Léopoldine

J'ai beaucoup aimé cette histoire qui relate un fait peu évoqué sur l'intervention de brigades russes durant la guerre de 14-18. Nous allons suivre Léopoldine, une jeune Creusoise, pour qui cette guerre a modifié le destin, comme beaucoup de femmes à cette période. En effet, cette jeune fille, promise a une vie d'épouse et de mère au foyer, va devenir infirmière sur le front. Léopoldine va passer de femme ordinaire à femme extraordinaire. De part son courage et sa détermination, elle va faire partie de ces femmes anonymes qui vont faire évoluer la condition féminine. Elle va connaitre les atrocités, la faim, le froid, la trahison, mais aussi l'amour, car en ces temps, tout n'est qu'urgence. Ce roman nous relate l'horreur de cette guerre, avec ces hommes qui partaient la fleur au fusil et sont devenus de la chair à canon. Quant aux survivants, des blessures indélébiles, tant physiques que psychologiques les auront détruits. Un récit captivant, des personnages attachants font de ce livre un très bon moment de lecture. Le tout sous une plume fluide et addictive mais sans concession.

Mon avis :

Corine a ce talent rare de nous compter l'Histoire tout en en faisant un récit passionnant. Au travers de la vie incroyable de Léopoldine, infirmière en première ligne lors de la Première guerre mondiale, elle nous narre cette période sombre de notre histoire, sans rien laisser au hasard. Une héroïne à la fois forte et fragile, au sens de l'honneur et au courage implacables. La place de la femme est revendiquée clairement dans ce monde purement masculin et elle devra se montrer exemplaire pour que ses compétences soient reconnues à leur juste valeur. L'amour est aussi présent entre ces pages, passionné, dévastateur, car le temps est souvent à l'urgence, l'avenir étant chaque jour tellement incertain. Le sens de la famille prend aussi toute son importance avec les deux frères de la famille, Clément et Célestin, chacun avec un destin particulier. Des amitiés se font jour, sincères et profondes, au gré de ces expériences communes bouleversantes, notamment avec Maude, la canadienne au fort caractère et au langage fleuri. Plus qu'un roman, l'auteure s'attache toujours à susciter une réhabilitation, de mettre en lumière des pans cachés de notre passé. Ici, ce sont les combattants russes, venus en renfort pour suppléer nos troupes à la peine et qui se sont retrouvés eux-mêmes prisonniers. Malgré un sujet grave, des situations éprouvantes, la plume à la fois douce et acérée de Corine nous emmène page après page dans son univers, avec une belle humilité et un talent de conteuse incroyable. Une lecture passionnante que je ne peux donc que vous recommander très chaleureusement.

En 1916, la jeune Creusoise Léopoldine Montagne est infirmière sur le front de Champagne. La guerre de tranchées fait rage. Dans son hôpital de campagne, elle rencontre deux frères, Vladimir et Illia, qui font partie d’une des deux brigades de soldats russes envoyés par le Tsar Nicolas II au titre d’une aide en hommes en échange d’une aide en matériel de guerre de la part de la France. Vladimir est atteint de tuberculose. Illia finit par être blessé et abandonné dans le no man’s land. N’écoutant que son amour naissant et que son courage, Léopoldine se déguise en soldat, se lance en avant des lignes et le sauve de justesse. Mais les évènements se précipitent. Quand le Tsar est destitué, les soldats russes mettent la crosse en l’air et demandent à être rapatriés. Ils sont éloignés du front pour éviter que la rébellion ne contamine les rangs français et enfermés dans le camp de La Courtine au fin fond de la Creuse. Pour protéger son frère Clément, mutin en fuite, Léopoldine qui parle parfaitement le russe, est obligée d’informer régulièrement l’Etat-major sur l’état d’esprit des Russes. Des Soviets de soldats se constituent, la situation empire, le drame est proche… L’amour de Léopoldine et d'Illia résistera-t-il dans la tourmente de cet épisode dramatique et méconnu de la Première Guerre Mondiale ?

Comme dans ses précédents livres, Corine Valade surfe aux limites du roman de terroir, du roman historique et du roman sentimental avec en ligne de fond quelques convictions bien établies comme le féminisme, la justice sociale et l’amour de la Liberté. Et quoi de plus tristement révélateur que cette monstrueuse affaire de La Courtine où l’on vit des Russes loyalistes, largement soutenus par des soldats français, tirer sur des Russes révoltés, autant dire les prémisses sur le sol de France de la guerre civile russe qui allait suivre la révolution d’octobre. Fort heureusement, ce volet historique assez sombre est tempéré par le côté sentimental de cette belle histoire. Les personnages de Léopoldine, femme de tête, en avance sur son temps, d'Illia, de Vladimir, de la pétulante infirmière canadienne et de bien d’autres sont attachants et tous pétris d’humanité. Le lecteur ne peut suivre qu’avec passion leurs aventures. L’intrigue qui aurait pu sombrer dans le mélo ou dans le roman noir s’achève sur un « happy end » rassurant. Quant à la partie « terroir », elle est nettement moins étoffée que dans les précédents romans de l’auteur. Plus de tapisserie d’Aubusson, de lissiers ou de brodeurs, mais juste un peu de joaillerie et d’horlogerie, l’accent étant plutôt mis sur la vie quotidienne sur le front et à l’arrière. À noter également, le gros travail de documentation (en dehors de Jean Anglade avec « Y a pas de Bon Dieu », le sujet a été très peu traité) ainsi que la qualité de la narration, fluide, vivante et très agréable à lire.