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Commentaires de livres faits par Shaynning

Extraits de livres par Shaynning

Commentaires de livres appréciés par Shaynning

Extraits de livres appréciés par Shaynning

date : 18-01-2022
Incontournable Janvier 2022

Pour ce petit roman de 2021 ( arrivé en 2022 au Québec), j'ai du faire quelques recherches, puisque le sujet en présence ne m'est pas familier. J'ai donc navigué dans cette histoire avec un regard complètement neutre, mais au final, je trouve que le sujet fait écho à une de nos réalité au Canada. J'y reviendrai.


Geronimo n'aime guère se lever tôt, mais sa mère a un petit rituel pour rendre le lever un peu moins pénible. C'est que Geronimo et sa mère sont le seuls à se lever aussi tôt, mais il y a une raison à cela, une raison qui a son importance aussi bien pour le jeune garçon que pour sa mère. Elle le conduit aux abords d'une école, trahissant une certaine nervosité, mais tout de même résolue. Geronimo a l'habitude. Il enchaine les écoles, il se heurte aux mêmes préjugés, mais il aime l'école, puisque sa soif d'apprendre n'a pas de limites. Et peut-être bien que cette fois, les choses pourraient se dérouler autrement?


Geronimo, après quelques recherches, semble faire parti d'une communauté tsigane, mais peut-être plus précisément les Sinti ( appelés aussi "Manouches" par les français). Ce terme a été employé par les trois imbéciles qui se sont moqué de lui dans la cours d'école et à en juger par leurs propos ( "pas touche manouche"), il le taxe de voleur.

Quelques vérifications sur des articles de sociologie m'indiquent que les "communautés roms" vivent de l'exclusion, assortis de termes péjoratifs et de préjugés telles que "voleur", "malpropre", "profiteurs de système", "mendiants", "délinquants". Certains parents, de part leur statut illégal au pays, craindraient d'envoyer leurs enfants à l'école. On peut déduire que la faible scolarisation qui en résulte doit accentuer les iniquités entre ces communautés et les citoyens français. Il existe beaucoup d'enjeux politiques et sociaux les entourant.


La situation des Sinti me rappelle tristement celle de nos autochtones, ici au Québec, à ceci près qu'ils constituent les premières nations et non des immigrants illégaux. Néanmoins, ils ont pratiquement les mêmes stéréotypes et vivent une forme de stigmatisation systémique. Actuellement, c'est un sujet qui connait une bonne progression dans la bonne voie. Je me demande ce qu'il en est pour les communautés nomades de la France?


Donc, dans ce récit où la Nature et la philosophie animent chaque pages, Geronimo nous parle de cette carapace qu'il s'est construite pour survivre dans les écoles, de ces jugements dont il est la cible ( par exemple: sa voisine de classe va cacher sa belle gomme à effacer dans son étuis à crayon) et de sa perception du monde autours de lui, qui le fascine. Il fera la connaissance d'un professeur, Monsieur Chouraud, qui prendra sa défense quand aux trois brutes qui se moqueront de lui:

"[...] je ne capte pas tout ce qu'il hurle mais j'attrape quelques mots au passage. "Fraternité"."Imbéciles"."Honte"."Accueil". "Mon pied aux fesses". "Égalité". Et aussi "cerveaux de poulets". Bref, ça gonfle." ( P.76).


Bon, sans cautionner les insultes d'un prof à ses élèves, c'est tout-de-même touchant de voir deux des trois grands mots de la devise de la République Française servir son discours inclusif. La passivité fasse à la violence faite aux autres est aussi terrible que les auteurs de cette violence eux-même.


Mais au-delà du sujet de l'inclusion et du respect, il y a aussi la culture de ce groupe que je connaissais pas vraiment ( autrement que dans Notre-Dame-de-Paris). le concept de "Michto" ( terme romani) qui "qualifie toute chose qui apporte une sensation agréable et plaisante, avec une notion de plénitude sans équivoque" est un exemple ( Ref.Dictionnaire français Internaute). On nous parle aussi de la tente centrale, des caravanes, de la vie en communauté.


J'ai trouvé le personnage de Geronimo teinté d'une sagesse rare chez un jeune de son âge, avec un rapport à la Nature fort et d'une intelligence certaine. C'est un curieux et un philosophe. Il aime le soccer/football, les oiseaux, le chocolat au lait et la guitare. Il est également très perceptif. Bref, pas le portrait le plus courant de la littérature jeunesse.


Et que dire de cette plume rêveuse, capable de dire autant de choses en peu de mots. J'ai été porté par cette plume comme sur une brise, ça se lit comme une chanson. C'était beau et triste tout à la fois. Je souligne aussi que pour quelqu'un comme moi qui ne connait pas trop le sujet, comme peut-être certains français, on ne nous donne pas tous les indices en une fois. On apprend progressivement qui est Geronimo et l'enjeu l'entourant. On nous laisse deviner. Déjà, on commence dans la caravane, ce qui peut étonner, mais sans nommer qui ou quoi que ce soit. On se contente de suivre le personnage. J'ai réalisé l'enjeu quand on est arrivé à l'école, avec le comportement des autres personnages. Là j'ai percuté, et là, ça a fait mal. Parce que Geronimo ne mérite pas ce traitement. Ni aucuns enfant d'ailleurs.


Mention spéciale à la maman, qui est la seule à envoyer son fils dans une école, malgré ses craintes et ses appréhensions, parce qu'elle "sait". Elle connait la curiosité de son fils et voit son potentiel, et malgré l'inconfort, l'accompagne chaque matin aux portes d'écoles différentes.


Le dessin sert bien son sujet. Il est simple, un mélanges de lignes sketch à la plume noire, avec des clairs-obscurs de gris et un unique cyan/bleu comme couleur. Un bon choix, je trouve, parce que le bleu est naturellement apaisant pour l'esprit humain.


J'ai beaucoup aimé ce petit roman, différent, instructif, humain, avec une plume poétique qui peut rejoindre plusieurs lectorats dès l'école primaire. On s'attache sans peine aux personnage, on ressent bien leurs émotions. Un hymne à l'ouverture d'esprit, à l'inclusion et au partage.


Pour un lectorat du second cycle primaire, 8-9 ans et plus.
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Membre de la fratrie "Petit Poucet" des éditions Québec Amérique, "Le trésor des vikings" est un petit roman débutant humoristique sur le thème du mensonge et de l'imagination.

François, enfant à l'époque, nous raconte comment un jour d'école, il a oublié son sac et a du revenir le chercher à la maison, ce qui, bien sur, le mit en retard! Ses frères et soeurs lui avait raconté des choses terribles au sujet du directeur d'école, qu'il frappait les enfants avec une baguette de bois ou une ceinture de cuir pour les punir. François avait donc peur que cela lui arrive et une fois dans le bureau, trouva une excuse: c'est à cause de mon chat! le directeur l'invite à s'expliquer. François commence alors à tisser une histoire fabuleuse, dont il espère seulement ne pas tomber en panne d'inspiration.

Bon, avant d'avoir une nuée de commentaires sur le fait qu'on ne frappe pas les enfants, replaçons les choses dans leur contexte. Oui, à une époque bien révolue, il était normal de sévir physiquement dans les écoles. Alors oui, les baguettes de bois et les ceintures de cuir servaient à battre les fesses et les mains des enfants "pas sages". Dans le livre, François explique qu'assurément, la police interviendrait si d'aventure un directeur avait ce genre de comportement de nos jours, mais rassurez-vous, c'est bel et bien terminé depuis longtemps. Mais cela explique pourquoi François avait "peur" du directeur.

D'ailleurs, ce directeur ne l'a pas frappé, il a même encouragé son histoire. Au final, quand il lui demande la "vraie raison de son retards", François dit la vérité au sujet de son sac. le directeur salue sa franchise et le remercie même pour son récit très créatif peuplé de vikings, de trésors, de machines à freiner le temps, de passages secrets et de clé magiques. Il l'invite même à écrire un jour, ce que François a effectivement fait. C'est même un auteur jeunesse incontournable en littérature jeunesse québecoise.

Le récit de François est entrecoupé des tâches du directeur, ouvrant une rare fenêtre sur le quotidien d'un directeur/directrice d'écoles, avec ses formulaires, ses appels, des situations à gérer, etc.
Cette fameuse boîte à musique qui freine le temps me fait énormément penser à celle du jeu Fable II. Physiquement, elle est identique et elle permet de faire des voeux magiques. Clin d'oeil?

C'est une histoire rigolote, qui sort le directeur de son rôle ingrat et met en avant plan la beauté de l'imaginaire d'un enfant. le tout est agrémenté d'illustrations un peu sketchy au crayon plomb coloré à la peinture à l'eau.

Pour un lectorat débutant de premier cycle primaire, 7-8 ans.
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date : 17-01-2022
Nouveauté 2022, "Soutif" est un petit roman d'à peine 100 pages sur le thème des brassières/soutient-gorge/soutif, mais aussi sur une amitié improbable et naviguant sur certains stéréotypes de genre. Si certains éléments m'ont fait sourire, d'autres m'ont laissé perplexe.

Pauline a 13 ans et ses seins commence à pousser, ce qui n'est pas pour lui plaire. En voulant acheter des soutient-gorges, elle fini plutôt par en voler cinq. Son grand frère Pierre réussit à négocier une "réduction de peine" avec le gardien de sécurité, qui propose à Pauline d'aider sa nièce Pénélope, qui a des difficultés scolaires. Mais au final, c'est une amitié qui est en train de se bâtir entre les deux adolescentes. Pauline lui fait découvrir des passions et Pénélope l'aide à trouver enfin un soutient-gorge confortable.

Il y a quelques éléments qui m'auront plu dans ce roman, à commencer par le projet scolaire de Pauline, qui nous fait un rapide survole historique de l'évolution des soutient-gorges. Aussi, ça m'aura fait sourire quand Pauline évoque le fait que les bals de fin d'années est un cliché typiquement états-unien sorti des séries ( quoique ce fameux bal de fin d'année est bien réel) et qu'il serait temps de cesser de copier tout ce que font les état-uniens au profit d'idées plus françaises. Je suis bien d'accord, les USA ne sont pas le nombril du monde, mais ils agissent souvent comme tel, encourager par le fait que les autres pays calquent leur culture ( beaucoup trop). En outre, j'ai apprécié cette amitié naissante basée sur le partage.

Dans les éléments qui m'ont moins plu ou qui m'ont semblé ambigus, il y a le fait que nos ados se retrouvent à boire de la bière dans un bar ( 18-19 ans pour consommer dans un bar au Canada), le fait que Pénéloppe ait affirmer que la taille 85 C est parfaite ( pas génial de hisser un seul type de poitrine au sommet de toutes les autres, on a du mal déjà à faire accepter leur corps aux ados filles) et la présence de stéréotypes. Pénéloppe est le stéréotype de l'ado rebelle: cheveux colorés, fumeuse, tatouée, traite avec des plus vieux, boit de l'alcool ( à 13 ans), porte des vêtements aguicheurs et est en train de se planter dans ses études. Pauline est la jeune fille studieuse à l'école, physiquement plaisante, qui a une famille et un style vestimentaire et capillaire "standard". C'est très cliché. Même l'amitié entre les deux l'est. Et évidemment, qui dit "bal dansant" dit "premier baiser", un peu décevant quand on entend la protagoniste affirmer qu'elle ira seule au bal ( ou avec son frère). Pour une fois qu'on avait une fille indépendante. Enfin, je n'ai vraiment pas saisi les raisons de Pauline de voler ses brassières, ni cet "état second" dans lequel elle semblait plongé au moment du méfait.

C'est une histoire somme toute légère, qui se veut comique ( mais d'un humour assez plat, pour mes goûts personnels) et où tout fini bien dans le meilleur des mondes. Même la mère de Pénéloppe, qui a eu une vie difficile, fini par trouver du travail, après avoir parler deux minutes avec Pauline . Quelle prise de conscience miraculeuse! ( Notez le sarcasme) Et Pénélope, comme par hasard, se découvre deux talents que possèdent également Pauline et son amie Justine. L'intervenante en moi trouve tout ça utopique et peu crédible, mais bon, c'est le genre de roman qui se veut léger.

Les dessins sont jolis, mais je trouve qu'on a encore ce genre de modèle féminin ultra mince, limite maigre en avant plan, avec Pauline et Pénéloppe. Les mains sont bien faites, ceci-dit, et les personnages ont des têtes mignonnes.

C'est donc un roman qui place une jeune fille qui a du mal avec l'éclosion de ses seins, qu'elle traite d'encombrants, et qui aura eu du mal avec les soutient-gorge. Je trouve un peu étonnant que la mère n'ait pas aiguillé sa fille plus que ça. Mais à mi-chemin du roman, on bascule du thème des brassières à celui de l'amitié. Ça ne m'a pas renversée, ni particulièrement interpellée. C'est mignon, mais basique. Peut-être m'attendais-je à plus d'introspection sur l'enjeu féminin, à la manière du roman "Le poids de la couleur rose", mais ça reste très de surface. Ce n'est pas mauvais, mais pas remarquable.

Pour un lectorat du troisième cycle primaire, 10-12 ans.
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Incontournable Janvier 2022

Je remercie les éditions Québec Amérique pour ce service de presse envoyé à ma librairie.

Il faut que je vous parle en premier du titre, que les québecois, à n'en pas douter, vont comprendre les deux références, mais peut-être moins nos amis d'Europe. Bon, j'imagine que la référence à "Star Wars" sera vite reconnue, mais "La guerre des tuques", biffée juste en dessous, est une référence à un film jeunesse culte de la Belle Province, dans lequel des enfants créent une guerre de toute pièce, forts de neige, balles de neige et batailles inclus. Une "tuque" est un bonnet qu'on porte sur la tête en hiver, souvent faits de grosse laine. Ce film met en lumière l'absurdité et les dommages de la guerre, la fin se soldant sur un drame.

Donc, cette entrée en matière faite, qu'est-ce que la "guerre des pupitres"? Dans une classe de 4e année primaire, celle du professeur Olivier, c'est le grand amour. C'est que monsieur Olivier, adepte de l'univers des Jedis, utilise le thème de la Guerre des étoiles pour faire fonctionner son groupe. Et un jour, après un coup de fil, Monsieur Olivier ne revient plus à l'école. Des suppléants se succèdent durant les semaines suivantes, mais le groupe se désorganise et réclame leur professeur tant apprécié que nul suppléant ne saurait remplacer. Bientôt, Michèle, notre protagoniste, rassemble les membres de sa classe pour une riposte. La résistance s'organise et une barricade est érigée. Nos jeunes padawans sont-ils doucement engagées sur la voie qui mène au côté Obscur de la Force?

C'est un petit roman à courts chapitres, ponctué de bonhommes allumettes variant les poses de yoga sur fond noirs pour les pages qui marquent les chapitres, dont les noms sont eux-même des références à la Guerre des étoiles, bien souvent.

Comme je vois très souvent des romans intermédiaires à saveur scolaire traiter de profs invivables et moralement questionnables, ça me fait un velours de voir un prof qui est compétent, créatif et qui aime sincèrement ses élèves. D'autant plus que c'est un jeune professeur masculin, qui sont encore la minorité de genre dans le milieu scolaire. J'adore sa façon d'avoir organiser son système de gestion de classe autours d'un thème comme celui de la Guerre des Étoiles, articulant un système d'émulation positif dans lequel les étudiants gagnent aussi bien individuellement que collectivement des privilèges. En outre, ce système est basé sur le renforcement positif ( ajout d'un avantage), bien meilleur ( prouvé scientifiquement) que la punition positive ou négative ( ajout d'un désavantage et retrait d'un avantage).

Ici, une petite explication s'impose par rapport à ces "suppléants". Au Québec, le système d'éducation publique ( celui qui est gratuit) souffre d'un manque de mains d'oeuvre et aussi d'une bonne gestion. Des groupes éparpillés dans d'autres classes, des enchainements de profs suppléants et des profs qui tombent malades ou quittent subitement, c'est devenu fréquent ( et pas très surprenant). Ce que vivent les étudiants de la classe de Monsieur Olivier est donc assez réaliste quand au contexte actuel des écoles publiques.

Le noeud du problème, à mon avis, est le fait que les enfants de la classe de Monieur Olivier ne sont pas mit au courant de ce qui arrive. Ils ne sont pas inclus dans les décisions, en plus de ne pas savoir ce qui arrive à leur professeur. Pire, cette succession de profs crée un climat chaotique, dénué de routine et favorisant des comportements inadéquats. Certains sont même en forte réaction, comme Cédrik, qui semble être une sacrée bougeotte.

Dans ce contexte, les enfants décident de prendre les chose "en mains", mais leur "stand-up" et leur barricade digne de la Révolution Française ne les aide pas dans leur cause et met même un sacré foutoirs dans leur classe. Comment canaliser leur grogne et leur désespoir?

C'est Karelle, prof de yoga des parents de Michèle, qui va trouver une astuce. Plutôt que de contraindre les élèves ou de leur imposer des règles comme ses successeurs, elle prend plutôt le pari de les écouter. Pas seulement de les écouter sur leur ressentit, mais aussi de parler de leur professeur. Pourquoi leur manque t-il? Pourquoi est-il si formidable? C'est la base en intervention sociale que de faire de l'écoute active, comment pourrions nous comprendre les enjeux autrement? Et surtout, comprendre les émotions que vivent ces enfants laissés sans prof et sans infos, qui relève pas de la simple frustration d'être laissé en plan, mais aussi dans l'ignorance et d'un certain désintérêt. Les enfants ne sont pas cons, ils méritent d'être inclus dans ce qui les concerne directement. Leur opinion est importante et permet même de mettre en place des mesures adaptées.

Ici, la mesure d'adaptation est celle du yoga, puisque Karelle en est un fine connaisseuse. Non seulement elle permet de canaliser les émotions, mais c'est aussi une activité physique, c'est bon pour le corps. Ça ma fait sourire qu'elle soit capable ( et avisée!) de faire un pont entre le yoga et le thème central de cette petite classe. Savoir être un bon Jedi requiert aussi de savoir "entraîner leur force intérieure", comme il le souligne. Un bon point pour elle!

De manière générale, un élément qui m'a interpellé dans ce roman sympathique est cette idée de clivage entre adultes et enfants, en témoigne le paragraphe précédent.
Établir un dialogue et donner des responsabilités à nos jeunes les valorise, ils se sentent importants et inclus. Ils seront donc plus enclin à ne pas prendre les adultes pour de simples figures d'autorité et des rabat-joie. Monsieur Olivier l'a très certainement comprit et mit en application.

Aussi, j'aime que ce soit enfin une FILLE qui soit la meneuse de la classe. Michèle a de l'entregent, un certain aplomb et elle a des idées. Ça fait plaisir à voir! En outre, le groupe a grandi et s'est davantage soudé, dans ce "conflit". Comme quoi même les évènements qui nous semblent négatifs peuvent se solder avec un apprentissage et/ou un avantage.

En fond, nous avons toute l'idée de l'adaptation, avec cette classe sans prof, ce directeur dépassé et ce petit écureuil qui vient écouter la musique du père de Michèle. le changement requiert de l'apprivoisement.

Enfin, j'aime cette idée que les étudiants aient apprit des choses à Karelle, parce qu'un vrai apprentissage est un partage, il faut qu'il ait deux directions. Autrement, on est dans le rapport de force et ça n'a pas sa place dans les classes modernes ( mon impertinent avis, bien sur).

Un roman facile à lire sur un thème somme toute nouveau et porteur de pleins de beaux messages, sur une classe solidaire et vive d'esprit qui ne souhaite que le retour de leur professeur bien aimé.

Pour un lectorat du second cycle primaire, 8-9 ans en montant.
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Incontournable Janvier 2022

Je remercie les Éditions Québec Amérique pour l'envoi de ce service de presse à ma librairie.

"Au chaud dans mon coeur" est un nouvel arrivé 2022 dans la collection Petit Poucet, une collection pour le lectorat 7-8 ans, environ, que j'affectionne particulièrement pour la qualité de ses romans. J'estime que nos jeunes lecteurs débutants ne méritent pas moins de bonnes histoires pertinentes et actuelles que les plus vieux, Québec Amérique et ses auteurs/autrices semblent l'avoir bien comprit.

Axé sur le thème de la perte d'un être cher, ce petit roman aborde donc un sujet qui peut sembler lourd, mais qui est manoeuvré avec beaucoup de douceur et de beauté, autant pour le texte que pour le dessin.

Mélodie a 8 ans et est la narratrice de cette histoire, avec ses tournures parfois amusantes telle que "le cerveau est caché en dedans des os de la tête" ( que je vois un lecteur oser appeler ça une "faute"!) Elle est la benjamine de sa famille, composée de ses parents , de son grand frère David, 17 ans, et sa grande soeur Catherine. Un jour, David se fait heurter par un véhicule, alors qu'il se déplaçait en vélo. D'abord plongé dans le coma, il fini par décéder. La petite famille est endeuillée. Ils ont néanmoins fait le choix du don d'organes, pour sauver des vies. Pour la petite Mélodie, il importe de mettre des mots sur les émotions, de cultiver le souvenir de son frère tant aimé et d'être soudés en tant que famille. Ils aménage la chambre de David en espace de lecture, les murs truffés de photos de lui. Mélodie passe aussi du temps avec son ami Zak, qui a un nouvel animal de compagnie. le jeune garçon a pour sa part perdu un chien, dans des circonstances similaires, et se montre très à l'écoute de Mélodie et la laisse même donner tout l'affection qu'elle veut à son chat Lune. Un an après le drame, il lui arrive encore de ressentir des émotions vives au souvenir de son frère, mais parfois seulement. La vie continue et son frère "vit" dans le coeur des membres de la famille, bien au chaud et toujours autant aimé.

Il existe encore un certain "tabou" en jeunesse sur le thème de la mort. Ça rend les parents frileux, un peu comme si on ne voulait pas exposer les plus jeunes à cette réalité. Pourtant, la mort est la seule certitude que nous avons dans la vie et elle ne fait pas sa difficile sur l'âge de ceux qu'elle emporte. La mort nous concerne tous. La seule différence, en ce qui concerne la jeunesse, c'est le choix des mots et la façon de l'aborder.

En Intervention à l'enfance, les spécialistes préconisent la franchise, soit de dire les choses telles qu'elles sont pour éviter toute ambiguïté. Ne pas dire "dormir" à la place de "mourir" par exemple, autrement, on pourrait créer une crainte concernant le sommeil. Dans ce roman, c'est franc et clair. David est "mort". Il est passé par le stade comateux avant, ce qui a rendu les circonstances encore plus difficiles. On a nourrit l'espoir qu'il revienne et cet espoir a été déçu.

Par contre, et là l'autrice a bien manoeuvré, on traite de la suite avec doigté. Parler des émotions est une première chose importante, parler de la personne également. On aurait pu plus parler des différentes émotions plus en profondeur, même, comme la colère, la déni, etc, mais on a la contrainte du format de 64 pages. On voit quand même la progression de l'état émotionnel de Mélodie, c'est très bien.
On aborde même le volet "don d'organe", un élément qui, en effet, sauve des vies. Mélodie y voit même dans ce don un acte héroïque: "mon frère est un sauveur!" J'aime aussi que les personnages aient cette propension à se parler, à cultiver le souvenir du disparu pour vivre leur deuil. Ultimement, l'idée qu'il "vit dans le coeur des membres de la famille" peut être une belle approche. C'est un peu abstrait, mais c'est une croyance qui peut rassurer quand au fait qu'il n'a pas entièrement disparu. C'est d'ailleurs une croyance très cultivée au Mexique, avec l'idée qu'on meurt deux fois: une fois physiquement, une seconde quand plus aucun vivant ne cultive votre souvenir. Je trouve personnellement cette approche plus positive que celle que véhiculait la religion chrétienne, autrefois, au Québec, très silencieuse, froide et quasi punitive. Cette approche permet de continuer à aimer les gens au-delà de la mort, c'est permettre à un beau sentiment de rester vivant. Et cette idée d'espace de lecture avec photos, c'est génial, comme idée! Bien mieux qu'une impersonnelle pierre tombale très loin de la maison - mais là c'est propre à chacun.

J'ajoute que si de nombreux albums jeunesse traite de la mort et du deuil, plus souvent qu'autrement, il s'agit des grand-parents, âgés ou malades. Il est plus rare d'aborder la mort des jeunes, que ce soit un ami, un camarade de classe ou un membre de la fratrie. En ce sens, ce roman aborde donc une mort encore plus "taboue".

Côté illustrations, c'est chaleureux, tout en rondeurs, avec une palette apaisante. L'image de la couverture revient dans le roman, et c'est un excellent choix, que cette ombre du grand frère, alors que Mélodie a la mains porté à son coeur. Ça veut tout dire! Une image qui vaut milles mots, j'adore.
On a également la présence rapide de la zoothérapie avec Lune, un facteur de résilience à ne surtout pas sous-estimer. La présence des animaux et leur formidable instinct en font d'incontournables supports psychologiques et canalisateurs d'émotions . Et qui n'aime pas un bon câlin bien poilu?

Le tout est écrit dans un français très accessible, international ( sans prédominance d'un jargon spécifique de la francophonie), du niveau d'écriture des plus jeunes, dans des termes simples et des phrases courtes.

C'est donc encore une belle réussite pour un membre de la fratrie Petit Poucet, dont l'autrice nous a d'ailleurs donné un autre roman de la collection, "Belle famille, Malik", lui aussi très beau. Dernier petit constat - qu'on ne fera plus un jour parce que sera la norme, espérons-le - le père est caucasien et la mère noire, ce qui donne trois beaux enfants mulâtres! La diversité ethnique mérite encore d'être mentionnée, car ce n'est pas encore au point...mais ça s'améliore beaucoup!

Pour un lectorat à partir de 7-8 ans.
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Incontournable Janvier 2022


Mon premier roman 2022 est un petit récit tout en douceur, d'une autrice québecoise, par la maison d'édition Québec Amérique, et réjouissez vous, professeurs, parents et bibliothécaires, on a ENFIN un roman qui aborde le transgenre parental pour le lectorat 8-9 ans! Du moins, à ma connaissance.


Philémon est un jeune garçon de 10 ans et, comme il nous le dit d'emblée: il est "l'homme de la maison". En 2013, son père Louis décide de franchir le pas et laisser place à la femme qu'il a toujours été au fond de lui. Pour Philémon, ce changement bouscula bien des choses, à la manière de cet ouragan, Ingrid, qui passa cette année là sur les États-Unis. D'ailleurs, Louis choisi précisément ce prénom pour entamer sa vie en tant que femme, aux abords de la quarantaine. "Ingrid" donc. Désormais, Philémon est partagé entre ses deux mères, qui sont demeurées très proches et ont acheté un duplex, de manière à élever leur enfant avec une bonne proximité. Philémon nous parle des sourires radieux de sa seconde maman, qui adore porter tous ces vêtements colorés qu'elle ne pouvait pas porter, se faire des couettes et tous ces petits bonheur d'être enfin fidèle en dedans comme en dehors à son idéal de soi. L'ombre au tableau? Noam, un de ses camarades de classe, se moque allègrement de cette "homme-femme", en des termes parfois bien blessants. Un jour, cependant, lors d'un projet de classe, sa camarade Laurence propose de prendre sa mère transgenre comme sujet d'oral, sous le thème du courage. Philémon devra donc apprendre à surmonter ses craintes.


Comme je le disais plus haut: enfin un roman sur le sujet des transgenre pour ce groupe d'âge! Je n'en connais pas d'autres, mais bon, j'imagine que ce n'est pas le tout premier non plus.

À la fois doux et facile à lire, on aborde le sujet avec délicatesse et du point de vue de l'enfant. Ici, c'est un papa qui devient une seconde maman. On ne cache pas que ça cause des remous une transformation pareille, mais on axe beaucoup le tout sur le facteur temporel. Ça prend du temps, ça nécessite qu'on s'habitue et que des changements progressifs s'insèrent dans le quotidien. J'aime également beaucoup qu'on insiste sur le bonheur de la personne qui peut enfin assumer son genre pleinement, avec tous les petites joies qui vont avec, comme le choix vestimentaire.


J'aime aussi qu'on suive les pensées de Philémon, qui normalisent les divers états d'esprit qu'on peut avoir face à un changement majeur. On peut aimer inconditionnellement son parent, mais avoir des craintes, des émotions contradictoires et des questionnements reste normal. Surtout la crainte du jugement des autres - le fameux "regard d'autrui"- face à la différence. Ce peut être aussi blessant de se faire juger que de voir le parent en question se faire juger.

Dans cette optique, j'aimais l'allégorie des papillons, noirs pour la honte et la colère, roses pour la tendresse et l'affection, dont le mouvement dans son abdomen viennent avec les grandes émotions. Philémon affirme d'ailleurs que c'est un des avantages d'Ingrid: le pouvoir de changer les papillons noirs en rose.

Au final, c'est le projet des enfants sur Ingrid qui permet ce qui est la meilleure façon de traiter la différence: en parler. Si certains peuvent devenir mesquins par crainte de ce qu'ils ne comprennent ou ne connaissent pas, reste que la majorité des gens, en l'abordant et en en discutant, finissent par devenir curieux et à terme, sensibilisés. C'est pourquoi c'est d'autant plus important de parler de la diversité auprès des jeunes, qui ont en plus une plus grande ouverture d’esprit que les adultes.

C'est un beau petit roman simple ( pas simpliste!), du genre qui arrache des sourires et des rires attendris, avec en appui des illustrations dont la douceur rappelle celle du texte, et qui met en lumière la beauté de l'identité assumée, de la famille solidaire et aimante et du pouvoir de l'éducation.

Ah, et j'aime le nom du chat: "Croustillon".

Pour un lectorat du deuxième cycle primaire, 8-9 ans en montant.
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Roman paru en 2020, essentiellement inspiré de personnes ayant réellement existé et œuvre témoignage des enfants laissés pour contre d'un pays aussi inégal socialement que dramatiquement surpeuplé, "De l'autre côté du pont" est une incursion très réaliste dans cette Inde qui ne dispose pas des moyens de venir offrir le minium de qualité de vie à ses enfants des rues. Mais c'est aussi une tribune pour ces gens mobilisés qui veulent les aider et une histoire touchante d'enfants débrouillards ayant à grandir plus vite pour survivre. C'est également un magnifique histoire d'amour sororal.


Viji et Rukku sont sœurs, et après une énième altercation avec leur père violent, qui cette fois à lever la mains sur elles, les sœurs quittent le foyer familial. Pour Viji, la cadette, il est de son devoir de prendre soin de sa sœur, qui a un handicap d'une nature qui n'est pas précisée dans le roman, mais qui semble se traduire par une forme de déficience intellectuelle. N'empêche que Rukku, à défaut de faire des phrases complexes, faits de magnifiques colliers avec des perles! Bref, les deux jeunes filles vont devoir apprendre à subvenir elles-même à leurs besoins, jusqu'à ce que leur route croise celle d'un petit chien et de deux garçons, Arul et Muthu, des rues, qui habitent un pont vétuste et travaillent en tant que chiffonniers ( des trieurs de matières recyclables pigées à même les monticules d'ordures des décharges). Leur quotidien sera rythmé par leur travail salissant et puant, la création des bracelets de perle, de chapardage de nourriture de mariage, d'altercations avec des gangs rivaux, de pluies diluviennes, de thé chaï et de milles autres petites anecdotes. Jusqu'au jour où une épidémie semble rafler de plus en plus d'enfants, la dengue.


Comme bien des romans qui portent sur des enjeux sociaux et sur une réalité difficile, l'autrice ( une océanographe, comme c'est original!) a eu le bon goût de garder le tout simple, sans grandes phrases alambiquées ou scènes hollywoodiennes. C'est Viji qui raconte et petite différence ici, la narration au "je" côtoie de près la narration au "tu". Un élément qui traduit assez bien l'importance de Rukku aux yeux de Viji, mais qui aura aussi donné un indice sur la fin, vu le temps de verbe choisi.

La sororité, puis la fraternité ( sans filiations de sang) sont des thèmes majeurs. La collaboration, le soutient, le partage, l'empathie et l'entraide sont des valeurs fortes au sein du petit quintuor. J'imagine qu'il doit être plus simple de survivre au sein d'un groupe dans la rue, car on en croisera d'autres.


Le sort des enfants est bien sur l'un des thèmes les plus marquant, pas seulement pour les enfants orphelins déambulant des les rues, mais aussi pour les enfants en situation de handicap ou vivant avec un trouble. Contrairement à nos pays occidentaux, l'Inde semble avoir bien du mal à intégrer ses enfants à besoins particuliers, pas seulement d'un point de vue des institutions, mais aussi de la conception même du handicap, perçu, me semble-t-il, comme une tare, une honte qu'il faut cacher. On semble confondre handicap et maladie mentale, même. Pourtant, Rukku nous le montre tout le long du roman, elle a de belles forces, elle a une perception des choses très pure et très empathique. Même Viji est obligée de reconnaitre qu'elle tente souvent de la couver alors que Rukku est capable de prendre des décisions.


Puisqu'il est question des personnages, sachez que celui de Viji est inspiré d'un jeune fille réelle, nommée "Indira", et que les personnages de Muthu, Arul et Rukku sont également inspirés de personnes côtoyées par l'autrice.
La maison de madame Célina est inspirée d'organismes réels également, qui prennent en charge des enfants des rues pour leur fournir les besoins primaires telles qu'un toit, de la nourriture, des médicaments et une éducation. Quatre pages de notes de l'autrice , à la fin, vous en diront plus sur les éléments réels qui composent ce roman.


Il est si rare d'avoir une vue de l'intérieur de l'Inde en littérature jeunesse. Pour moi, il s'agit de mon premier roman sur ce pays, écrit par une indienne. On trouve d'ailleurs un glossaire au tout début du roman qui nous traduit les termes en tamoul, l'une des nombreuses langues parlées en Inde. Le roman a été rédigé en anglais indien, d'ailleurs et si cela vous étonne, sachez que l'Inde appartenait à l'Angleterre autrefois, ça n'a donc rien de surprenant.

On a aussi un rare aperçu de l'Inde ici, avec ses castes sociales extrêmement inégales, ses nombreuses religions qui se côtoient - pas toujours dans la paix hélas- ses mets épicés, ses enjeux sociaux, sa Nature et ses festivités. Un bref, mais intéressant plongeon dans la culture de ce pays si peu représenté en littérature jeunesse.


Que dire de plus sinon que ce roman m'a ému aux larmes, pas seulement pour toute cette joie et peine amalgamées ensemble, pas seulement pour le sort misérable de ces enfants ou pour ces étranges gens faussement altruistes qui leur fond la charité pour flatter leur égo, ou pour ce pays qui est si rude envers les femmes, mais surtout parce même dans ces endroits où on pense ne trouver que de la laideur, on y trouve finalement aussi beaucoup de beauté. Incroyable de voir à quel point des enfants peuvent murir si vite, se montrer résilients, débrouillards et solidaires même au plus bas de l'échelle. parce que ce sont des cas réels, je vous rappel.


Donc, c'est une très belle fenêtre sur un pays méconnu, peut-être aussi une belle opportunité pour les jeunes lecteurs de voir une réalité bien différente pour des enfants et ados de leur âge. Roman social, oui, mais roman d'aventure également! N'allez pas croire qu'un roman qui nous en apprend ne peut être par la même occasion ludique! Qui plus est, comme le souligne l'autrice, le phénomène de la pauvreté chez les enfants est un sujet qui touche tous les pays, pays riches et industrialisés inclus.


Et j'en profite pour souligner la remarquable couverture que j'aurais envie d'encadrer sur mon mur tant elle me plait.

Un roman jeunesse dont vous ne sortirez pas indemne, grand bien vous fasse!


Pour un lectorat du premier cycle secondaire, 13 ans+.
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date : 05-01-2022
Lauréat du Prix des Libraires du Québec 2021

Prix de la critique ACBD de la BD québecoise 2020

Il aura fallut plusieurs années, près de 5 en fait, pour achever cette énorme BD et un considérable travail de recherche, dont on peut en cerner une petite partie à la fin, avec les postface des deux auteurs et de l'illustrateur. Cette BD devait paraître à temps pour les commémorations entourant les 75 ans des bombardements de Hiroshima et Nagasaki.


Les auteurs ont choisi de traiter le sujet comme une fresque, invitant les acteurs historiques de plusieurs nations concernées, surtout les plus influentes, à donner leur vision des choses. On croisera donc la route de plusieurs nations, USA, Royaume-Unis, Japon, Russie, Italie; de divers acteurs, des politiciens influents aux ouvriers d'Oak Ridge, la base militaire, des experts en physique aux habitants d'Hiroshima; et sur différents plans, des corps armés en pleine mer, jusqu'aux escouades d'espions et de saboteurs dans la Norvège hivernale, en passant par le Bureau Ovale de la Maison Blanche, la maison de campagne d'Albert Einstein et les champs de bataille aériens, naval et terrestres. C'est néanmoins l'uranium qui se positionne comme narrateur principal, en témoigne le prologue qui retrace ses origines en tant qu'élément et ses monologues en bulles noires qui ponctue de temps à autre le récit, sans doute les mots les plus glaçants de tous.


Je ne suis pas expert en la matière, mais de mon point de vue, j'ai trouvé le tout très complet, parfois même complexe, surtout dans ces aspects scientifiques. En même temps, l'énergie nucléaire n'est pas simple à la base. J'ai lu cette monumental œuvre un peu comme un manuel d'histoire ou un roman historique très pointu. On ne va donc pas y trouver de scénario hollywoodien haletant ou quelque drame sentimental larmoyant, c'est même plutôt tranquille comme lecture et elle requiert un minium de concentration. Cependant, surtout vers le milieu de la BD, quand on commence à voir des scientifiques injecter des doses d'uraniums à des citoyens américains blessés ou mourant, qu'on voit les conditions de vie des japonais avec cette rigueur militaire abusive et l'éthique de recherche des scientifiques et militaires être reléguée au second plan, que le récit devient lourd, poignant et révoltant. C'est le genre de Bd historique qui fait d'abord et avant tout un devoir de mémoire, tout en illustrant les enjeux complexes qui se sont joués à l'époque. C'est même non sans une certaine ironie, car comme l'expliquent certains personnages, ce qui s'est joué pour la bombe nucléaire durant la 2e guerre mondiale n,est pas sans rappeler les enjeux entourant les gaz chimiques toxiques de la première guerre mondiale. Troublante réplétion de l'Histoire. Alors que nous avons probablement tous étudier la seconde guerre dans sa composante la plus "terrain", force est d'admettre que le volet "scientifique" et armement est resté plus nébuleux. C'est donc très intéressant que de lire à ce sujet.


Faire un résumé ce cette BD ne serait pas simple, mais dans les grandes lignes, nous observons la chronologie d’évènements et de décisions de plusieurs groupes d'acteurs sociaux entourant la création de la bombe atomique et de son utilisation. On verra notamment que son élaboration aura été sur plusieurs fronts, par divers pays, qui compétitionnaient pour créer la première arme nucléaire. Si les motifs de cette course à l'armement devait à priori être préventifs, ils sont rapidement devenus offensifs. On verra aussi que les évènements entourant Hiroshima ont été anticipés, par le créateur même de la fission nucléaire ( et donc du principe même de la bombe atomique) et que le débat quand à son emplois aura été pour le moins biaisé. De même, la guerre froide n'a pas débuté à la fin de la seconde guerre, mais quelque part pendant, alors que Leo Szilard, un personnage central, mettait déjà en garde contre la possibilité qu'une bombe atomique américaine allait surement pousser l'URSS a vouloir en créer une ( L'Histoire l'atteste). Politique, jeux d'apparence, espionnage, innovation scientifique, diplomatie, dilemmes moraux, éthique et manigances sont toutes au cœur de l'histoire de la bombe.


Ce qui m'a étonné le plus est le fait qu'au final, il y a eu d'énormes pertes due à cette bombe, alors qu'elle était au cœur des décisions de quelques gens seulement. Les auteurs nous donnent d'ailleurs les informations de la suite de leur vie à ces personnages clés, dans l'épilogue, soit juste après l'explosion de la bombe sur Hiroshima.


Côté dessin, difficile de ne pas être impressionné par le travail colossal de l'illustrateur Denis Rodier, qui arrive, à travers son dessin en noir et blanc, à faire ressortir une puissance étonnante, que ce soit par ces jeux d'ombre remarquables ou le mouvement réaliste, qui même sans couleurs, parvient à saisir. C'était formidable d'avoir un appuis visuel de cette qualité, surtout avec un texte pas toujours simple à suivre. Et je ne parle pas des détails importants de certaines planches! Un autre aspect qui m'aura impressionné est celui d'avoir su travailler autant de visages, surtout que la majorité sont ceux de personnes ayant réellement existé et d'avoir su donner autant de caractère à chacun d'eux. Enfin, le choix de l'encre comme seul médium donne un côté très sobre, qui est de circonstance vu la violence déjà élevée du sujet.


La BD peut être un formidable diffuseur de savoir, qui n'a rien à envier au roman, comme ne semblent pas le croire beaucoup trop de gens à mon goût. Avoir ce genre de médium me semble franchement plus compréhensible avec un appuis visuel pertinent et un certain sens esthétique qu'une longue suite de paragraphes lourds. Une chose est sûre, je remercie les trois créateurs de cette brique pour avoir su gérer autant d'éléments et avoir fait un tour d'horizon de ce pan d'Histoire de manière aussi ordonné. J'en aurai certainement beaucoup apprit.


Pour un lectorat adulte.
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Incontournable Décembre 2021

Nouveauté 2021 de la maison Chauve-Souris, "Pas comme les autres" est un petit roman qui est un peu passé sous le radar, car il est arrivé en librairie en pleins milieu de Décembre. C'est pourtant un beau petit roman d'aventure teinté de magie shamanique, qui prend place en territoire Eeyou Istchee, la nation autochtone Cri, dans le village Nemaska.


Nathan est un garçon introverti, un peu taciturne et fan de jeux vidéos, surtout Fortnite, dont il attend impatiemment la sortie de la nouvelle saison. C'était sans compter le voyage qu'il allait devoir faire avec sa mère anthropologue, au Nord du Québec, près de la Baie James, dans une communauté autochtone, les Cris. Un long voyage en auto les attends, en perceptive, agrémenté de la joie de vivre et des tours de magie de son grand frère Raphaël, quand à lui très jovial, bavard et socialement habile. Mais sur ce terrain de trappe ancestral qu'est le Vieux Nemaska, Nathan y fera la connaissance de Petâpan ( Prononcé Petaapan"), un jeune cri de son âge, qui va l'initier à son monde. Balades en canot, préparation de poissons énormes, découvertes de pétroglyphes, Nathan s'émerge dans cet univers rapidement. Mais quand une balade en canot tourne au vinaigre quand un orage éclate, les deux garçons se retrouvent dans une grotte. Une grotte où pourrait encore se trouver de mystérieux esprits qui permette une connexion entre les mondes.


Un peu à la manière de "Nish", série jeunesse écrite par Isabelle Picard, "Pas comme les autres" nous immerge dans le monde autochtone. Pour Nish, c'était la communauté Innue. Ici, nous sommes avec les "Eeyouch", les Cris, qui sont d'excellents pêcheurs et ont un respect profond pour la Nature. C'était d'ailleurs un des points les plus touchants dans le roman, cette façon de considérer la Nature et la responsabilité d'être reconnaissant, parcimonieux et de se montrer humble. On notera plusieurs termes cri dans le romans, tels que "Kûhkum" ( Grand-mère), "Wâchiya", qui signifie à la fois "Bonjour" et "Bienvenue" et "Migwetch" ( Merci).


C'est donc une belle petite trouvaille, qui se lit facilement et qui nous permet une belle fenêtre sur nos cousins du Nord, malheureusement encore peu représentés dans la littérature jeunesse québecoise pour ce qui concerne les romans, du moins.

Vous trouverez une petite rubrique de l'autrice sur la Nation Cri, sur l'un de ses artistes. Tim Wshikeychan, la graphie cri et aussi des précisions sur l'orthographe rectifiée employée dans le roman.


Petit constat: j'aime bien cette couverture, ce choix de nuancier très pourpre et cette silhouette d'ours découpée dans le roc. Cet ours a son importance dans l'histoire, vous verrez.


Et comme disent les cris: Âtuwâchiyeg! ( Au revoir).


Pour un lectorat à partir du second cycle primaire ( 8-9 ans) .
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Voici le sixième opus de la série pour la petite enfance "Martin", avec pour thème le changement de classe et de professeur ( que nos amis européens appellent "Maîtres/Maîtresses").

Martin est au parc avec sa meilleure amie, quand il entend sa mère évoquer son changement de classe. Il a des craintes face à ce changement et le fait d'imaginer pleins de scénarios peuplés de professeur-dentiste ou sorcière n'aident certes pas. Quand il rencontre monsieur Clément, son nouveau professeur, et sa nouvelle classe , Martin commence à comprendre qu'il y a des avantages au changement. Sa classe n'est plus celle des tout-petits, il y a un ordinateur, un coin lecture et on n'y fait pas de sieste l'après-midi. Même son cousin Raphaël lui en fait un portrait positif. Au final, et comme il le mentionne à son Doudou Lapin, c'est normal d'avoir des petites craintes face à la nouveauté, mais ça comporte aussi son lot de positif.


Pour avoir déjà vu Monsieur Clément et sa classe dans le tome 4 "Martin et la couleur des mains", je souligne encore que j'aime beaucoup la diversité ethnique de cette classe de maternelle. Aussi, j'apprécie ce professeur masculin, dans un domaine encore majoritairement féminin. Seule différence d'avec le système scolaire québecois, on a pas de ATSEM au Québec, ces assistant(e)s à l'enseignement. Mais ce serait pratique, surtout avec nos ratio trop gros. Bref! J'aime aussi l'idée de Maman de montrer ses photos d'école afin de réconforter Martin, parce que ça donne un aperçu concrêt à Martin du cycle de professeurs qu'il va avoir dans sa vie scolaire.

Et une fois encore, j'aime le graphisme coloré et sans lignes noires de madame Hinder, les poses corporelles fluides et les expressions faciales. claires, dont on a pas de mal à reconnaitre les émotions.

Un autre beau tome pour cette belle série.

Pour un lectorat Petite enfance, 3-5 ans.
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Ayant déjà eu un gros coup de coeur pour les autres tomes de la série, c,est avec joie que je découvre ce 7e tome de Martin en cette fin d'année 2021.

Cette fois, il sera question de la perte d'un objet en lien avec l'organisation. Forcément, ramasser ses choses et entretenir sa chambre qu'on a tous vécu étant plus jeune et la plupart du temps, c'était une corvée. Dans ce tome, Martin cherche son précieux "doudou Lapin", mais plutôt que de le chercher dans le bazar de sa chambre, il accuse les autres de l'avoir prit, dont sa petite sœur Zoé, le chien de sa grand-mère et sa mère. Son père lui fait d'ailleurs remarquer que doudou lapin est sans doute quelque part dans sa chambre qu'il a omis de ranger hier soir. Et en effet, après toute cette investigation, Martin le retrouve sous son chandail roulé en boule près de son lit. " Tu vois Doudou lapin, il ne faut pas toujours croire que c,est la faute des autres si on ne retrouve pas ses affaires. En plus, quand on ne range pas et qu'on laisse trop de bazar, c'est beaucoup moins facile de retrouver ce qu'on cherche."

Le thème du rangement, donc. C'est sans doute plus simple de croire que la disparition d'un objet est du fait des autres que par la faute de notre propre négligence, Martin l'illustre bien. Et ce n'est pas n'importe quel objet, mais bien son "objet d'attachement", très souvent un doudou/toutou et une doudou/couverture. Ça lui fait bien de la peine de devoir aller dormir sans lui, avec raison.
J'aime bien qu'on ai croisé le rangement avec la perte d'un objet important, parce que ça donne une très bonne raison aux petits cocos d'être organisés et ordonnés un minium. Encore une fois, je trouve que l'approche des parents ( ici, la maman) est positive et axée sur le dialogue, sans minimiser le "drame" de Martin. Aussi, je remarque la présence des I-Pad et cellulaires, on est donc parfaitement synchro avec la technologie ( Mais pour combien de temps! XD).

J'aime toujours autant les dessins de Carine Hinder, avec des poses bien maitrisées, des expressions efficaces, de beaux décors détaillés et les jolis bouilles des personnages. Ce sont des illustrations colorés sans traits noirs, ce qui adoucie beaucoup les dessins.
Un autre beau tome pour la série, vivement le prochain!

Pour un lectorat Petite enfance, 3-5 ans.
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Un bel album pour la petite enfance sur le thème du deuil et de l'écoute active.
Ce petit garçon en pyjama vit quelque chose de difficile : son magnifique château qu'il a mit coeur et ardeur à construire est complètement détruit. Chaque animal qui le croise y vont de leurs conseils: Si j'étais toi...je serais triste...je me vengerais...je serais en colère...je ne voudrais jamais plus bâtir de châteaux, etc. Quand on regarde ces émotions et ces comportements suggérés, on peut, je pense. parler d'un petit processus de deuil ( qui n'est pas seulement applicable qu'en cas de perte humaine, d'ailleurs) Si la majorité de ces conseils sont bien intentionnés, dans les faits, ils oublient tous une composante essentiel dans le processus de deuil: le "timing", comme disent les anglais. Et sans ce timing, les conseils sont quelque peu "intrusifs". le deuil se vit différemment pour chaque individus. Toutefois, ce qu'ils ont besoin, tous, dans la majorité des cas, c'est de se faire respecter dans ce processus. C'est ce que fait le lapin, dernier animal a croiser la route du petit bonhomme. le lapin pose "la meilleure action": l'écoute.

Quand on observe la séquence qui suit, on réalise que le petit garçon va mettre en pratique presque tous les conseils évoqués plus tôt et va vivre les émotions qu'ils lui conseillaient tous de vivre. La nuance est véritablement dans l'approche du lapin, qui a prit le partie d'être simplement là, à attendre que le garçon soit prêt à vivre ce qu'il a à vivre. Il est réceptif. le lapin, en ce sens , à fait preuve d'empathie et d'écoute active ( il a laissé le garçon s'exprimer sans l'interrompre ou le juger) , les deux grands préceptes de tout bon intervenant(e). Accompagner, c'est être présent, d'attendre que la personne donne le rythme de son processus et ne pas tomber dans les prescriptions ( ces fameux "conseils"). Ce n'est pas compliqué en soit, mais on a tous tendance à tomber dans la prescription, bien souvent parce qu'on veut mobiliser la personne ou parce qu'on ne veut pas voir la personne malheureuse. Mais le temps est le meilleur des alliés et l'écoute, le meilleur des outils. Bien sur, des câlins bien chaleureux sont de merveilleux baumes, comme en témoignent la couverture.

Au final, le petit bonhomme va se montrer résilient et va regagner en confiance et en espoir, de manière à rebâtir son fameux château, avec l'aide du lapin, en plus. J'aime beaucoup cette fin où le projet deviens commun aux deux personnages, parce que le travail d'équipe vaut souvent mieux que de faire cavalier seul. Et c'est plus motivant!

Je souligne aussi la présence des émotions que vit le petit garçon. On peut tout-à-fait vivre des émotions en apparence contradictoires, mais c'est normal. Colère, dépit, tristesse, incompréhension, vide, peuvent se suivre et s'alterner, parfois en boucle, parfois pas toutes. Mais c'est important de faire comprendre aux petits lecteurs ( et même aux plus vieux) que plusieurs émotions accompagnent le deuil ( et même les petits soucis) et il faut, une fois encore, laisser à la personne le temps et l'espace pour les vivre.

Le tout est posé sans fioritures, tout en douceurs, en courbes et en tons pastels, on sent tout le côté cotonneux des dessins. C'est franchement mignon et franchement pertinent. J'aime beaucoup sa sobriété, c'est tout-à-fait de circonstance.
Pour un lectorat Petite enfance, à partir de 3-4 ans, mais demeure pertinent sans doute jusqu'à l'école.
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date : 29-12-2021
Mention "Olibrius" BD Jeune Adulte 2021*

Incontournable Décembre 2021

Version courte:

Atypique roman graphique, Bd, bidule à bulle aussi sensible qu'addictif, Zviane s'approprie la BD pour nous faire vivre un intriguant cocktails d'émotions, dans cette histoire où se côtoie un peu de fantastique et d'Histoire. Avec ses nombreuses singularité graphiques , ses communications aux formes multiples et sa structure hors-norme, cette grosse Bd va vous demandez de sortir de votre zone de confort, mais ça en vaudra sans doute la peine. Lectorat Jeune Adulte.

Version exhaustive: ( parce que les œuvres marquantes méritent des détails)

Bon sang! Oui, c'est le mot. D'abord, on reste quelque peu déstabilisé par l’œuvre en question. Sa couverture particulière, son épaisseur ( 519 pages, on ne rigole pas!), son titre pour le moins étonnant, son style graphique qui pourrait être le résultat de crayonnages d'enfants, son choix de couleurs très limités et monochromes, mais surtout, SURTOUT! Par la présence de divers style de communication, dont une très improbable langue: le Banane-bananien, dont le nom seul fait foi de tout. Dire que cette BD est originale est donc un euphémisme, et je ne parle pas du temps considérable que cela aura prit à son autrice. La dernière fois qu'une BD m'avait déstabilisé ainsi, c'était avec "Chinese Queer", une autre grosse BD au style graphique volontairement singulier dont faire une critique relève pratiquement d'un tour en montagne russe. Et dont je ne me sens pas qualifié pour le faire. Bon, tentons quelque chose, alors!

Déjà, vous devez savoir que c'est une BD québecoise, alors on reconnait déjà un genre peu rependu, mais qui commence à se faire connaître. Ensuite, le lectorat est quelque part entre Jeune Adulte et Adulte, en témoignent la complexité des sujets malgré son apparence simple, et quelques scènes choquantes. Enfin, malgré son graphisme particulier et le casse-tête cérébrale de ces divers langages ( J'y reviendrai), j'en sors étonnamment indemne et même surpris de trouver le tout assez bon, en fait. Ça me rappelle mes premiers sushis: on peut être légèrement rebuté, mais au final, on en redemande. Il faut simplement passer par-dessus ses préjugés et ses habitudes.

Devant l'ampleur de la tâche de faire un résumé, une analyse et une critique, comme je le dis souvent: procédons par étapes. Autant commencer avec ce qui saute le plus aux yeux: le dessin. Je dois admettre que visuellement, on pourrait croire que même un enfant de 7 ans pas doué en proportions arriverait sensiblement au même résultat. Des bras trop longs, des nez en boule, beaucoup de minimalisme quand les personnages sont loin, j'ai du mal à donner un nom à ce style, très enfantin. Même le mouvement est impossible: il y a beaucoup de scènes où Fred tire Annabelle par un bras, alors que cette dernière flotte littéralement comme un drapé derrière l'adolescente qui court, ce genre de mouvement qu'on voit dans les mangas, mais aussi les BD belges comme Spirou et Fantasio, où les expressions sont très accentuées et les mouvements très amples. Bref, on ne peut pas dire que ce n'est pas dynamique! J'ai du mal avec le graphisme, même si au fond, il est très drôle et il sert bien son sujet. Je suis de ces lecteurs de Bd qui apprécie les belles illustrations, pleines de belles couleurs, de jolis détails, de personnages réalistes et de fonds très stylés, alors qu'ici, c'est tout le contraire. Rien n'est beau: les lignes sont brouillonnes, les personnages peu esthétiques et les couleurs vraiment peu attrayante. En même temps, c'est dur de croire qu'un illustrateur choisit ce style singulier sans réflexion. Comme dans "Chinese Queer", justement, où le graphisme moche traduisait en fait un constant état d'ébriété ou d'intoxication de la part du personnage principal. Je n'ai juste pas saisi le pourquoi d'un tel choix dans cette Bd-ci. Peut-être pour illustrer une certaine absurdité? Ou pour traiter d'un sujet lourd en employant un graphisme léger? Le seul petit détail que j'ai trouvé mignon se trouve dans le personnage d'Annabelle, qui a 6 ans. Quand elle parle ou s'exclame, sa tête change de forme et prend ce qui s'apparente à un bec d'oiseau ou une bouche de Pac-Man, comme si elle devenait un oisillon qui gazouille.

Ensuite, l'histoire. On commence directement dans l'action: Une adolescente , Frédérique, tente de fuir un robot, qui visiblement, est programmé pour la tuer. Dans cette plaine verdoyante où se déroule cette scène se trouvent deux autres personnages: Annabelle, qui a 6 ans, qui pleure juste côté d'un cadavre, l'autre personnage, Olivier Beaulieu, fraichement mort. Ces deux filles se sont échappées d'un laboratoire, avec Olivier Beaulieu, l'adulte fraichement mort. On comprend qu'un savant sans doute cinglé veut les détruire et tente malhabilement de pousser ses deux sbires, Mathias et François, à les retrouver.On comprend aussi que 32 et 80 ( Frédérique et Annabelle) ont des pouvoirs sur la matière. Et elles se retrouvent dans la ville "Football-Fantaisie", une des villes de l'Île et province Banane-Banane, pour fuir l'homme qui est à l'origine de la machine qui leur a fait développer des pouvoirs: Ariane. Dans cette ville, elle y rencontreront plusieurs personnages, qui nous feront connaitre les enjeux de cette si singulière province, détestée des autres, avec leur langue étrange et leurs particularités, leur côté irréductible et revendicateur plus vifs que jamais alors que se profilent des élections fédérales. À travers de nombreux retours en arrière, toujours appuyés d'une ligne du temps en dessins, on remonte aux origines du projet entourant les deux jeunes filles et l'implication du personnage mort d'entré de jeu, Olivier Beaulieu. Nous suivons aussi, en parallèle, le personnage d'Alice, une adolescente insulaire de Football-Fantaisie, qui nous donne une vue en contre-plongé de la province. C'est toute une fresque qui se peint sous nos yeux.

Vous l'aurez sans doute pressentie, cette Bd qui a des airs de "Charlie", de Stephen King, fait également dans le Social ( avec un gros "S") en fond de trame. J'ai cru y reconnaître le Printemps Érable 2012 ( les grosses manifestations québecoises liées aux hausses de frais scolaires, aussi connus sous le nom officieux "des manifestations des carrés rouges"), la Crise d'Octobre des Felquistes ( le Front de Libération du Québec qui a plongé le Québec dans une période de violences et de tensions sociales), la Révolution tranquille (*qui a marqué les années 60, au Québec, qui aura vu naître la fibre indépendantiste et nationaliste de la "Nation Québecoise" et aura marqué la fin d'une Église Catholique étouffante et totalitaire, entre autres importantes choses) et plus globalement les élections fédérales canadiennes. Un peu d'Astérix, aussi, avec ces irréductibles habitants ? Dans ce Canada inversé, ce qui constitue normalement le Québec est à l'Ouest et ce qui constitue la Colombie-Britannique à l'Est. De plus, la majorité des canadiens sont francophones ( très drôle!) alors qu'une minorité, les citoyens de Banane-Banane, parle leur étrange langue, composée de mots français, mais qui n'ont aucune logique connue, comme "Livret latin!" ou " Éclipse" ( La Police). C'est vraiment comique.

On peut se demander comment parvenir à comprendre les Bananiens comme Alice, jeune contestataire particulièrement coriace, ou la personne âgée qui a secouru Annabelle et Fred, qui a un penchant pour le cannabis et qui dresse des rats à la cannelle pour ses coup montés avec l'exterminateur de rats, ou encore les citoyens de Football-Fantaisie que l'on croise un peu partout. Non, pas la peine de chercher à traduire, ce n'est pas la peine. On peut comprendre ce qui se passe sans comprendre leur jargon. Surtout que la dame âgée en question est muette, elle communique en langue des signes ou grâce à son cellulaire. Il est a noté que cette BD n'a pas de fautes, du moins pas au sens où on l'entend. Je le précise car Annabelle, qui a 6 ans, a de multiples "fautes" d'orthographe et de syntaxe dans ses bulles, pour être en accord avec son langage peu développé et souvent fautif. Ça peut faire saigner des yeux au début, mais au final, son langage sonne comme la phonétique, l'écriture par sons. Enfin, il y aussi des personnages anglophones et nulle traduction ne vous sera fournie ( ou presque). Donc, côté langage, c'est un joyeux cocktail explosif, qui sollicitera à coup sur votre aire de Broca et votre lobe frontal!

En un sens, je trouve cette pluralité linguistique brillante. Pensez-y: les enjeux liés à l'incompréhension au sein d'une société passe souvent par la barrière de la langue. Mais au fond, cela ne traduit-il pas aussi une absence d'ouverture d'esprit? Parce que si on se donne les moyens, on peut passer par-dessus les différences de langues. Le Canada a une courte Histoire, mais depuis le début, les enjeux autours des langues est un défi. Déjà, reconnaître la langue française comme seconde langue officielle a été une bataille. Cette reconnaissance n'empêche pas la lutte pour sa survie de continuer et encore aujourd'hui, la "question francophone" reste un enjeu, pas seulement au Québec, la seule province officiellement francophone. Et bien au-delà de la question des langues officielles viennent aussi les considérations sur les défis langagiers ( comme le bégaiement d'Olivier), la question des allophones ( ici les anglophones), le mutisme ( comme celui de la dame âgée). Dans la BD, tous ces personnages communiquent et ils le font souvent avec une barrière.

En outre, difficile de ne pas reconnaitre en Banane-Banane le Québec lui-même, éternelle province mal aimée et mal perçue, dont on doute toujours de la légitimité et de la pertinence même si, paradoxalement, on redoute viscéralement sa souveraineté. La Bd ne pousse pas dans les grandes considérations politiques, mais elle les sous-tend, les affiche et les exploite. Les tensions montent entre les Canadiens et les gens de Banane-banane, avec notamment la brutalité policière, véhiculée ensuite via les médiaux sociaux, qui eux-même alimente la désinformation, qui elle même instaure un climat de tension sociale, qui sert ensuite de carburant aux requins politiques et partis plus ou moins corrompus et intéressés. Je sais: c'est pas la joie. Et ironiquement, c'est assez réaliste, quand on y pense. C'est tout le génie de la BD: même pas besoin d'aller loin, on comprend très bien ce qui se déroule sous nos yeux. Et le plus drôle, c'est que tout ce merdier ne constitue pas la trame principale. Rappelez-vous: Annabelle et Fred!

Nos deux protagonistes se partagent la vedette, mais c'est Fred que l'on suit, plus concrètement. Âgée de 12 ans, elle est la fille d'un homme influent et sans doute riche, qui veut que sa fille soit la première à détenir les "pouvoirs" du projet Ariane, la machine de Joan Brûlé, le savant cinglé qui en veut à sa vie. Joan est un génie, indubitablement, mais à travers son projet secret, il développe lentement mais surement une incurable paranoïa. D'où son désir de tuer les filles, avant qu'on ne comprenne qu'il a créé une arme, ni plus ni moins. C'est là un autre enjeu: avancer dans la science, sans que chaque découverte ne se solde en projet d'armement. Un enjeu somme toute juste, si on observe comment on en est venu à jeter une bombe sur une ville japonaise du nom de Hiroshima. On verra aussi comment Olivier, le premier sujet du projet Ariane, est aussi le seul à avoir comprit comment exploiter la matière, alors que Joan, qui devait aussi en être dépositaire, n'y parvenait pas. Cet état de fait met en lumière une chose: le génie n'est pas synonyme d'omnipotence. On peut être le plus simple des esprits et avoir de formidables potentiels, comme on peut être un scientifique au savoir révolutionnaire, mais être étonnamment inapte à certaines choses.

Il faut que je vous parle d'Olivier. Son importance ne saurait être comparée à cette façon prodigieusement indigne d'être assassiné à peine deux pages entamées ( avec l'explosion de sa tête, notamment). En revanche, son importance est mien en lumière par cette forme de silhouette qui est la sienne sur la couverture. Olivier était ce que j'aime appeler un "personnage pivot". N'eut été de lui, tout aurait été différent et cela contraste avec le fait qu'il se sentait inutile, stupide et incapable. Olivier était le support moral de Joan, le mentor de Fred, l'amant de Rebbecca et l'âme du projet Ariane, dont il est le premier produit. C'est lui qui questionne l’éthique du projet, réconforte les filles, bien jeunes pour vivre dans un labo caché, et fait preuve d'une tendresse et d'une humanité réellement touchante, même s'il peut être lent, malhabile, bégayant et naïf. On peut penser à tort que sa mort digne des prix Darwin, au début de la BD, en fera un personnage tertiaire, mais en réalité, c'est un personnage central. J'aime voir ce genre de personnage masculin prendre plus de place dans la littérature, parce que ce sont de formidables héros.

Enfin, il y a toute la question autours des "petites choses" dont parle Olivier pour parler de sa vision "kaléidoscope" qui lui fait voir le monde en particules. C'est là l'intérêt de projet Ariane: voir ce qui lit les choses, comme un grand tissu. Ce pouvoir n'est pas juste concret en tant que "sens particulier", dans la BD, mais aussi abstrait, dans sa forme sociétale. Le "Tissu social" est un terme réellement utilisé dans le jargon des sociologues et même des intervenants de tout genre, pour désigner cette composante qui nous lit tous, citoyens d'une même ville, d'une même Nation ou d'un même pays. Quand le tissu déchire, on retrouve les tensions, les animosités exacerbées, la violence et la révolte, comme ici, dans cette histoire. Pourtant, quand on tisse des liens, le tissu devient solide et c'est de cette façon que la société progresse. Bon, c'est très simplifié comme description, mais sommairement, on peut entrevoir ce concept dans la BD. Le parallèle entre le pouvoir du projet Ariane et la composante sociale est simplement évidente. Le verre qui brise - que vous pouvez également voir sur la couverture et qui est l'objet des expériences entourant la manipulation des molécules - en est même une belle allégorie. J'ai presque envie de dire que "Football-Fantaisie" est une histoire de "petites choses". Des grandes, des petites, des scientifiques, des sociales, des laides, des belles, des choquantes et des attendrissantes. Une grande fresque de multiples petites choses. Qui peuvent se briser, mais qui peuvent aussi se rassembler. La poésie n'est pas dans le texte, comme vous pouvez le constater.

Finalement, le rythme. Impossible de lâcher cette grosse brique, tant on y plonge avec enthousiamse. Un récit marqué par un nombre croissant d'éléments, plusieurs ponts plus ou moins subtiles et de jeux dans la forme, cela me donne à penser que Zviane réussi un tour de force en jouant sur la structure même de la Bd pour rythmer son récit, même si le récit aussi est habile.

C'est le genre d’œuvre qui demande un brin de folie pour surmonter ses nombreuses fantaisies, mais qui a le potentiel de plaire, pour un peu qu'on laisse de côté ses désirs de jolis illustrations et de phrases poétiques. C'est le genre de Bd qui repousse les limites de son genre en naviguant sur des sujets humains avec une structure non-orthodoxe. C'est une de mes collègues libraire du département BD qui m'aura convaincu de lire cette grosse brique étrange et pourtant intrigante et, merci à elle, j'ai l'impression d'avoir découvert quelque chose de différent et qui se démarque des autres BD.

Cette BD a d'ailleurs été placée dans les "Incontournables BD" en librairie ( celle pour laquelle je travaille) pour le mois de Décembre 2021.

Je termine avec une citation qui m'a plue concernant cette BD atypique:

"Dans ce costaud roman graphique, la bédéiste québécoise Zviane joue autant avec les codes linguistiques que les codes graphiques, avec toute l’intensité qu’on lui connaît. Du bonbon!"

— Julie Roy, L’actualité , 1 décembre 2021


Pour un lectorat Jeune Adulte, 17 ans+.

Pour les bibliothécaires et profs: contient quelques scènes violentes et sexuellement explicites, ainsi que quelques petits jurons anglais, dont le très peu original mot en "S".

*La mention "Olibrius" est un "tag" personnel pour démarquer certaines œuvres littéraires jeunesse qui peuvent être à priori rebutant ou étonnant, mais qui relève finalement de quelque chose d'original et d'étonnamment pertinent ( ou qui fait passer un bon moment, à tout le moins).
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Incontournable Novembre 2021


Mention "Olibrius" Album Intermédiaire 2021


Album incroyablement original ou se mêlent formes, polices graphiques et jeux de mots, cet album finement travaillé exploite beaucoup de "formes" pour vous raconter l'histoire d'un couple royale et de leur rigidité anguleuse qui frôle l’obsession.


Dans un royaume, Pointudroitdur, le Roi et la Reine ne tolérait que les lignes droites et les angles bien pointus. Mais leurs impératifs de perfection n'étaient comblés d'aucun de leurs enfants, tous dépositaires de formes arrondies et d'angles sinueux, au contraire des autres habitants du châteaux. On avait beau les faire dormir dans des cadres de fer pour aiguiser leurs pointes, rien n'y faisait - hormis se retrouver avec un sérieux torticolis. Excédé, le roi ordonne au bourreau de supprimer ses honteux rejetons. La Reine, le cœur brisé, ne peut accepter cela et conduit ses enfants dans la forêt, ou une fée s'enchante de toutes ces joyeuses formes et propose de les prendre chez elle. Pour compenser la décision de la Reine anguleuse, la fée lui donne une potion pour avoir l'enfant parfait tant espéré. Ainsi nait Triangle, avec ses trois cotés parfaits, sa symétrie et ses angles équilatéraux. On chercha a cette beauté un prétendant digne de sa forme si exquise. Triangle repoussa tous les prétendants jusqu'à ce que son père, furieux de l'exigence de sa fille, ordonne qu'elle épouse le prochain qui passerait la porte du château. C'est Jules Labascule, qui a une forme de patate bien arrondie, qui se présenta. Horreur et consternation! Mais qu'est ce que cette forme sans angles! Mais Jules avait la possibilité de danser fluidement et cela charma la princesse. Furieux, le Roi envoya Jules dans "L"Emporte-Pièce, une pièce terrifiante qui perfore les gens. Voila que le malheureux arrondis se retrouva en polygone bien carré, éjecté au dehors, incapable de bouger sur ses jambes si linéaires. La princesse le chercha partout et c'est sous cette forme qu'elle le retrouva. Mais l'amour a ses pouvoirs et bientôt, après quelques pas maladroits, voila que Jules redevient la forme malléable et fluide qu'il était. Les deux amants s'échappent pour un royaume tout en courbes et en liberté. Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfant hors-normes!


Un récit aussi créatif dans la forme du récit que dans des images qui exploitent habilement la géométrie des personnages, c'est un des albums les plus étonnant que j'ai lu. D'où mon officieuse mention "olibrius", que j'accorde aux romans et albums hors-normes, inclassable et originaux.


Une histoire qui traite de conventions sociales, d'apparences, de rigidité et d'attentes irréalistes parentales, on peut extrapoler pleins d'axes avec cet album, alors avis aux profs, vous avez là un bel outil, autant pour traiter d'enjeux sociaux que de mathématiques! Un conte vraiment ludique qu'on
aurait tous aimer avoir dans nos classes de math.


Pour un lectorat du troisième cycle primaire, 10-12 ans.
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date : 26-12-2021
Album jeunesse de 2021, "Monsieur Snow" nous livre l'aventure d'une jeune fille à crinière brune , Myra-Belle, qui adore l'hiver autant que l'été, et qui rêve d'avoir un cheval pour ami.

En créant un cheval de neige, elle ne se doutait pas qu'à la faveur de la nuit, celui-ci prendrai vie, comme toutes les créations enneigées des enfants, et la porterait chaque nuit dans de nouvelles chevauchées. Quand un blizzard menace de le détruire, Myra-belle tente de lui venir en aide, mais se retrouve piégée dans la tempête. C'est Monsieur Snow, son cher cheval de neige, qui la sauvera. En retrouvant la chaleur de son foyer, la jeune fille dort toutes les nuits qu'elle a manqué, si bien qu'à son réveil, c'est le retours du printemps. Et ses parents lui présente celui qui va devenir le "vrai" Monsieur Snow, un cheval à la robe brune comme ses cheveux.

J'ai trouvé cette histoire fort jolie, presque onirique, avec des décors fabuleux, des airs de pays nordiques comme la Russie ou les pays scandinaves dans les vêtements et les objets, dans une vrai ode à l'hiver.

Le tout est soutenu par une belle palette de couleurs ou se côtoient des verts et des bleus froids, des orangés et des beiges sobres, ainsi que des bruns. J'adore ce choix de couleurs, très original. Il n'y a aucun traits noirs, ce qui accentue la présence des couleurs et met le blanc en valeur.

Enfin, le texte aussi est fort joli et poétique.

Un album qui célèbre la saison hivernale, la beauté de la Nature et l'amour des animaux.

Pour un lectorat du premier cycle primaire, 6-7 ans ( mais si papa et/ou maman lisent, ce peut convenir aux 5 ans aussi)
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date : 25-12-2021
Cet album s'est vendu comme des pains chauds dans les librairies québecoises, si bien qu'il ont du réimprimer presque aussitôt et même là, nos piles passaient leur temps à baisser. Un vrai "buz", comme ils disent dans le jargon du web.

Donc, qu'est-ce que "Gère ta fougère" a de si spécial, vous vous demanderez. Honnêtement, je ne sais pas trop. Bon marketing, peut-être? Ou alors son titre accrocheur! Cet album traite du phénomène du rapportage, du "porte-panier", du snitch, bref! de celui ou de celle qui ne se mêle pas de ses affaires.

Donc, on a un "porte-panier" qui passe son temps à ramener à son professeur que tel ou telle étudiant/e fait si ou cela. La professeure décide de raconter une histoire sur ce thème, en reculant de plus en plus loin dans le temps, de son enfance à la préhistoire, en passant par la renaissance, l'Égypte antique et l'ère industrielle. À chaque époque, on a un jeux de mots en lien avec l'adage "mêle toi de tes affaires:

"Est-ce que la vie de quelqu'un est en danger? Est-ce qu'une personne est blessée par des gestes ou des paroles? Est-ce que tu as essayé de régler le problème par toi-même? Non? Et bien, gère....ta cuillère...ton auriculaire, ta circulaire...ton dromadaire...ta crinière...ta fougère!

J'apprécie assurément une chose dans cette histoire et c'est la formulation répétitive qui interroge la sécurité et l'intégrité de la personne concernée. Est-t-elle en danger? Blessée? Parce que dans un tel cas, bien sur: OUI! Mêlez vous de ses affaires, c'est très important de dénoncer les abus! Autrement, et bien...gérez donc vos fougères!

Un album comique et qui nous a tous poussé à dire le titre au moins quarante fois à voix haute parce que ça sonne drôlement bien!

Pour un lectorat du premier cycle primaire, 6-7 ans.
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Mention "Olibrius" Jeune Adulte 2021*

Version courte:

Un roman atypique qui semble à la fois tenir du roman policier, des intrigues de crime organisé et des tribulations d'adolescents, sous un épais verni d'humour à plusieurs visages, "Jimmy Diamond est une merde" n'est pas ce qu'on pourrait attendre de lui au premier coup d’œil. C'est pourtant un lecture réellement divertissante, addictive, comique, ludique et même ...éducative?! Avec quatre ados qui sont plus que le cliché qu'on leur colle, des chefs de gang de et de mafia colorés, un policière en quête d'émancipation et une ordure notoire dont le nom est connu de toutes les grandes pointures, la table est mise pour le huis-clos partiel le plus déjanté et jubilatoire de son genre! Et comme il est un peu seul dans son genre, ce roman, difficile de contester cette dernière phrase...

Version exhaustive:

Si je devais vous expliquer mon ressenti global face à ce roman, je vous raconterais cette courte anecdote: Un jour de grande chaleur, nos parents nous ont offert une "slush" ( Barbotine). Entre la rouge et la bleue se trouvait une slush NOIRE. Je vous laisse imaginer notre expression de dégout à nous, enfants, devant cette masse mouvante couleur goudron, dont on flairait l'ignoble goût de réglisse noire en grimaçant. Plus téméraire que les membres de ma fratrie, j'ai tenté cette sorte, qui a un goût de...limonade?! Wouah! Mais en fait, c'est vraiment original ce truc! Et j'en ai prit un verre complet. Donc, moralité: Ne vous laissez pas berner par cette couverture aussi laide que mal adapté à son lectorat, les ados et jeunes adultes, en plus du nom un peu foireux, parce que ce roman est en réalité original ( et étonnamment rafraichissant)!


Autant être honnête avec vous, quand j'ai vu, avec mes collègues ce roman, avec un titre pareil et cette couverture peu esthétique, on s'est tous interrogé sur ce dernier. Sorte de blague pas claire, roman peu crédible, on l'a jugé assez rapidement, en fait. Néanmoins, comme je craque souvent pour les romans atypiques et qu'en tant que libraire, je voulais être fixé, je me suis mis sur son cas. À l'origine, ce roman devait porter le titre : "Jimmy Diamond est une ordure", que je préfère, personnellement, avis partagé par mes collègues jeunesse.


Si je devais donner un comparatif via la littérature adulte, je vous dirais que je lui trouve plusieurs similarités avec la populaire série pince-sans-rire et déjanté du "Bourbon kid". Moins violent, mais aussi explosif: les évènements s'enchaînent joyeusement comme une ligne de dominos qui s'écroule. Il y a aussi les nombreuses allusions ou appellations à connotation infernale, comme les noms des gangs, par exemple, ou la chanson "Highway to Hell", d'AC/DC. En outre, on a plusieurs références cinématographiques , comme dans la série d'Anonyme, avec lui aussi des références de films de Série B ou de mafia. Un petit gang de jeunes à la moralité douteuse qui se retrouve mêlé aux affaires d'un gang criminalisé ( des motards et des mafieux), ça fait aussi très Anonyme. Par contre, il n'y a aucune dimension fantastique dans cette débâcle. On a aussi un langage cru, beaucoup de jurons ( dont des "sacres", ces jurons typiques du Québec inspirés de termes chrétiens et plusieurs vilains mots anglais). On ne censure pas en littérature Jeune Adulte, c'est un de ses grands privilèges! À sa décharge, le milieu criminel n'est en effet pas un modèle de langage raffiné. Néanmoins, le tout n'est pas mal écrit non plus et certains personnages s'expriment très bien.


Alors qu'avons nous côté scénario? Un groupe de quatre vieux ados entre 16 et quasi-18 qui veulent faire de l'argent, tout en conservant une certaine forme "éthique", une sorte de code "Arsène Lupin", si on veut . C'est ainsi qu'ils ont commencé à enlever des personnes âgées ( que des hommes), les garder "au frais" dans leur entrepôt le temps de leur soutirer deux fois 1000$, un peu avant minuit, puis juste après. Pas de violence, toujours polis, presque courtois, ils les redéposent ensuite dans le quartier avec assez en poche pour appeler un taxi. On a aussi une policière qui veut faire carrière en tant que SD ( Sergent Détective), mais est confrontée au fait que son père est une Légende du corps policier dont l'Ombre porte loin. Nous avons également Raymond Leduc, équivalent du "Parrain" pour son gang de motards criminalisés, les "Satan's disciples" ( Référence manifestement aux "Hells Angels", un gang de motard criminalisés qui ont fait régner la terreur dans tout l'Amérique du Nord, dans les années 80). Ce dernier devait être la dernière victime des quatre ados, parce qu'il devenait évident qu'ils ne pourraient pas continuer à être chanceux ad vitam æternam et que tôt où tard, ils feraient une gaffe ou seraient trop confiant. Et bien, disons que ces possibilités étaient tout-à-fait plausibles, mais c'est finalement le fait d'être tombé sur LA mauvaise personne, un poisson qui s'avère être un grand requin blanc. Bref! Ça va barder! Littéralement.


Dans les romans jeunesse, j'observe deux façons de traiter les clichés. Il y a les auteurs pas très inspirés qui reprennent de vieux clichés doublés de stéréotypes en se croyant vainement originaux ( hélas, très nombreux chez les auteurs américains, je constate), et il y a les auteurs/autrices qui s'amusent à reprendre des clichés pour mieux les malmener. Ici, on est dans cette dernière logique. On nous présente d'emblée les personnages avec leur "archétype" type, pour mieux constater par la suite qu'ils ne s'y prêtent pas tant que ça au final. Voici:


Édouard, l'archétype du Boy scout beau bonhomme nés avec un surplus de qualités , d'ailleurs au centre d'un triangle qu'il ne soupçonne pas ( entre un gars et une fille, ce qui est somme toute rare), qui au final n'est ni le meneur, ni le plus intelligent. Charismatique, certes, mais pas très stoïque ni très courageux. Il a en outre la particularité de bégayer quand il a peur.


Liam, la grande perche à chevelure rousse en pétard, qui est supposé être le "geek" de service à lunettes, a en fait un côté sombre et téméraire qu'on ne lui soupçonne pas à priori. Pour une fois qu'on a un personnage qui a l'air d'un Intello, mais qui tire vers le "Bad boy". Il a aussi le béguin pour Édouard et il a un frère qui est "du côté obscure de la force", disons.


Will ( Nom complet), surnommé le Kid ( Référence à Billy the Kid et Charlie Chaplin) est le petit jeune du groupe, qui se régale volontiers de briser les règles et a une petite propension aux comportements à risque, développe une certaine admiration pour Liam. Il me fait surtout l'impression du jeune qui aime le risque et la violence sans en avoir l'expérience.


Enfin, notre personnage féminin, Vanessa, est pour sa part une rare représentante du port du hidjab ( on lui suppose donc une confession musulmane) et à mon sens, elle est à la fois la Cheffe et l'Intello, bien qu'on aura pu la caser au début comme la fille qui suit juste pour avoir le beau chef, ce qui n'est pas totalement faux non plus. Mais, elle est plus rusée, songée et a un meilleur sens pratique que tous les autres de son groupe, en plus d'être stoïque et pragmatique. Elle a d'ailleurs le mérite d'avoir impressionner le Chef du gang criminalisé Raymond Leduc. Ce qu’elle voulait faire de l'argent gagné est également louable - bien que gagné de manière questionnable.


Nous avons également ce vieux bonhomme, Raymond Leduc, chef des Satan's disciple, est un homme très intelligent et observateur. Un homme d'expérience, quoi! Pas le genre vieux débris grabataire à moitié sourd, il a également un côté fleur bleue.


Petite mention spéciale au personnage Vincenzo Ivaldi ( 3e du nom), le chef de la mafia calabraise, surnommé très justement "Il Insegnante" ( L'enseignant/Le prof), qui a un esprit cartésien, un côté veille école très élégant, assez de principe pour un représentant du crime organisé et un physique terre-à-terre et intellectuel qui a plus en commun avec le prof de science que le sanguinaire parrain caricatural. Je l'aime bien ce personnage!


On a aussi une jeune policière qui cherche à sortir de l'ombre parentale d'une sommité de la Police, un chef de gang rival albinos sans pitié et complexé, un jeune Chef Mafioso calabrais qui ressemble plus à un professeur de sciences à QI élevé, un gardien de sécurité perfectionniste et trop jovial, avec en prime un vieux libraire zélé amateurs de vieux classiques littéraires.

Enfin, on ne peut contourner Jimmy Diamond, dont la légendaire réputation de parfaite raclure de l'humanité n'est plus à faire, mais qui étonnamment, pour un personnage dont le nom figure dans le titre et abondamment cité par les autres personnages comme la dernière des ordures, est aussi le plus incroyablement absent du décor. On ne le verra que durant quelques minutes, mais c'est en même temps ce qui est drôle: on en attends parler, très négativement, mais on ne le croise pas. Un personnage absent à la manière de Légende, dans le premier tome de "Caraval" ( S.Garber).Bref, une sacrée palette de personnages. Si on reste sur certains clichés, on sort des stéréotypes.

Le traitement des personnages se veut féministe ( égalité des sexes, je rappelle), ce qui est quand même excellent si on tient compte du machisme du milieu criminel et on y trouve une certaine diversité ethnique avec les personnages de Vanessa, le SD Massoud et la policière Garon.

À propos des thèmes, sachez que monsieur Meunier a été journaliste durant une dizaine d'année sur le sujet des gangs criminalisés, ce qui explique les nombreuses explications sur ces groupes, sur leur mœurs, leurs différences, leur codes, leurs enjeux et les rivalités entre elles. J'ai réellement trouvé cet aspect intéressant. Toute la question entourant l'intouchabilité des femmes, du code d'honneur familiale et des différences entre générations étaient souvent ramenées pour expliquer le contexte ou les actions des divers personnages.

J'observe une fâcheuse tendance de répétition sur les mots "milieu interlope" ( Franchement monsieur Meunier, en tant que journaliste, un petit emplois de synonymes n'aurait pas fait de mal), mais que je peux facilement pardonner vu la diversité des formes dans le roman, dont un court acte de théâtre, des clin d’œil au lecteur, des bas de pages assez tordants ( qui me rappelle ceux de "Félicratie") et des commentaires sur les références, quant à elles nombreuses, d'ailleurs. Il y a une petite préférence pour Harry Potter, mais on a aussi des références à Star Wars, Indiana Jones, Le Hobbit, Le seigneur des anneaux, plusieurs films cultes, un bon nombre de livres classiques, etc. Je note aussi - comme l'auteur nous invite à le faire d'ailleurs - la présence de nombreux faits scientifiques, des Lois de physique, entre autre ou même des personnages historiques, comme Fibbonacci. Effectivement monsieur Meunier, on en apprend avec vous, c'est presque subtile! ( notez le sarcasme sympathique ici).

Côté fin, elle est aussi explosive qu'on peut l'imaginer, avec quelques hasards commodes en surplus, très "Hollywood", comme l'étaient les films de Mafia et de gangsters états-uniens. Une fin en clair-obscure, où les notions de Bien et de Mal se partagent la vedette.

Je conçois toutefois que ce genre de roman à versant humoristique et volontairement absurde sur certains points ne sera pas aux goûts de tous. L'humour est un élément très personnel en lecture comme dans les autres domaines culturels, il faut donc, à mon avis, avoir une certaine "inclinaison" pour ce genre,


Au final, ce roman aux figures de styles très imagés, est un drôle de mélange décapant entre un roman policier, un demi huis-clos criminel, sur fond d'humour tantôt ironique, tantôt trash, tantôt pince-sans-rire, le tout agrémenté de sauce tabasco. Il devient le premier roman jeunesse Jeune Adulte a recevoir ma mention ( très peu officielle) d'"Olibrius", parce que c'est une sorte de roman inclassable qui sort des conventions, moqueur à sa façon et hautement divertissant.

Et en toute franchise, avoir enfin ce genre de roman en jeunesse, c'est un soulagement. Oui, c'est parfois cru, c'est rempli de sacres, mais ça reste un bon roman qui nous sort des conventions, qui est féministe ( égalité des sexes) et qui ne se prend pas au sérieux! Et en ces temps difficiles de pandémie, ça fait du bien au moral. Oh, d'ailleurs, il y a une allusions aux masques, on est donc dans le contexte de la pandémie le temps d'une scène.

Pour un lectorat Jeune Adulte, 17 ans+.

Pour les bibliothécaires et profs: Oui, je le redis, il y a des "f**k", des sacres, du joual, des vilains mots de temps à autre, mais côté violence, rien de bien méchant sauf une fusillade entre gangsters, et rien côté sexe. Si ce n'est du langage injurieux, c'est très accessible, même aux 13-16 ans.


** Qu'est-ce que cette mention? Une petite nouveauté personnelle de libraire qui aime mettre de l'avant les romans atypiques, originaux et inclassables ( ou presque). Ça n'a donc rien de très "glorieux", mais ça vous donne une idée du genre de roman présent ici.
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date : 13-12-2021
Incontournable Novembre 2021

Je peux vous dire qu'on a été étonné par novembre cette année, dans le département jeunesse en matière de livres destinés aux jeunes hommes. En un mois, on a reçu des titres tels que "Politiquement incorrect", "Jimmy Diamond est une merde" et "Mofo"[ Mo***r Fu****r] le principal concerné. On a même reçu "My dear Fu****g prince" ( une homoromance écrite par des femmes). Coupdonc! Que se passe-t-il avec les titres?! ( ton de rigolade) Bon, tout ça pour vous dire que nous avons reçu plusieurs romans destinés aux gars même si, évidemment, des filles peuvent les lire, dans la catégorie des Jeunes adultes ( 17 ans et +), avec , avouons-le, une amusante touche impertinente. Mais quel libraire je serais de ne pas m'en réjouir, car c'est un pied de nez à la censure - et soyons honnête, la Jeunesse est beaucoup plus censurée que la littérature adulte. Bon, trêve de hors-sujet.


Donc, qu'est-ce que "Mofo"? Je veux dire, au-delà de son sens premier qui est sans doute la pire insulte anglophone qu'on puisse faire à quelqu'un et qui, ironiquement, correspond aussi à un terme qu'on emploie entre chums de gars. C'est la tranche de vie de trois gars, trois amis presque devenus "hommes" et qui, avouons-le, sont de vrais couillons - pour rester poli.


Manu ( Emmanuel de son nom complet), Ray ( Rémi de son nom complet) et Thierry ( qui voudrait dont qu'on l'appelle "Blase") ont tous 16 ans ou presque. Ils se font appeler ( surtout entre eux, en fait) les "Rois de la Jungle" et si ce nom vous fait sourire, ça vous fera sans doute rigoler de savoir qu'ils ont choisi ce nom en fonction de petits manèges sur ressort en forme d'animaux, dans "leur" air de jeux. Leur "spot".


Nos trois ado-presque-adultes sont des as des mauvaises idées, vadrouillant au gré de leurs envies, buvant et consommant des drogues à défaut d'avoir de réelles ambitions, la tête remplie d'infos douteuses pigées sur les réseaux virtuels et de vraies quiches en matière de compétences sociales. Des "losers", j'ai envie de dire, qui se prennent un peu trop au sérieux. Et ils ont en tête que pour devenir des hommes, des "vrais", il faut qu'ils parviennent à se défaire de leur gênante virginité. Pour se faire, ils décident de faire un trip à Blackburn, un petit village où on y trouve , semble-t-il, trois filles pour un gars. Un tel déséquilibre ne peut générer que des femmes "en manque de sexe", semblent-ils croire. C'est donc au volant du véhicule de la mère de Manu, sans permis, sans bagages, que nos trois bras cassés entreprennent le road trip qui devrait, en théorie, changer leur vie. Avec des conséquences bien réelles.


Comme le dit si bien la 4e de couverture: " Mofo raconte l'histoire de trois ados un peu croches qui essaient maladroitement de devenir des hommes". C'est juste. Et à travers tout ça résonne aussi certains petits drames et enjeux sociaux.


J'ai rarement des romans pour ados garçons- encore moins pour jeunes adultes - qui versent dans ce genre de registre. Certes, des ados croches qui cumulent les bourdes et les mauvaises décisions, on connait, mais trouver quelque chose d'humain à travers tout ça, beaucoup moins.


"Mofo", c'est un peu de masculinité toxique, beaucoup d'ignorance et de manque d'expérience, un chouia de drame familial, c'est du potentiel gaspillé parce qu'il n'y a aucun support constructif autour, de la désinformation via les réseaux sociaux et Internet, un certain laxisme parental ou au contraire, un manque de compétences parentales, beaucoup d'idées stupides et impulsives, de vaines tentatives de se valoriser, de vraies tentatives pour changer, sans y parvenir, des liens tissés serrés malgré des mots un peu dissonants et un peu pas mal de quête identitaire. Un roman aussi "all dress" que le hamburger sur la couverture.

Aussi, après avoir écouté un reportage sur le sujet, il m'est apparu que le personnage de Ray semblait avoir une certaine compulsion à s'entraîner chaque jours, même lors du road trip, ce qu'on appelle "bigorexie". Il s'agit d'une dépendance au sport, qui se traduit par un besoin irrépressible de s'entrainer, sans considérer que le surentrainement comporte des risques pour la santé. La personne déprime s'il elle ne s'entraine pas et articule sa journée en fonction de cet entrainement. On appelle aussi la bigorexie "Anorexie inversée". Souvent causée par un problème affectif ou d'estime de soi, la bigorexie rentre dans les dépendances comportementale.(1) Ray a donc un forme encore peu connue de dépendance et j'apprécie beaucoup la fenêtre qu'y est ainsi faite sur le sujet.


Le roman a un côté "fresque" en ce sens où les courts chapitres sont souvent des aperçus des autres personnages qui apparaissent ( ou pas) dans le roman. On suit donc à la fois le périple, mais aussi les antécédents des trois ados via ces personnages ( ou pas, parfois c'est juste pour mieux cerner le contexte).


Manu, celui qui décrit, est aussi beaucoup plus intelligent qu'on pourrait le croire à priori, et ça, c'est marquant, parce que c'est un phénomène bien réel. Pas besoin d'être l'intello de l'école pour être intelligent. Par contre, quand on ignore quoi faire de sa vie, ni comment, même les plus intelligents peuvent vite devenir "loser". Ça m'a tellement fait rire le fait que Manu se fasse reprocher ses "jolis mots" ( développer, vertigineux, etc.), ça laisse entrevoir son côté Lettres ( Et Intello) et c'est mignon. Bon, ce l'est moins quand il se fait reprocher d'avoir un langage de "Tapette", mais bon, comme je disais, ils sont assez couillons.


J'aime ce genre de roman, cru, un peu brutal, mais ancré dans la réalité. "Mofo" n'est pas juste une suite de bêtises et de gros mots, c'est aussi une fenêtre intéressante sur la psyché de certains gars et même de l'adolescence de certains gars. Ou plus globalement, du fait se franchir le cap entre adolescence et adulte. On n'a pas souvent des romans pour être dans leur tête. La plupart du temps, les héros masculins sont dans l'action, pas dans l'introspection. Ou très peu. Ici, on navigue dans quelque chose de plus intime, de plus humain. Et sans censure, sans fioritures.


N'allez pas croire que parce qu'on y trouve des jurons et un langage vulgaire, souvent ponctué d'anglicismes , particulièrement à l'oral, que le roman n'est pas bien écrit. Hormis le langage, le reste est imagé, bien narré et on a foison de références à la culture populaire, aux objets du quotidien et à la vie du citoyen lambda. Langage de rue, terrain connu, on est à des années-lumière des histoires sensationnelles américaines irréalistes. Et en toute honnêteté, ça fait du bien.


Manu a un talent en dessin, dont les oeuvres vont nous suivre dans le roman.

Sans vous divulgâcher la fin, disons aussi que leur "rêve éveillé" connait une tournure aussi inattendue qu'irréversible.

Bref, je vois que j'exagère encore sur la longueur de cette critique, mais bon, les bons romans sont inspirants, que voulez-vous! "Mofo" surprend par sa pertinence, malgré son côté "croche". Je vous invite à découvrir ce roman singulier, à sa manière.

Pour un lectorat Jeune adulte, 17 ans+. Quoique ça pourrait aussi trouver preneur chez les 15-16 ans, il me semble.

1- Source: Sport Aide [ en ligne]: Bigorexie : Quand le sport devient une addiction, 27 mars 2020: https://sportaide.ca/blog/2020/03/27/bigorexie-quand-le-sport-devient-une-addiction/
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Incontournable Mai 2021

Bon, ce livre devait être présenté en Incontournables dans ma librairie, mais je pense que nous n'avions pas pu faute d'avoir une copie, ou un truc du genre...quoiqu'il en soit, ce livre avait ému plusieurs de mes collègues libraires jeunesse, alors évidement, j'ai du m'y attarder! Et que de joie quand j'ai constaté que cet album, gracieuseté des éditions Mijade, est une magnifique histoire vraie ( du moins inspiré de faits réels).


Dans la capitale colombienne de Bogota, tous les quartiers ne sont pas égaux. José Alberto Gutiérrez ( Nom réel) est un éboueur, un service qui est offert dans les quartiers nantis. Il constate que parmi les sacs de poubelles se trouvent souvent des livres, relativement en bon état et parfois même presque neufs! Il décide de ramener ces trésors chez lui, où il fonde peu à peu une bibliothèque. Intervient alors le second personnage, également prénommé José ( Fictif) , un jeune garçon, qui adore y venir tous les samedi. Il peut alors faire le pleins d'histoires, d'évasions et de pays exotiques. En fondant cette bibliothèque, Jose Guitérrez offre aux enfants pauvres de son quartier la chance d'avoir accès aux livres, puisqu'il n'y a pas de bibliothèque municipale dans cette partie de la ville.


Un récit émouvant qui met en lumière un héro dans l'ombre, qui se consacre à cette bibliothèque improvisé depuis 20 ans! Avoir accès à la lecture et aux histoires ( Culture), c'est un facteur facilitant pour un enfant dans la vie, non seulement pour son apprentissage scolaire, mais aussi citoyen et personnel. Donner accès aux livres sauve des enfants, ou a défaut les aide à grandir mieux. C'est pour cette raison que je trouve héroïque ce que fait ce monsieur. Les actions qui changent le monde sont souvent à petite échelle et leur impact est non-négligeable, comme le témoigne cette histoire.

Une belle histoire inspirante sur un homme qui l'est tout autant et qui célèbre l'engagement envers la communauté.

À voir!

Pour un lectorat du premier cycle primaire, 6-7 ans et plus.
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Incontournable Novembre 2021

Vous avez bien lu: c'est bel et bien un écho au film de 1966 "Le bon, la brute et le truand", avec Clint Eastwood. Vous ne serez donc pas surpris du look de la couverture, avec ce lapin et ce loup qui semblent se faire un duel visuel, une carotte et un couteau à la patte. Car c'est bien de ça qu'il s'agit au fond: un duel...d'esprit!

Un loup se lève tardivement, ce qui lui fait rater un potentiel déjeuner. Mais le loup affamé pourrait bien avoir trouvé une compensation quand un lapin vient lui livrer un colis.

Ce que le loup ignore est que ce lapin est un fin rusé, qui va jouer la carte du "Vendeur" et lui proposer moult produits à base de carotte tous plus inutiles les uns que les autres. Après tout, que pourrait avoir besoin un loup en matière de chasse? Une pâte à dent à la carotte, histoire de ne pas repousser d'éventuelles proies? Un survêtement en forme de carotte "pour que les lapins se précipitent vers lui". Et pourquoi ne pas lui faire apprendre une chanson sur la carotte, tant qu'à faire? Mais le loup ainsi emberlificoté pourrait bien chercher à se venger...


Un album hilarant sur un thème plutôt rare: le beau parleur ( alias "le vendeur de bagnoles") Vous savez, ce type trop sympathique qui vous fera croire n'importe quoi et surtout, vous inventera des besoins parfaitement secondaires, voir tertiaires...voir inutiles, en fait. Une belle façon de montrer aux petits lecteurs qu'il faut savoir rester critique et ne pas gober tout cru les belles paroles de certains individus, surtout les vendeurs et les membres de secte!

Le tout est joyeusement illustré et visuellement très divertissant, surtout cette page couverture qui dit tout. Le texte est également très inspiré, presque poétique. Il vous fera certainement sourire, s'il ne vous fait pas carrément rire - comme moi, quand je l'ai lu à ma pause dîner, pour ensuite le raconter à tous mes collègues libraires!

À voir!

Pour un lectorat à partir du premier cycle primaire, 6-7 ans et plus. Et bien sur, il serait tout-à-fait adapté aux plus vieux des cycles primaires supérieurs: parlez leur de techniques de vente, de flatterie, de création de besoins, de ruse et de sens critique.
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date : 09-12-2021
Un album documentaire vraiment très amusant et pertinent, joliment illustré, qui fera un tour d'horizon des mythes et réalités entourant la procréation ou, dans certains cas, de l'adoption.

Dans une cour de récréation, on se demande: comment fait-on les bébés? Chacun y va de sa petite théorie, de la recette de cuisine à la procréation assistée, du voyage en avion en terres exotiques au cour 101 sur l'accouplement ( Détails inclus), gracieuseté du petit garçon dont la maman est médecin. On voit la pluralité de façons d'être parent, du même coup, puisque certains ont un parent, deux parents ou deux parents du même sexe.

Les réactions des enfants sont hilarantes, même sur la couverture. C'est assez typique des enfants, je trouve, moi qui ait travailler avec ce groupe d'âge plusieurs étés. Ils sont sont assez convaincus de leur propre théorie, d'autres renchérissent et certains amènent une composante assez imparable. le tout fini par couler vers un autre sujet ou , plus vraisemblablement, un autre jeu. En tout cas, cet album a tous ses points pour le réalisme!

Vous trouverez cet album jeunesse fort probablement dans la section "Sexualité", si elle existe dans votre librairie, ou dans le documentaire en biologie. C'est une belle façon de montrer aux plus jeunes les différentes façons de faire ou d'avoir un enfant, et qu'elles se valent toutes. J,apprécie aussi que cet enfant qui parle de "La" façon de faire des enfants est donnée avec les bons mots, pas des termes camouflés. Autant donner l'heure juste le plus tôt possible.

En outre, cet album a l'excellente qualité d'avoir des représentants de différentes ethnies et origines. Bravo pour cette belle représentativité.

Pour un lectorat du premier cycle primaire, 6-7 ans.
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Incontournable Novembre 2021

Petites mise en contexte ici pour nos amis européens et d'ailleurs, je précise que monsieur Fred Pellerin est un "conteur", c'est-à-dire un raconteur d'histoires à l'oral. le Québec a été longtemps une province où la narration orale avait préséance, simplement parce que c'était plus simple, mais aussi parce qu'autrefois, l'analphabétisme était généralisé, ce qui rendait la lecture accessible aux plus nantis, aux religieux et aux intellectuels. Donc, on avait des conteurs, véritables orateurs et véhicules d'histoires et donc, de Culture. "La course de petits bateaux" est donc le premier album jeunesse de Fred Pellerin, qui prend vie grâce aux chaleureux dessins d'Annie Boulanger.


À Sainte-Élie-de-Caxton, petit village québecois de la Mauricie ( Qui existe bel et bien!), Toussaint Brodeur, marchand général de métier, tient un magasin où l'on trouve de tout. Si toutefois il devait y avoir quelque chose qu'on ne pouvait y trouver, alors le sympathique bonhomme devait aller au port, après l'avoir commandé. Et puis, c'est qu'il adore les bateaux, Toussaint Brodeur, à un tel point qu'il décide de tenir une course de bateaux dans le village. Il invite les enfants à créer des petits navires pour participer au concours, qui se solde par un premier prix intéressant: un sac rempli de bonbons que l'enfant peut choisir dans le stock du magasin. Parmi les participants, vous trouverez Babine, un "adulte qui a un coeur d'enfant". Il ne sait pas comment s'y prendre pour la construction de son bateau, alors Toussaint se propose pour l'aider. Quand Babine cogite pour trouver un nom pour le petit bateau, Toussaint propose "La fierté". Quand vient le temps de la course, les gens se positionnent sur le pont de la rivière pour voir arriver les petits bateaux. Ils arrivent les un après les autres, mais au final, La Fierté n'arrive pas. Babine l'attends. Des jours, des semaines, tout l'été. Toussaint s'inquiète pour Babine. Il trouve une idée en regardant son journal. Il invite Babine à venir avec lui au port. En y arrivant, Toussaint montre un des gros bateaux, sur lequel on peut lire "La fierté". Il explique à Babine que son bateau a en réalité traverser la rivière avant tout les autres, gagnant ainsi la mer. Et comme toute chose quand il a la place pour le faire, il grandit. le petit bateau était donc devenu grand. Tout simplement.


C'est vraiment un art que de prendre des morceaux de quotidien, des fragments de tranches de vie, pour en faire de grandes histoires. C'est étonnant comme les choses les plus simples sont souvent les plus efficaces, celles qui nous interpellent le plus. Peut-être parce qu'au final, nous sommes nous nous retrouvons dans cette simplicité. Les histoires de Fred Pellerin sont souvent simples - simples n'étant pas synonyme de "simpliste". Inspirées de son village natal, elles sont pourtant remplie de poésie et de petits bonheurs, comme ici dans cet album.


J'adore l'appui visuel des illustrations de madame Boulanger. Elles sont colorées, charmantes, les personnages sont si mignons. Les deux pleines page du magasin général à elles-seule m'auront prit une dizaine de minutes juste pour lire les nombreux jeux de mots et blagues: "Soupe du jour, revenez demain!", "Chapeaux d'hiver, mais aussi d'Été et De Roux", "Patates sans noyaux", etc. C'était vraiment amusant! Vous trouverez aussi en quatrième de couverture Babine, avec des version enfant de Fred Pellerin et Annie Boulanger, assis sur un tronc d'arbre.

Et bien sur, c'est touchant de voir la complicité de Toussaint avec Babine, ainsi que la façon qu'il a eu de faire rêver le jeune homme "au coeur d'enfant". Vous voyez que la magie n'a même pas besoin d'être de celles qui nécessite une baguette, des potions ou des sorts. Parfois, la magie, c'est simplement celle des mots et des bonnes histoires.

À partager allègrement!

Pour un lectorat du premier cycle primaire, 6-7 ans, et tous les vieux enfants, les jeunes âgés, les rêveurs, les Lecteurs et les amateurs de bateaux, bien entendu.
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date : 01-12-2021
Incontournable Août 2021

Lison est une chaperonne rouge qui va échanger sa famille avec celle de Maxime le louveteau. Durant quelques jours, ils vivront le quotidien d'une autre communauté, avec leurs moeurs, leur régime alimentaire, leurs codes sociaux et , bien sur, leurs activités, dans la famille de l'autre.

Ce petit album, devenu roman débutant grâce à la collection Passerelle des éditions Mijade, est, à l'instar de ses frères de collection, un vrai régal. C'est également l'un des trop rares romans de ce niveau sous forme épistolaire, c'est à dire un livre où des lettres constituent le récit. Un choix très intéressant puisque nous sommes donc directement dans leur regard et leur psyché. Ils partagent avec nous leur perceptions et leurs constats, c'est très immersif. Et ô combien touchant.

Fait cocasse, leurs écoles portent des noms de sommités en matière de contes et fables: L'école Charles Perrault et l'école Lafontaine.

Vous trouverez en outre des images au dessin sketchy, aux coloris pâles, très en phase avec le récit, signé Claude K.Dubois, qui a un talent certain pour les dessins doux.

Véritable ode au partage culturel, "L'échange scolaire" illustre avec humour et douceur l'importance de porter son regard au-delà du terrain connu, pour s'ouvrir aux autres et, qui sait, faire de belles rencontres?

Pour un lectorat à partir de la troisième année primaire (7-8 ans) environ.
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date : 30-11-2021
Incontournable Novembre 2021

"Scordatura", au nom bien mystérieux pour les profanes tels que moi en matière de musique, penche du côté "Horreur", avec en fond de trame les thèmes de la différence, du rejet et de la vengeance.


Sao Mai semble être ce genre de personne introvertie qui a plus de plaisir à être accompagnée par la musique que par ses semblables, mais paradoxalement, elle ne souhaite pas être rangée dans la catégorie des "Weirdo", comme Achille, un de ses camardes au style vestimentaire excentrique et amateurs de bouquins à saveur ésotérique. Ses parents n'étant pas très nantis, Sao Mai doit composer avec un vieux violon pour ses cours. D'ailleurs, elle est plutôt anxieuse avec ces derniers car sa professeur les mène dans l'axe de la composition, que la jeune fille n'est pas sure de pouvoir gérer. Mais en allant faire du ménage chez sa défunte grand-mère, Sao Mai découvre un violon d'une grande beauté et au son mélodieux, qui pourrait l'aider à prendre en confiance. Cependant, c'est tout l'inverse qui semble se produire. Hantée par une sorte d'Ombre, même ses paysages sereins qui se profilent dans son esprit quand elle joue deviennent des scènes macabres. De plus en plus dépassée, c'est Achille et ses dons de médium qui pourraient l'aider à comprendre ce qui lui arrive.


Il faudra patienter un certain temps avant de comprendre la problématique de base, c'est-à-dire le moment où l'on comprend qui est cette ombre maléfique qui semble tenir son pouvoir du violon noir. C'est à partir de là que ça devient passionnant. Au deux tiers du roman, on a le journal intime de la grand-mère de Sao Mai, Sandrine ( Littéralement, on a même la couverture et le dos du journal, entre les pages 163 et 194, vraiment cool!) qui est vraiment glaçant à lire. Franchement, un amour malsain qui tourne au harcèlement physique et psychologique, c'est terrifiant! Et je ne parle pas de toute la problématique autours du consentement. Bref! C'est ainsi que l'ont comprend que Bucky ( L'Ombre) est au cœur de la possession de Sao Mai. Le tout est de savoir comment on en vient à bout.


Je conçois que je divulgâche quelque peu le roman en parlant de Bucky, mais c'est là l'intérêt central. Autour de ce personnage s'articule deux enjeux: le rejet social à l'adolescence, dont est victime Bucky, mais en parallèle, le harcèlement dont est victime Sandrine. De part et d'autre, il y avait de gros enjeux. À mon avis, on aurait pu raccourcir un peu le début du roman pour traiter davantage de ce duo de personnages. Tout le problème de la communication, le fait que Sandrine n'a jamais parlé de ce qu'elle vivait, le fait qu'il est certes triste pour Bucky d'être rejeté, mais c'est quand même assez surprenant que personne n'ait questionné son côté à la limite du trouble narcissique et ses tendances meurtrières. Par contre, petite parenthèse, quand je vois le nombre de jeunes des États-Unis qui avaient ce profil de rejeté doublés de tendances sinistres, et qui ont fini par aller tirer des gens dans les écoles, ma foi, le personnage de Bucky n'est pas si irréaliste que ça, tout compte fait. Un petit lien à faire ici? Je pense qu'on aurait gagné à extrapoler sur le cas de Bucky et Sandrine.


J'ai peut-être été moins convaincu par Achille, ou même Prudence, assez fidèles à leur archétype de base: le "weirdo" qui porte des habillé bizarrement et qui lit des livres, c'est du déjà-vu. La blonde mesquine et autoritaire qui malmène les autres, c'est également assez cliché. Les auteurs jeunesse semblent réticents à sortir des caricatures, mais ce serait pourtant tellement plus intéressant! Même Sao Mai est assez typique: gênée, introvertie, peu confiante, elle incarne la jeune ado qui a du mal socialement, mais sans chercher à se démarquer, préférant juste évité l'étiquette "différente". Elle souffre aussi du fréquent "syndrome d'imposture" à plusieurs moments, qui illustre à la fois une certaine anxiété, une peur de l'échec et même un rejet du positif. Heureusement, elle fera du chemin et gagnera en confiance.


La thématique des émotions est également fortement présente. On traite des peurs, des mécanismes de défense comme la fuite ou le déni. On traite aussi du rejet, de la culpabilité, de la peur ( évidemment), mais aussi du surpassement de soi, du pardon et de la capacité à revoir son jugement. J'apprécie que ce roman ne soit pas juste un récit pour faire peur, mais également pour apprendre et comprendre. Ce sont des thèmes bien présents dans la vie des jeunes, je suis sure que beaucoup sauront reconnaître les enjeux en présence.


Dans le thème du harcèlement et du rejet, on a deux duos qui se font écho: celui de Sao Mai qui rejette Achille par peur d'être stigmatisée, et celui de Bucky rejeté par Sandrine [ qui se feront mutuellement du mal, tous les deux dans le tort, au final]. Toutefois, avec la dernière partie du journal de Sandrine, on perçoit la maturité qui a prit le dessus et la reconnaissance de certains torts. J'ai adoré cette partie, simplement parce que c'est trop rare de voir ce genre de fenêtre dans les livres jeunesse, cette idée qu'avec l'expérience et le temps, on peut faire évoluer nos a priori et même nos actions. Être adulte comporte aussi sa part de privilèges, on ne le souligne vraiment pas assez en jeunesse. Bref, il n'est jamais trop tard pour demander pardon et apprendre de ses erreurs. C'est un beau message.


Somme toute, ce fut une bonne lecture, bien frissonnante, avec la présence de l'ésotérisme, du violon noir maléfique et les visions terrifiantes. Dans le genre Horreur, ça rend bien. On a peu de romans sur le thème de la musique également, alors c'est agréable d'en avoir un de plus sur les tablettes. L'écriture était efficace et d'un bon niveau pour ce groupe d'âge. Le tout est appuyé d'images elles aussi angoissantes, en noir et blanc, avec beaucoup de jeux de lumières et d'ombre, histoire de bien servir son sujet.

"Scordatura" "est une manière d'accorder les instruments à cordes (violon, violoncelle, viole, luth, guitare, viole d'amour, etc.) qui s'écarte de l'accord usuel"(Wikipédia). Mais j'ajoute que cela peut référer, à un autre niveau, à la différence, une "autre façon d'être", en parlant des personnages d'Achille, Bucky et Sao Mai.

Une autre belle trouvaille que l'on doit à la sympathique maison du poulpe! Et quelle couverture! De plus vous trouverez une bande-son venant avec le roman, en format Code QR ou en suivant le lien présenté.

Un bon roman pour les amateurs de frissons à partir de 10 ans. C,est donc pour le lectorat du troisième cycle primaire, 10-12 ans.
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Incontournable Novembre 2021

Ce petit carnet rigide contient la correspondance fictive d'Émilien, aubergiste français amateur de cuisine et de dessin parti, avec son épouse. Émilien qui,comme tant d'autres européens, doit aller sur le champ de bataille de la première Guerre Mondiale. Ce qui devait être une guerre expéditive terminée avant Noël va se prolonger durant quatre ans, sous les avancés et reculs entre les tranchées où régnaient des conditions insalubres et très difficiles, séparé par un No Man"s Land que se disputaient les diverses Nations en présence. Une guerre "absurde", comme l'écrit Émilien à sa femme Madeleine, qui tient son auberge en l'attendant et va devoir accoucher seule de leur second enfant. Émilien, à travers ses écrits, nous livre ses espoirs, ses constats, ses émotions et ses craintes, avec à l’appuie ses croquis.


En réalité, les divers dessins et peintures de ce carnet sont les œuvres d'un artiste, Georges Bruyer, qui aura fait divers dessins de son passage sur les champs de bataille de la Première Guerre Mondiale. Il y retournera d'ailleurs. Il demande à participer "à la cinquième mission des artistes aux armées qui sont chargés par le ministère des Beaux-Arts de se rendre sur le front pour représenter la guerre" (p.88) Traits noirs, lignes dures, style épuré, légèrement minimaliste, il représente la guerre sans censure et sans omissions. Soldats, ruines, scène du quotidien, scène de batailles sont au lot des sujets. En couleurs, sans couleurs, dans les tons bleus froids ,croquis, estampes, aquarelles, , on a une certaine diversité de médiums.


Étonnant comment de simples lettres peuvent à elles-seules dépeindre assez justement cet épisode sombre de notre Histoire. Émilien y livre des détails de son quotidien, du ressenti tant de lui-même que des autres soldats, les espoirs au début, l'incompréhension quand la guerre s'étire. Il nous informe aussi des petits cadeaux qu'ils reçoit de sa femme,ainsi que des nouvelles qu'elle lui a apporté ( on n'a que les lettres d'Émilien seul).


C'est décrit assez simplement, et pourtant on a aucun mal à imaginer. Le style d'écriture se font bien aux dessins: il est aussi épuré et sobre qu'eux. Une bonne formule de la part de l’autrice, surtout que la guerre est ce genre de sujet qui n,a nullement besoin d'être engraissé et dramatisé pour être percutant. Et on fait un tour d'horizon assez complet: les conditions de vie dans les tranchés, la difficulté de progression des soldats, ceux du ravitaillement, les espoirs partagés de part et d'autre des lignes à Noël, les menus miracles comme des énormes échecs, les moyens employés par les soldats pour tuer le temps ou se préserver du désespoir. C'est le genre de roman plutôt intéressant pour les jeunes qui ne connaissent pas encore ce pan d'Histoire. Disons que c'est une manière d'entrer dans le sujet, sans détails glauques ou de politique complexe. On suit simplement un soldat dans sa routine, ce qu'il voit, pense et perçoit.


En outre, j'aime le format choisi pour cet ouvrage, avec des textes aérés, des images en pleine page, quelques petits croquis ici-là. On dirait un document, plus qu'un roman, mais c'est visuellement agréable. On a aussi en fin de roman un texte sur l’illustrateur George Bruyer, mais aussi de la genèse du roman avec son autrice. Très intéressant. Vraiment bien!

À voir.

Pour un lectorat à partir du second cycle primaire ( 8-9 ans), mais sans doute plus pertinent pour le troisième cycle ( 10-12 ans), puisque le cursus primaire québecois met les grandes guerres dans ce cycle-là.
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date : 29-11-2021
"Les indésirables" est ce genre d'oeuvre qui prouve que la Bd peut être un excellent médium quand vient le temps d'aborder l'histoire et de faire un exercice de mémoire.
Kiku Hughes se place dans cette histoire mi-fictive mi-historique avec la capacité de faire des retours dans la mémoire familiale. Elle constate que même venue du futur, elle ignore ce qui se déroule sous ses yeux. On a placé près de 120 000 habitants américains dont la seule faute est d'être originaire du Japon ou d'avoir du sang en partie japonais. Confinés dans des camps à travers le pays, juste après les évènements de Pearl Harbor, ces gens se retrouvent parqués dans des bâtiments sommaires, privés de droits et maintenus dans la peur. Les nouvelles sont souvent censurées, il y a donc une désinformation ambiante dans ces camps. Kiku partage le quotidien de plusieurs familles, dont celle de sa propre grand-mère, dont elle se tiens néanmoins loin. Ce quotidien est marqué par des besoins de base déficients, le manque de matériel, la surveillance croissante et le rejet de plus en plus massif de leurs racines nipppones.
Ce drame qui s'est joué aux États-Unis cré un sacré contraste avec la liberté dont les américains se font les porte-étendard et dont il sont si fiers. Ce sont pourtant des citoyens américains qui se sont retrouvés dans ses camps, dont le seul crime était d'avoir une filiation avec le mauvais pays. Actuellement, ce sont les citoyens d'origine arabe qui constitue la cible ethnique de la Droite intolérante aux États-Unis et il y a lieu de se demander si l'histoire ne se répète pas. le constat s'applique aussi à certaines autres minorités, dont les afro-américains.
C'est donc un devoir de mémoire que nous propose ici Hugues, et avec sa Bd au dessin épuré aux tons pastels, elle le fait avec une douceur qui contraste avec la porté du sujet. Ce qu'elle y met est bien sur touchant, parce qu'au-delà des évènements passés, c,est une communauté entière, sur plusieurs générations qui en ont payé le prix. Certains pan de cette histoire sont d'ailleurs encore nébuleux du fait que les acteurs principaux de ce drame n'ont jamais parlé de ce qu'ils ont vécu, préférant soit le silence pour oublier, le silence pour protéger ou le silence craintif. Une chose est sure, il n'y aura pas eu que des répercutions sociales, mais aussi psychologiques, laissant beaucoup de laissés pour compte.
Un sujet véritablement fascinant, dont je n'avais jamais entendu parlé et qui , pourtant, trouve des écho actuellement avec l'intolérance ethnique aux USA. Je salue le travail de l'autrice, qui contribue ainsi à instruire la population à travers un médium intéressant et à la porté de tous.
À découvrir!
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