Notre banc

Hampstead Heath, 2004

Un peu essoufflée par son ascension, elle s’assoit sur le banc et attend, le dos raide, les mains croisées sur ses genoux. Seuls ses pouces, qu’elle frotte machinalement l’un contre l’autre, trahissent sa nervosité. Elle ferme les yeux, oblitérant les collines de vieux chênes et les eaux sombres de la Fleet.

Est-il déjà là ? Sur l’un des sentiers où des maîtres promènent leur chien et des mamans leur bébé. Serait-elle capable de reconnaître le frottement particulier de ses semelles contre le gravier si elle avait le pouvoir d’entendre les sons les plus infimes ? Un match de football bat son plein, au pied de Parliament Hill. Elle entend les cris des supporters. Et, plus loin encore, le hurlement de sirènes.

Elle rouvre les yeux, craignant de le manquer, et caresse les lettres gravées sur le bois. Il y a longtemps, Cat lui en avait lu l’inscription et ils s’étaient amusés à en inventer d’autres, les énonçant d’un ton sentencieux, telles des formules magiques. Mais la dernière fois qu’ils s’étaient retrouvés ici, les mots avaient perdu tout leur charme. Ils s’étaient serrés l’un contre l’autre, puis il avait pris son visage entre ses mains et essuyé ses larmes de ses pouces rugueux. Dix années se sont écoulées, depuis.