Un mystère Adèle Sharp, Tome 11 : Condamné à tourmenter

Adèle aimait penser qu’elle avait appris à ne pas gâcher ces moments de bonheur à cause d’un mauvais pressentiment. Prétendre qu’elle avait eu une vie facile serait un mensonge. Elle était familière avec bien trop de pierres tombales dans bien trop de cimetières pour que ce soit le cas, mais dans ce petit appartement au cœur de Paris, dans le même immeuble où elle avait autrefois vécu avec sa mère, Adèle se sentait heureuse.

Elle ne pouvait pas choisir les personnes qu’elle aimait. Du moins pas toujours. Son père, avec sa moustache à la gauloise, imposant, avec ses bras de marins, et ses t-shirts blanc tachés de soupe aux champignons devenait un personnage amusant lorsqu’il regardait des rediffusions de matchs de foot tout en agitant les bras. John, qui était désormais plus qu’un ami, s’était légèrement adouci. Il restait l’agent grincheux et acariâtre qu’il avait toujours été, mais beaucoup moins avec elle. Il semblait lui avoir donné sa confiance. Tandis qu’elle restait à le regarder, elle sentit de drôles de picotements de chaleur parcourir son ventre.

Au même moment, elle entendit des grésillements puis un juron. Elle regarda derrière John qui se léchait le pouce et se frottait l’œil, clignant des yeux tout en baissant rapidement la chaleur de cuisson des poivrons frits. Le parfum de la nourriture lui donnait l’eau à la bouche. Elle s’assit à table, dans la cuisine, croisa ses bras puis regarda John se frotter les yeux.

— J’ai survécu à deux voyages en Iraq, lança-t-il, mais je vais être défiguré à cause d’une poêlée de poivrons. Quelle tragédie !