Zora

Il existe, aux confins de la verte Finlande, une forêt peuplée de créatures étranges et fort laides qu’on appelle les fredouilles. Les fredouilles ont deux jambes et deux bras, rattachés à un torse. C’est là tout ce qui les apparente aux humains. Pour le reste, elles pré-sentent des différences notables, et à bien des égards effrayantes. Juge z par vous-même. D’abord, des pieds au c o u , les fredouilles ne sont pas plus grandes qu’un vase à fleurs (disons un grand vase à fleurs, du genre de ceux qu’on exhibe dans les vestibules des restaurants chinois de nos grandes villes). Leurs têtes, en revanche, sont gigantesques, comme des têtes d’éléphant ! Comment leurs cous menus arrivent-ils à soutenir leurs têtes monstrueuses sans casser, voilà qui fleure l’étrange et la sorcellerie. Des anatomistes aussi bien que des naturalistes et des disséqueurs du dimanche ont formulé toutes sortes d’hypothèses pour tenter d’expliquer le phénomène. D’aucuns ont prétendu que les têtes démesurées des fredouilles comportaient un certain nombre de poches d’air et étaient, de ce fait, plus légères que ce que leur taille imposante pouvait laisser croire. D’autres, parmi lesquels le célèbre ostéologiste français Valentin Balancine, à qui l’on doit d’ailleurs un ouvrage sur le sujet, ont avancé que l’ossature des fredouilles était faite d’un matériau beaucoup plus solide que les os humains, un matériau encore plus dur que le diamant ! Cette idée a, pendant un temps, excité les convoitises de nombreux alchimistes, qui fantasmaient une panoplie d’expériences incongrues à partir de ces os singuliers. Dans la postface de son essai sur la morphologie des fredouilles, Valentin Balancine lance un appel émouvant aux singulières créatures : il demande à l’une d’entre elles de consentir à se laisser disséquer, pour la grandeur de la science et l’avancement des connaissances humaines.