Concerto pour un amour

Il marcha d’un pas vif jusqu’à un cabriolet bleu sombre garé le long du trottoir.

— Ne me dis pas que cet engin t’appartient !

— Jolie ligne, non ?

La jeune femme se pencha pour admirer l’habitacle luxueux de la décapotable.

— Mais Jon, il s’agit d’une Mercedes ! Que fais-tu de notre vœu de ne jamais posséder de voiture de cette marque ?

— Nous étions jeunes, en ce temps-là. D’ailleurs, je m’étonne de ta convoitise devant un véhicule que tu méprises.

— Ah oui ? Eh bien, regarde donc dans quoi je dois regagner mes pénates !

Elle indiqua de la main sa vieille Ford.

— Je te reconnais bien là, Westgate.

Vexée, Angela traversa la rue sans répondre. « Je te reconnais bien là », singea-t-elle. Jon ignorait tout d’elle ! En neuf ans, on ne changeait pas seulement sur le plan physique.

D’ailleurs, quand elle y repensait, cet imbécile prétentieux de Jon n’avait jamais rien compris à son caractère.

Une anecdote lui revint en mémoire : l’année précédant leur "rupture", Jon lui avait dédié une composition au piano. Angela se rappelait sa curiosité et sa fierté… jusqu’à ce qu’il la lui joue : il s’agissait d’une valse, la "Valse de l’Ange". Elle avait d’emblée détesté le morceau dont le rythme régulier et la mélodie un peu fade lui avaient semblé personnifier sa relation avec Jon, et dire en substance : "Voilà une personne qui ne me trahira jamais mais qui ne me surprendra jamais non plus."

Eh bien, si Jon Stoddard renouait avec elle, il verrait… Cela dit, Angela ne comptait pas lui en donner l’occasion. Elle allait faire en sorte qu’il avale son café au trot et déguerpisse sans plus tarder !