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Vingt ans n’est rien, pour changer des mentalités ancrées dans une société dominée par les pères et les époux. Aucune femme n’a jamais la totale certitude que ses propos, son individualité, des aspirations ne la conduiront pas entres ces murs redoutés du treizième arrondissement. Alors elles font attention.
La maladie déshumanise ; elle fait de ces femmes des marionnettes à la merci de symptômes grotesques, des poupées molles entre les mains des médecins qui les manipulent et les examinent sous tous les plis de leur peau, des bêtes curieuses qui ne suscitent qu'un intérêt clinique. Elles ne sont plus des épouses, des mères ou des adolescentes, elles ne sont pas des femmes qu'on regarde ou qu'on considère, elles ne seront jamais des femmes qu'on désire ou qu'on aime : elles sont des malades.
Existe-t-il pensée plus consolante que de savoir les proches défunts à vos côtés ? La mort perd en gravité et en fatalité. Et l'existence gagne en valeur et en sens. Il n'y a ni un avant ni un après, mais un tout.
Les femmes de la Salpêtrière n'étaient désormais plus des pestiférées dont on cherchait à cacher l'existence, mais des sujets de divertissement que l'on exposait en pleine lumière et sans remords.
Pendant que les aliénées prennent place sur la piste ou sur les banquettes, les invités se relâchent et gloussent, s'esclaffent et crient lorsqu'ils effleurent la manche d'une folle, et si l'on venait à entrer dans cette salle de bal sans en connaître le contexte, on prendrait pour fous et excentriques tous ceux qui, ce soir, ne sont pas censés l'être.
Les murs de cet hôpital déstabilisent quiconque y pénètre, à commencer par celui qui vient y placer sa fille, ou son épouse, ou bien sa mère. Geneviève ne compte plus les hommes qu'elle a vus s’asseoir sur cette chaise : ouvriers, fleuristes, professeurs, pharmaciens, marchands, pères, frères, époux - sans leur initiative, la Salpêtrière ne serait sans doute pas aussi peuplée. certes, certaines femmes en ont déjà amené d'autres - des belles mères plus que des mères, parfois des tantes. Mais la majorité des aliénées le furent par les hommes, ceux dont elles portaient le nom. C'est bien le sort le plus malheureux : sans mari, sans père, plus aucun soutien n'existe - plus aucune considération n'est accordée à son existence.
Parfois, on aimerait savoir, n’est-ce pas, la nature exacte des paroles : leur poids sur les âmes, leur action insidieuse sur les pensées, leur durée de vie, si elles sucrent ou rendent amers les cœurs. Iront-elles se loger quelque part dans le cerveau et un jour, on ne sait ni pourquoi ni comment, réapparaître ? Auront-elles un effet immédiat et déclencher colère, tristesse, stupeur ? Seront-elles incomprises, confuses ?
Il ne faut rien regretter parce qu’il faut bien que ça se termine, ce faux-semblant qu’est l’enfance, il faut bien que les masques soient retirés, les imposteurs démasqués, les abcès crevés, il faut bien que cesse toute velléité du mieux, du magnifique, du meilleur, il faut bien en finir avec les belles paroles, les bons sentiments, les rêves doucereux, il faut bien, un jour, arracher à coups de dents sa place au monde.
Dans sa chambre, entre son lit et son armoire, Éliette s’est fait une cabane avec un grand drap. Son père l’a aidée à tendre et à plier le tissu de manière à faire un rabat qui lui sert de porte. Parfois, à la nuit tombée, sa mère et son père se tiennent sur le seuil de sa chambre, l’écoutant murmurer dans sa cabane, n’osant la déranger. Ils la décalquent – figure parfaite habillée d’une robe à smocks, pinces à nœud dans les cheveux, visage de porcelaine – sur les images de conte de fées qui subsistent encore dans leurs têtes. Ils imaginent leur fille, princesse parmi les princesses, poupée parmi les poupées, déployant sa beauté extraordinaire le long des routes bordées de fleurs, nageant dans des lacs clairs aux reflets d’or, chevauchant, oh oui certainement, une licorne blanche. Ils sont persuadés qu’ainsi joue Éliette dans sa cabane, Éliette dans son jardin secret, Éliette avec sa torche qu’elle allume et éteint, Éliette sans secrets, sans chagrins, sans véritables pensées. D’ailleurs, pourquoi devrait-elle penser, Éliette ? N’a-t-elle pas une chance extraordinaire d’être née ainsi ? N’a-t-elle pas tout ce qu’elle pourrait désirer ?
C’est étrange parfois comment l’esprit résiste à la chimie et à l’alcool, c’est curieux comme rien ne peut l’empêcher de tourner, de mélanger souvenirs et désirs, peurs et joies, ciel et mer.
Il était une fois un pays qui avait construit des prisons pour enfants parce qu’il n’avait pas trouvé mieux que l’empêchement, l’éloignement, la privation, la restriction, l’enfermement et un tas de choses qui n’existent qu’entre des murs pour essayer de faire de ces enfants-là des adultes honnêtes, c’est-à-dire des gens qui filent droit.
Je pourrais en pleurer. Parmi l’espèce abjecte qui se moque de moi et pour laquelle je me sacrifie il y a cet homme qui n’est pas venu se régaler du spectacle et qui, cela se sent, m’aide de tout son cœur.
S’il avait déboulé dans la rue par hasard et s’il m’avait vu tituber sous la croix, il aurait eu, je pense, la même réaction : sans réfléchir une seconde, il aurait couru me secourir. Il y a des gens comme ça. Ils ignorent leur propre rareté.
Il y a des spectateurs, mais pas tellement. C’est pour les happy few – triés sur le volet, ces connaisseurs apprécient. Ils semblent trouver que la distribution est de qualité : le bourreau fouette bien, la victime a de la pudeur, c’est une prestation du meilleur goût.
L’amour concentre la certitude et le doute : on est sûr d’être aimé autant qu’on en doute, non pas tour à tour, mais en une simultanéité déconcertante.
Avant l’incarnation, je n’avais pas de poids. Le paradoxe, c’est qu’il faut peser pour connaître la légèreté. L’ébriété délivre de la pesanteur et donne l’impression que l’on va s’envoler. L’esprit ne vole pas, il se déplace sans obstacle, c’est très différent. Les oiseaux possèdent un corps, leur envol relève de la conquête. Je ne le répéterai jamais assez : avoir un corps, c’est ce qui peut arriver de mieux.
C’est mon miracle préféré. Le choix n’est pas difficile, c’est l’unique miracle que j’ai aimé. Je venais de découvrir l’écorce et j’étais ébloui. La première fois que l’on fait quelque chose qui est à ce point au-dessus de soi, on oublie aussitôt la démesure de l’effort, on ne retient que l’émerveillement du résultat.