15h03, Tome 1 : A la recherche des McCall

Prologue

Juin 2006

8 h 00

En me réveillant à l’aube, je ne prends pas la peine d’enfiler mon attirail habituel : peignoir, chaussons et de descendre déjeuner la tête dans le brouillard. Non, ce matin, je suis en pleine forme et je cours directement ouvrir fenêtre et volets, pour découvrir si les prévisions météo sont correctes. Enfin ! La journée de grand vent tant attendue par les surfeurs de la côte méditerranéenne est arrivée !

Je saute dans ma combinaison, file au garage récupérer ma planche et je sprint en direction de la belle bleue tourmentée. Notre maison a l’immense avantage de se situer à trois cents mètres de la mer. Je dois reconnaître que je suis chanceuse de vivre dans ce cadre paradisiaque du sud de la France.

En arrivant sur la plage, je constate de nombreux adeptes déjà en position à guetter la bonne vague. Il n’est que huit heures, mais quand la passion est là, c’est plus fort que tout. À seize ans, je fais partie des plus jeunes. Peu importe, c’est une affaire entre ma planche, la houle et moi.

Je m’allonge sur l’eau et slalome au milieu de mes compères jusqu’à atteindre un endroit assez éloigné et tranquille. Avant d'affronter les vagues, j’aime me laisser bercer par la mer. Le vide s'installe dans mon esprit et chasse tous les tracas de l’adolescence. Le lycée, les devoirs, les garçons, les parents, les hormones ingérables qui nous pourrissent l’existence, et j’en passe. Je suis libre ici.

Je surfe un moment et je me rends compte que le temps s’est écoulé sans que je m’en aperçoive lorsque Lola, ma meilleure amie me rejoint. Quand elle nous fait l’honneur de sa présence, ce n’est jamais bien avant onze heures, grasse matinée oblige…

—     Salut poulette, me lance-t-elle en arrivant à mes côtés et en s’asseyant sur sa planche.

Je tiens à préciser que Lola ne sait pas surfer. J’ai pourtant essayé de lui apprendre, mais cela ne l’intéresse pas. Pour elle, ce n’est qu’un moyen de drague particulièrement efficace. Personnellement, je ne me sens pas concernée… et puis, en présence de Lola, la concurrence est rude. En résumé, nous sommes l’opposé : elle est blonde, je suis brune. Ses cheveux longs sont parfaitement lisses et brillants, les miens sont bouclés, indomptables et plutôt ternes. Il faut dire que je ne passe pas mes nuits avec un masque à l’avocat et à l’huile de ricin qui me gèle le crâne et m’empêche de dormir correctement… Et pour finir, elle doit faire un petit 36 alors que je frise le 40… Le seul atout que je possède, selon moi, ce sont mes yeux. Avec une couleur qui oscille entre le bleu et le vert, je les trouve assez jolis et uniques, mais à part ça, je me qualifierai de fille tout à fait banale. Seulement, les hormones mâles de seize ans ne sont pas compliquées et se mettent à frétiller du moment que Lola apparaît. Vous pensez bien que leur regard ne monte pas plus haut que les épaules lorsqu’elle se promène en bikini.

—     Hello, la marmotte s’est enfin levée !

—     Oui, et elle t’a apportée le déjeuner donc ne soit pas médisante.

—     J’avoue que tu marques un point. Merci ma belle.

12 h

Nous émergeons de l’eau, une heure plus tard et nous dévorons nos deux sandwichs jambon fromage et une canette de soda. Puis nous nous prélassons tranquillement à l’abri du soleil, sous le parasol que Lola a apporté. De mon côté, je n’en ai pas besoin, mais ma meilleure amie a une peau très sensible, et elle ne sort jamais sans son écran total.

14 h 50

Alors que Lola s’est endormie, je décide de retourner surfer. C’est incroyable comme cette fille peut s’assoupir n’importe où. Je me demande parfois si elle n’est pas narcoleptique.

Je remonte sur ma planche et rame assez loin pour être tranquille et profiter de ce cadre unique.

Mais, ma paix est rapidement troublée par l’appel de cet imbécile de Guillaume, un mec de terminal, terriblement beau, mais assurément tête de con !

—     Qu’est-ce que tu veux ? lui lancé-je sans me retourner.

—     Attention Madyson, derrière…

Mais je n’entends pas la fin… un petit voilier qui n’a rien à faire ici fonce droit sur moi. J’aperçois les passagers qui me font de grands signes, mais tout ce que je réalise, c’est que je vais mourir… Il est 15 h 03.

15 h 54

« Madyson Richard, 16 ans, trauma crânien, blessures au thorax et à la jambe. En arrêt respiratoire pendant vingt minutes, pouls faible, mais état stable »

-*-*-         

Ce jour-là, on m’explique que je suis restée inconsciente durant presque une heure. Autant vous le dire tout de suite, je ne me souviens de rien. Cependant, cette petite heure de lutte entre la vie et la mort a laissé certaines séquelles, enfin une plus exactement…