La Demoiselle d'Opéra

Ils étaient trop... Adeline préféra ne plus les voir, ne plus penser qu'ils étaient dans la salle et s'enfuit vers sa loge. Là, au moins, elle se retrouverait seule avec elle-même avant de livrer la grande bataille.

Doudou, son habilleuse, l'attendait. Doudou, dont nul n'avait jamais su le nom véritable, avait été trouvée par Adeline, au hasard de son tour du monde, à Fort-de-France. La petite Martiniquaise, âgée d'une vingtaine d'années, s'était prise d'affection pour cette parisienne élégante et l'avait suppliée de l'engager à son service. Elle semblait si douce, Doudou, si affectueuse, si sensible, qu'Adeline se l'était attachée. Doudou avait quitté sans regret son île merveilleuse pour poursuivre avec sa nouvelle maîtresse le tour du monde qui l'avait conduite à Paris, ville de ses rêves d'enfant noire. Doudou habitait à Auteuil, où elle avait remplacé Léontine avec moins d'autorité certes, mais un dévouement frisant l'adoration. Elle avait battu des mains quand sa maîtresse lui avait annoncé qu'elle l'emmènerait dans sa voiture tous les soirs aux Folies-Bergère pour qu'elle lui tint lieu d'habilleuse particulière. Quand Doudou n'était pas dans la loge, elle avait pour consigne de rester devant la porte et d'en interdire l'accès à tous les importuns. Ce soir, la petite Martiniquaise aurait fort à faire.

Elle accueillit celle qu'elle appelait sa "bonne mamoiselle" par l'une de ces exclamations joyeuses dont seuls les indigènes de son pays connaissent le secret :

" Mademoiselle va être en retard. Le tutu est bien repassé, bien blanc, bien propre...