Les frères Sommerville, Tome 2 : La Maîtresse de Tyneham

Arianna hésita un instant devant la porte de sa chambre.

Il y avait deux jours que le mercenaire blessé occupait son 1it, assommé par la fièvre que provoquaient ses blessures.

Après l'avoir veillé deux jours et trois nuits, sa tante Cicily venait de lui demander de prendre la relève pendant quelques heures auprès du malade.

— Je ne connais rien à cela, avait-elle protesté.

— Raison de plus, ma petite. Tu ignores bien trop de choses à ton âge.

— Non, j e . . . je ne puis...

— Assez ! Il le faut. Grizel refuse de l'approcher À moins de vingt pas et de toute façon elle a trop de travail dans mon échoppe.

— Je ne veux rien avoir à faire avec lui, ma tante.

— Et pourquoi cela? avait demandé Cicily, intriguée par la pâleur de sa nièce, en plissant les yeux.

— Que devrais-je faire, s'il recommence à délirer et à parier de meurtre, ou s'il hurle et jure à propos de cette Emile qu'il ne cesse de mentionner?

— Il n'en fera rien. Sa fièvre semble être retombée.

Dans quelques jours, tu pourras de nouveau dormir dans ton lit La vie reprendra son cours normal.

Cicily se payait de mots, songea Arianna. Rien ne serait plus jamais comme avant, elle le savait.

— Fort bien, je le veillerai, mais il n'est pas question que je le touche.

Le regard de sa tante, à cet instant, resta gravé dans son esprit, tout comme ses paroles :

— C'est avis que nous ne sommes pas au bout de nos surprises avec cet homme.

Et encore, devant le rire moqueur de la jeune femme :

— Je crains que nous ne t'ayons gâté le jugement, ton grand-père et moi, en te laissant vivre dans un monde d'illusions. Dorénavant, tu n'auras plus beaucoup de temps à consacrer à l'orfèvrerie, car il te faut apprendre ce qu'une femme doit savoir pour trouver un bon mari.

— Mais...

— Tais-toi. Les gens de la guilde nous ont offert assez de victuailles pour aujourd'hui, mais dès demain nous commencerons par quelques leçons de cuisine.