heureux de ma vie. Mais y penser me rend toujours malheureux. Leur souvenir me confirme qu'ils ne sont pas seulement passés, mais bel et bien détruits, et avec eux tout un monde. Je n'ai que des souvenirs malheureux du Zaïre. Les mauvais, bien sûr. Mais aussi les bons. Je veux dire que rien n'attriste un homme comme ses souvenirs, même quand ils sont heureux.