N'oublie jamais - Phamtom Tome 1

Prologue

Une odeur désagréable de rouille, un goût métallique sur la langue, mais surtout une vive douleur au-dessus de la tempe droite, premières constatations lorsque je reprends connaissance. J’ouvre doucement les yeux et porte ma main jusqu’à la plaie qui couvre mon pauvre crane, depuis combien de temps suis-je ici ? Pas beaucoup probablement, du sang encore frais vient s’écouler dans mon œil, ma vue ainsi troublée par un masque rougeoyant. Je suis dans une pièce sombre, froide, allongée à même la pierre humide du sol.

Je reste immobile, j’ai peur que le moindre mouvement n’attire l’attention sur moi. Je me concentre sur les bruits qui m’entourent mais le silence est accablant. Aucune respiration, pas le moindre bruit de pas, je suis pratiquement certaine que je suis seule dans cette pièce. Je regarde donc peu à peu autour de moi, toujours sans bouger, comme par peur que le moindre de mes gestes n’activent quoique ce soit qui signerait mon arrêt de mort. Un sceau, c’est de là que vient l’odeur de rouille, un genre de gamelle en ferraille, un vieil escalier en bois qui disparaît derrière un mur, c’est à peu près tout ce que je vois.

Je prends conscience des chaînes qui entravent mes gestes, solidement fixées à mes chevilles et à mes poignets. En voulant essuyer du revers de la main ce liquide pourpre dont quelques gouttelettes continuent à s’écraser sur le sol, à côté d’une flaque qui s’élargit peu à peu, je constate que le bout de mes doigts est affreusement douloureux. Je dépose mon regard sur ceux-ci, effrayée à l’idée de ce que je vais voir, et les larmes viennent bientôt se mêler au sang. Des larmes de colère, de désespoir,… Au bout de mes doigts, je constate que mes griffes mutilées ne me seront plus d’aucune aide pour me sortir d’ici.

Je me redresse alors, tentant de m’assoir dans une position plus ou moins confortable, je découvre que ce que je croyais être un vêtement un peu trop léger qui couvrait mon corps n’est en fait qu’une miteuse couverture nauséabonde, en si piteux états que je peine à cacher ma pauvre chair dénudée lorsque je l’attire sur moi. Encore une fois, je laisse mon regard traîner autour de moi. J’ai peur, je sens mon cœur battre la chamade, j’ai cette impression insupportable que quelque chose est sur le point de mettre un terme à la quiétude de cet endroit, qu’une créature terrifiante va sortir de l’ombre pour m’égorger, que le silence va laisser place à quelque chose que je ne serai pas capable de supporter.

Tentant de retrouver mon calme, je cherche à évaluer précisément les dégâts que mon corps a pu subir, mes souvenirs sont encore brouillés, je peine à savoir qui je suis, où je suis et ce qu’il a bien put m’arriver. Je sais juste que je n’ai apparemment rien de trop grave ou définitif, juste des contusions, des coupures et cette plaie plus profonde au crane mais qui ne devrait pas être trop problématique pour le moment. Rien de définitif ? C’est vite dit… Lorsque je tente d’améliorer ma position pour mieux voir ce qui m’entoure, une douleur particulière se fait sentir, une douleur qui ravive ma mémoire et qui me fait écarquiller les yeux d’horreurs. Je me souviens de ce regard halluciné, de cette perversité qu’appuyait ce sourire malsain, de ces mains qui frôlaient mon corps et de… Non, pas ça.

Dans la solitude de cette cave où j’ai été enfermée, je brise le silence d’un hurlement aigu et enraillé, probablement d’avoir déjà trop crié. Il s’agissait là de la seule chose qui m’appartenait encore, de cette dernière limite que personne n’avait jamais osé franchir, cette dernière chose qui m’assurait que je n’étais pas qu’une esclave, que j’avais une part d’humanité qu’il était encore capable de respecter. Plus que tous les coups, que toutes les privations et de tout ce qu’il m’avait déjà fait subir, cette évidence me dévaste, et au fond de mon cœur déchiré par l’humiliation d’avoir perdu cette seule chose qui m’ait vraiment appartenu, je ne peux m’empêcher de penser à un nom, à un visage, à un pauvre souvenir que je peux aujourd’hui oublier pour toujours. Le soleil ne brillera jamais plus