Vous utilisez un bloqueur de publicité

Cher Lecteur,

Nous avons détecté que vous utilisez un bloqueur de publicités (AdBlock) pendant votre navigation sur notre site. Bien que nous comprenions les raisons qui peuvent vous pousser à utiliser ces outils, nous tenons à préciser que notre plateforme se finance principalement grâce à des publicités.

Ces publicités, soigneusement sélectionnées, sont principalement axées sur la littérature et l'art. Elles ne sont pas intrusives et peuvent même vous offrir des opportunités intéressantes dans ces domaines. En bloquant ces publicités, vous limitez nos ressources et risquez de manquer des offres pertinentes.

Afin de pouvoir continuer à naviguer et profiter de nos contenus, nous vous demandons de bien vouloir désactiver votre bloqueur de publicités pour notre site. Cela nous permettra de continuer à vous fournir un contenu de qualité et vous de rester connecté aux dernières nouvelles et tendances de la littérature et de l'art.

Pour continuer à accéder à notre contenu, veuillez désactiver votre bloqueur de publicités et cliquer sur le bouton ci-dessous pour recharger la page.

Recharger la page

Nous vous remercions pour votre compréhension et votre soutien.

Cordialement,

L'équipe BookNode

P.S : Si vous souhaitez profiter d'une navigation sans publicité, nous vous proposons notre option Premium. Avec cette offre, vous pourrez parcourir notre contenu de manière illimitée, sans aucune publicité. Pour découvrir plus sur notre offre Premium et prendre un abonnement, cliquez ici.

Livres
714 843
Membres
1 013 982

Nouveau ? Inscrivez-vous, c'est gratuit !


Inscription classique

En cliquant sur "Je m'inscris"
j'accepte les CGU de booknode

Commentaires de livres faits par Virgile

Extraits de livres par Virgile

Commentaires de livres appréciés par Virgile

Extraits de livres appréciés par Virgile

Quand j’avais douze ans, j’ai voulu me tuer, mais j’ai raté mon coup. La rivière coulait, abondante, tout près de la carrière où les filles de ma rue allaient chanter. Nous courions dans l’ombre des arbres et nous dansions comme des enfants qui aimaient la vie et la voulaient entière.Sur le bord de la rivière, nous inventions d’interminables spectacles de chants faits d’espoir. Les filles interprétaient des airs connus qui me faisaient rire. Elles tournoyaient sur elles-mêmes, le visage tendu vers l’inaccessible amour dont elles rêvaient toutes : l’impossible amour. Elles tonitruaient des airs de Donizetti et ceux, plus légers, de Mozart, en portant des jupes empruntées à leurs mères, se pâmant dans la répétition linéaire des drames que vivent les femmes. Certaines s’esclaffaient au bout de quelques secondes, incapables de supporter le simulacre.
Avez vous apprécié cet extrait ? 0
— Qu’est-ce qu’il a fait ?
— Il a tué un Blanc. Un genre d’accident sur les docks où il travaillait. Un conflit avec le contremaître qui a mal tourné. Le type est tombé de la plateforme et s’est cogné la tête. Raide mort. Pas une grande perte pour le monde, si vous voulez mon avis. Le shérif ne croit pas qu’il l’ait tué intentionnellement, mais ça ne fait aucune différence à ses yeux, ce qui est arrivé est arrivé, on ne peut pas changer l’histoire. Mais le meilleur reste à venir : le garçon a été jugé coupable. Sa sentence a été exécutée.
— Exécutée... ?
— Ils l’ont fusillé. Il y a six jours. Ça n’a pas marché.
— Comment ça, ça n’a pas marché ?
— Ma foi, le gamin respire toujours, dit-il en tournant ses yeux ombragés vers la prison. Je suppose que c’est ce qu’ils veulent dire. Selon la femme du shérif, on ne peut pas le blesser.
— Je parie qu’il n’a pas le même avis sur la question.
— Certes.
— Et donc, on le met dans un entrepôt, pour qu’il n’effraie pas les bonnes gens.
— Mademoiselle Quicke, le shérif ne veut surtout pas que les bonnes gens le sachent. Pour la ville de Natchez, Charlie Ovid a été fusillé en prison il y a six jours. Le garçon est déjà enterré. » On ne peut pas le blesser, songea-t-elle avec un soupir. Elle avait toujours méprisé les superstitions des esprits étroits qu’on rencontrait dans les petites villes. Ces gens voulaient une excuse, n’importe laquelle, pour frapper sans retenue un gamin noir qui avait tué un homme blanc. Se raconter que ça ne laissait aucune trace en valait bien une autre.
« Alors qu’est-ce qu’ils vont faire, maintenant ? demanda- t-elle. Si on n’était pas là pour les débarrasser du problème, qu’est-ce qu’ils feraient de lui ?
— J’imagine qu’ils l’enterreraient.
— Mais s’ils n’arrivent pas à le tuer... »
Coulton soutint son regard.
Alors, elle comprit. Ils l’enterreraient vivant. Elle laissa son regard dériver au-delà de l’épaule de son partenaire. « Putain d’endroit, lâcha-t-elle.
— Vous pouvez le dire. »
Avez vous apprécié cet extrait ? +1
date : 13-03-2023
«La révolution a été une catastrophe sans précédent.
Mais il est vrai que sans elle j'aurais fini fonctionnaire, dans le meilleur des cas, courtisan. Je ne dirai jamais que le communisme est une bonne chose, mais en réalité on peut être heureux sous n'importe quel régime, tu sais...
Et surtout, tu sais quoi, Vadia? On ne sait jamais rien.
Tu ne contrôles pas les choses qui arrivent, pire, tu n'es même pas capable de savoir si elles sont bonnes ou mauvaises. Tu es là, tu attends une chose, tu la désires de toutes tes forces. Elle se produit enfin et, juste après, tu te rends compte que ta vie est gâchée. Ou le contraire.
Le ciel te tombe sur la tête et après un peu de temps tu te rends compte que c'est la meilleure chose qui pouvait t'arriver. Crois-moi, la seule chose que tu peux contrôler c'est ta façon d'interpréter les événements. Si tu pars de l'idée que ce ne sont pas les choses, mais le jugement que nous portons sur elles qui nous fait souffrit, alors tu peux aspirer à prendre le contrôle de ta vie. Sinon tu es condamné à tirer sur des mouches avec un canon. »
Te me souviens encore de l'expression de mon grand-père pendant qu'il prononçait ces mots. Il parlait sérieusement mais il y avait aussi une pointe d'ironie, comme s'il éprouvait un peu de gêne à jouer le rôle du vieux schnock.
Mais il y tenait. Les hommes de cette génération tenaient à transmettre ce qu'ils avaient compris de la vie, ils sentaient que c'était important. Je crois que ce sont les derniers à avoir pensé ainsi. À partir de la génération de mon père, personne n'a plus pensé que cela pourrait valoir la peine de transmettre quelque enseignement que ce soit.
Nous sommes tous devenus trop cool, trop modernes. Et puis nous vivons dans la terreur du ridicule. Personne ne veut jouer les vieux cons.
Mon grand-père n'était pas un patriarche du dix-neuvième, c'était déjà un homme moderne. Il avait lu Kafka et Thomas Mann, mais il était disposé à courir le risque du ridicule pour me dire ce qu'il avait à me dire.
Et je lui en serai touiours reconnaissant parce que, depuis lors, il m'est resté l'idée que nous tâtonnons dans le noir.
Que nous ne savons ni ce qui est bien ni ce qui est mal pour nous. Mais que nous pouvons librement décider du Sens à donner aux choses qui arrivent. Et cela, c'est au fond notre seule et unique force.
Avez vous apprécié cet extrait ? +1
date : 28-12-2022
"Barsok a été membre du Bureau migrations pendant dix ans, avant d'être à la Commission sécurité. Il y a une chance pour que ce Skyros vienne de là. Les hommes de confiance, on les trouve aux origines, quand tout se construit, pas durant l'ascension vers le pouvoir. Barsok s'est construit au Bureau migrations. Fouillez là-bas."
Avez vous apprécié cet extrait ? 0
date : 30-11-2022
Les Parisiens ne le savent pas, mais pour les provinciaux, prendre un simple billet de train et trouver un lit à Paris représente un petit tour de force. Pour dormir chez des amis, encore fautil avoir des amis dans la capitale, plutôt du côté de Bastille que de Sartrouville, et pas trop pourvus d'enfants. Comme je n'avais publié qu'un livre, je ne connaissais pour ainsi dire personne dans le milieu, en tout cas pas suffisamment pour espérer une proposition d'héber-gement. Ce qui par la suite m'a toujours considérablement gênée, de dormir dans le canapé du salon, surtout de devoir montrer ma tête du matin, tellement différente de celle du soir, d'imposer ma présence dans la douche et d'accéder à l'intimité de ces amis, mes amis de Paris, hélas invisibles le reste du temps, et que mes amis de Lyon ne rencontreront jamais. (Enfin, sauf le jour des obsèques.)
Mon éditeur m'avait proposé de me réserver une chambre d'hôtel, cela me revient, puisqu'il me fallait arriver chez Stock aux alentours de dix heures, et qu'en venant de Lyon ça me faisait lever aux aurores. Comme j'avais imposé ce changement de date, je ne pouvais pas demander à dédicacer plutôt l'après-midi. J'allais me faire conciliante et je déclinais la chambre d'hôtel dont je savais qu'elle occasionnerait des frais, déjà qu'on devait me payer un billet de train. Je n'ai jamais aimé cette distinction, qui fait des écrivains provinciaux des pourvoyeurs de notes de frais, c'est déjà bien assez compliqué d'être étiqueté régional, disons que les choses ont changé, mais à l'époque, un écrivain ça habitait Paris, ça passait chez son éditeur en allant au marché, en toute désinvolture. Moi j'étais toujours celle qui avait un train, cadrée par des horaires. Quand on ne savait plus quoi me dire, on me demandait si j'avais un train, ça faisait un sujet de conversation. Quand un apéro s'improvisait, je ne pouvais jamais en être parce que le dernier train, gare de Lyon, partait à 19 h 58. Combien de fois je suis arrivée en courant sous le panneau d'affichage.
Avez vous apprécié cet extrait ? 0
date : 27-10-2022
Julian n'avait jamais ri une seule fois devant cette vidéo. Il détestait cette manière de convoquer sans cesse les stéréotypes les plus éculés tout en les condamnant après en avoir ri. Qu'est-ce qui le poussait donc à faire de ce sketch un rituel du soir ? Y avait-il, en France, des millions de Julien qui cliquaient comme des robots sur des liens abhorrés? Cette question lui effleurait généralement l'esprit vers minuit, au moment où il visionnait pour la millième fois une vidéo comique sur la jalousie dans les couples. Les yeux totalement carbonisés, il partait se coucher. Une fois qu'il était endormi, toutes les vidéos qu'il avait regardées le poursuivaient. Incrustées dans ses pupilles, elles se mélangeaient dans une synthèse absurde. En surchauffe, son cerveau composait un best-of de tous les best-of qui s'étaient succédé sur son ordinateur. Ses rêves étaient peuplés de perroquets qui mangeaient du maroilles, de chimpanzés furieux et de Juifs néonazis. Il en avait mal au crâne jusqu'au sommet de la nuit.
Avez vous apprécié cet extrait ? 0
Depuis que je connais le pays de la fiction, j'ai le même appétit pour ces rencontres étranges qui se prolongent pendant plusieurs jours ou plusieurs semaines
et deviennent des fréquentations. Les personnages de mes lectures m'accompagnent si bien qu'il m'arrive
d'avoir envie de donner de leurs nouvelles. Je me tiens dans ma petite cuisine avec une amie, le café passe dans un sifflement courroucé, et quand j'essaie de dresser un tableau de mon état, il me semble soudain que je doive lui parler d'Aliocha Karamazov, avec qui j'ai passé du temps ces derniers jours et qui, en ce moment précis, compte plus pour moi que les voisins entraperçus ou l'artisan qui doit venir entretenir le poêle et m'a encore posé un lapin. L'amie est parfois un peu surprise et sa surprise, en retour, m'étonne. J'ai grandi avec
deux sœurs qui lisaient, comme moi, goulûment et vite et nous nous volions les romans les unes aux autres, pour dévorer un chapitre ou deux avant que le méfait
soit découvert. Nous avancions presque d'un même pas dans les pays de la fiction et les personnages étaient non seulement des sujets de discussion mais des amis communs. Lorsque le livre volé revenait à sa propriétaire légitime (carte de bibliothèque faisant foi) et qu'elle le dissimulait si habilement que l'escamoter de nouveau n'était plus une option, il ne nous restait plus
qu'à prendre des nouvelles, généralement au petit déjeuner, par des séries de question : comment va Aramis ? Est-ce que Montag s'est échappé ? Margaret a-telle eu ses règles ? Aujourd'hui encore, j'aime pouvoir
lire un roman juste avant ou juste après des amis. Que l'un puisse demander à l'autre : « Tu en es où ? Et tel personnage, il/elle fait quoi ? » Récemment, j'ai tenu B. informé de la progression des hommes mystérieux
qui s'invitaient chez Christine, Bergogne et Marion dans Histoires de la nuit de Mauvignier, lui riant de mon inquiétude car il connaissait déjà leur identité. Il m'a raconté comment progressaient les recherches sur Archimboldi dans 2666 de Roberto Bolaño, moi riant de savoir qu'elles ne mèneraient à rien et qu'il perdrait bientôt ses guides, remplacés par d'autres. J'ai attendu
avec impatience que V. découvre la virée en voiture de Marie dans Par les routes de Sylvain Prudhomme et je lui envoyais régulièrement des textos pour savoir si elle
l'avait atteinte. Dans ces moments de lectures partagées, les personnages deviennent des connaissances communes dont il n'est plus absurde de prendre ou de
donner des nouvelles au moment du café. « Alors, il fait quoi ? »
Avez vous apprécié cet extrait ? 0
date : 21-07-2022
Après trois semaines au drive, je suis désor-
mais en salle, le royaume dont personne ne
veut, constitué du lobby intérieur où mangent les clients, de la terrasse, des toilettes et du local poubelle. Je suis en salle parce que je viens d'arriver et que les nouveaux servent à être là où personne ne veut travailler. Je comprends que je vais rester à ce poste. Lorsque je sers un
des plateaux posés sur le comptoir, je sais que les équipières de l'autre côté se sont battues pour être derrière le rectangle en béton du comptoir, planquées.
J'apprends que la formatrice s'appelle Chouchou et qu'elle est manageuse en salle. Chouchou précise qu'ici tout le monde l'adore et quand elle nous laisse à midi et passe la porte automatique, elle se retourne et s'écrie salut les filles, trop heureuse de partir en pause.
Avez vous apprécié cet extrait ? 0
date : 02-05-2022
À Vienne, ce matin du 12 mars, seul le
rédacteur en chef du Neues Wiener Tagblatt, Emil Löbl, fera paraître un article rendant hommage au petit dictateur Schuschnigg - ce qui était un bien minuscule acte de résistance; ce sera presque le seul. Dans la matinée, une clique déboulera au journal et on le forcera brutalement à quitter les lieux. Les SA surgissent dans les bureaux et
tabassent les employés, les journalistes, les
rédacteurs. Pourtant, ce ne sont pas des gauchistes, au Neues Wiener, ils n'ont pas soufflé mot lorsque le Parlement s'est dissous dans le néant, ils ont approuvé sagement le catholicisme autoritaire du nouveau régime, ils ont accepté les purges des rédactions sous Dollfuss; et le départ des sociaux-démocrates, emprisonnés, interdits de travail, ne les a pas trop gênés. Mais l'héroisme est une chose bizarre, relative, et en somme, ce matin-là, il est à la fois émouvant et inquiétant de voir Emil Löbl être le seul à se plaindre.
Avez vous apprécié cet extrait ? 0
date : 23-02-2022
Disposés sur le sol, carte de son territoire disloqué, trésors de sa caverne, vestiges dérisoires de sa vie, je les contemple, comprends qu’ils résument sa démesure.
Spoiler(cliquez pour révéler)
J’autopsie l’esprit de mon père. J’autopsie son désordre.[/spoiler] Son incapacité à jeter. Nostalgie ou mode de vie? Superstition? Pathologie? Etait-il atteint du syndrome de Diogène?
[spoiler]En vidant la maison de mon père, c’est son cerveau que je démantèle.
Avez vous apprécié cet extrait ? 0
- Tu dis des contes, Diégane Faye. Madag avait vu ça aussi. Il m'avait dit : le jeune inconnu qui viendra sera un conteur. Mais non : il n'y a pas de dernier couplet. Je vais te dire ce que j'imagine, moi, s'il y avait un autre couplet. J'imagine que le pêcheur revient après des années. À son retour, il raconte à ses enfants son combat victorieux contre la déesse. Et tout finit bien. Les choses ne se terminent pas toujours mal. De nos jours, les gens s'attendent toujours à des fins tristes. Ils ne font pas que s'y attendre: qils veulent ces fins tristes. Tu sais ce qui explique ça? C'est un mystère pour moi.
Je réponds que la tristesse prépare mieux à la vie, c'est-à-dire à la mort, et que la plupart des gens le comprennent très tôt.
Avez vous apprécié cet extrait ? 0
Est-ce que les choses ont changé aujourd’hui. Est-ce qu’on parle de littérature, de valeur esthétique, ou est-ce qu’on parle de gens, de leur bronzage, de leur voix, de leur âge, de leurs cheveux, de leur chien, des poils de leur chatte, de la décoration de leur maison, de la couleur de leur veste? Est-ce qu’on parle de l’écriture ou de l’identité, du style ou des écrans médiatiques qui dispensent d’en avoir un, de la création littéraire ou du sensationnalisme de la personnalité ?
W. est le premier romancier noir à recevoir tel prix ou à entrer dans telle académie : lisez son livre, forcément fabuleux.
X. est la première écrivaine lesbienne à voir son livre publié en écriture inclusive : c’est le grand texte révolutionnaire de notre époque.
Y. Est bisexuel athée le jeudi et mahométan cisgenre le vendredi : son récit est magnifique et émouvant et si vrai!
Avez vous apprécié cet extrait ? 0
date : 03-11-2021
Me revient, d'un autre temps, ce que disait Fabien lorsque nous étions ados :
- Ton frangin est une bombe à retardement.
Oui. D'accord. Mèche allumée à la mort de la mère. Mais c'est une bombe qui a fait long feu. Feu de tout bois. Etrange qu'elle ait explosé si tardivement.
Avez vous apprécié cet extrait ? 0
date : 03-11-2021
Le regard de Jeanne était toujours sur moi et je suais à grosse goutte. J'avais l'impression qu'elle me mettait en garde : "Attention à ce que tu vas dire". Aux tables alentours, des jeunes gens croisent leurs regards comme on croise le fer. Leurs sourires découvraient des dentitions saines de quarterbacks américains. Un incubateur géant s'était installé dans le coin nous avait expliqué Jeannen et toute cette jeunesse travaillait dans l'univers exaltant de la "Tech". Ils avaient moins de la moitié de mon âge. La vie venait à eux, chargée de fruits murs et d'hydromel. L'époque était leur terrain de jeu, le monde un village de vacances. Ils se mouvaient en mouvements agiles de Shangaï à Londres, de Paris à Johannesburg, partout où il y avait une connexion 5G. Interrogés sur leurs projets, ils adoptaient des poses rêveuses pour parler d'un monde où chaque centimètre carré serait irrigué par des flux numériques. Peu importe que lesdits flux charrient les pensées rachitiques des digital natives, l'important était que les flus ne s'arrêtent jamais et que leur réseau soit toujours plus serré - qu'internet soit la respiration du monde. Ces promethéens délires tenaient, pour beaucoup de la posture. La raison profonde de leur engouement était celle qui menait le monde depuis que le monde existe : amasser un maximum de pognon en un minimum de temps. Tous rayonnaient, et une vitalité incroyable émanait de leurs mots simples et directs.
Avez vous apprécié cet extrait ? 0
Musimbwa parlait rarement de son pays d'origine. Je savais seulement qu'il avait fui la guerre, enfant, en compagnie d'une tante, décédée l'année dernière. Il ne m'avait jamais parlé des circonstances de sa fuite, de ses parents, de sa vie avant la France. Je lui avais un jour demandé la raison pour laquelle il n'évoquait jamais directement sont passé. Je n'oublierai jamais sa réponse :
-Parce que je n'ai que des souvenirs malheureux du Zaïre. J'y ai passé les moments les plus heureux de ma vie. Mais y penser me rend toujours malheureux. Leur souvenir me confirme qu'ils ne sont pas seulement passés, mais bel et bien détruits, et avec eux tout un monde. Je n'ai que des souvenirs malheureux du Zaïre. Les mauvais, bien sûr. Mais aussi les bons. Je veux dire que rien n'attriste un homme comme ses souvenirs, même quand ils sont heureux.
Avez vous apprécié cet extrait ? +2
La discussion s'est enfoncée dans la nuit, âpre, passionnée, sans concession. Je me suis dit qu'un monde où on pouvait encore débattre ainsi d'un livre jusque tard n'était pas si perdu, même si j'avais bien conscience de ce que des personnes discutant de littérature toute une soirée avaient de profondément comique, vain, ridicule, peut-être même irresponsable. Des conflits faisaient rage, la planète étouffait, des meurt-de-faim et des assoiffés crevaient, des orphelins contemplaient le cadavre de leurs parents ; il y avait tout le peuple des vies minuscules, des microbes, des rats, le peuple de l'égout promis à l'éternité pestilentielle de canalisations immondes et bouchées ; il y avait le réel ; il y avait tout cet océan de merde dehors, et nous, écrivains africains dont le continent nageait dedans, nous parlions du "Labyrinthe de l'inhumain" au lieu de nous battre "concrètement" pour l'en sortir.
Avez vous apprécié cet extrait ? +1
Voilà la bande. Je ne sens pas chez nous de conscience ou de désir d’une aventure esthétique collective; nous ne sommes pas un mouvement; chacun de nous marche seul vers son destin littéraire; et pourtant j’ai l’impression que quelque chose d’invisible nous lie tous solidement, et à jamais, Je ne saurais dire de quoi il s’agit, Peut-être être le sentiment diffus que nous allions vers une catastrophe. Peut-être l’impression vague que nous devions vite redonner une vigueur à notre littérature ou subir l’humiliation d’être à jamais désignés comme ses assassins ou, pire, ses fossoyeurs (tuer est simple, mais enterrer!…) Peut-être la redoutable prescience que certains d’entre nous affronteraient longtemps le monstre de la littérature alors que d’autres se perdraient ou renonceraient en chemin. Peut-être le constat silencieux que nous étions des africains un peu perdus et malheureux en Europe, même si nous faisions semblant d’être partout chez nous.
Avez vous apprécié cet extrait ? +1
Laissons dire les semeurs de haine. Laissons-les dire et marchons. Laissons-les, frères et sœurs bien-aimés dans le Seigneur, et avançons. Construisons des passerelles. Construisons des ponts, de solides ponts entre nous, là où les esprits maléfiques et les rabat-joie cherchent à nous diviser. Nous sommes du bon côté, celui de l’humain. Nous ne sommes « ni Juif ni Grec », comme l’écrit l’apôtre Paul dans l’épître aux Galates, « ni esclave ni libre, ni homme ni femme ». J’ajouterai : ni Noir ni Blanc. Ni Latino ni Asiatique. Car « tous, [nous sommes] un en Jésus-Christ ».
Avez vous apprécié cet extrait ? +1
Edgar avait grandi dans la religion catholique, il ne l’aurait pas supporté : dix-huit ans d’une éducation stricte adossée à deux mille ans d’une morale rigoriste et antihédoniste, voilà qui vous fait ériger l’infidélité comme le péché suprême. Et bien sûr ils avaient déjà évoqué le sujet, si je te trompe, elle lui avait demandé, tu m’en voudrais? À mort, il avait dit. À mort. Vous, je ne sais pas, mais moi je vois la vie comme deux lignes parallèles : la première représente ce à quoi l’on aspire, ce que l’on voudrait être ; la seconde, ce que l’on est réellement m. Et bien sûr elles ne se superposent jamais tout à fait, mais tout l’enjeu est d’en réduire l’écart autant que possible. On ne mesure pas la réussite d’une vie à l’écart entre ces deux lignes, mais à l’effort consenti pour le réduire.
Avez vous apprécié cet extrait ? 0
date : 20-08-2021
Ils vont pas très bien ensemble mais de loin, j'aime bien voir cette petite famille sur la colline avec des moutons qui broutent têtes basses, sans se soucier de rien d'autre que de brouter. J'avais lu quelque part qu'il y a depuis la nuit des temps comme un accord tacite entre le mouton et l'être humain (sachant que le mouton doit être le premier animal qu'on a domestiqué). Cet accord tacite serait simple. Tu m'assures à manger et un toit pour l'hiver, tu me protèges contre les prédateurs. En échange, je te donne mon lait et/ou mes agneaux pour les manger et même éventuellement après quelques années, ma propre vie. Et c'est grâce à cette alliance que le mouton a réussi à préserver son espèce, en sacrifiant chaque individu. Et je me dis qu'au bout du compte, on pourra toujours se foutre de la gueule du mouton, c'est une espèce qui par rapport à ses possibilités de départ (c'était pas la mieux barrée pour survivre dans la nature), à l'arrivée, elle s'en sort plutôt pas mal.
Avez vous apprécié cet extrait ? 0
date : 19-08-2021
Et le pire, c'est que là, je réalise que j'ai jamais vraiment voulu changer le monde, j'ai toujours été content avec le Rock'n Roll, le tour de France, une Coupe du monde tous les 4 ans, des élections régulières, Terminator, Tetris, le Baby-Foot, un travail qui me plaît et le chômage quand ça me plaît plus ou quand y en a plus. La seule chose qui m'a vraiment toujours inquiété, ça a été ce que j'allais devenir, et quoi faire, surtout pas me faire chier dans la vie, après l'avenir de l'espèce humaine ou celui de la planète, je suis pas sur que ça m'ait jamais fondamentalement tracassé, je sais qu'on est en train de connaître la sixième crise d'extinction biologique, et même si parfois ça me noue les tripes, j'arrive toujours à me rassurer comme je peux. D'abord, est-ce que la vie terrestre pourrait vraiment disparaître? A moins d'une grosse catastrophe intergalactique (une nova, une collision avec une planète ou une aspiration par un trou noir ), on peut toujours se dire que la vie repartira toujours ici, à partir d'un cafard, d'une bactérie, ou de je sais pas quoi mais ca repartira forcément. Et si c'est possible qu'elle disparaisse, est-ce que c'est si important que la vie sur Terre persiste jusqu'à la Saint-Glinglin ? En fait, c'est pas tellement les espèces qui me touchent, c'est surtout les individus, ce qui me noue les tripes, c'est qu'un ours polaire meure de faim loin de sa banquise fondue ou qu'un homme agonise lentement dans la rue.
Avez vous apprécié cet extrait ? 0
date : 10-08-2021
Et le sentiment que ce couple est au-dessus de tout, le petit dernier commence à le ressentir comme une exclusion dont il se sert pour s'échapper dans son propre monde. On s'est longuement penché sur les blessures de l'enfance liées à la discorde, aux scènes de disputes et parfois à la violence entre parents. on en sait moins sur ces couples forteresses qui offrent à leurs enfants un front soudé, sans faille apparente et qui les renvoie à un étrange sentiment de solitude.
Avez vous apprécié cet extrait ? 0
date : 09-08-2021
Elle s'épanouit sans se poser trop de questions. Elle est légère et confiante, telle qu'ils ne l'ont jamais vue en France. Sa mère a remarqué combien elle s'applique à garder un équilibre subtil entre ses enfants et son mari, comme si elle craignait que d'être trop mère la rende moins femme.
Avez vous apprécié cet extrait ? 0
date : 07-08-2021
Ils s’étaient promis l’un à l’autre que rien ne viendrait entamer leur détermination, et ils ont tenu bon. Le souvenir de leur récent mariage leur revient avec ses images d’ivresse et de joie profonde, mais leurs mères ont créé une forme de malaise dont tout le monde se serait bien passé. Les pères ont fait ce qu’ils savent faire : boire en silence, sourire des yeux et essayer d’oublier la mélancolie de leurs femmes.
Avez vous apprécié cet extrait ? 0
date : 06-08-2021
La femme assise près de lui, un turban dans les cheveux, la mine plutôt blafarde, le nez légèrement crochu et l'air pincé est une normalienne communiste qui, pendant la guerre, a caché Pierre assez longtemps pour qu'ils couchent ensemble, sans en avoir vraiment envie, mais il est des circonstances qui favorisent les rapprochements éphémères. Celui-ci cependant, ne le sera pas, A la fin de la guerre, son père à rappelé le cousin à ses devoirs et il l'a épousée, un peu malgré lui. Ils n'auront jamais d'enfant, mais ils ne le savent pas encore.
Avez vous apprécié cet extrait ? 0
date : 06-08-2021
Elle a décidé de l'emmener voir "Jour de fête" de Jacques Tati au cinéma après le repas. La première rencontre avec un cinéaste qu'il va vénérer. Pourtant elle n'aura pas lieu ce jour-là. Les anciens de 14 ont dégainé les liqueurs en fin de repas, dans la tradition de ces déjeuners interminables qui commencent par la dispute politique pour finir dans la concorde des vapeurs d'alcool.
Avez vous apprécié cet extrait ? 0


Nouveau ? Inscrivez-vous, c'est gratuit !


Inscription classique

En cliquant sur "Je m'inscris"
j'accepte les CGU de booknode