Sous le soleil de Grèce

1870

La jeune fille était arrivée la veille au château pour apprendre que son père venait d’organiser un steeple-chase. Celui-ci s’était déroulé la veille mais de nombreuses personnes séjournaient encore à Marlowe.

Mme Meadows, la gouvernante, lui avait donné la liste des invités. La plupart de ces noms étaient familiers à lady Lynda, car il s’agissait surtout de propriétaires d’écuries de courses.

Étant enfant, elle avait eu l’occasion de les apercevoir au cours des steeple-chases qui avaient lieu au château. Le soir, lorsqu’ils dînaient dans la grande salle des banquets, elle allait s’installer en cachette tout en haut de la galerie pour pouvoir les observer.

Plus tard, elle avait demandé à sa mère pourquoi on ne l’autorisait pas à partir en promenade à cheval avec les invités.

– Tu es trop jeune, ma chérie. Tu rencontreras assez de messieurs plus tard, après avoir fait ton entrée dans le monde, lui avait alors répondu la duchesse de Marlowe. Vois-tu, j’estime qu’une pensionnaire ne doit pas se trouver au milieu de messieurs plus âgés. Ce n’est pas correct.

En consultant la liste que Mme Meadows lui avait remise, Lynda avait remarqué un nom parmi les autres.

– Le duc de Buckington est donc ici ?

– Oui, milady, avait répondu Mme Meadows. Comme tous les ans, d’ailleurs.

– A-t-il gagné ?

– Bien entendu, milady. Mais beaucoup de gens ont dit que la compétition était faussée au départ, car il avait les meilleurs chevaux.

Lynda n’avait pas oublié ce qu’Alice Dalton, l’une de ses amies de pension, lui avait raconté au sujet du duc de Buckington !

Alice était la fille d’une des plus jolies femmes de Londres. L’une des plus coquettes, aussi… Lady Dalton cachait son âge véritable. Elle prétendait avoir vingt-neuf ans et pour maintenir la fiction, elle avait envoyé sa fille en pension et l’y laissait pendant presque toutes les vacances.

Le principal sujet de conversation d’Alice ? Sa mère, sa beauté et ses conquêtes… D’innombrables don Juan la poursuivaient de leurs assiduités et le duc de Buckington était au nombre de ceux-ci.

– Maman est folle de lui ! assurait Alice. Mais je ne pense pas qu’elle soit la seule qu’il courtise, cet homme a un vrai cœur d’artichaut !

Au début, Lynda n’avait pas très bien compris ce que lui racontait son amie. Était-il possible que lady Dalton soit infidèle à son mari ? Quand elle se rendit compte que c’était en effet le cas, elle fut très choquée.

Après de longues années de mariage, ses parents s’adoraient comme au premier jour et elle avait peine à les imaginer capables de s’intéresser à quelqu’un d’autre.

La jeune fille avait cependant jugé préférable de ne pas faire part de ses réflexions à son amie.

Selon Alice, lady Dalton ne vivait plus que pour le duc de Buckington et faisait preuve d’une jalousie de tigresse dès qu’il avait le malheur de regarder une autre femme.

« Elle a tort de s’être laissé entraîner dans une telle aventure, se disait Lynda. Mais le duc de Buckington est à blâmer bien davantage. Comment a-t-il pu séduire une femme mariée ? Il n’a donc aucun scrupule ? »