Heros-Limite suivi de Le Chant de la carpe et de Paralipomènes

Je n’aime pas la poésie, j’en étais convaincue jusqu’à récemment. Et pourtant, certaines découvertes ont bouleversé mes a priori. Ghérasim Luca en fait partie, c’est un immense coup de cœur.

J’ai lu trois recueils de lui : Le chant de la carpe, Paralipomènes et Héros-Limite. Ces découvertes continuent à me tourner dans la tête un an après ma lecture.

Je tiens à préciser que j’étais surprise par l’édition dans laquelle j’ai reçu ces recueils (ce n’était pas celle de Gallimard) : les pages étaient encore reliées entre elles, j’ai cru d’abord que c’était un défaut d’impression. C’est la première fois que j’ai utilisé un coupe papier pour lire un livre, j'ai bien déchiré les pages !

Et puis j’ai plongé dans les différents poèmes. Je ne sais pas ce qui m’a autant touchée : peut-être ce constant travail sur les sons, la mise en page, le rythme… Peut-être la puissance des émotions transmises. Souvent, le narrateur bégaie et mélange les mots, rattrapé par toutes ses difficultés à s’exprimer dans une langue figée. Il a besoin de contourner le sens des mots et de se les approprier. Le français n’était pas la langue maternelle de Ghérasim Luca, il était donc sensible aux milliers de détails dans les sonorités et les racines des mots que nous ne remarquons même plus.

Il y a des poèmes violents qui parlent du jeu avec la mort (quart d’heure de culture métaphysique) et d’autres qui parlent de l’amour dans toute son intensité (passionnément, prendre corps). Ghérasim Luca décrit des sentiments universels d’une manière peu commune.

J’ai prolongé mon expérience de lecture avec « Je, d’un accident ou d’amour » de Loïc Demey, une nouvelle dont les verbes sont remplacés par des noms : elle s’inspirait du travail poétique de Ghérasim Luca.

Mais je recommande vraiment les recueils de Ghérasim Luca !

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Une bonne soupe à la Mathieu Amalric mais de fraîches orties qu'on appellera herbes aux chantres à la carte. Pour la critique, faites entrer l'accusé lui-même. Êtes-vous enrouée, madame la carpe ? « Accouplé à la peur/entre la vie et le vide/le cou engendre le couteau/et le Coupeur de têtes/suspendu entre la tête et le corps/éclate de mou rire » (p.104). Mais non, mais non, me dit-elle, je ne suis pas muette, mais coquette avec ma cravate de chanvre et sans robe de chambre. Je ferme ma « paupière philosophale » (p. à vous de compléter !) : « Bien au-delà du peu/la peau et l'épée/lapent/l'eau ailée/du petit pire//Toupie d'une peur idéale/épi à pas de pou/appât/ou pâle pet de pétale//La vie dupe la fille du vite//Tapis doux/où les fées filent/les feux muets/d'un rien de doute//L'effet est fête/faute hâte/écho et cause […] faux/défi/défaut/fou//Peau fine/paupière finale/fœtale/fatale/philosophale ».

J'avais lu un article dans Lire où ils traitaient de la poésie, de plus Arthur H a adapté un de ses plus beaux poèmes en chanson. De là est venue mon envie de découvrir l'œuvre de Ghérasim Luca. Et je ne suis pas déçue!

Il jongle avec les mots avec la phonétique, c'est surprenant!