Et vous passerez comme des vents fous

« Nous étions en paix comme nos montagnes

Vous êtes venus comme des vents fous.

Nous avons fait front comme nos montagnes

Vous avez hurlé comme les vents fous.

Eternels nus sommes comme les montagnes

Et vous passerez comme des vents fous.

Ce poème du poète arménien Hovhannès Chiraz conclut ce roman. Il en ponctue aussi les trois parties qui commencent chacune par deux vers : les premiers pour la première, les deux suivants pour la seconde… et c’est bien cela qui m’a interrogé. Trois parties au titre évocateur : Remonter, La part sauvage et Les ordres de la nuit.

D’où la question, d’où viennent ces vents fous ? Sont-ils provoqués par la volonté des organismes officiels chargés de réintroduire l’ours dans les Pyrénées ariégeoises ? Sont-ils dans l’imaginaire collectif de l’ours prédateur des troupeaux voire des hommes au point d’avoir été complètement éradiqué ? Sont-ils les conséquences violentes de ce dérèglement climatique qui provoquent même dans les montagnes la canicule et obligent la nature à s'y adapter et les montagnards à s'en désoler ?

C’est dans ce décor où l’homme se confronte à ses limites et à son rapport au sauvage que l’autrice nous fait entrer , à travers trois personnages dont le destin se croise au fil d’un été mouvementé. Dans les années 1880, Jules est devenu le « dresseur pour ours dansant », après avoir capturé un ourson dans sa tanière et dressé pour une carrière rêvée aux États Unis. Dans les années 2000, Gaspard, l’étudiant bardé de diplômes, après un voyage au pays des Chamanes retourne sur ses terres avec femme et enfants et devient le berger qui emmène les brebis de plusieurs éleveurs aux estives en les soignant, en les nourrissant, en les guidant, en les suivant, en les protégeant des aspérités de la montagne et de son environnement rendu plus dangereux par l'Ourse qui rôde. Alma, thèse en poche sur l’Ours, est chargée de pister une ourse qui rôde et de comprendre son comportement et ses relations avec ses oursons, avec un mâle qui rode et les bergers et leur troupeau et les gens de la vallée….Et autour d’eux gravitent d'autres personnages : comme Jean, l’ancien berger, qui apprend Gaspard à l’être, qui se dit hors de la civilisation pour être au plus près de la nature dont il reconnaît la force ; comme François, le chef d’Alma, qui par pragmatisme et faiblesse cède devant les lobbies des « anti-ours »; comme ceux de la vallée qui essaient d'élever des moutons, en tentant de s'adapter aux règles contraignantes du commerce mondial et à l’obstacle que constitue pour eux la réintroduction de l'ours

Enfin, il y a l'ours : cette Ourse majestueuse point de convergence d’intérêts, de conflits, d’interrogations lui donnant cette stature de reine qui inspire grandeur, peurs, admirations, rejets , qui contribue aux légendes de ces territoires longtemps livrés à eux-mêmes, en proie à la famine et à la rudesse d'une vie pauvre et précaire.

L’histoire se passe avec l'ours : en montagne avec quelques incursions d’Alma dans la vallée, avec le retour de Gaspard de l’estive à la fin de l’été, et loin de cette montagne avec Jules qui les quitte pour une vie de saltimbanque .En passant d’un personnage à l’autre, Clara ARNAUD, décrit cette montage majestueuse qui dicte sa loi, se montre accueillante mais aussi hostile, cette montagne aux couleurs, aux ambiances changeantes et à laquelle Gaspard, Alma doivent s’adapter et Jules aurait dû s’adapter.

La conclusion en est noble et à la fois cynique : »Et vous passerez comme des vents fous » car la montagne, la nature, l’ours, on ne les contraint pas sinon à en payer des conséquences irrémédiables.

L’écriture est belle, descriptive de ces bouts d’herbe, de cet animal furtif qui passe ou laisse une trace de son passage, de ce soleil anormalement chaud, de ce torrent qui coule en petit ru, de ces odeurs qui la raconte cette montagne, vivante à jamais …Alors, on lit, on regarde, on prend le temps de s'arrêter car le déroulement de l’histoire s’immobilise comme un coucher de soleil qui s’attarde, un hululement qui résonne, comme la rudesse éternelle de cette roche…

L’autrice nous emmène par les chemins escarpés dans cette montagne qui lui est si familière et on n’a pas envie d’emprunter les sentiers pour touristes, on n’a pas envie de redescendre parmi les hommes ; on veut rester avec Gaspard, Alma et arrêter Jules car c’est bien la question de notre relation avec la nature et le monde sauvage qui est posée à travers cette belle histoire. Cette histoire : celle d’un été mais aussi d’une vie d’un berger de notre époque et plus globalement, notre coexistence avec l'ours et plus généralement la nature.

C’est beau, sensuel, juste , poétique, critique et ça bouscule.

L'auteure nous décrit les difficultés rencontrées dans les Pyrénées pour la réintroduction des ours. Les trois principaux personnages voient l'ours de façon diamétralement opposée. Jules, au XIXième siècle, dresseur d'ours (ces chapitres là sont durs et ça m'a rappelé "Sans famille" d’Hector Malo). Gaspard, le berger en estive qui aime ses brebis et Alma, tous deux aiment l'ours et veulent le comprendre.

La montagne est décrite avec délicatesse, on y est, on y vit les difficultés dû aux changements climatiques. Il faudrait suivre les vallées sur une carte d'état major, impossible, donc on se fabrique un décor sauvage.

Belle lecture de découvertes, simple, accrocheuse et bien documentée.

C'est un bon livre, bien écrit, très bien documenté, peut-être trop. En effet, il y a des longueurs sur certains passages. J'ai eu du mal à voir où voulait en venir l'auteur. Le livre est scindé en 3 parties et j'avoue que j'ai un peu décroché sur la deuxième. Mais c'était aussi très intéressant.

Une très jolie découverte !

A travers le quotidien de Gaspard, un berger, et d'Alma, une éthologue passionnée d'ours, on découvre les secrets de la montagne

Les difficultés pour s'occuper des brebis, les accidents et les pertes rencontrés au sein du troupeau, et la peur des prédateurs comme l'ours

Cet ours qu'Alma étudie voire vénère au fil de ses journées en bivouac à guetter la bête majestueuse

Cette bête qui fait peur et qui agace les bergers et autres habitants du village, mais qui est protégée

Pourquoi cette haine envers cet animal omnivore à la mauvaise réputation de tueur ?

On découvre également les mystères de la montagne, sa rudesse mais aussi sa fragilité face à un climat de plus en plus perturbé par le réchauffement

Canicules, sécheresses et orages mettent à rude épreuve les bergers et leur troupeau, mais surtout la faune et la flore montagnardes

Les personnages sont tous touchants et très profonds

J'ai été totalement embarquée par ce voyage au cœur des Pyrénées aux côtés de Gaspard et Alma

C'est une nouvelle fois les jolis retours des Babelpotes qui m'ont fortement influencée. Mais il faut dire que quand la nature (sauvage) est prépondérante, je suis justement très influençable, je craque facilement et n'ai pas envie de résister. Alors après un peu d'attente, le temps que mon nom atteigne la première place sur la liste des réservations, voici déjà mon tour venir (je pensais devoir l'attendre plus longtemps). Et pour ce qui est côté "nature-writing", j'ai été servie, je m'en délecte encore.

Pourtant, ce n'était pas très bien parti. L'histoire se partage les points de vue de trois personnages. Il y a Jules d'abord, montreur d'ours de la fin du XIXᵉ siècle. Il y a Gaspard, berger traumatisé par le drame survenu pendant l'estive de l'an passé mais qui, accro à la montagne, ne peut s'empêcher d'y retourner. Et enfin, il y a Alma, éthologue missionnée pour comprendre justement ce qui s'est passé l'année dernière, observer les comportements de La Negra, cette imposante ourse qui serait en grande partie responsable du drame en question.

Pas très bien parti, que je vous disais, parce que le premier chapitre démarre l'histoire avec Jules. Il nous est raconté comment ce dernier a arraché un ourson à sa mère, pour pouvoir le dresser, le réduire en esclavage et lui permettre de réaliser son rêve : connaître la gloire en Amérique en tant que montreur d'ours. Alors les coups de bâton, l'anneau dans le nez, les chaînes, les sucreries en guise de récompenses, les entraînements, tout ça m'a très vite grandement déplu. J'ai eu Jules en horreur dès le départ, tout en espérant qu'il finisse seul dans d'atroces souffrances tout du long. Heureusement, l'autrice ne lui accorde qu'un chapitre de temps en temps seulement, l'action se déroulant essentiellement de nos jours avec Gaspard et Alma.

Gaspard et Alma qui, eux, sont des personnages qui valent la peine qu'on s'y attache, tant par leur vécu que par leur rôle dans l'histoire qui se déroule sous nos yeux. Amour de la montagne pour l'un, amour des ours pour l'autre. Tous deux des personnages solitaires que les habitants ont du mal à cerner, à comprendre. Pourquoi Gaspard y retourne après ce qui s'est passé l'an dernier ? Pourquoi Alma tient-elle absolument à étudier les comportements de l'ourse qui pose problème, alors qu'un simple coup de fusil pourrait tout régler ? Alors tour à tour, nous suivons l'un et l'autre, parfois amenés à se côtoyer, déterminés à mener à bien leurs missions, toujours trop impliqués dans ce qu'ils font, toujours trop dans l'affect.

Mais Gaspard et Alma ne sont pas les personnages principaux, et encore moins Jules. La Negra non plus, bien qu'elle soit au centre de l'histoire. Non, le personnage principal, c'est la montagne, bien vivante, envahissante, qui vous enserre, vous piège dans ses filets et sur laquelle on s'accroche, on s'agrippe, sans qui l'on n'est plus rien. Imposante, inévitable, hypnotique, c'est elle qui mène la danse, c'est avant tout avec elle que les personnages doivent composer (humains comme animaux). Dangereuse, indomptable, pleine d'ardeur, les personnages se façonnent sur sa rugosité, sa sauvagerie, son insoumission, alors que prête à fondre sur eux. L'autrice en parle merveilleusement bien. Elle implante des décors à couper le souffle, dans les deux sens du terme. Elle instaure une atmosphère à la fois vivifiante et écrasante. De sa plume toute de poésie, elle dépeint tout de manière époustouflante. On s'y croit, dans ces montagnes. On y est, avec les personnages. J'ai vu tous les paysages et les animaux (sauvages comme élevés/domestiqués), j'ai ressenti les angoisses de Gaspard, la pression sur Alma, la chaleur écrasante, l'herbe sèche sous mes pieds, le froid glacial des lacs. Je me suis délectée de la vue imprenable, des vols des gypaètes. J'ai pris plaisir à aider Gaspard dans le soin et le déplacement de ses brebis, à observer l'ourse et son ourson avec Alma (quand elle a bien voulu se montrer). C'est comme si j'y étais, pour de vrai, totalement envoûtée.

Pour moi, Jules n'avait pas sa place dans ce roman. Il était de trop et gâche un peu le tableau. De celui-là et de son histoire, j'aurais voulu m'en passer. C'est à cause de lui que je ne peux qualifier ce livre de coup de cœur. Mais bon, il n'est pas énormément présent, j'ai donc fait avec...

Mais je ressors de ce livre revigorée, éblouie par tous les verts et blancs des paysages, fortifiée par l'air montagnard, attachée à deux personnages qui m'ont plu à l'instant, toujours aussi amoureuse de la nature indomptable, et de sa faune et sa flore. Peut-être un poil déçue par le tournant que prend l'histoire dans la troisième partie, en ce qui concerne l'ourse notamment, mais j'ai dans l'ensemble passé un très bon moment de lecture (si je fais abstraction de Jules).

Au cours d’une saison d’estive, les attaques répétées d’une ourse ravivent les tensions dans une vallée pyrénéenne. Tentant de s’abstraire des débats, Alma, une éthologue, et Gaspard, un berger, communient avec la montagne, mêlent leur existence à celles des bêtes. Sur ces terres où l'homme et l'animal sont intimement liés, l'histoire d'un jeune montreur d'ours parti faire fortune à New York, un siècle plus tôt, résonne tragiquement avec le présent.

1883, Arpiet. Jules s’empare d’un ourson. C’est décidé, il se rendra en Amérique, et il deviendra riche en devenant montreur d’ours. De nos jours, Gaspard se prépare avec ses bêtes à l’estive. Quant à Alma, elle s’occupe d’étudier le comportement de l’ours, afin de leur permettre de cohabiter au mieux avec le reste des animaux, ce qui lui vaut beaucoup de critiques et d’hostilité, puisqu’il y a une ourse en particulier qui rend le quotidien très diffficle aux bergers.

C’est un roman très beau que nous propose ici l’auteure, véritable hymne à la nature. J’ai été conquise dès le départ par ce style si riche et ces descriptions si réalistes. L’auteure a un véritable talent de conteuse.

Tout tourne autour de l’ours, que ce soit l’histoire au passé comme celle au présent, et l’auteure a parsemé son intrigue de beaucoup d’éléments qui permettent d’en apprendre énormément au lecteur. C’est une lecture enrichissante et très intéressante.

J’ai beaucoup aimé le personnage d’Alma, qui est une femme affirmée et forte. Elle m’a beaucoup touchée. J’ai trouvé que l’auteure avait réussi à créer des personnages forts et charismatiques.

Les descriptions de la nature sont somptueuses. Je ne vous cache pas que ce roman est tout de même assez exigeant, et qu’il faudra rester bien concentré, afin d’être à même d’apprécier pleinement ce que propose ici l’auteure.

La plume de l’auteure m’a totalement conquise. Avec un style à la fois poétique et précis, les pages ont défilé. Le lecteur suivra de manière alternative l’histoire de Jules, Gaspard et Alma, et j’ai vraiment été très touchée.

Un roman de toute beauté, à l’écriture fine et précise. A découvrir sans hésiter.

Entre exaltation et beauté. Clara Arnaud nous emmène découvrir la vie rurale des Pyrénées. Ici la violence de la montagne peut parfois étouffer mais cela ne fait que la rendre plus belle et sauvage. En suivant trois points de vue différents l'autrice y trace une histoire douce mais pas tendre et surtout infiniment clairvoyante sur la vie pastorale ainsi que sur la préservation faune/flore. Bijou.