Le Chemin du fort

Voici une petite merveille de roman noir écrite par Gabrielle Danoux, alias Tandarica, que je connais plus à travers la traduction de la littérature roumaine (surtout la poésie que j'adore lire et parfois écrire).

Ce roman raconte une succession d'évènements dramatiques liés les uns aux autres par le narrateur Charles Maucler.

Mais, devrais-je dire plutôt que tous ces événements se suggèrent, se déduisent entre deux chapitres, où sont dépeints les portraits de personnages à la fois banals et originaux.

Le chemin du fort est un témoin silencieux et garde quelque part ses secrets.

Et Brichamps ce microcosme particulier permet à l'auteure d'observer avec humour, avec ironie et sarcasme, les travers de la société actuelle, en filigrane tout au long des digressions du récit.

Suivi d'une nouvelle où l'auteure déploie tout son talent pour mener le lecteur par le bout du nez, c'est un livre qu'il faut lire absolument, et pourquoi pas à emmener sur une île déserte.

Une écriture très singulière comme éclatée pour ce roman aux allures

d'énigme dont la résolution semble d'ailleurs plus un prétexte qu'une fin en soi.

Brichamps, petit village comme les autres, a vu naître les protagonistes de l’histoire. Sur les bancs de l’école, puis au collège et au lycée, ces enfants ont grandi : noué des amitiés, connu leurs premiers émois, parfois accumulé derrière leurs visages lisses des rancunes tenaces, des frustrations qui ont perduré dans leur vie d’adulte.

Certains ont pris leur envol et définitivement quitté le nid, d’autres sont revenus, la plume légère ou l’ aile plombée, attendant le moment de régler leurs comptes.

A Brichamps, il y a un fort, comme une sentinelle, une frontière, un sanctuaire, qui relie les personnages à leur enfance, et le village à ses blessures de guerre.

A Brichamps, il y a un fort, et dans ce fort, un cadavre.

Le narrateur, dont l’esprit acéré, caustique, dissèque ses contemporains avec l’empathie d’un entomologiste observant les insectes d’un terrarium, mène l’enquête.

Les mots cognent dans les phrases, résistent au sens commun pour grignoter d’autres vérités dans une verve dévorante, avide de s’affranchir des diktats de l’écriture ou du style.

Les paragraphes se renvoient la balle comme les personnages leur culpabilité pour mieux brouiller les pistes.

Le talent de Gabrielle Danoux éclate dans ce roman complexe, incisif, taillé à la plume et au couteau.

L’autre nouvelle, c’est qu’à la suite de son roman, elle en a écrit une, avec emphase, mais en retrait, avec son goût pour la vérité et son contraire. Sa première, sa dernière, dit-elle, en guise de pirouette. La dernière ? Ce serait franchement dommage, Gabrielle.