Les Berges du marais, Tome 1

Merci à notre amie Talou 61 de m'avoir accepté comme critique de son très beau livre - certains passages sont tout simplement beaux en effet comme certaines des pages les plus inoubliables des romans de George Sand. On s'attarde sur le paysage et sur les personnages en les décrivant avec un talent qui ne manquent pas de rappeler l'œuvre de la dame de Nohant.

Mais voici : il s'agit aussi de romans historiques, et le premier volet de cet ouvrage intitulé Les Berges du Marais vaut vraiment d'être lu par un grand nombre de lecteurs, car outre les qualités littéraires de son auteure, il met en évidence la solide connaissance qu'a cette dernière de l'époque qu'elle décrit, jusque dans le plus petit détail. On sent derrière les mots employés une solide documentation venir à l'appui de l'intrigue.

Tout commence par le départ d'une jeune provinciale de son village natal, pour des raisons financières, sa famille ne pouvant faire face aux besoins de toute la nichée. Et le voyage qui commence est tout à la fois une montée vers la capitale et vers la Révolution - nous sommes à quelque temps du déclenchement de celle-ci -, et ce voyage est aussi initiatique puisque l'on y croise un fervent lecteur de Rousseau.

L'attaque de la diligence par des voleurs nous en apprend un peu sur les moyens dont certains durent user alors pour financer les journaux et comités créés par le Tiers-État à la veille de l'ouverture des États-Généraux et aider quelques miséreux en délestant quelques riches de biens acquis sur le dos de la collectivité. On en est toujours un peu là, à toute époque, et les plus à craindre ne sont pas ceux d'en-bas - ceux-là ne font trembler que les gens bien possessionnés - mais ceux qui dirigent la société.

Ce roman nous éclaire sur les situations vécues qui expliquent pour une part le séisme de 1789, une bonne part restant toutefois explicable par les attentes d'une bourgeoisie en mal de reconnaissance et avide de prendre les commandes de la société et de l'État.

Ce beau roman permet de comprendre les motivations et les espoirs des gens qui firent la Révolution, et en même temps les aspirations de la majorité populaire, qui allait sortir déçue et insatisfaite par une Révolution qui n'alla pas plus loin que la satisfaction des revendications des bourgeois et des libéraux.

Je ne dévoilerai pas la succession de faits qui forment la trame de ce roman ; je laisse les lecteurs le découvrir et le savourer. Car c'est bien cela que vit le lecteur : ce roman est aussi appréciable sur la forme que sur le fond.

Talou est une écrivaine de talent et elle sait se faire l'avocate des personnalités qui firent la Révolution.

François Sarindar

Je ne suis pas spécialement férue d’Histoire, mais je ne déteste pas y plonger de temps en temps à travers un roman. Ce que j’ai fait ici puisque l’auteure nous transporte en 1788.

Nous allons suivre Laetitia Montou, une jeune fille de 16 ans qui vit en Angoumais (l’actuelle Charente), dans une famille pauvre de paysans. Les parents n’ayant plus assez pour subvenir aux besoins de la famille, les aînés seront placés comme journaliers. Laetitia, quant à elle, va aller à Paris, chez sa tante madame de La Pinsolle, veuve depuis longtemps d’un homme aisé. C’est elle qui va se charger de l’éducation de la jeune paysanne. Dans un contexte qui n’est pas très calme puisque la Révolution est en marche, la jeune fille va découvrir Paris, les idées révolutionnaires, les fourberies, la jalousie mais aussi l’amitié et peut-être même l’amour.

Un roman d’aventures dans lequel les rebondissements ne manquent pas.

Mais…

Côté écriture, je suis un plus mitigée. L’auteure est capable de très belles choses : ses descriptions de paysages sont pleines de poésie et totalement immersives ; le côté psychologique des personnages est assez bien rendu. Mais il y a des maladresses de style, comme par exemple des répétitions ; ce n’est pas bien méchant cependant. I l faut savoir que l’auteure a commencé à écrire ce roman à l’âge de 16 ans, ceci expliquant probablement cela.

Côté histoire : Le départ m’a laissé un peu perplexe. Un père pauvre qui a une sœur riche parce que bien mariée, pourquoi pas. Qu’elle ne l’aide pas, OK, peut-être sont-ils fâchés, ce sont des choses qui arrivent dans les familles. Mais alors pourquoi accepte-t-elle de s’occuper de Laetitia, lui payant voyage, vêtements et éducation ? Le remords ? Pourquoi Laetitia ne travaille-t-elle pas comme le reste de sa fratrie ?

Autre chose qui m’a étonnée : en 1788, le taux d’alphabétisation est faible. Très peu de femmes, surtout pauvres, sont capables ne serait-ce que de signer un document. Comment se fait-il que Laetitia sache lire et écrire, même si c’est imparfait ? C’est dans le domaine du possible, mais quand même hautement improbable.

J’avoue que j’ai eu un peu de mal avec ces deux points. Cependant cela n’enlève rien à la qualité de l’histoire qui reste agréable à lire une fois ces deux points acceptés. On voit Laetitia évoluer dans ses pensées et rencontrer des personnes qui ne sont pas forcément du côté des gentils.. Le climat de l’époque est également bien rendu. Les évènements se succèdent sans temps morts et l’héroïne est assez attachante.

En bref : Un moment de lecture pas désagréable du tout au final, avec une trame qui plaira aux amateurs du genre.