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L'Urne de Xalanor, Tome 1 : La Folie du roi



Description ajoutée par vincentmacphordyne 2016-05-31T12:23:31+02:00

Résumé

Les royaumes d’Édorianne et d’Élikasar sont voisins, ils vivent en paix depuis la fin de la guerre des déchus, quelque cinq cents ans plus tôt. Cette fragile trêve est soudainement remise en question lorsque le roi Légirède apprend que des armées élikasariennes bivouaquent à ses frontières. Le roi Ollon jure de ne réaliser que de simples manœuvres. Coincé dans sa folie, Légirède ne croit plus ses conseillers qui tentent de le tempérer – certains se verraient même le renverser. Il veut partir en guerre afin d’honorer ses ancêtres et faire valoir son droit. Cependant, il n’aurait aucune chance contre la stratégie et l’évolution technologique du royaume d’Élikasar. La paix l’emportera-t-elle sur la folie ?

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Classement en biblio - 12 lecteurs

extrait

I – Le duché de Torielle

Assis à son secrétaire richement décoré, une tunique de soie fine incrustée de fils d’or et d’argent, le roi Ollon lisait les réclamations du jour qui nécessitaient sa signature. Un courrier attira son attention, enfoui sous cette impressionnante pile de documents. Il portait le sceau de l’Ussiphal. Il cassa le scellé. Ses grandes mains musclées tremblèrent à la lecture du message.

« Comment ose-t-il cela !? », s’écria-t-il. « Pourquoi maintenant !? »

Le roi leva sa charpente d’une toise pour sept piles de muscles tout en frappant dans ses mains.

« Votre Majesté ? » demanda un valet à son entrée.

« Faites venir immédiatement les conseillères Euclarisse et Naflalice.

– Bien Votre Majesté. »

La pièce baignait dans un océan de lumière. Un luxe exceptionnel dans ce royaume plongé dans une nuit éternelle. Un épais et immense nuage noir le recouvrait tout entier. Les nombreuses fenêtres offraient une vue imprenable sur les jardins et une partie de la basse-cour.

Le lieu, séparé en deux parties par une cloison amovible, servait pour moitié aux réunions informelles du roi, l’autre relevait de son domaine privé. Deux paires de soldats, habillés de brigandines vertes, gardaient jalousement ces pièces. Les tentures habillaient les murs que la pierre de taille rendait sobres, froids, mornes. Une immense table finement sculptée trônait au milieu de la pièce, sans chaises, recouverte d’un empilement anarchique de parchemins, de cartes enroulées, pliées, qui apportaient des informations diverses du pays, du royaume d’Édorianne, du continent de Koldanie. D’autres traînaient négligemment à ses pieds, d’autres pendaient à moitié, retenues de manières hasardeuses par différents serre-livres représentant diverses créatures de Gohard : des galistères, des akylaires, des korafèles, des séphalocites. Le roi jeta négligemment le courrier de son bouleversement dessus avant de violemment tirer la carte du duché de Torielle, enfoui sous une pile. Cela entraîna sa chute. Il l’étala, posa les mains dessus et resta inerte quelques minutes, concentré, les bras tendus. Le valet entra.

« Les conseillères sont arrivées, Votre Majesté.

– Qu’elles entrent. »

Les conseillères se présentèrent au roi. Le costume en coton que portait la générale Euclarisse rappelait les brigandines des soldats. Simple, fonctionnel, élégant, il se mariait habilement à son joli visage qui faisait dix ans de moins que son âge réel, orné de longs cheveux longs et bruns. La comtesse de Hourdane drapait son beau visage allongé aux yeux bleus, décoré d’un nez fin et terminé d’une bouche pulpeuse, d’une chevelure brune naturellement bouclée. Sa cotte en soie, aux motifs colorés, épousait ses formes, accentuait un charme qui ne laissait, même sans cela, aucune chance aux hommes qui croisaient son regard.

« Mesdames, je vous ai fait convoquer en urgence pour avoir votre avis sur un grave problème. »

Le roi tourna la tête vers ses conseillères, reprit une position droite, ramassa le courrier d’une main et le brandit.

« Si j’en crois ce dernier rapport de l’Ussiphal, le roi d’Édorianne serait prêt à envahir le duché de Torielle. »

La surprise, l’étonnement, se lisaient sur les visages des conseillères.

« Que dois-je faire selon vous ?

– Combien de soldats avons-nous à la frontière ? » demanda la générale Euclarisse.

« Un bataillon en tout et pour tout. Le duc de Carnamack m’avait assuré que cela ne poserait aucun souci. »

Les conseillères se regardèrent, désabusées.

« Que dit-il de cela ?

– Je ne lui ai pas encore communiqué l’information. Je vois votre regard accusateur, générale. Je sais ce que vous pensez, mais je suis le roi et c’est à moi de prendre les décisions.

– Puis-je voir ce document, Votre Majesté ? » demanda Naflalice.

Le roi lui tendit le courrier.

« Cette information a-t-elle été vérifiée ? » demanda la générale.

« Douteriez-vous de son authenticité ? » répondit-il irrité.

Naflalice reprit :

« Son contenu m’étonne, Votre Majesté. Je n’ai eu vent d’aucun mouvement de troupes édoriannaises à la frontière ni de volonté du roi Légirède d’en rassembler une. Quant à l’idée d’envahir le duché de Torielle par l’estuaire de l'Hydrule est une aberration selon moi.

– Revoyez alors vos informations, comtesse. Le sceau de l’Ussiphal prouve à lui seul la véracité de ce courrier. »

Le roi se frotta sa barbiche.

« Si je lève une armée, je prends le risque de déclencher une guerre que je ne veux mener. Par ailleurs, les ordres magiques risqueraient d’intervenir pour jouer les médiateurs hypocrites, comme ils savent si bien le faire, afin de donner raison au roi Légirède. Mais si je ne fais rien, je passerai pour un roi faible, lâche. La flèche noire s’en donnera à cœur joie pour me dénigrer. Elle poussera le peuple à la guerre civile.

– Votre Majesté se souvient-elle de notre avis défavorable sur le plan du duc de Carnamack ? » demanda Euclarisse.

« Je le sais que trop bien. Pourquoi vous ai-je fait mander ?

– Je ne peux conseiller à Votre Majesté que sagesse et magnanimité. Votre Majesté doit donner l’ordre de retirer ces tentes qui font croire au roi Légirède la présence de deux de nos armées à l’estuaire de l’Hydrule.

– Si je retire les tentes de la frontière, plus rien n’arrêtera l’invasion de ce fou de Légirède. Le peuple ne me le pardonnera pas et je ne pourrai contenir plus longtemps cette gronde qui se transformera en révolte ou pire encore. »

Le roi ne savait que penser. Il voyait, craintes, appréhensions, dans les yeux de ses conseillères. Il leur tourna le dos, s’approcha de l’une des fenêtres tout en se caressant sa barbiche.

« Savez-vous combien de documents je reçois par jour ? Une centaine. Cela va de simples rapports à des messages, des demandes, des doléances, des supplications, des grâces, des droits sur héritages, des concessions minières, que sais-je encore. Le service du duc de Carnamack en trie des milliers, les distribue aux bonnes personnes, suit l’avancement des dossiers et gère tout ce qui ne requiert pas mon jugement. Pensez-vous vraiment qu’il m’aurait proposé cette solution s’il mettait le royaume en danger ?

– Pardonnez ma franchise, Votre Majesté, mais je pense que le duc de Carnamack ne discerne plus la réalité des ambitions auxquelles il aspire pour Votre Majesté. Il devient dangereux pour ce royaume.

– Tous les jours, générale, je regarde mes jardiniers s’affairer sur mes parterres. Ils taillent, ils plantent, ils déplacent, ils déracinent, bref, ils entretiennent cet espace de verdure perdu au milieu d’un royaume enfoui sous ce nuage d’une noirceur ténébreuse, aux dimensions infinies. Aujourd’hui, ils exercent leur art sur mes buis. Ils paraissent dangereux et belliqueux avec leurs cisailles. Pourtant, personne ne les arrête parce que tout le monde attend le résultat final. Godomèr est comme un frère pour moi. Nous avons grandi, partagé la même nourrice, les mêmes précepteurs, fait les quatre cents coups ensemble. Nos familles sont liées depuis tant de générations que ni la sienne, ni la mienne, ne sauraient dire avec exactitude quand cela a commencé. Je ne peux croire et je ne veux croire que mon frère se soit trompé aussi lourdement sur une décision de cette gravité. Ce n’est pas moi qui ai ouvert les hostilités. Je n’ai pas de désirs expansionnistes au contraire du roi d’Édorianne. »

Euclarisse n’insista pas.

« Votre Majesté s’est-elle arrêtée sur une action à mener ? » demanda Naflalice.

Le roi vit par la fenêtre un cavalier entrer dans la cour du château. Il portait une broigne et une cape toutes aussi sombres que le nuage recouvrant le royaume d’Élikasar, caractéristiques de l’armée privée du duc de Carnamack.

« Je vais leur interdire l’accès à ce château par la force !

– Je demande pardon à Votre Majesté ?

– Ce que je veux faire ? Je n’en sais rien. Dois-je retirer ces tentes ou les remplir de soldats ? Vous êtes mes conseillères, conseillez-moi.

– Votre Majesté devrait replier ces tentes », reprit Euclarisse, « privilégier la voie diplomatique. Je ne pense pas le roi d’Édorianne mû par une réelle volonté d’envahir le duché de Torielle.

– N’oubliez pas, Votre Majesté, que le royaume d’Édorianne est notre seul fournisseur de matières premières végétales et animales», ajouta Naflalice. « Lui faire la guerre arrêterait notre approvisionnement, faisant aussitôt réapparaître la famine. »

Le roi se retourna vers ses interlocutrices.

« Je sais tout cela, comtesse ! Je n’ai pas besoin de conseillers pour me le rappeler ! J’ai déjà assez de cette rabat-joie de baronne de Klokrite sur le dos qui me réclame plus de terres pour nos paysans ! Mais ce ne sont que des paysans ! Nous avons besoin de ces exploitations minières pour honorer nos contrats. Beaucoup en Koldanie attendent de nous une production efficiente de fer d’une qualité inégalée et inégalable. Si nous ne leur fournissons pas, ils se serviront par la force ! »

Les conseillères acquiescèrent silencieusement.

« Je n’ai jamais voulu que mon peuple vive dans la misère, la pauvreté. Les ouvriers qui ne meurent pas de famine succombent sous les maladies. Et ceux qui échappent aux maladies tombent sous les coups de fouet, les éboulis. Vous croyez que je m’amuse à maltraiter mon peuple, à l’obliger à prier une déesse qu’ils refusent ? J’ai hérité de ce pays pourri de mon père qui l’a reçu de son père qui lui-même l’a obtenu du sien et ainsi de suite. Le roi Irudok est notre héros à tous, il a fondé ce royaume à la force de son épée. Il a découvert une nouvelle méthode de métallurgie, mais à quel prix ? Mon pays n’est qu’un vaste champ de trous ! Si j’arrête l’exploitation minière, qui fournira l’acier et les armes à nos royaumes clients ? Croyez-vous qu’ils accepteront une pâle copie venue d’un concurrent ? Qui nous protégera d’une invasion dont la finalité sera de s’emparer de nos secrets ? Sans exploitation minière, je ne pourrai entretenir une armée de professionnels. Nous serons à la merci des premiers barbares venus. Et pour retrouver une économie stable, saine, il faudrait une terre labourable, mais cela demandera des siècles pour que ce royaume en retrouve une et exporte ses matières premières. Quant aux dieux que nous avons chassés comme des malpropres, ne pensez pas qu’ils viendront nous aider. Me rabâcher vos sottises ne me sert à rien ! J’attends de vous de réelles réponses ! »

Les conseillères ne pipaient mot.

« Générale, que pouvez-vous me dire sur l’activité des mines du duché de Torielle ?

– Le comte d’Haltègue, le baron de Ricktburg ou la baronne de Klokrite seraient mieux placés que moi pour répondre à Votre Majesté.

– Peut être, mais c’est à ma conseillère militaire que je demande cela.

– Eh bien, à ma connaissance, aucun incident n’a été déploré depuis la dernière rébellion écrasée dans le sang, il y a deux mois. Les contremaîtres ne se plaignent plus des ouvriers et aucune attaque à la frontière n’a été recensée. »

Le roi effleurait sa barbiche de sa main. Il observait d’un regard vide ses jardiniers travailler sur ses buis. Un valet entra.

« Votre Majesté, le duc de Carnamack désire audience. Il précise le caractère urgent de sa demande.

– Je le recevrai dans quelques instants.

– Bien Votre Majesté.

– Trouvez un moyen pour empêcher l’armée de ce désaxé de déferler sur le duché de Torielle et faites-le-moi savoir. Si votre proposition est valable, je la retiendrai. Dans le cas contraire, je suivrai les indications de Godomèr. »

Les conseillères répondirent d’une seule voix : « bien Votre Majesté »

Une révérence obséquieuse les autorisa à se retirer. Le duc de Carnamack, un dossier à la main, força le passage que les soldats gardaient pour entrer et poussa les conseillères. La générale Euclarisse regarda le duc de Carnamack, outré.

« Vous pourriez attendre !

– J’ai des informations capitales pour le roi. Je n’ai pas le temps de contenter votre caprice, madame. »

Euclarisse fixa le duc de Carnamack au sourire narquois d’un regard d’une telle noirceur que le marron de ses iris ne se distinguait plus du noir de ses pupilles. La réponse silencieuse qu’elle reçut la fit enrager encore plus. Le premier ministre dévisageait d’une insistante provocation son corps svelte et sa poitrine plantureuse. Naflalice poussa sa collègue vers la sortie avant qu’elle ne provoquât le duc de Carnamack en duel.

« A plus tard générale », lança-t-il avec bravade. « Vous me manquez déjà. »

Naflalice répondit sur un ton sec :

« Veuillez tenir vos propos, monsieur le duc.

– Vous vouliez me voir duc ? » demanda le roi, outré de cette intrusion.

« Oui Votre Majesté. »

Le duc de Carnamack s’inclina flatteusement devant le roi.

« Veuillez pardonner cette entrée aussi maladroite qu’insultante, Votre Majesté. Ceci ne se reproduira plus.

– C’est ce que vous m’aviez déjà affirmé la dernière fois, et la fois précédente, et la précédente. »

Le roi fit lentement deux fois le tour de son premier ministre. Il voulait le punir à sa manière de cette entrée insolente. Il en profita pour regarder plus en détail le magnifique pourpoint et ses chausses en soie de son vassal. Il établit avec la plus grande peine que la tunique qu’il portait ressemblait à des vêtements ternes et sans valeurs, par comparaison. Une insulte difficilement supportable pour une personne toujours attentive à la dernière mode.

« Relevez-vous, duc, vous allez attraper un tour de rein dans cette position.

– Merci, Votre Majesté.

– Quelle est la raison de cette nouvelle visite ? Encore un soulèvement de mineurs ?

– Avez-vous lu mon dernier rapport ?

– Je l’ai lu.

– Alors je vous informe que le roi d’Édorianne a obtenu l’accord de ses conseillers pour envahir le duché de Torielle.

– Quoi ! Déjà !

– Oui Votre Majesté, déjà. »

Le roi n’en croyait ses oreilles. Il entama des allées et venues dans la pièce, se frottait sa barbiche nerveusement. Les traits tendus sur son visage anguleux laissaient percevoir une rage difficilement contrôlable.

« Comment ce fou a-t-il réussi à convaincre aussi vite ses conseillers !? »

Il s’arrêta devant le duc de Carnamack.

« La reine Istrid a accepté cette hérésie ?

– Tout porte à le croire, Votre Majesté.

– Comment ont-ils pu cautionner cet acte de pure folie !? C’est une déclaration de guerre ! Et pourquoi ne m’a-t-elle pas prévenue ?

– Votre Majesté ?

– Continuez.

– Il s’agit simplement d’une vieille rengaine opposant le royaume d’Édorianne à celui d’Élikasar. Votre Majesté ne doit pas prendre cette menace au sérieux.

– Cette menace, comme vous dites, a déjà failli entraîner un conflit par le passé, duc. »

Le roi entreprit une marche circulaire dans le bureau, la main fébrile sur sa barbiche. Une nouvelle question entraîna une nouvelle halte.

« Comment avez-vous obtenu ces informations ?

– Nous avons un espion en poste au service du roi Légirède. »

Le roi, énervé, ne savait plus quoi penser. Les tremblements de sa main finissaient par arracher les poils de son menton. Il s’arrêtait, reprenait les cent pas de son bureau à la fenêtre et inversement. Des questions sassaient et ressassaient dans son esprit.

« Etes-vous sûr de votre source ?

– Absolument Votre Majesté.

– Il s’agit bien du duché de Torielle ?

– Oui Votre Majesté.

– Je ne peux croire le roi Légirède aussi stupide ! »

Le roi ruminait, fulminait, marchait, tournait dans la pièce, autour du bureau, puis s’arrêta devant le duc de Carnamack. Il le fixa de ses yeux marron. Il lui demanda sèchement :

« Est-ce l’un de vos gens que j’ai vu tout à l’heure, par la fenêtre ?

– Je vous demande pardon, Votre Majesté ?

– L’un des soldats de votre armée privée est-il ici, duc ?

– Oui, Votre Majesté, il est arrivé il y a quelques minutes.

– Ne vous avais-je point demandé de leur interdire l’accès ? Ce sont des mercenaires, des brigands, des barbares, des violeurs, des meurtriers. »

Le duc de Carnamack n’aimait pas les remontrances de son roi qu’il considérait comme faibles, insipides.

« Votre Majesté sait bien que l’Ussiphal ne serait pas le service de renseignements qu’il est sans mes agents.

– Veuillez répondre à ma question.

– Oui, Votre Majesté, vous me l’aviez demandé.

– L’avez-vous fait ?

– Bien entendu. Je ne saurais aller contre la volonté de Votre Majesté.

– Pourquoi viennent-ils encore ici, en ce cas ?

– Je ne peux leur demander de se rendre à mon château lorsque je suis dans celui de Votre Majesté. Les informations qu’ils m’apportent demandent une analyse et un traitement rapide.

– Vous me décevez, duc. »

Le duc de Carnamack contenait sa colère montante.

« L’un de vos premiers ordres à mon entrée en fonction ne fut-il pas de prévenir Votre Majesté au plus vite de tout changement important dans votre royaume ? Je ne fais qu’obéir aux ordres de Votre Majesté.

– Ne cherchez pas d’excuses. Vos rustres vont et viennent dans mon château, tels des prédateurs. Ils n’obéissent à aucune loi, sauf les vôtres bien sûr. Ils volent dans mes cuisines, violent mes servantes et provoquent même mes officiers ou mes courtisans en duels. Cela doit cesser immédiatement ! Dans le cas contraire, je serais dans l’obligation de prendre une décision définitive, radicale, à votre encontre. Cela me gênerait beaucoup de devoir changer de premier ministre. »

Le duc de Carnamack connaissait suffisamment bien le roi pour savoir qu’il n’exécuterait jamais ses menaces, mais entra dans son jeu.

« Votre Majesté blesse mon cœur. Je n’imagine pas me voir enlever le privilège de servir Votre Majesté jusqu’à mon dernier souffle. Je supplie Votre Majesté de ne pas faire cela. Je suis entièrement dévoué à Votre Majesté.

– Nous verrons ce problème plus tard. Que me proposez-vous pour contrer ce fou ? »

« Votre Majesté devrait renforcer les mines du duché de Torielle par une présence militaire dissuasive.

– Je l’ai déjà fait ! Vous voyez où vos idées me conduisent, à la guerre !

– Que Votre Majesté me pardonne, mais Votre Majesté fait erreur. J’avais conseillé à Votre Majesté de tromper le roi Légirède, mais celui-ci a compris notre stratagème. Mettez une véritable armée à votre frontière pour envoyer un message fort, dissuasif.

– Encore une armée !? Je ne veux pas déclencher une guerre, duc, je veux l’éviter !

– Le roi d’Édorianne est un lâche. S’il voit une armée prête à lui barrer la route, il reculera et abandonnera cette vieille revendication de propriété sur le duché de Torielle.

– Je l’ai déjà fait ! Cet enragé veut quand même me faire la guerre !

– Le roi Légirède désire traverser la frontière parce qu’aucune armée de Votre Majesté ne lui barre la route. Que Votre Majesté lui bloque l’accès et il retirera ses troupes de la frontière.

– Je ne comprends pas votre obstination, duc.

– Si sa menace avait eu de réelles motivations, Votre Majesté, les deux cents hommes en poste sur les bords de l’Hydrule seraient déjà morts.

– Ne pensez-vous pas que l’envasement de cet estuaire soit la seule raison qui freine cet expansionniste ?

– L’impossibilité de traverser l’estuaire est une problématique, Votre Majesté, mais la couardise en est une autre.

– Et les dieux dans tout cela ? Si la guerre est déclarée, les religieux, ensuite les magiciens, me tomberont dessus. Ils me réclameront une trêve puis une paix avec un risque de perdre le duché. S’ils n’y arrivent pas, vous pouvez être sûr que ces charognards que sont les magiciens me destitueront. Au mieux pour mon fils, le comte de Tinarque, au pire pour la première marionnette venue. Que deviendra ce royaume après cela ?

– Ils ne pourront rien faire à Votre Majesté si Votre Majesté est lésée. Le Codex Magicus est très clair sur ce point. Les magiciens n’interviennent dans un conflit que si les pertes en fidèles pour les dieux sont trop importantes ou que le conflit se préparant pourrait l’être. Si le royaume d’Édorianne venait à attaquer celui de Votre Majesté, les ordres magiques se rangeraient du côté de Votre Majesté. Cela ne pourrait en être autrement.

– Oublieriez-vous le mécontentement du peuple ? Il ne cesse de réclamer plus de terres pour ses cultures. Les révoltes, les rumeurs de révolutions, n’ont jamais été aussi intensives. Mes ancêtres m’ont fait cadeau d’un royaume au bord de la guerre civile. Si je perds le duché, je perds le royaume. Le peuple ne me le pardonnerait jamais. Et je ne vous parle même pas de la flèche noire qui crache sur moi, sur mon règne, répand sa propagande fallacieuse dans toutes les couches sociétales du royaume pour mieux me renverser. Leurs dirigeants se cachent bien, mais lorsque je les aurai trouvés, je leur ferai payer cher leur trahison ! Croyez-moi, duc !

– Le peuple a de quoi manger, Votre Majesté. Le royaume lui fournit toute la nourriture dont il a besoin.

– Celle du royaume d’Édorianne. Comment ferais-je pour nourrir mon peuple si la guerre est déclarée ?

– Vous pourrez toujours en importer de république de Brock ou du royaume de Rotasie, il est notre allié. Mais que Votre Majesté ne s’inquiète pas, il ne s’agit que d’esbroufe. Le roi Légirède n’attaquera pas Votre Majesté si Votre Majesté lui barre la route. Il n’en a pas le cran. »

Le roi reprit sa marche forcée dans la pièce. Il s’arrêta devant une fenêtre.

« Comment pourrais-je protéger le royaume si j’envoie toute une armée dans le duché de Torielle ?

– Votre Majesté a d’autres armées en réserve. Celle de la générale Euclarisse est opérationnelle. Je propose de la faire partir immédiatement. »

Le roi hésitait encore. Les malheureuses tentatives d’intimidation ne provoquèrent que de l’agressivité jusqu’à présent. Rien ne lui certifiait qu’envoyer une armée dissuaderait le roi d’Édorianne de ne pas traverser l’estuaire de l'Hydrule.

« Je vais réunir un conseil, j’aviserai après.

– Votre Majesté n’a plus le temps. Votre Majesté doit montrer sa détermination sans quoi l’armée édoriannaise pourrait se mettre en ordre de bataille, entraînant un risque de révolution. Notre allié serait beaucoup moins enclin à nous fournir du charbon. Nous ne serions plus en mesure de produire un acier que tout le continent nous envie. Sans cette supériorité métallurgique, nous sommes voués à une invasion généralisée. Votre Majesté doit penser à ses ancêtres, à tous ceux qui ont cru en ce royaume, qui ce sont battus pour le fonder. Votre Majesté doit protéger ses richesses tant convoitées, s’affirmer comme un roi fort et puissant. »

Le roi Ollon ne pouvait se décider. Il marchait de nouveau en long, en large et en travers, torturant sa barbiche.

« Que Votre Majesté n’oublie pas que ce duché est celui de la mère de Votre Majesté. »

Le roi s’arrêta, regarda le duc de Carnamack avec effroi.

« Soit, préparez l’ordre duc, je le signerai.

– Le voici, Votre Majesté. »

Le duc de Carnamack sortit du dossier qu’il portait à la main un ordre de mission à destination d’Euclarisse et établi au nom du roi.

« Vous l’aviez déjà rédigé ?

– Mon travail est de prévoir toutes les éventualités. C’est pour cela que je suis le premier ministre de Votre Majesté. »

Le roi prit le document avec hésitation.

« Vous me faites peur, parfois. Vous semblez deviner mes pensées. »

Le roi lut l’ordre de mission, s’installa à son secrétaire, prit une plume avec incertitude, la trempa timidement dans l’encrier. Il ratura un endroit, apporta deux corrections puis se résigna à le signer, le cacheter, envahi de doutes. Il se releva, donna l’ordre au duc de Carnamack.

« J’espère ne pas me tromper en vous écoutant, duc.

– Que Votre Majesté ne s’inquiète pas, je ne sers que ses intérêts. »

Le duc de Carnamack rangea le document dans son dossier sans même regarder les corrections. Il s’inclina, prêt à partir, quand le roi lui dit :

« J’ai nommé le général Haphalion pour mener cette mission à bien. Il est capable et à toute ma confiance. Sauf contre ordre de la générale Euclarisse, il partira demain. »

Le duc se releva, déconcerté.

« Le général Haphalion ?

– La générale Euclarisse est ma conseillère, j’en ai besoin à mes côtés, surtout en ce moment. Vous pouvez vous retirer, duc.

– Bien, Votre Majesté. »

Le duc de Carnamack salua de nouveau flatteusement le roi, se retira, sans son traditionnel sourire narquois aux lèvres.

II : Le conseil

Confortablement installé dans son fauteuil, réchauffé par le feu nourri et crépitant de l’âtre, le roi Légirède lisait paisiblement à la lumière des deux fenêtres de la pièce.

Le roi, vêtu d’une noble tunique en soie, aimait se réfugier dans son bureau pour oublier ses soucis quand le poids de la couronne devenait trop lourd à porter. Pour le plus grand malheur de ses conseillers, et le plus grand bonheur de sa femme, il s’y isolait au moins une fois par semaine. Pourtant, le roi détestait cette pièce. Toute la décoration lui rappelait son échec personnel.

La fresque du plafond narrait l’histoire du chevalier Odéricus, son ancêtre, qui reçut des dieux vakalonissois le royaume d’Édorianne durant la guerre des déchus. Pour officialiser le couronnement, ces dieux rédigèrent une proclamation qu’ils donnèrent à leur protégé. Toute personne contestant le bien-fondé de ce document les contredirait aussitôt, s’exposant de la même à une errance éternelle dans l’astinaloze.

Les tableaux de ses ancêtres recouvraient les murs. Tous apparaissaient avec la proclamation, leur nom gravé sur une plaque cuivrée vissée en bas chaque cadre.

Tout le mobilier portait des sculptures ou des bas-reliefs de l’intronisation d’Odéricus et de la dynastie qu’il avait engendrés. La plupart des ouvrages de la bibliothèque reprenaient, relatait, romançait, les hauts faits d’armes, les exploits, des ancêtres du roi Légirède pour honorer cette proclamation.

Et que dire du parement de la grande cheminée marbrée ? Il arborait, gravé en son sein, la généalogie de la dynastie odéricusienne au grand complet. Le roi Légirède y figurait aussi, entourer de son frère aîné : le roi Méritrine, mort sans descendance d’une stupide chute de cheval pendant une banale partie de chasse ; de sa femme : Istrid, reine d’Édorianne et princesse de Saksbèrgue ; et de ses huit enfants dont un seul survécut : le duc Hérisbert de Saultaire.

Enfin, le joyau de la dynastie accroché au mur, non loin de la cheminée, la proclamation du roi Odéricus, enfermée dans un présentoir inviolable.

Un chien aboya dans le couloir. Une femme pénétra dans la pièce, habillée d’une élégante cotte au décolleté provoquant. Le visage fin, allongé, aucunement gracieux, la peau granuleuse, les traits naturellement tirés, elle arborait fièrement son long voile de taffetas autour du cou, à défaut de s’en coiffer. Haute d’une brasse et d’une palme, elle gagnait facilement une autre palme grâce aux talons de ses chopines qu’elle frappait volontairement sur le sol parqueté du bureau. Elle releva sa longue robe ample, légère, soyeuse, pour offrir au roi une parfaite révérence.

« Je pars avec notre fils.

– Comptez-vous quitter le château dans cette tenue, madame ? »

Le roi dévisageait la reine Istrid d’un air outré. Elle répondit d’un ton tout aussi cinglant :

« En quoi cela vous intéresse-t-il ? Vous n’avez jamais prêté la moindre attention à mes toilettes.

– Je suis encore votre mari et le roi ! Votre tenue me fait honte et jette l’opprobre sur le royaume !

– Je me considère plutôt comme votre esclave. Vous me faites suivre en permanence par les toutous de votre cerbère.

– Ne recommencez pas comme hier, madame ! Je suis le roi ! J’ai tous les droits !

– Et moi je suis votre femme, non votre esclave et encore moins votre ennemie !

– Dites cela aux médecins qui m’ont soigné après votre tentative d’assassinat ! »

Le regard noir du roi ne laissait aucun doute sur sa colère, nourrie des aboiements.

« Je crois que tout est dit, monsieur.

– Vous croyez que je ne vois pas vos plans tordus destinés à me faire tomber ? Vous voulez ma mort, je le sais !

– Comme toujours, vous divaguez.

– Evincez mes propos tant que vous le voudrez, madame, je connais vos sombres pensées et je vous ai à l’œil. Je préfère encore lire tranquillement dans mon bureau à côté d’un bon feu plutôt que de vous savoir à mes côtés.

– Comme d’habitude, vous fuyez vos responsabilités.

– Vous ne m’entraînerez pas sur le terrain de la dispute d’hier, totalement stérile et inutile, madame !

– Eh bien soit, restez dans vos récits imaginaires à la recherche d’un acte digne de votre proclamation qui semble avoir plus de valeur que votre femme !

– Je ne vous permets pas ! Ces récits sont la plus pure vérité !

– C’est bien pour cela qu’après quarante-quatre ans de règne, cette vérité ne vous a toujours pas permis d’accrocher votre portrait au mur », répondit-elle sarcastiquement.

Le visage du roi se ferma aussitôt. Ses sourcils se froncèrent sur son regard noir.

« Partez, madame ! Partez avec ce voile autour du cou, avec ce morceau d’étoffe qui ne couvre point votre gorge et vous habille à la manière d’une belle-de-jour ! Partez ! »

Outrée, la reine ne dit mot. Les crispations de son visage en valaient mille. Elle se dirigea vers la sortie encore plus bruyamment que lors de son entrée.

« Et ne frappez pas mon parquet de vos chopines ! Combien de fois devrais-je vous le dire !? »

Un autre chien aboya dans le couloir. La reine se retourna et dit :

« Je vois que cette amabilité légendaire ne vous a jamais fait défaut. Si vous ouvriez ces fenêtres, votre esprit n’en serait que mieux nourrit et votre humeur plus aimable. Vous puez, monsieur !

– Personne ne parle au roi de cette manière ! Vous me devez le respect !

– Et vous, vous me dégoûtez ! »

Le roi se retint de surenchérir. Le premier chien aboya.

« Je n’ai pas besoin de vous éconduire, madame, vous connaissez le chemin.

– Je reverrai Votre Majesté avec le plus grand déplaisir à mon retour. D’ici là, je ne saurais que trop conseiller Votre Majesté de forniquer quelques servantes à défaut de m’honorer, cela fera du bien à Votre Majesté. »

La reine tourna les talons, les frappa sur le parquet et habilla sa bouche d’un léger rictus. Le roi, fou de rage, jeta son livre au sol, se leva, et assista, tel un spectateur impuissant, à une nouvelle humiliation de sa femme.

« Partez madame ! Emmenez votre venin et vos chiens non dressés ! Leurs aboiements ne m’exaspéreront plus ! Et surtout, ne vous pressez pas trop à revenir au château, je ne voudrais pas vous gâcher le bonheur d’être loin de moi ! »

La reine se retourna un instant, jeta un regard assassin au roi, puis claqua la porte du bureau derrière elle. Les lanciers, vêtus de broignes bleues au liseré d’or et de pantalons noirs, sursautèrent, leur regard trahissait une lassitude sur ces disputes royales journalières.

Le roi bouillait de colère. Il se rassit, ramassa son livre, reprit sa lecture. Un valet, intimidé, entra.

« Quoi encore !? Les rois ne peuvent-ils jouir de tranquillité comme le commun des mortels !? »

Le roi posa son livre violemment sur la petite table ronde à côté de son fauteuil.

« Qu’y a-t-il !? Parle !

– Un messager vient d’apporter ce pli pour Votre Majesté.

– Donne-le-moi ! »

Le roi arracha le courrier des mains du valet, qui crut se faire battre, avant de le congédier.

A la lecture du message, il entra dans une colère noire. Il se leva, appela aussitôt le valet, puis fit les cent pas.

« Convoque immédiatement le conseil ! Et demande à mon intendant de me rejoindre ici dans dix minutes !

– Bien Votre Majesté.

– Qu’attends-tu, chien !? Déguerpis ! »

Le valet ne demanda pas son reste. Le roi se dirigea vers son secrétaire, ouvrit un tiroir, prit des parchemins froissés. Il sortit si rapidement de la pièce qu’il en surprit les lanciers à chuchoter. D’un pas soutenu, il rejoignit la salle du conseil en fulminant.

Le premier arrivé dans une petite pièce sobre, fonctionnelle, éclairée d’un grand lustre en cristal aux nombreuses bougies, gardée par une paire de lanciers à l’entrée, le roi invectiva de ne voir aucun conseiller. Il en jeta de colère ses parchemins sur une grande table rectangulaire de neuf places.

« Où sont ces bons à rien !? S’ils ne ramènent pas leurs culs merdeux d’ici deux minutes, je leur trancherai moi-même la tête ! »

Le roi commença une marche forcée autour de la table, les sourcils froncés, le visage fermé, les traits tirés. Les sept conseillers se présentèrent au roi quelques minutes plus tard, au pas de course, leurs visages inquiets.

« Vous m’honorez enfin de votre présence, inutiles que vous êtes ! C’est à croire que je ne vous paye pas assez ! Rien que chacun de vos émoluments permettrait de faire vivre une dizaine de villages pour une année entière !

– Pardonnez-nous, Votre Majesté », répondit Phégodin, conseiller aux affaires militaires, « nous venons juste d’apprendre notre convocation à ce conseil.

– Assez ! Prenez place ! »

Ces retardataires involontaires se placèrent derrière leur siège respectif.

Le roi regarda froidement ses conseillers inquiets. Il se palpa les doigts, puis appela l’un des soldats.

« Retrouvez-moi l’incompétent qui a prévenu mes conseillers en retard et pendez-le aux remparts !

– Bien Votre Majesté. »

Le roi s’assit en bout de table dans un luxueux fauteuil au dossier orné de fines sculptures en ivoire qui montrait le chevalier Odéricus recevoir sa proclamation de la main des dieux vakalonissois. Les conseillers firent de même.

« Je viens de recevoir un nouveau rapport des plus alarmant sur notre frontière commune avec le royaume d’Élikasar. Il est maintenant clairement établi que ce roi de pacotille veut envahir mon royaume ! Une nouvelle armée s’est amassée au Sud de l’estuaire de l’Hydrule. Il s’agit de la troisième ! Ceci ne peut être toléré plus longtemps ! »

Le roi frappa du poing sur la table.

« Je ne resterai pas assis sans rien faire ! »

Un autre poing ébranla le meuble. Le roi regardait Phégodin de ses yeux noirs.

« Votre Majesté », dit Icomate, conseiller aux affaires intérieures, « rien ne prouve le roi d’Élikasar désireux de nous envahir. Les différents messages de sympathie envoyés à Votre Majesté montrent bien ce rassemblement comme de simples manœuvres militaires.

– Seriez-vous crétin de naissance ? Croyez-vous à ces balivernes !?

– Votre Majesté », reprit Phégodin, « je suis d’accord avec Icomate, soyons vigilant sur la réponse à donner à ces observations.

– Vigilant !? Vigilant !? »

Le roi frappa de nouveau la table. Les conseillers appréhendaient ces colères légendaires.

« Vous êtes incapables de me dire combien d’armées s’amassent à mes frontières ! Certains osent même dire qu’aucune n’y est présente ! Phégodin ! Lorsque je vous ai demandé ce que je devais penser de l’installation de la première armée, que m’avez-vous répondu !?

– Votre Majesté, je…

– Taisez-vous, incapable arriviste ! Je vous avais indiqué ma volonté de réagir à cette insulte ! M’avez-vous écouté !? Bien sûr que non ! Et cela vaut pour vous tous ! Que faites-vous des rapports reçus !? Les avez-vous lus au moins !? »

Le roi prit une poignée des documents éparpillés sur la table qu’il jeta violemment sur Phégodin qui se protégea le visage.

« Je ne connais aucun roi, si primitif soit-il, suffisamment fou pour ordonner des manœuvres militaires avec trois armées aux frontières de ses voisins sans les provoquer ! Cette intimidation a assez duré ! Si ce misérable roitelet veut la guerre, il l’aura ! »

Le roi frappa de nouveau du poing sur ce meuble maintes fois martyrisé.

Le commandant Québanisse, conseiller aux affaires extérieures, répondit, habillé d’une modeste cotte en laine :

« Selon les informations en ma possession, je peux assurer Votre Majesté de la sincérité du roi Ollon de ne point désirer provoquer Votre Majesté.

– Foutaises que tout ceci ! Oseriez-vous insinuer que je suis fou !? »

Les conseillers baissèrent les yeux, se terrèrent derrière de simples hochements de tête signifiant une réponse négative. Le roi, agacé, se palpait les doigts.

« Vous croyez que je n’entends pas les bruits de couloirs !? Ceux parlant de mon inaptitude à gouverner ! Certains me disent malade, atteint de délires mentaux ! D’autres annoncent mon âme possédée par un esprit malfaisant ! Et ceux qui m’accordent une bonne santé aimeraient me voir abdiquer pour ne pas entraîner mon royaume à sa perte ! Mais je suis là, toujours là ! Et personne ne pourra me déloger ! Les prisons du château sont vides ! Enckisol se fera un plaisir de torturer le prochain qui osera encore me contredire ou jeter le déshonneur sur moi ! »

Une nouvelle fois le poing de la colère ébranla la table. La tranche de la main se rougit par les coups. Puis le roi se leva brusquement, les pupilles dilatées.

« Je déclare la guerre à cette pitoyable, insolente et inutile vermine ! »

Les conseillers restèrent abasourdis.

« Votre Majesté », reprit Lactice sur un ton ferme, conseillère aux affaires commerciales, « nous ne pouvons autoriser cela. »

Le roi regarda sa conseillère, surpris, tout comme les autres membres de l’attablée. Ses doigts se liaient et se déliaient frénétiquement.

« Qu’avez-vous dit ? »

La conseillère, qui venait de peser ses paroles, affichait un visage terrifié. S’imaginant déjà la tête sur le billot, elle rassembla ce qui lui restait de courage, regarda le roi avec un regard aussi dur qu’elle pût et répondit :

« Nous ne pouvons nous priver des exportations de matières premières en Élikasar, Votre Majesté. Et les lois de ce royaume interdisent à Votre Majesté de déclarer la guerre sans l’accord de vos conseillers. »

Le roi resta un instant muet, le regard perdu, puis s’esclaffa à gorge déployée.

« Enfin quelqu’un pour me tenir tête ! Et c’est une femme ! Alors bande de couards, Lactice a-t-elle plus de couilles que vous !? »

Il ne reçut pour réponse que des regards apeurés et des têtes baissées.

« Il est hors de question de laisser ce minable, ce ridicule, ce misérable Ollon, installer ses armées à mes frontières ! Cependant, comme je ne peux rien faire sans votre accord, donnez-le-moi si vous tenez à la vie ! »

Aspar, conseiller aux affaires civiles, tira une bouffée nauséabonde de sa pipe en bois avant de proposer :

« Votre Majesté, il serait préférable, plus prudent et beaucoup moins coûteux d’envoyer une délégation au roi Ollon. Cela permettrait à Votre Majesté de sortir de cette affaire la tête haute. »

Le roi brandit quelques parchemins dispersés sur la table.

« Si c’est pour obtenir les mêmes réponses que ces torche-culs ! Ces courriers que Phégodin n’a jamais voulu prendre en compte, ce n’est pas la peine ! Ce ne sont que des bavardages, des pertes de temps ! Je n’ai que faire de cette diplomatie de bazar ! Les armées du roi Ollon font soi-disant des manœuvres à mes frontières, je ne tolérerai cela plus longtemps !

– Exigeons un traité engageant le roi Ollon à ne prendre aucune action hostile contre Votre Majesté », proposa Xandalane, conseiller aux affaires religieuses.

Le conseiller tenait nerveusement son pendentif dans une main tremblante. Il représentait un épi de malakogna , emblème de la déesse Faustiella, qui se retrouvait sur la robe du conseiller.

« C’est donc vrai ! Les hommes de cette attablée ont moins de couilles qu’une femme ! Je n’aurais jamais pu croire à pareille chose ! »

Le roi regarda chacun de ses conseillers dans les yeux, se triturant les doigts et les mains dans un étrange tremblement. Il n’y vit que des regards vides, terrifiés, fuyants.

« Ollon est un fourbe, un traître, un menteur de la pire espèce ! Donnez-moi vos voix ! »

Un silence mortifère s’installa jusqu’à ce qu’une parole dénoua cette situation tendue.

« Répondons de la même manière », proposa le maître Nastin, membre de l’ordre magique des éthophaniens, conseiller aux affaires magiques.

« Que voulez-vous dire ?

– Le roi Ollon a aligné trois armées à nos frontières, faisons de même. Cela nous permettra de connaître ses réelles intentions. S’il ne s’agit que de simples manœuvres militaires, le roi Ollon se manifestera rapidement pour demander la raison de cet attroupement. Si au contraire, son intention était bien celle que Votre Majesté prédit, ses conseillers le persuaderont de ne pas traverser l’Hydrule, la victoire étant incertaine.

– Nous ne pouvons faire cela, Votre Majesté », rétorqua Phégodin, « ce serait une escalade vers une guerre inévitable.

– J’émets moi aussi de fortes réserves, Votre Majesté », reprit Xandalane.

« Voilà donc la seule proposition de mes conseillers ? Une idée aussi inutile que stupide ! Une femme et un magicien contre cinq eunuques ! Voilà à quoi je dois me fier, des eunuques ! Pitoyable, misérable ! Je sais que vous rêvez tous de prendre ma place, mais cela n’arrivera jamais ! Celui qui me destituera n’est point encore né !

– Nous ne cherchons qu’à servir Votre Majesté », répondit Lactice.

« Si Votre Majesté aligne trois armées à la frontière », reprit Québanisse, « il est évident que le roi Ollon prendra cela pour une provocation, quelques soient ses réelles intentions. Votre Majesté ne peut se permettre une guerre avec notre voisin. Mes espions m’ont indiqué que le royaume d’Élikasar développerait de nouvelles armes terrifiantes. Si cette rumeur se vérifie, les armées de Votre Majesté ne feront pas le poids en cas de conflit.

– Cette discussion a assez duré ! Mes ancêtres me regardent ! »

Le roi frappa une nouvelle fois du poing sur la table.

« Je suis le descendant en droite ligne du roi Odéricus ! Les dieux vakalonissois le choisirent comme roi d’Édorianne pour sa bravoure sur les champs de bataille ! Il est hors de question que je fasse preuve de couardise ! Je n’ai jamais eu la possibilité d’honorer la proclamation de mon aïeul comme l’ont fait mes ancêtres ! Même mon frère a réussi en une seule année de règne ! Ceci est l’occasion rêvée ! »

Un nouveau coup de poing sur la table entraîna un saignement de la main du roi.

« Votre Majesté, laissez-moi voir le roi Ollon. Je le convaincrai de déplacer ses armées dans une autre partie de son royaume. »

Le roi se palpa les doigts nerveusement quand il découvrit son épanchement. Il prit un parchemin pour s’essuyer tout en faisant les cent pas derrière son fauteuil.

Après quelques minutes d’une attente interminable, le roi regarda fixement Québanisse.

« Commandant, parce que je vous connais cette grande sagesse, parce que je connais le coût de cette proposition, j’ose espérer que vous aurez raison du roi Ollon. Je vous donne six semaines. Passé ce délai, mes armées traverseront l’estuaire de l’Hydrule. Sommes-nous d’accord ? »

Le soulagement se lisait sur le visage des conseillers qui ne savaient comment faire revenir leur roi à la raison.

« Qui me proposez-vous pendant votre absence ?

– Mon fils saura se montrer digne et fier de servir Votre Majesté pendant mon absence. Il a toute ma confiance.

– Qu’il en soit ainsi. Mes conseillers sont-ils d’accord ? »

Tous validèrent la proposition de Québanisse.

« Je remercie Votre Majesté et les membres de ce conseil. Je reviendrai dans six semaines pour vous faire mon rapport. Avec l’accord de Votre Majesté, j’aimerais partir de suite.

– Vous avez mon approbation, commandant. »

Le conseiller s’inclina devant le roi, salua les conseillers, puis sortit de la pièce.

« Messieurs, cette affaire étant réglée, je vous laisse, un autre rendez-vous m’attend. »

Sous les révérences des conseillers, le roi ramassa ses parchemins et se retira dans son bureau où l’attendait le baron de Kilburg.

« Comment vous portez-vous aujourd’hui, baron ? »

Il rangea négligemment ses documents dans le tiroir de son secrétaire qu’il referma violemment.

« Très bien, je remercie Votre Majesté. Votre Majesté est-elle aussi bien portante que moi ?

– Je crains fort que non. Entre cette mégère et ces eunuques qui veulent ma couronne, ma mort, je suis exténué de me battre.

– Puis-je conseiller à Votre Majesté d’évacuer ce trop-plein de tensions dans des activités physiques saines et revigorantes ? Je trouve satisfaction et plaisir dans le fouet. Entendre un pauvre innocent implorer pitié, faire des aveux complets et demander un quelconque pardon pour un acte dont il a une ignorance totale me réjouis, m’extasie, me procure une sensation de bien-être inégalée.

– Il faudra que je demande à Enckisol ce qu’il a à me proposer. Que pouvez-vous me dire sur Istrid ?

– Rien de très nouveau, je le crains. Sa Majesté la reine n’a eu aucun mot ou acte que je pourrais mentionner à Votre Majesté. »

Le roi s’assit dans son fauteuil, dubitatif. Il regarda sa main écorchée.

« Est elle bien partie dans la bonne direction ?

– Oui Votre Majesté.

– Et sur le duc de Saultaire, cet arriéré ?

– Je crains que, là aussi, je n’aie rien de très nouveau à annoncer à Votre Majesté, hormis un refus catégorique sur un futur mariage.

– Il ne va pas m’emmerder ! Il ne m’a attiré que des problèmes depuis qu’il est venu au monde ! Il devra me succéder ! Telle est la loi des vakalonissois ! Fort heureusement, je ne serai plus là pour voir l’état pitoyable dans lequel il mettra le pays. »

Le roi jeta méchamment le morceau de parchemin au feu.

« Moi non plus, Votre Majesté.

– Qu’ai-je fait aux dieux pour perdre mes cinq fils et mes deux filles ? Là au moins, j’aurais pu choisir mon successeur. La reine ne me l’a jamais pardonné. Vous ai-je dit qu’elle m’accusait de leur mort ?

– Oui Votre Majesté.

– Etait-ce une raison pour tenter de m’assassiner ? Je n’y suis pour rien si les dieux n’ont pas jugé bon de les laisser en vie. »

Le baron faisait semblant d’écouter. Il ne se passait pas une semaine sans que le roi lui resservît la même rengaine.

« J’ai tout fait pour la satisfaire, avant et après la mort de ses rejetons ! J’ai vidé le trésor royal pour lui acheter tout ce qu’elle voulait, mais cela ne suffisait jamais. Il faut toujours qu’elle vienne me harceler, me provoquer. N’ai-je pas partagé sa couche à huit reprises ? Il ne faudrait pas trop demander à un homme qui reçut en mariage un laideron dont personne ne voulait en Koldanie, même avec la dote qu’offrait son père. Le mien était un beau salop. Qu’il erre dans l’astinaloze ! Il n’y en avait que pour Méritrine. Il me considérait comme un fardeau à porter. Pour lui, je n’étais qu’un bâtard ignare, débile et idiot. Il se réjouit d’empocher la dote de ce cette maritorne qu’il me colla dans les pattes pour m’humilier un peu plus. Cet enfoiré me priva de tout et me fit maltraiter par tous ceux ayant mon éducation pour emploi. J’ai toujours haï cet homme. Je regrette qu’il fût mort avant la chute de cheval mortelle de son fils chéri, cela l’aurait achevé ! J’ai pris plaisir à l’empoisonner, à le voir agoniser et cracher cette écume rougie de son sang, de sa chair liquéfiée. Vous avais-je indiqué que j’avais pissé sur son corps alors que je décelais encore une lueur de vie dans ses yeux ? Ce moment d’extase restera à jamais gravé dans mon esprit.

– Non, Votre Majesté, je ne le savais point », répondit-il stoïquement, avec un sourire en coin.

Une morosité sombre, froide, chassa le sourire qui illuminait le visage du roi. Il se palpait de nouveau les doigts.

« Vous m’assurez que la reine est bien surveillée ?

– Oui, Votre Majesté, elle est en permanence surveillée.

Parfait. Vous me diriez si elle complotait contre moi ?

– N’est-ce pas ce que j’ai toujours fait ?

– Si, si, vous êtes le seul en qui je peux donner ma confiance.

– Votre Majesté m’honore. »

III – Joulbalaque

Un enfant au visage sale, terreux, vêtu de haillons, courrait sur une longue allée pavée. Ses pieds nus saignaient de par la distance déjà parcourue. Il haletait, s’étouffait, transpirait à grosses gouttes, la bave coulait de ses lèvres rougies d’un sang trépidant. Son regard se fixait sur le châtelet de Joulbalaque comme s’il s’agissait de son salut, en haut de cette colline.

Il y arriva, épuisé, traversa le pont levis et surgit dans la basse-cour à côté de chevaux sellés pour la chasse. Les montures, tenues par un écuyer, se cabrèrent par la frayeur, hennirent, faillirent blesser l’enfant. Ni la garde, ni les soldats en poste sur le chemin de ronde crénelé, ne le virent entrer. Il s’écria tout en reprenant son souffle :

« Elle, – arrive ! Elle, – arrive !

– Attention morveux ! » s’écria l’écuyer. « Veux-tu te faire écraser !?

– Pardon, – seigneur. Je, – dois, – prévenir, – l’intendant.

– Respire gamin, tu vas t’étouffer ! Je te connais, tu es le fils du tisserand, c’est ça ?

– Oui, seigneur. Je, viens, prévenir, l’intendant.

– Tu es venu du village en courant ?

– Oui, seigneur.

– Tu es complètement fou ! Il y a trois lieues ! Veux-tu mourir ? A moins que tu es traversé la forêt. Tu ne l’as pas fait dis-moi ?

– Non, seigneur. »

L’intendant ouvrit la fenêtre de sa chambre, située au deuxième étage du donjon, une chemise de nuit et un bonnet pour seuls vêtements.

« Que se passe-t-il ici !? Pourquoi les chevaux hennissent-ils ainsi !?

– Pardon mon seigneur, c’est le fils du tisserand qui leur a fait peur. Il est arrivé comme une furie dans la basse-cour. Il sera sévèrement puni pour le dérangement qu’il a occasionné à Votre Seigneurie.

– Mon, seigneur », demanda l’enfant encore anhélant, « c’est, c’est, la reine.

– Et bien quoi la reine !? Parle, sale fils de vermine !

– La, reine, arrive. »

L’intendant devint aussi blanc que sa chemise.

– Quoi !? La reine arrive !? Es-tu sûr de toi, petit morveux !?

– Oui, mon, seigneur.

– Sonnez la garde ! Que tout le monde se prépare !

– Bien mon seigneur, » répondit l’écuyer. « Sonnez la garde ! »

Un soldat en faction sur le chemin de ronde souffla dans son cor. Un autre descendit les escaliers et se précipita dans la basse-cour. Il s’adressa à l’intendant encore à la fenêtre :

« Mon seigneur, le convoi arrive !

– Je veux tout le monde dans la basse-cour au garde-à-vous dans cinq minutes ! Je ne veux pas de retardataires ou de mal habillés ! Que le château soit prêt pour l’arrivée de la reine ! Ecuyer, dessellez les chevaux et remettez-les dans leurs enclos ! Décrottez-vous et rejoignez tout le monde !

– Bien mon seigneur !

– Pourquoi ne m’a-t-on pas prévenu !? »

L’intendant ferma la fenêtre. L’angoisse se lisait sur son visage resté blême. Enervé, il tenta de s’habiller. Il n’y arrivait pas, paniquait, se trompait d’affaires. Il perdit l’équilibre et tomba. Lorsque ses habits en laine le reconnurent vainqueur de cette bataille, il attacha son épée à la taille, tenta de coiffer sa chevelure rebelle et batailleuse dont il héritait à chaque levé du lit, quitta sa chambre, descendit les marches de l’escalier en colimaçon quatre à quatre.

Le cor retentit de nouveau, rapidement suivi de celui du convoi. Les soldats, inquiets de cette visite impromptue, se placèrent dans la basse-cour, rejoints par les servants, les serviteurs.

L’intendant retrouva l’enfant, complètement perdu dans toute cette cohue.

« Que fais-tu encore là, toi !? Vas-t-en avant que la reine n’arrive !

– La reine arrive ! » cria un soldat du haut des remparts.

L’angoisse se lisait sur le visage de l’intendant, mal habillé.

« Reste derrière nous et ne dit rien ! Sinon, ce sera les geôles ! »

Le visage effrayé et les yeux écarquillés de l’enfant trahissaient plus une crainte de subir la colère de son père plutôt que d’affronter les geôles du châtelet. Mais cette terreur laissa rapidement place à la joie de voir la reine. Il s’écria : « Je vais voir la reine ! », le sourire jusqu’aux oreilles.

« Tais-toi sale fils de chien ! Mets-toi derrière les gueux et ne bouge pas ou je te coupe la langue !

– Oui mon seigneur. »

L’enfant baissa la tête et chuchota : « Je vais voir la reine ». Son visage irradiait de bonheur. Il faisait oublier la saleté qui le recouvrait.

L’immense cortège passa la porte. Les premiers soldats aux couleurs du royaume firent leur apparition sous le regard médusé du donneur d’alerte. Leurs étendards levés arboraient les armoiries royales : un arc noir bandé à la flèche rouge et à l'empenne jaune sur fond blanc, ainsi que celles du royaume de Saksbèrgue : une ancre verte à la corde noire sur un fond blanc. Suivaient les officiers et les chevaliers aux armures rutilantes, drapées du tabard orné des armoiries royales. Ils précédaient les voitures de la reine, de ses dames de compagnie, de l’intendance. Une armée de servants accompagnait le convoi au pas de course. Pour finir, les soldats de queue fermaient la marche, leurs carquois dans le dos et leurs arcs accrochés aux scellés de leurs chevaux. Lorsque tous pénétrèrent dans la basse-cour, il ne restait plus beaucoup de place pour les résidants.

L’enfant n’en croyait pas ses yeux, il allait enfin voir la reine. Rien que tout le cortège et ce remue-ménage l’envoûtaient. Son imagination galopait. Il s’imaginait preux chevalier partit sauver au péril de sa vie celle qui l’adouba, enlevée par un méchant renégat.

Les cavaliers descendirent de leur monture, les trois dames de compagnie de leur voiture, et un chevalier ouvrit la porte de la voiture royale. Tous s’agenouillèrent. Les quatre chiens de la reine, de grands chiens de chasse, bondirent au-dehors, heureux, fous, comme à leur habitude. Ils tournaient, aboyaient, autour du chevalier. Une voix féminine s’écria alors fermement :

« Assis ! »

Les chiens s’assirent, ne bougèrent plus. Même leur queue restait immobile. Le chevalier, un genou à terre, la tête baissée, offrit sa main à la reine Istrid qui apparut radieuse, rayonnante, dans son élégante cotte au décolleté provoquant, devant une foule acquise à sa gloire, les cheveux aux vents, son voile de taffetas autour du cou. Son rictus habillait sa bouche.

Le duc de Saultaire voulut sortir, mais resta bloqué sur le marchepied de la voiture. Il ne pouvait avancer sans écraser sa mère. Il détestait cette position des plus inconfortables et humiliante. Fatigué par le voyage, il ne cacha pas son irritation.

« Relevez-vous », dit la reine, « nous sommes ici entre intimes. »

La population du châtelet se redressa. Deux soldats aidèrent le chevalier, son armure l’empêchait de reprendre seul une posture verticale. L’intendant se présenta à la reine.

« Votre Majesté, si j’avais été prévenu de votre visite, j’aurais préparé vos appartements et ramené du gibier.

– Cette visite n’était pas prévue, cher intendant. Il ne faut pas vous inquiéter plus que de raison. Ne changez rien à votre vie quotidienne. Faites comme si je n’étais pas là.

– Bien Votre Majesté. »

La reine regarda la basse-cour. Elle et ne vit qu’un empilement anarchique de soldats.

« J’étouffe ici, capitaine. »

L’officier s’approcha, tendu, nerveux, le visage marqué par une dépendance à l’alcool, les yeux rivés sur la reine.

« Votre Majesté ?

– Mon escorte bivouaquera à l’extérieur du château.

– Votre Majesté, je ne pourrai assurer correctement votre sécurité dans ces conditions.

– Ne discutez pas mes ordres, capitaine. Veuillez ordonner à vos hommes de sortir immédiatement. »

L’officier acquiesça silencieusement. Le ton sec et ferme de la reine ne laissait aucun doute sur son irritation après ces neuf journées de voyage.

« Les soldats non soumis à la garde sont bien évidemment conviés à ma table pour le repas de ce soir.

– Merci de votre bonté, Votre Majesté. »

L’officier se tourna vers son second.

« Lieutenant, que toute la troupe sorte immédiatement de la basse-cour et aille bivouaquer autour du château. Que tous les tours de garde soient renforcés. Personne ne doit entrer ou sortir du château sans autorisation.

– Bien capitaine.

– Tant de précautions sont-elles nécessaires ? » demanda la reine.

« Oui Votre Majesté. Le risque d’une agression sur Votre Majesté est augmenté lorsque vous êtes loin de Sa Majesté le roi.

– N’exagérez-vous pas une quelconque menace sur moi, capitaine ?

– Les ennemis de notre bon roi sont nombreux, Votre Majesté.

– Sergent », indiqua l’officier en second, « que tout le monde sorte de la basse-cour et installe sa tente. Je veux des tours de garde doublés et des autorisations écrites pour entrer et sortir de ce château.

– Bien lieutenant. »

Les soldats entamèrent leur évacuation avec difficulté dans un tumulte de sabots, d’ordres divers et parfois contradictoires, de hennissements, de bousculades. Leur nombre rendait l’opération compliquée, hasardeuse.

L’enfant profita de toute cette confusion pour se faufiler, pour contourner, pour ramper, pour tenter de rejoindre la reine. Un soldat le vit, l’attrapa par le col de sa chemise sale, tachée, déchirée.

« Où vas-tu comme ça, sale parasite !?

– Je veux voir la reine !

– Tu vas aller rejoindre les geôles surtout !

– Je veux voir la reine ! Je suis du village !

– Tais-toi sale pouilleux ! »

Dérangé par les cris, le capitaine se tourna.

« Que se passe-t-il soldat !?

– Cet enfant se dirigeait vers la reine.

– Encore un mendiant ? Jetez-moi ça au cachot !

– Bien capitaine.

– Un instant », demanda la reine, « comment s’appelle ce garçon ?

– Tu as entendu Sa Majesté, vermine !

– Je me nomme Viksal, Votre Majesté.

– Que faisait-il par terre ?

– Je voulais vous voir, Votre Majesté.

– Tu n’adresses la parole à Sa Majesté que lorsque Sa Majesté t’en donne l’autorisation, merdeux !

– Me voir ? Tu me vois. Pourquoi voulais-tu me voir ?

– Je voulais vous saluer, Votre Majesté. J’ai toujours rêvé de vous rencontrer. »

La reine, qui ne s’attendait pas à cette réponse, se retrouva un instant dépourvue.

« Tu t’adresses à sa majesté à la troisième personne, chien galeux !

– Comme c’est aimable de ta part. Habites-tu le château ?

– Non, Votre Majesté, je vis au village, je suis le fils du tisserand. »

La reine regarda le capitaine et dit : « me voilà rassurée » avant de revenir sur l’enfant.

« Et bien Viksal, c’est ton jour de chance. Je serais ravie d’inviter ta famille et toi à dîner à ma table ce soir. »

L’enfant vivait là le plus beau jour de sa vie. Le choc de l’annonce l’empêcha de parler. Son émerveillement se lisait sur son visage terreux et l’emplit d’un tel bonheur qu’il s’en évanouit. Seuls les haillons que tenait fermement le soldat l’empêchèrent de tomber.

« Le pauvre, il a perdu connaissance.

– Votre Majesté », reprit le capitaine, « il est de mon devoir de vous protéger comme je le ferais pour Sa Majesté le roi. Inviter la famille de cet enfant à votre table est un risque supplémentaire qui me laisse présager du pire. Sa Majesté le roi n’apprécierait certainement pas.

– Le roi se fiche éperdument que ses ennemis s’en prennent à moi, capitaine. Je le soupçonne même d’être le bailleur de fonds de ces actions. Cet enfant m’a regardé comme personne ne l’avait fait depuis bien longtemps. Ses yeux s’étaient emplis d’un amour inconditionnel et totalement désintéressé. Je ne pourrais jamais le remercier comme il le faudrait. Je l’inviterai donc avec sa famille à ma table, ce soir, que vous le vouliez ou non.

– Bien Votre Majesté.

– De toute façon, vous serez là pour me protéger si un danger survenait.

– Bien entendu Votre Majesté », répondit-il, le regard perdu sur la reine.

« Vous voyez, capitaine, il n’y a aucun problème. Où sont mes dames de compagnie ? »

La reine les chercha du regard.

« Quelqu’un a vu mes dames de compagnie ? »

Elle n’observait qu’un va-et-vient bruyant de militaires en déplacements.

« Je les vois, Votre Majesté. »

L’officier montra du doigt les trois dames de compagnie retranchées dans un recoin de la basse-cour, à l’antipode de la position de la reine.

« Que font-elles si loin de moi ? Mesdemoiselles ! Mesdemoiselles ! Venez à moi ! »

Les dames de compagnie ne savaient comment traverser sans se faire écraser, piétiner, par les chevaux. Leurs belles robes finement tissées et colorées, entachées de boues, de terre, de crottin, les gênaient pour avancer dans cette ébouriffante pagaille. Elles s’élancèrent finalement dans une inquiétude perceptible. Elles criaient, tremblaient, regardaient dans toutes les directions à la fois, slalomaient, évitaient des collisions avec des chevaux, des poules, ainsi que les quelques moutons du châtelet qui ne savaient où se mettre. Certains s’étaient réfugiés dans les trois enclos de l’écurie que l’écuyer oublia de refermer, à côté de la forge du maréchal-ferrant. Ils partageaient la place avec leurs occupants habituels.

Au terme d’une frayeur qu’elles n’oublieraient pas de sitôt, les dames de compagnie atteignirent leur destination.

« J’ai cru que je n’arriverai jamais vivante, Votre Majesté », dit Oriande.

« La peur de ne plus revoir Votre Majesté m’a donné la force de venir jusqu’à vous », ajouta Jinolia.

« Si vous saviez ce que nous venons de subir, Votre Majesté », termina Naléhinne. « Ma vie a défilé devant mes yeux en un instant. Je suis bien contente d’avoir retrouvé Votre Majesté.

– Il n’y avait rien d’extraordinaire, mesdemoiselles, ce n’était qu’une basse-cour à traverser », répondit-elle sur un ton sec. « Oriande, veuillez prendre cet enfant et emmenez-le dans ma chambre. Qu’il soit bien installé.

– Bien Votre Majesté. »

La dame de compagnie fit une révérence à la reine, prit l’enfant par la main et l’emmena.

« Capitaine, envoyez un messager pour prévenir ses parents qu’il va bien et qu’ils pourront le récupérer ce soir. Ils sont mes invités ainsi que toute leur progéniture.

– Bien Votre Majesté. Messager ! »

La reine retint un sourire qu’une pensée engendra.

« Mesdemoiselles, laissons ces militaires faire leurs manœuvres et montons à l’étage. Nous verrons mieux ces hommes virils en pleine action de là-haut »

Les suivantes étouffèrent leurs rires.

« Et pour moi, mère ? »

Le duc de Saultaire se sentait aussi inutile qu’inexistant sur le marchepied de la voiture, dans son pourpoint élégamment décoré qui lui donnait une prestance, une qualité, dont il faisait défaut. Cette position des plus humiliantes lui fatiguait les jambes, il se sentait faible, insipide, totalement frustré.

« Fais ce qu’il te plaît mon chéri, tu es ici chez toi, loin de mon royal imbécile de mari et de sa folie meurtrière. Tu n’as qu’à t’occuper des chiens. Oui, voilà, occupe-toi des chiens. »

Les quatre canidés, désemparés, regardaient le prince. Le duc ne dit rien, partit voir un sergent, laissant les animaux de compagnie de sa mère sur place, immobile.

« C’est toujours comme cela avec les enfants, ils n’écoutent jamais. Capitaine, occupez-vous des chiens.

– Bien Votre Majesté. Caporal ! »

La reine et ses suivantes quittèrent la basse-cour, pénétrèrent la haute-cour, un espace exigu entre une fine, basse muraille, et le donjon dans lequel elles pénétrèrent. Les quatre femmes traversèrent le rez-de-chaussée où se situaient les cuisines, les réserves, les puits et l’armurerie, montèrent au premier étage pour entrer dans une chambre.

La petite pièce à l’aspect intimiste, spartiate, faiblement éclairée d’une seule fenêtre, se résumait en une paillasse à même le sol, un broc, une vasque remplie d’eau, posés sur une petite table, une chaise rangée en dessous. La reine et ses dames de compagnie observaient d’un œil voyeur ces soldats en pleine action.

« Regardez celui-là », dit Jinolia, « il peine à sortir les chevaux dont il a la charge.

– Celui-ci est tout à fait à mon goût », précisa la reine, « je le verrai bien dans mon lit.

– Le capitaine pourrait être charmant s’il ne buvait pas autant », reprit Naléhinne.

– Serais-tu intéressée par des hommes plus âgés ? demanda Jinolia.

« Pas du tout ! » s’exclama-t-elle, gênée.

« Alors pourquoi rougis-tu ? Sous ses airs timides se cacherait-elle une libertine ?

– Mais non, pas du tout ! Je disais cela uniquement car je le crois intéressé par les charmes de la reine. »

Jinolia resta bouche bée.

« Pardon ! » s’exclama l’intéressée, « que dis-tu !?

– Que Votre Majesté me pardonne, mais il faudrait être aveugle pour ne pas voir que le capitaine est sensible à votre… beauté intérieure.

– Je n’aime pas ce genre d’allusions, Naléhinne. Et ne sois pas sotte, ce n’est qu’un ivrogne ! Pourquoi irais-je m’acoquiner avec un déchet pareil ? »

La dame de compagnie fit une révérence marquée de la plus grande déférence, la tête baissée.

« Loin de moi l’idée de manquer de respect à Votre Majesté, je pensais que Votre Majesté l’avait remarqué depuis longtemps. Je prie Votre Majesté de bien vouloir accepter mes plus sincères excuses pour l’offense que j’aurais pu faire à Votre Majesté.

– Relève-toi Naléhinne, ce n’est pas si grave que cela.

– Que Votre Majesté me pardonne », reprit Jinolia, « mais je suis d’accord avec Naléhinne. Le capitaine dévore Votre Majesté des yeux.

– Le roi est-il au courant ?

– Oh non, Votre Majesté », rétorqua Naléhinne, « je vous en aurais parlé depuis longtemps sinon.

– Dommage, cela aurait pu le faire enrager. Relève-toi voyons, tu vas tout rater. »

La reine observa avec attention le capitaine donner les ordres.

« Tu dis qu’il est charmé ?

– Oui Votre Majesté », répondit-elle en reprenant une position verticale.

« Il pourrait être amusant pour une nuit, Votre Majesté », dit Jinolia.

« Pour une nuit ?... Une après-midi me suffirait, et encore. Je ne le crois pas capable de faire mieux. »

Les dames de compagnie gloussèrent.

« Regardez l’intendant, partirait-il à la chasse avec les écuyers du château ?

– Sa Majesté l’a pris au dépourvu », répondit Naléhinne. « S’il ne dilapidait pas toutes les ressources du château, il ne serait pas obligé d’aller chasser en urgence pour le banquet de ce soir. »

La reine regardait son intendant d’un regard désespéré.

« Que de vilenies dans vos propos, mesdemoiselles, et pourtant, tellement vraies. L’intendant est venu avec le châtelet et le châtelet est un cadeau de mon royal inutile de mari. Autant dire que c’est un cadeau empoisonné. »

Les dames de compagnie pouffèrent.

« Mais ne vous trompez pas mesdemoiselles, la chasse de cet incompétent notoire se résumera à grossir une ardoise gargantuesque auprès des commerçants du village. Il serait incapable de tuer une vache en train de dormir.

– Encore un parvenu », indiqua Jinolia.

« Je suis sûr que ses parents ont acheté leur noblesse », reprit Naléhinne.

Les trois femmes regardèrent l’intendant se frayer un chemin dans la cohue de la basse-cour, suivi des écuyers.

« Savez-vous combien d’employés du château sont des hommes du baron de Kilburg, Votre Majesté ? » reprit Jinolia.

« Beaucoup trop, je le crains. Ce rapace, ce manipulateur, asservit ces faibles âmes par l’argent et des promesses de pouvoir non tenues. Je ne peux être tranquille nulle part. Le roi sait même avant moi ce que je vais faire ou dire. Je ne peux me fier à personne en ce lieu, à part vous bien sûr. Mais au moins, je suis loin de la folie de mon royal assassin.

– Et pour le duc de Saultaire, Votre Majesté ? » demanda Naléhinne.

« Il ne sait rien et cela doit rester comme cela. Il est mon seul espoir. Mais nous ne sommes pas là pour parler de moi, mesdemoiselles. »

Un soldat leva la tête. Il vit l’une des dames de compagnie l’observer derrière les carreaux de la fenêtre. Elle recula aussitôt, entraînant avec elle les deux autres femmes. La peur les fit rire.

« Je crois que cela suffira pour le moment, mesdemoiselles. Il ne faudrait pas donner corps aux idées pernicieuses du roi. Il serait fâcheux que la cour dise de lui qu’il est cocu.

– Je crains qu’il le sache déjà, Votre Majesté. »

La reine rétorqua, faussement étonnée, un rictus au coin de la bouche :

« C’est vrai, quel dommage. »

Les dames de compagnie répondirent d’une seule voix, retenant leurs rires :

« Oui Votre Majesté. »

Oriande entra dans la pièce.

« Je vous trouve enfin, Votre Majesté. Je croyais vous avoir perdu.

– Vous arrivez à point nommé, Oriande. Viksal est-il bien installé ?

– Oui, Votre Majesté, il dort à poings fermés.

– Si nous allions broder, mesdemoiselles ? »

Les quatre femmes montèrent au deuxième étage.

Le soir venu, soldats non assujettis à la garde, sous-officiers, officiers, chevaliers, participèrent au grand banquet dans la salle de réception du donjon.

Les servants avaient installé dans le fond de la salle les nombreux plats sur une longue table de présentation : Pâté de hérisson en croûte ; panier de fruits garnis ; trois poules farcies à l’oignon et châtaignes ; deux grues rôties au miel ; un cochon de lait rôti ; deux écanthophides au vin blanc ; viande de balsengue alignée autour de sa tête coupée. Elle trônait avec son majestueux plumage blanc. Les discussions des convives généraient un vacarme assourdissant qui couvraient les ménestrels. L’alcool coulait à torrents, les attablés se goinfraient de fruits frais, sucrés, que les serviteurs distribuaient en amuse-bouche. Ils racontaient toutes sortes d’histoires aussi dégoûtantes que licencieuses, s’esclaffaient à pleins poumons, à gorges déployées. Ils plotaient, palpaient, les servantes quand elles ne finissaient pas sur leurs genoux. La plupart de ces militaires, pour ne pas dire tous, ne possédaient aucune éducation et s’en fichaient éperdument.

Rapidement, les premières échauffourées apparurent. La reine avait demandé à son intendant de mélanger les factions autour de la table de banquet afin d’éviter, ou du moins retarder ce genre d’incidents, mais cela n’empêcha pas les premières armures décoratives d’en faire partiellement les frais. Les chevaliers se considéraient, à juste titre, socialement plus élevés que les officiers. Les officiers se voyaient au-dessus des chevaliers qu’ils cataloguaient de parvenus et prenaient les sous-officiers pour des larbins. Les sous-officiers estimaient les soldats comme de simples ressources humaines remplaçables. Et les soldats regardaient tout ce beau monde se laisser corrompre sans aucune possibilité de dénoncer cet état de fait ou d’y participer. Lorsque ces clans se réunissaient donc en un même lieu qui ne ressemblait en rien à un champ de bataille, les tensions et autres querelles ressortaient rapidement dans un inextricable imbroglio se terminant obligatoirement par la destruction de la pièce.

La reine discutait avec l’intendant, placé à sa gauche, ses dames de compagnie installées à sa droite et les parents de Viksal à la droite de ces dernières. Elle ne se préoccupait pas de ses hommes ou de son fils, coincé en bout de table, assis bien après le capitaine de la garde, lui-même à la gauche de l’intendant. Cela reléguait le duc de Saultaire à un rang inférieur à celui d’un officier. Ce non-respect de la préséance l’irritait au plus haut point, mais il ne montrait aucun signe de rébellion, d’émancipation, d’indépendance, de valorisation. Et comme si cela ne suffisait pas, les chiens de sa mère jouaient à ses pieds, lui mordillaient les chevilles, les pieds, lui réclamaient de la nourriture par des aboiements éreintants. Ils mangèrent pourtant avant le début du banquet.

Puis vinrent les ennuis. Un sous-officier arrêta un valet.

« Chien ! du pâté de hérisson, vite !

– Pour qui te prends-tu misérable !? » rétorqua le chevalier assis à sa gauche. « Ne sais-tu pas que je suis prioritaire sur toi !? »

Le chevalier regarda le serviteur d’un regard froid, terrifiant.

« Ramène-moi ce pâté ou je te tranche en rondelles, immondice puant !

– Ne l’écoute pas sale gueux ! C’est à moi que tu dois ramener ce pâté !

– Provoquerais-tu un chevalier !? Serais-tu aussi stupide que cela !? »

Le sous-officier regarda son rival d’un regard noir. Sans répondre, il se leva, rouge de colère. Il se dirigea dans une provocation absolue vers le plateau de balsengue. Il attrapa la tête du grand rapace aux yeux bleus lagon, la jeta violemment sur le chevalier. Les ménestrels arrêtèrent leurs chansons et les convives de parler. Il ramassa ensuite de cette même main deux énormes tranches de viande qu’il enfonça dans sa bouche béante au point de s’en étouffer tout en regardant les regards assassins des officiers et des chevaliers.

L’acte odieux que venait de commettre ce sous-officier ne pouvait rester impuni. Les chevaliers se levèrent, dégainèrent leurs épées. Les sous-officiers, soutenus par les soldats, répondirent à la provocation de la même manière. Certains saisirent des armes, des boucliers décorés de différentes armoiries, accrochés aux murs.

Les parents de Viksal s’inquiétaient de la tournure que prenait la soirée. Ils oscillaient entre craintes et affolements.

« Assez de chamailleries ! » s’exclama la reine. « Est-ce là tout ce que vous savez faire !? Vous battre ! Nous avons des invités ! Vous ne trouvez rien d’autre que jeter l’opprobre sur moi !? Vous traite-je si mal que cela !? »

Les militaires, toutes classes confondues, rengainèrent leur épée, posèrent hachettes, masses d’armes, boucliers, puis reprirent leur place dans un silence mortifère.

« Capitaine, que les fauteurs de troubles soient punis à leur juste valeur !

– Il en sera fait selon vos désirs, Votre Majesté.

– Apportez les plats ! Que la fête continue ! »

Les attablés reprirent rapidement leurs travers, le brouhaha emplit de nouveau la salle de banquet, accompagné des chansons des ménestrels. Les serviteurs raccrochèrent les décorations aux murs.

La reine fit signe à son fils de venir la voir. Elle lui chuchota à l’oreille :

« Observe et apprends, mon fils. Tu vois Viksal et ses parents, ils me seront redevables à vie.

– Je ne comprends pas, mère. »

La reine soupira.

« Leur fils voulait me voir en personne et il se retrouve à ma table, entouré de sa famille. Il donnera sa vie pour sauver la mienne. Il n’oubliera jamais cet instant. Quant à ses parents, ils sont terrorisés devant tous ces butors.

– Qui ne le serait pas ? Moi-même, j’ai peur d’eux.

– Tu es aussi niais qu’un cochon, Hérisbert, tu me fais honte. Tu n’es qu’une mauviette. Lorsque les parents de Viksal seront chez eux, bien au chaud dans un endroit où ils se sentiront en sécurité, ils repenseront à cette soirée. Ils me verront comme une femme de pouvoir. Ils chercheront ma sympathie par tous les moyens. Tout le monde a besoin d’un protecteur. Une fois acquis à ma cause, ils me serviront sans même s’en rendre compte. Ils intégreront mon réseau d’informateurs tissé au travers de toutes les couches sociétales de ce royaume. Toi aussi, tu dois te tisser ton réseau. Tu dois t’imposer, faire valoir ton rang, ton titre. Si personne ne demande tes faveurs, mon fils, tu finiras abandonné de tous, comme ton assassin de père.

– Oui, mère, j’essaierai.

– Non Hérisbert, réussi. Et maintenant, repars à ta place. Des regards trop curieux sont déjà sur nous. »

Le duc de Saultaire se rassit, épuisé par ces perpétuelles remontrances. Une envie irrésistible de partir de cette soirée à laquelle il ne voulait, ni participer, ni honorer ses obligations et ses devoirs liés à son titre, l’obsédait. Mais une défection attirerait le courroux de sa mère sur lui, l’empêchant toute liberté de manœuvre pour les mois à venir.

Avant le dessert, la reine se tourna vers le capitaine. Complètement saoul, il criait, rigolait, chantait des chansons paillardes et buvait à s’en étouffer. La bière, le vin, tous les liquides qui passaient à sa portée finissaient à un moment donné dans son estomac, ou sur son uniforme déjà bien taché.

« Capitaine, vous amusez-vous bien ? »

L’officier s’essuya la bouche graisseuse à l’aide de sa manche toute aussi huileuse.

« Je n’ai jamais autant ri depuis des années, Votre Majesté. Je remercie Votre Majesté pour cette soirée que je n’oublierai pas de sitôt. »

L’officier vida d’un trait son verre avant de laisser partir un renvoi aussi bruyant qu’odorant. Son rire entraîna l’acclamation de la salle et plusieurs échos à son éructation. Viksal soutenait cette grossièreté par ses rires que les remontrances de ses parents ne savaient arrêter.

La reine ne pouvait cacher sa honte. L’intendant reçut en premier ces odeurs indigestes. Le duc de Saultaire apprécia cet invisible nuage méphitique quelques instants plus tard, au même titre que toute l’attablée. Son obligation de représentation à ce banquet ne résista pas. Il se retira de la salle dans l’indifférence générale.

L’officier but le verre du soldat placé à sa gauche dans la foulée, puis se leva.

« Soldats ! Sous-officiers ! Lieutenant ! Chevaliers ! Ecoutez-moi !

– Va donc te coucher, Soquétal ! » s’écria un chevalier. « Tu es complètement saoul !

– Une vraie barrique de vinaigre ! » lança un autre chevalier.

« Un tonneau de compost oublié, tu veux dire ! » s’exclama un autre.

« Je vous prierai de vous taire ! » reprit l’officier. « Et restez polis !

– Tu as plus d’alcool dans le sang que de sang dans les veines ! » clama un sous-officier.

« Je ne suis pas ivre ! Je n’ai même pas bu ! »

L’assemblée rigolait autant du personnage qui titubait que son déni de la réalité.

« Assieds-toi, Soquétal », s’écria son second de l’autre côté de la salle, « tu te donnes en spectacle.

– Fiche-moi la paix Josalfène ! – Soldats ! Sous-officiers ! Lieutenant ! Chevaliers ! – Qu’est-ce que je disais déjà ?... Ah oui, soldats ! Sous-officiers ! Lieutenant ! Chevaliers ! Cette soirée est une très grande soirée ! Sa Majesté la reine est présente ! J’aimerais que tous, vous leviez votre verre et lui souhaitiez longue vie ! »

L’officier ramassa son verre vide et le leva.

« Longue vie à la reine ! »

Tous se dressèrent dans une synchronisation toute militaire. Certains poussèrent les servantes installées sur leurs genoux, tendirent leur verre vers la maîtresse de cérémonie et s’exclamèrent d’une seule voix :

« Longue vie à la reine ! »

L’officier voulut boire, mais ne vit aucun breuvage dans son récipient. Il le jeta violemment au milieu de la pièce, déjà remplie de nombreux déchets en tous genres.

« Qui ose boire dans mon verre !? »

L’hilarité emporta les convives.

« Donne-moi ça, toi ! »

L’officier attrapa un valet qui portait un pichet de vin. Il le but tel un assoiffé sans prendre le temps de respirer. Le liquide lui coulait le long des commissures de la bouche, sur le menton, puis déborda par les narines. Finalement, son uniforme reçut plus d’alcool que son estomac. Il réussit même à tacher les derniers endroits encore propres de sa veste souillée de boissons, de nourritures diverses, de graisses en tous genres. Il toussa et respira un grand coup.

« Maintenant, je vous lance un défi, à tous ! Vous connaissez l’aptitude de la reine à se reposer plus rapidement qu’un soldat. Serez-vous capable de tenir éveillés plus longtemps qu’elle !? Si tel est le cas, je m’engage personnellement à devenir le serviteur du gagnant pendant toute une année !

– Tu me dois déjà vingt pièces de bronze ! »

Le sous-officier qui rappela cette dette fit bien rire l’assemblée.

« Je te les rendrai aussi, radin ! Etes-vous d’accord pour ce pari !?

– Si aucun de nous ne le gagne, ton pari ? » demanda un chevalier, « quelle sera ta récompense ?

– Toutes mes dettes seront annulées ! »

Une vague de mécontentements monta de la salle de banquet. En un instant, l’officier se mit à dos tous les militaires présents dans la pièce.

« Messieurs », s’exclama la reine, « messieurs, calmez-vous ! Par ma voix, soyez assurés que toutes les dettes du capitaine seront honorées si aucun de vous ne gagne ce pari. Mais de vous à moi, j’aimerais bien le voir être redevable de l’un de vous pendant un an. »

L’hilarité s’empara des convives qui crièrent : « Longue vie à la reine ! » ou encore « que les dieux protègent la reine ! ». L’officier se tourna vers la maîtresse de cérémonie, abasourdi, son pichet complètement vide à la main.

« Qui sera un témoin suffisamment honnête pour arbitrer ton pari ? » demanda un chevalier.

« La reine est-elle suffisamment au-dessus de tous doutes pour toi ? » répondit l’intéressé.

« Qu’il en soit ainsi. Longue vie à la reine !

– Longue vie à la reine ! » s’écria l’assemblée.

Les commandes d’alcool, de nourritures, de musiques, proliférèrent dans tous les sens. Tous les militaires présents voulaient désormais posséder le capitaine comme servant pendant un an. Chacun de ces parieurs espérait prendre une revanche, réparer une injustice, assouvir une vengeance. Les parents de Viksal s’en allèrent avant que la soirée de dégénère.

Le banquet dura toute la nuit dans une frénésie irréaliste. Certains invités désossèrent les armures pour se les lancer. D’autres décrochèrent armes et boucliers pour organiser des duels devant les maintenir éveillés. D’autres encore chassaient les servantes afin d’abuser d’elles.

La reine, qui ne ressentait aucune fatigue, voyait s’écrouler, heure après heure, les membres de sa garde aux mines déconfites. Certains se retiraient dignement pour aller se coucher, reconnaissant leur décevante défaite. D’autres titubaient dans la salle, espérant ainsi tenir éveillés, mais s’effondraient lamentablement sur le sol paillé, sur une chaise, sur un banc. D’autres encore finissaient la tête sur leur tranchoir, dans un saladier ou tout simplement à même la table en bois.

La reine s’éclipsa une fois assurée qu’aucun de ces preux militaires ne veillait encore. Elle enjamba nombre d’entre eux aux ronflements éreintants, étalés sur le sol paillé, les couloirs, les pas de porte. Elle traversa la basse-cour, rejoignit le donjon, monta au deuxième étage. Elle y trouva là deux gardes censés protéger ses appartements, écroulés de sommeil à même le sol. Elle les enjamba, entra silencieusement dans le salon qu’elle traversa, rejoignit sa chambre où Oriande, encore vêtue de sa robe, dormait à poings fermés aux côtés de Viksal, sur une paillasse au pied du lit à baldaquin de sa maîtresse. Le feu qui crépitait dans l’âtre dégageait une chaleur bienveillante. La reine se dirigea vers une immense armoire à cinq battants, en sortit de simples vêtements qu’elle revêtit ainsi qu’une pèlerine noire et des chaussures toutes aussi sombres, à fond plat. Elle se plaça devant la cheminée sculptée de bas reliefs, appuya sur le bouclier de l’un des chevaliers qui décorait le linteau. Le cœur et l’âtre s’enfoncèrent, se décalèrent, laissant apparaître un passage secret. La reine s’y engouffra, laissant le passage se refermer derrière elle. Des torches magiques s’allumèrent, éclairèrent une petite pièce aménagée d’un bureau et d’une chaise sommaire. Elle emprunta un long tunnel descendant, humide, froid, au gré des torches magiques qui accompagnaient son parcours, s’allumaient et s’éteignaient à son passage. Les moisissures, les mousses, se développaient, proliféraient, sur cette roche taillée à la force du bras. Elle pataugeait dans un fond d’eau saumâtre, nauséabond.

Au bout du tunnel se dressait une échelle accrochée à la pierre. Elle monta, poussa une trappe en bois recouvert de paille et se retrouva dans l’un des enclos de l’écurie attenante à la forge du village.

« L’oiseau fait son nid dans les branches », chuchota-t-elle.

Un vieil homme, à la voix cassée, répondit en postillonnant, caché dans la noirceur de l’écurie que des lampes à huile créaient :

« Le renard observe.

– Il se lèche les babines à l’idée de gober les œufs.

– Mais l’oiseau s’en moque, il est inatteignable.

– Où es-tu ?

– Ici, maîtresse. »

Vêtus de haillons, la tête dégarnie, la bouche édentée, à moitié bossu, le vieil homme sortit de l’obscurité.

« Que puis-je faire pour vous servir, maîtresse ?

– Il me faut des informations sur des espions du baron de Kilburg.

– Avez-vous des noms ?

– Je sais juste que cela touche mon entourage. Cherchez partout, ma garde royale, mes relations, mes connaissances, mes amis, même.

– Même vos dames de compagnie ?

– Tout le monde. Je veux savoir.

– Je serai rapidement au courant, maîtresse.

– Voilà ton tarif habituel. »

La reine lança au vieil homme une bourse pleine de pièces.

« Tu auras le reste à la livraison, comme d’habitude.

– Merci maîtresse. »

Le vieil homme repartit dans l’obscurité, mordillant quelques pièces. La reine redescendit dans le tunnel.

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Commentaires récents

Or

Une plongée dans l'univers militaire de deux royaumes, des complots, des rois entourés de conseillers plus ou moins loyaux.

J'ai beaucoup aimé les discussions, surtout lors des conseils de guerre.

Je me suis vraiment prise dans ma lecture mais, il y a un mais...... J'ai trouvé qu'il y avait quelques longueurs et un petit manque d'action.

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Argent

🤴 Des complots, de la haine, des jeux de dupes... tels sont les enjeux de cet univers. Dans ce premier tome, l'auteur met en place un monde où l'opulence côtoie la pauvreté extrême. Les hommes et les femmes ne sont que des pions, placés au gré des manipulations. L'utilité est primordiale pour que les têtes restent sur les épaules. Il en faut peu pour la perdre croyez-moi. La personnalité fantaisiste du roi fou est au cœur de l'action. Tout repose sur ses choix...enfin si choix il peut y avoir! Quand on est roi on a beau être entouré, il n'y a pas plus solitaire.

Méfiance, chantages, adultères sont d'autres point importants du récit. On est mis dans les confidences et on ne sait parfois plus sur quel pied danser. Il y a beaucoup d'éléments à garder en tête pour appréhender tous les événements qui se jouent dans L'urne de Xalanor. Les personnages féminins n'ont rien à envier aux protagonistes masculins en terme de manipulation. Les personnages sont nombreux et se rencontrent au fil du récit, venant étoffer le monde qui prend vie chapitre après chapitre. J'avoue m'être parfois un peu perdue tant il y avait de personnages. Je pense qu'une sorte de rappel des personnages aurait pu être utile en fin d'ouvrage. C'est bien évidemment une remarque personnelle. Les lecteurs de fantasy ont l'habitude des univers foisonnants.

La lecture m'a été agréable malgré tout. J'ai trouvé que l'intrigue a gagné en originalité sur la fin. J'ai eu un peu peur de ne pas comprendre le pourquoi du titre de la série mais rassurez-vous tout prend sens à la fin de ce premier tome. Je me demande maintenant comment l'action va prendre forme dans la suite. Ce début étant davantage une introduction progressive, en douceur. Ne vous attendez pas obligatoirement à une action haletante. Prenez le temps de savourer la mise en place d'un contexte et de ses acteurs. L'aspect politique prime sur l'aventure. Les inconditionnels d'action à tout prix devront donc prendre leur mal en patience et ne pas se montrer trop impatient car l'échiquier est maintenant en place et promet un tome 2 beaucoup plus explosif. Du moins je l'espère 😉

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Bronze

Je remercie Vincent Macphordyne pour cette proposition de lecture en service presse.

Nous sommes pour ce roman dans un univers médiéval, dans lequel sont présentés les différents lieux et protagonistes de l'histoire.

Deux Royaumes, qui vivaient en paix depuis quelques siècles, sont au bord d'une déclaration de guerre. En proie aux doutes, trahisons, complots, incompréhensions, les rois de chacun de ces royaumes sont suspicieux l'un de l'autre autant que de leurs entourages.

Ce premier tome est une amorce de l'univers de l'auteur : un préambule afin de bien comprendre les enjeux et protagonistes pour la suite !

Si vous aimez les intrigues, les tensions, l'ambiance médiévale, je vous conseille vivement de lire cette histoire.

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Argent

C'est avec beaucoup de curiosité que je me suis lancé dans cette histoire, moi qui pourtant n'est pas fan de politique, cette atmosphère et cette tension particulière m'a happé dès les premières lignes.

L'intrigue est axée sur 2 rois de 2 royaumes, pour l'heure la paix règne encore sur ces 2 royaumes.

Au fil de l'histoire, les tensions et les menaces d'invasion se font de plus en plus présentes et importantes jusqu'au point de non retour.

A qui profitera réellement cette guerre? 

J'ai apprécié la tournure du récit, entre complots, tensions et mensonges, pas le temps de s'ennuyer mais je regrette juste un peu le manque d'action (j'espère retrouver ce manque dans le tome 2).

Il faut aussi prendre en compte qu'il y a énormément de personnages dans ce tome qu'on a tendance à oublier qui est qui (j'aurais peut-être apprécié un récap des perso en début du roman) mais je dois dire également que les personnages principaux sont très bien travaillés et recherchés.

En soit ce fut un bon moment de lecture, malgré ces petits détails la plume de l'auteur est agréable, fluide.

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Lu aussi

Une lecture qui ne m'a pas embarquer du fait qu'on est sur un livre politique et seulement politique tout du long . Complots, trahison, magouilles.... on avance vraiment doucement et le manque d action m'a fait décrocher. Quand au personnages je me suis attaché à la reine(se n'était pas gagné)au fils des pages on la découvre, on l apprécie. Je dirais si vous aimez la politique vous allez adoré

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Bronze

On plonge directement dans une histoire de querelles entre deux royaumes frontaliers. L’un pense que l’autre cherche la guerre et vice versa. Cependant, un roi fou, le roi d’Edorianne, pense que tout le monde est contre lui et n’écoute que son avis, ou presque. Pendant toute l’histoire, les points de vue s’alternent entre les deux royaumes afin de comprendre toute la subtilité des échanges et des décisions. Je vous avoue que j’étais perdue au début. Ce n’est pas le genre de livre que j’ai l’habitude de lire. Au début, je me suis mélangée les prénoms des personnages. J’étais relativement septique mais lorsque j’ai continué à lire, j’ai été prise dans l’intrigue. Je dirai que c’est une intrigue qui avance plutôt lentement mais qui sait tenir le lecteur en haleine. Certaines révélations sont des bombes extrêmement bien placées. Je n’ai jamais regardé Game of Thrones mais de ce que je sais, ça doit être le même genre. Il y a énormément d’intrigues royales, de querelles entre les gens de la cour, etc. La fin a eu l’effet d’une explosion pour moi. Sachant que c’est un tome 1, je suis très frustrée du cliffhanger sur lequel il s’arrête. Je veux tellement lire la suite ! L’effet de suspense est réussi ici. Je trouve que l’auteur a créé d’excellents dialogues qui mettent vraiment dans l’ambiance de la monarchie et du respect hiérarchique, ça participe grandement à imaginer les personnages dans leur environnement ou même à se plonger dans l’histoire comme si on y était.

Je n’ai pas trouvé les personnages particulièrement attachants et pourtant il y en a certains que je déteste profondément. Il y a beaucoup de protagonistes aussi et ça contribue au fait que je ne me suis pas attachée et également que je me suis perdue dans leur nom au début. Ça n’est pas resté toute la lecture bien sûr, mais j’avoue avoir été déstabilisée. Je trouve que les personnages sont bien travaillés, on apprend leur histoire au fur et à mesure, ce qui les lie entre eux. Je n’ai pas vu d’incohérences dans les histoires. J’avoue quand même avoir développé une petite affection pour la reine Istrid, j’aime particulièrement les chapitres où elle apparaît.

J’ai trouvé quelques coquilles dans ce roman mais rien de méchant. Je n’ai également pas tout compris au monde et j’aurais aimé un peu plus d’explications, mais je pense que c’est un effet de saga, dans le sens où j’aurais mes réponses tout au long de celle-ci. J’ai aussi un petit point noir au niveau du suspense qui n’est pas toujours bien alimenté à mon goût. Le plus gros suspense reste la fin.

C’était une bonne lecture. Une histoire prenante et royale qui saura vous happer dans son monde !

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Lu aussi

Aujourd'hui, je vous parle de ce roman fantasy ecrit par Vincent Mc Phordyne, que je remercie vivement pour l'envoi.

L'intrigue principale tourne autour du conflit entre le roi Ollon et le roi Legirede, qui se menacent mutuellement d'invasion. Au fil de l'histoire, les tensions sont de plus en plus importantes, jusqu'au point de non retour...

Tout d'abord, commencons par les points positifs :

Le roman est vraiment bien écrit et malgré quelques erreurs de frappe, la plume de l'auteur est riche et expérimentée.

J'ai beaucoup apprécié le personnage de la reine qui au depart est présentée comme une femme frivole et indecente, mais qui est peu à peu mêlée au conflit de territoire et sait user de ses charmes pour obtenir ce qu'elle veut. le comportement du roi vis à vis d'elle est vraiment odieux, ce qui m'a fait de la peine pour la reine, dont on ne connait meme pas le prénom.

L'humour est présent tout au long du livre, et on sent bien le style médiéval grâce aux descriptions et aux dialogues moyenâgeux.

Cependant, j'emets quelques remarques : le livre manque de rythme et d'actions. Avec du recul, il ne s'est pas passé grand chose entre le debut et la fin : certes, des conseils se sont déroulés, des menaces ont été proférées mais aucune réelle action ne s'est produite, alors qu'on aurait pu s'attendre à des scènes de batailles du style Game of Thrones (meme si je pense que de telles scènes arriveront plutôt dans le tome 2). de plus, le livre se veut fantasy alors qu'il n'est pas fait mention d'un grand nombre de choses fantastiques, si ce n'est les torches magiques et le nuage noir mortifere. J'aurais aimé découvrir davantage les facultés des mages, qui se présentent comme des érudits puissants. Enfin, la multitude de personnages est difficile à comprendre, même si des rappels sont régulièrement faits pour nous aider.

En bref, ce roman est une belle decouverte, malgré quelques points négatifs. J'ai pris plaisir à découvrir l'univers de l'auteur et je lui souhaite de tout coeur une bonne continuation.

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Bronze

Ce premier tome de l'Urne de Xalanor m'a vraiment surprise par son univers extrêmement riche et audacieux !

L'histoire tourne principalement autour d'intrigues et de complots politiques qui je dois l'avouer, sont vraiment très bien menés !

Bien que ce ne soit pas vraiment un aspect qui m'attire absolument dans un roman de fantasy, j'affectionne quand même lorsque cela est bien construit, il est alors bien plus facile de se plonger dans l'univers que l'auteur souhaite nous présenter.

Nous découvrons rapidement que le roi Légirède est gagné par la folie, il doute, il a peur, tout le monde est contre lui ! On veut sa mort, on veut son trône. La spirale infernale dans laquelle l'esprit du roi est plongé va nous emmener de conspirations en tragédies pour le plus grand plaisir du lecteur.

Personnellement, je dois avouer que j'ai eu un peu du mal au début avec l'abondance de personnages et leurs noms, parfois assez compliquer à retenir dès leurs apparitions. En revanche, la richesse de leur caractère et leurs personnalités extrêmement bien travaillés est un véritable délice ! Je pense pouvoir dire sans l'ombre d'un doute que cela représente un point fort de ce roman.

L'action ne fait pas vraiment partie du mot d'ordre de ce premier tome, je parlerais plutôt de joutes verbales parfois acerbes, violentes, ou amusantes. C'est assez surprenant au début, surtout pour un roman de dark fantasy. Aucune créature hideuse à affronter, de races légendaires ou de dieux millénaires qui nous sautent au visage pour maltraiter les protagonistes durant leur quête.

Ce premier tome est vraiment surprenant sur le rythme et l'ambiance que l'auteur lui a donnés, mais je dois avouer que ces intrigues politiques et la folie qui rend le roi méfiant et sournois sont entraînantes. Mais peut-être pas sur un tome en entier par contre .

L'écriture est fluide, entraînante et agréable à lire et l'univers de l'auteur est maîtrisé de bout en bout.

Mon seul point négatif est vraiment cette absence d'action concrète, de batailles épiques, d'environnements sauvages à découvrir.

En dehors de cela, je pense que ce premier tome séduira son lectorat, même si j'avoue rester un peu sur ma faim.

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Lu aussi

Merci à Vincent MacPhordyne, l’auteur de ce roman pour sa confiance !

Une paix qui dure depuis presque cinq cents ans est sur le point de prendre fin… Deux royaumes voisins sont prêts à faire éclater une guerre. Et tout ça, pour un simple malentendu !

L’univers que nous propose l’auteur est composé des créatures étranges (mais qu’on ne croise pratiquement que sur les tables), une multitude de Dieux, de deux rois qui sont prêts à mener leurs soldats dans une guerre qui n’apportera rien sauf mort, destruction et perte. Ainsi que des conseillers, reine, dames de compagnie et j’en passe qui cachent beaucoup trop de secrets. Le monde mis en place semble assez simple, mais en avançant dans le roman on se rend compte qu’il y a de plus en plus de détails qui complexifient les choses.

Complots, trahison, espionnage, querelles, … sont en plus de cette menace de guerre au centre de ce roman. Les personnages étant tous plus fourbes et faux-c*** les uns que les autres, il n’est pas évident de savoir qui tient avec qui et inversement.

Un petit élément qui peut être dérangeant, c’est qu’il y a pas mal de vulgarité dans ce roman et les insultes vont bon train comme on dit. Dans un sens quand on voit l’état d’esprit des personnages qui en disent le plus, ça peut totalement se comprendre.

On a beaucoup de personnages différents et on a parfois du mal à les cerner, car comme dit plus haut ils ont une multitude de facettes et sont tantôt cajoleurs tantôt manipulateurs, … Et même ceux pour qui on ne s’y attend absolument pas ! Je vous laisse découvrir ça par vous-même.

Les événements de la fin nous annoncent pas mal de nouvelles choses qui vont prendre place dans ce tome deux notamment un élément lié aux magiciens. A voir ce que tout cela nous réserve pour la suite …

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Bronze

De la fantasy moyenâgeuse

Et oui, tout arrive ! Je reviens aujourd'hui vous parler d'un roman fantasy, que j'ai en plus apprécié, moi qui n'aime vraiment pas ce genre en temps normal... Et je vais me faire un plaisir de vous expliquer tout cela.

En effet, pour moi, plus qu'un livre fantasy, il s'agit ici d'un roman axé sur la politique, la trahison, et les coups montés. L'auteur a fait le choix de créer un univers facilement accessible à tous y compris pour ceux qui ne lisent pas de fantasy (comme moi par exemple). Même si nous sommes ici dans un univers inventé de toute pièce (mais avec des points communs moyenâgeux), l'auteur ne nous noie pas sous trop d'informations et de descriptions propres à ce genre littéraire, et je l'en remercie pour cela ! L'auteur nous décrit son univers comme s'il était normal, courant, le lecteur comprend sans beaucoup de difficultés les termes inconnus, car ils sont parfaitement ancrés dans le contexte.

Au programme : trahisons, espionnages, et guerre en perspective ! Je ne vous en dirai pas plus, car je suis incapable de vous résumer ce récit dense en quelques mots. Mais en gros, deux rois risquent de se déclarer la guerre, sur un malentendu (ou pas), l'un ayant un caractère très spécial refuse d'écouter ses conseillers, et tout risque de déraper si personne n'arrive à faire entendre raison à l'un et/ou à l'autre. Cette guerre va-t-elle aboutir ? A qui pourrait profiter cette guerre ? Et surtout quelles seront les conséquences de ces querelles ?

Manigances, trahisons et politique au programme

Avant de commencer cette lecture, il faut avoir conscience qu'il s'agit tout de même d'un premier tome de fantasy donc que l'auteur n'a d'autres choix que celui de poser l'intrigue, mais ça pourrait vite en ennuyer plus d'un. Pour ma part, ça n'a pas été du tout le cas, j'ai apprécié apprendre à découvrir tous les personnages, leurs états d'esprit, leurs espoirs, et leurs manigances. Tout ce qu'il fallait pour attiser ma curiosité.

Cette atmosphère si particulière, si tendue, m'a particulièrement happée, moi qui pourtant déteste tout ce qui tourne autour de la politique en temps normal...

Les personnages sont approfondis, réfléchis et tout s'emboite tel un puzzle.

Si certaines fois le vocabulaire assez vulgaire de certains personnages a pu me déranger, j'ai vite fait l'impasse. D'ailleurs, au début, j'ai aussi été perplexe quant au vocabulaire utilisé, l'auteur oscillant entre lexique ancien, actuel et inventé. Puis je me suis dit que c'était de la fantasy après tout, l'auteur savait ce qu'il faisait et je me suis laissée embarquer totalement dans cet univers atypique.

En résumé,

Un bon premier tome qui introduit très bien l'intrigue principale et qui donne envie de se pencher de plus près sur la fantasy. Je recommande.

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Note globale 7 / 10

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