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Commentaires de livres faits par PoppyZ

Extraits de livres par PoppyZ

Commentaires de livres appréciés par PoppyZ

Extraits de livres appréciés par PoppyZ

Quel crève-coeur, quel arrache-coeur, j'ai arrêté ma lecture plus d'une fois, traumatisé, et j'ai pleuré en le refermant... Vous connaissez la méthode Matheson? Mais si, déjà éprouvée dans Je suis une légende : développer un personnage auquel on s'attache, solitaire, exclu et ostracisé, qui survit malgré le danger... et lorsqu'on est plongé dans la béatitude des rares instants de bonheur qui lui sont offerts, Matheson n'attend qu'une chose, nous les arracher en plein vol quand on s'y attend le moins, les tripes et le coeur avec, par un rebondissement inattendu qui nous rend fou et nous attriste au plus profond comme s'il nous arrivait personnellement.
Point de vampires et très peu de folklore science-fictionnel : Richard Collier, condamné par une tumeur au cerveau, erre dans un hôtel tout droit sorti du XIXème et tombe amoureux fou de l'actrice Elise McKenna, qui a vécu en ce temps. Il cherche alors à remonter dans le temps, y arrive par la seule force de sa volonté, et le couple vit alors la plus belle et la plus déchirante des idylles, qui restera pour chacun d'eux, leur seul, unique et plus grand amour. le voyage dans le temps, toujours casse-gueule, est très bien géré : tout ce qu'avait lu Richard sur la vie d'Elise est causé par sa venue, il ne peut rien changer, et l'on connaît déjà la fin abrupte du 21 novembre 1896 annoncée par la biographie d'Elise. Même si Richard veut la changer, il ne peut pas, il l'a lu, c'est déjà arrivé, et on ne peut s'y résoudre. C'est vraiment un roman d'amour bien plus qu'un roman de science-fiction. L'évolution de l'histoire entre Richard et Elise passe du romantisme le plus onirique au réalisme des échanges sur l'oreiller et des projets d'avenir, avant d'être violemment sabordée... Et Dieu, pourquoi, POURQUOI Richard est-il aussi naïf, lent à la détente, et surtout scrupuleux de se débarrasser de son rival Robinson, fieffé salopard qui nous cause de terribles frayeurs traumatisantes dans les dernières parties du roman, et qui finit par participer à la fin tragique du couple??? Parce que Richard a lu qu'il mourrait dans le naufrage du Lusitania?? Parce qu'il est aussi amoureux d'Elise et qu'il souffre?? Mais Richard, pas de pitié pour les... Y a pas de mots. Cela faisait longtemps que je n'avais pas détesté à ce point, viscéralement, un antagoniste, Matheson a réussi un coup de maître.
J'ai fait la grimace sur le post-scriptum du frère de Richard Robert, mettant en doute, grâce à l'ambiguité de la narration, l'authenticité des évènements, mais trop d'éléments plaident en faveur de l'histoire de Richard et la dernière phrase dit tout. Magnifique.
Deux petits reproches bien mineurs par rapport au déferlement émotionnel qui m'a envahi, mais qui m'ont quand même presque fait retirer une étoile en cours de route : la traduction. Gallimard ferait mieux de le ressortir avec une nouvelle traduction aussi soignée que celle de Je suis une légende. Ici, l'écriture en était plus inégale, avec des figures de style un peu ratées, des erreurs dans les dates, les phrases, à l'occasion, mais qui pouvaient parfois davantage relever de la faute de frappe... Également, toute la partie où Richard essaie par sa volonté de reculer dans le temps était laborieuse et maladroite. Il eut été plus poétique qu'il y arrive d'un seul coup, même s'il fallait créer la menace constante de son possible retour en 1971. Les passages sur ses suppositions quant aux voyages temporels n'étaient pas non plus des plus passionnants.
Mais bon, par rapport à tout le reste, l'histoire, les scènes d'anthologie, l'affection énorme du lecteur pour Elise et Richard, nouveaux Héloïse et Abélard, c'est bien peu de choses. Matheson m'a complètement déprimé, pour de vrai, à chaque fois que Richard et son amour étaient mis en péril!! Voilà ce que c'est, les écrivains diaboliques, qui travaillent les effets psychologiques sur leurs lecteurs... Et je le redis, mais qu'est-ce que je HAIS Robinson... Et la pièce d'1 cent...
En ces temps gris, matérialistes, cherchez votre Elise McKenna, et mesdemoiselles, votre Richard Collier. L'amour, divinisé par ce roman, est le plus grand mystère de la vie, cliché, poncif, mais tellement vrai. Je termine par ceci, comme Elise, "Et l'amour, plein de douceur".

Analyse de Darkcook - 26/03/2014 - dans BABELIO
https://www.babelio.com/livres/Matheson-Le-Jeune-Homme-la-mort-et-le-temps/10738
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date : 28-09-2017
Profondément inactuelle, vouée à aimer tout ce que l'homme a aujourd'hui déserté, Cristina Campo (1923-1977) est l'auteur d'une oeuvre concise, secrète et comme illuminée par la musique d'une grâce intérieure.

Elle trouvait auprès de ses chats une " source d'énergie naturelle", aurait voulu être une novice du désert, façon Charles de Foucauld, reprochait à Simone de Beauvoir son manque d'intelligence, et estimait qu'il fallait tout vivre à fond. Personnalité contradictoire, capable de descendre, au coeur de Rome, un escalier au volant de sa Fiat 600, comme de s'intéresser aux mystérieuses identités unissant la corolle de la fleur, à la flamme du cierge et aux lèvres baisant l'icône, Cristina Campo, pseudonyme de Vittoria Guerrini, est l'un de ces êtres, à l'oeuvre très mince, qui de loin en loin, traversent le firmament littéraire.
Née en 1923, à Bologne, avec une malformation cardiaque qui la fera souffrir toute sa vie, l'obligeant à quitter l'école à 12 ans, elle vivra son enfance dans un milieu cultivé, nourrie de musique (son père fut directeur de Conservatoire à Florence puis à Rome), et sera élevée dans le respect de la science auprès de son oncle maternel, Vittorio Putti, célèbre chirurgien orthopédiste. Lectrice précoce, elle dévore les contes de fées et apprend le français dans Proust, l'espagnol dans Don Quichotte, l'anglais dans Shakespeare et l'allemand en lisant Thomas Mann. Bientôt, ses découvertes de Hofmannsthal, de Pasternak et surtout de Simone Weil, la confirmeront dans son goût de la perfection celle que l'on peut toucher " dans l'art, et inventer glorieusement dans sa conduite de chaque jour " et dans son amour de la beauté. Celle qui est d'abord intérieure avant d'être visible, celle sur laquelle tout repose, " la terrible et presque menaçante " beauté dont Dostoïevski espérait qu'elle sauverait le monde. Perfection et beauté, indissociables de l'attention, qui permet de pénétrer la réalité et qui " libère l'idée de l'image ".
Dans un monde d'où disparaissaient l'idée du destin comme le sens de la grâce et du mystère, Cristina Campo ne va pourtant s'intéresser qu'à ceux-ci. En commençant par les contes de fées, qui initient à tout ce qui indique obliquement, au langage des songes et des signes, au pouvoir des symboles " où se rejoignent l'universel et le particulier, le sublime et le tangible ". En continuant par l'enfance, les jouets (" infimes et douloureux témoins d'une époque où le rapport à l'enfance ne se réglait pas sur la complicité, où le jeu était encore prophétie et propédeutique "), ou en étudiant l'écriture secrète des tapis d'Orient, " l'art de nouer les fils (qui) renvoie aux aventures ourdies à l'intention des hommes par des mains invisibles ". En s'intéressant tout aussi bien aux villas florentines, qu'au chant grégorien, à la musique élisabéthaine qu'aux rites de la liturgie, mais toujours pour y repérer la trace ou la trame du destin, pour y traquer grâce à l'esprit analogique, " une faculté qui est le propre de la poésie et de l'oracle et qui permet de transmuer la réalité en figure, c'est-à-dire en destin " les jeux d'échos ou de miroirs, la façon dont le " heurt ininterrompu et harmonieux des contraires " peut mener à l'inexprimable, à cette forme de mystère où elle retrouve la source et le savoir de toute poésie et de toute religion.
Pour Cristina Campo, il n'est pas de haute écriture sans cérémonie, sans style, " cette vertu polaire grâce à laquelle le sentiment de la vie peut à la fois se raréfier et s'intensifier ". Pas de poésie non plus, cette " grande sphinge au visage de lumière ", sans dépassement du temps humain et révélation d'une beauté " hiéroglyphique, déchiffrable seulement en termes de destin ". D'où son intérêt pour les " insulaires de l'esprit ", ces visionnaires que furent Dante, John Donne, Gottfried Benn, Djuna Barnes, William Carlos Williams, Lampedusa ou Frédéric Chopin. Les pères du désert aussi, " ces lions de l'esprit ", ou la poétesse Marianne Moore, capable d'écrire tout un essai sur les couteaux comme d'écrire " sur les lézards verts et les reliures aldines, les danseuses et les flamants ", " les fontaines mortes de Versailles " ou la " musique suspendue / sans un son au-dessus du serpent / quand il frémit ou s'élance ". Sans oublier Jorge Luis Borges " dont les écrits donnent rendez-vous aux splendeurs secrètes de toutes les traditions, sublimées en d'éblouissantes et captieuses alchimies " et dont chaque nouvelle " a pour fin de nous reconduire chaque fois à cette parole antique : Tout est Un ".

Sa dénonciation d'un monde où " tout a la valeur de ce qu'il paraît " en fait un témoin impitoyable du profond désarroi engendré par le matérialisme étroit de nos sociétés.

Tous ceux-là ont vu la beauté et ne s'en sont pas détournés. Tous ceux-là sont à lire avec d'autres yeux que ceux de la chair, raison pour laquelle Cristina Campo les a surnommés Les impardonnables. Parce qu'est impardonnable pour le monde d'aujourd'hui, tout ce qui attire via la perfection et la beauté vers les royaumes secrets de la connaissance et du destin.
C'est de ce monde que témoigne l'oeuvre de Cristina Campo. Une oeuvre qui se résume à la traduction de quelques-uns de ces impardonnables , à quelques poèmes (Le Tigre Absence, Arfuyen, 1996), et à deux recueils de textes La Noix d'or et le magnifique Les Impardonnables, déjà publié à L'Arpenteur, en1992. Des essais proprement lumineux, relevant de l'éthique et de l'esthétique de la sprezzatura (un mot intraduisible, pour dire un mélange d'élégance et de désinvolture, de grâce et d'ineffable). Des textes où elle dit des choses graves " sur un rythme de danse " et dont l'écriture éloigne les imbéciles à la façon d'une " longue et invisible lance ", comme l'a écrit Guido Ceronetti.
Et puis, il y a la correspondance, considérée comme l'une des plus grandes de la littérature italienne. Les Lettres à Mita, (diminutif de Margherita Pieracci Harwell, qui signe la postface), une amie rencontrée en 1952 et à qui Cristina Campo écrivit de 1956 à 1975. Toute sa vie s'y concentre, une vie où tout est appréhendé, ressenti, filtré par la littérature. On y retrouve la même qualité d'attention que dans l'oeuvre proprement dite, le même amour des livres où la parole distille " sa saveur la plus pure ", la même idée d'un temps circulaire, le même goût de " l'éternel dans un espace microscopique ". On y découvre son besoin de se dévouer, son abnégation dans les soins qu'elle ne cessa de prodiguer aux siens malgré ses propres souffrances. " Vous vous souvenez à quel point j'aimais les poupées "malades" quand j'étais petite ? (...) On est toujours exaucé de ses rêves, surtout les plus stupides ". L'on saisit mieux aussi sa sensualité surnaturelle, son inapaisable faim de connaissance spirituelle, son désir d'infini, sa quête d'absolu, et l'on comprend mieux le cheminement intérieur qui la rapprochera de Dieu et de la conversion. On assiste aussi à son combat contre l'apostasie liturgique, contre la disparition du chant grégorien et de la messe en latin, décidée par le concile Vatican II. Et si elle y consacre autant d'énergie, c'est qu'elle considère que la liturgie traditionnelle est, comme la poésie, " splendeur gratuite, gaspillage délicat, plus nécessaire que l'utile ".
À mille lieues de la culture officielle, méprisée par une certaine gauche bien-pensante, Cristina Campo succombera à une crise cardiaque, à 53 ans, en janvier 1977. Mais son implacable sens critique, sa dénonciation d'un monde où " tout a la valeur de ce qu'il paraît " , d'un monde mutilé par le " massacre universel du symbole, l'inexpiable crucifixion de la beauté ", la perte des rites et des interdits, l'oubli de la dimension verticale de la pensée , ont vite mobilisé l'attention d'une génération entière d'intellectuels italiens qui découvrirent en elle un véritable précurseur, et un témoin impitoyable du profond désarroi engendré par le matérialisme étroit des sociétés modernes ou post-modernes. Une oeuvre encore trop méconnue en France, mais qui grâce à la publication de ces trois ouvrages, va peut-être trouver les lecteurs qu'elle n'avait, d'ailleurs, jamais véritablement recherchés. L'oeuvre d'une vigie méticuleuse, d'une prêtresse de l'indicible qui sait rendre présent et particulièrement tangible tout ce qui lie et relie le destin au sacré, et la poésie au monde signifiant de l'invisible.

Richard Blin, In Le Matricule des Anges
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date : 11-09-2017
L'intérêt de ce livre d'entretiens, où questions et réponses font du ping-pong, réside dans le fait que les questions sont celles-là même que j'aurais aimé poser à Marguerite.
Il existe une vraie fraternité - soralité, en l'occurrence - faite de curiosité et de bienveillance qui donne une image juste et sans fard de Marguerite.
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date : 11-09-2017
Lucien Becker eut très tôt la conviction qu'il serait un " homme dont le nom n'est sur aucune lèvre ( et qui) va devenir un simple trait sur l'horizon."
Le temps aurait pu lui donner raison sans la volonté de Guy Goffette, autre grand poète, qui s'est donné pour tâche de le sortir de l'oubli. Il est de ces hasards heureux qui permettent d'ouvrir des portes sur des horizons infinis. Je ne connaissais pas l’oeuvre de Guy Goffette. Sa rencontre en terre italienne m'a permis de le découvrir et par lui, le poète qui - à son sens - reste le plus grand du XXème siècle : Lucien Becker.
J'aime à me dire " deux grands poètes d'un coup ! Vrai coup de poker ! "
Il faut lire la magnifique préface de Guy Goffette à l'oeuvre complète de Lucien Becker. Elle s'offre comme une récompense.
Oeuvre de solitude, de mort aussi, l'oeuvre de Lucien Becker n'en a pas moins des fulgurances lumineuses qui la rendent acceptable.
« Je suis seul derrière mes paroles » écrivait-il tandis que
René-Guy Cadou disait de lui : « Becker n’a pas construit son œuvre dans un souci de plaire, mais dans celui de se mériter lui-même. »
On aime à se pencher sur son oeuvre comme sur une épaule amie qui se mérite.

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Qu'écrire ? Je ne suis pas particulièrement fan de romans policiers. A part ceux de Fred Vargas dont je suis une inconditionnelle groupie, je ne suis plus vraiment attirée par ce genre de lectures. Autant dire que je suis arrivée à naviguer sur " Les rivières pourpres" par hasard, au gré d'un troc de livres Et là, m'est arrivé ce dont rêve tout lecteur. Tombée dans la trappe, aspirée par ce livre, au point de remettre à demain... à peu près tout, pour pouvoir aller jusqu'au bout de l'histoire, littéralement aimantée.
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Deux courtes nouvelles " Apporte-moi de l'amour" et " There's no business " dans le style très personnel de Charles le magnifique. Tout y est : provocation, verdeur du langage, phrases coup de poing, et puis surtout, solitude, amertume, solitude, solitude, solitude....
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date : 15-08-2017
J'ai aimé ce livre pour son histoire improbable, et sa fin tout autant. Je l'ai aimé pour son écriture dense et fluide, aux phrases efficaces assez caractéristiques des auteurs qui écrivent un français qui n'est pas leur langue maternelle. Ce fut un choix de hasard parmi les milliers de livres que proposent les grandes librairies parisiennes. Mais à coup sûr, je vais y revenir à cette auteur, cette fois par choix délibéré.
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date : 11-08-2017
À l’occasion du 59e anniversaire de Hiromi KAWAKAMI, Journal du Japon vous (re)fait découvrir son roman Les années douces également adapté en manga sous le dessin réaliste de Jirô TANIGUCHI. Hommage à cette écrivaine et à ce mangaka, dont les récits renvoient au concept esthétique et spirituel du mono no aware.

Pour comprendre le concept du mono no aware (物の哀れ), il faut sans doute partir de sa traduction et de son étymologie. Le aware哀れ fait référence à la douleur ressentie par une émotion nostalgique et le mono物 à l’objet et aux choses inanimées. Ainsi, l’expression mono no aware ferait référence à cette émotion nostalgique que l’on éprouve face à des objets qui seraient les témoins privilégiés de moments particuliers de nos vies. Cette conception encourage la contemplation de nos vies et régit la société japonaise de bien nombreuses façons.

Le premier qui parlera de ce concept esthétique fut le poète écrivain Motoori NORINAGA (17e siècle) dans son interprétation du Genji monogatari. Il en parla comme d’une « empathie envers les choses » ou d’une « sensibilité pour l’éphémère ». Ce concept fut très présent dans les haïkus qui célébraient la nature que l’on contemple et l’inconstance de la vie humaine. Cela influença également les enseignements bouddhistes notamment dans le concept du changement permanent des plaisirs terrestres vers un monde plus flottant, l’Ukiyo-e.

Lorsque l’on entre dans l’univers d’Hiromi KAWAKAMI, le temps semble également s’être suspendu. L’auteure affectionne les descriptions de scènes de vie quotidienne et d’histoires de personnages communs.
Dans son roman Les années douces, l’histoire se concentre autour d’une jeune femme trentenaire salariée dans une entreprise, Tsukiko, et son ancien professeur de japonais de lycée que Tsukiko appellera sensei. C’est une histoire simple entre cette jeune femme solitaire et ce vieil homme qui n’attend plus rien de la vie. Leur rencontre se fera au hasard dans un izakaya où Tsukiko a ses habitudes. Ils vont ensuite peu à peu se rapprocher et s’aimer à travers d’événements simples allant d’une cueillette des champignons dans la montagne aux vingt-deux étoiles d’une nuit d’automne. Ces détails seront les titres des chapitres du roman et rappelleront au lecteur la fugacité des moments passés. Le lecteur sera pris par un sentiment de nostalgie pour cette fugacité de la vie, ce qui le pousserles annees doucesa à chérir ces moments éphémères. Ce sentiment particulier de nostalgie pour les choses éphémères se retrouve dans le concept esthétique japonais du mono no aware 物の哀れ.

Cette sensibilité transparaît dans la relation de Tsukiko et de son sensei qui est décrite de façon très délicate, sans étalement. On pourrait être ennuyé de lire une description de scènes de vie quotidienne et de dialogues qui, à première vue, peuvent paraître plats ; mais au fil des épisodes, on ne peut s’empêcher malgré nous de suivre cette histoire. Tout se fait en dehors des mots et des gestes des protagonistes comme si l’auteure avait voulu montrer un autre monde où chaque chose est volatile. On est captivé par ce monde intime qui s’est crée autour de Tsukiko et de son Sensei comme une bulle en dehors du monde et du temps.

Le roman Les années douces de Hiromi KAWAKAMI possède aussi une adaptation en manga sous le crayon de feu Jirô TANIGUCHI. Si le lecteur du roman, par sa propre imagination, pouvait sans difficulté entrer et éprouver ce mono no aware, qu’en est-il de cette version en deux dimensions ?

Journal du japon - 01/04/2017

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date : 08-08-2017
Haletant de bout en bout, ce livre finalement très court, que j'avais dévoré il y a longtemps déjà, a eu sur moi le même pouvoir de séduction au cours de cette relecture. L'écriture nerveuse, en phrases volontairement dépouillées de toute chair inutile, entraîne le lecteur dans une course contre l'inéluctable d'une passion sans avenir.
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Un pur régal comme toujours. La magie Vargas fonctionne à plein régime.
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date : 16-07-2017
En phrases courtes, Pascale Roze nous dépeint une obsession dans une langue claire et efficace. La plus grande originalité de ce court roman tient dans l'obsession elle-même qui finit par obséder le lecteur lui-même.
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date : 13-05-2017
J'ai eu la chance de lire quelques livres magnifiques ces derniers temps.
Mais là, il s'agit d'un chef d'oeuvre absolu. Ce livre m'a bouleversée et me poursuivra longtemps. Je pense le relire très vite.
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date : 09-05-2017
Je souhaite à mon coup de cœur de la rentrée le même succès que Certaines n’avaient jamais vu la mer de Julie Otsuka (10/18). La Couleur du lait est un texte viscéral, une confession terrible.
Par LINDA POMMEREUL, Librairie Doucet, Le Mans
À 15 ans, Mary est la plus jeune d’une fratrie de quatre filles. Elle est peu considérée par sa famille qui voit en elle un fardeau supplémentaire à cause de sa jambe boiteuse. Elle subit la violence d’un père tyrannique et l’indifférence d’une mère qui pense que le bonheur n’existe pas et que toute émotion est une faiblesse qu’il faut absolument réprimer. Ainsi que tout le reste de la famille, elle passe ces journées à travailler jusqu’à l’épuisement. Quand le pasteur Graham propose de la prendre au service de sa femme pour lui tenir compagnie, le père accepte sans hésiter d’échanger sa fille contre de l’argent. Mary est heureuse d’échapper à ce quotidien fait de labeur et de réprimandes, pourtant, elle éprouve de la peine à quitter sa maison. Le récit s’ouvre sur cette période où elle rencontre, notamment, l’épouse du pasteur, une femme douce et fragile qui va lui apprendre la bienveillance et l’amour de soi. Mais cela ne suffira pas. Mary est une jeune fille résignée et mélancolique, à l’esprit vif mais qui s’enferme dans une solitude peu propice à son épanouissement. Elle apprend à lire et à écrire, fait notable pour une jeune fille de sa condition sociale. Pendant un an, Mary vit au rythme de la famille, de la bonté de Madame Graham, des regards parfois étranges du pasteur et des exactions du fils qui pense que les servantes sont des jouets. Elle assistera d’ailleurs au viol de sa sœur. Le destin s’acharne sur Mary quand l’épouse du pasteur décède. Elle voudra même retourner chez elle, dans cette maison où personne ne l’attend, excepté son grand-père, un homme bon qui la protège. Seule, sans soutien, Mary subira les humiliations du pasteur… jusqu’au dénouement tragique. Nell Leyshon réalise un travail d’orfèvre en composant un texte éprouvant, mais porté par la figure lucide et magnifique de Mary. Un texte vibrant qui résonne encore longtemps une fois le livre refermé.
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date : 09-05-2017
Un livre prenant, qui ne laisse pas indifférent, même si la fin m'a vraiment laissée sur ma... faim !
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date : 13-04-2017
Jaume Cabré : "Il faut laisser le lecteur K.-O."
Le romancier catalan, auteur de "Confiteor", revient avec un recueil de nouvelles, "Voyage d'hiver", brassant les personnages et les époques. Rencontre.
Par SOPHIE PUJAS
Publié le 12/04/2017 à 17:06 | Le Point.fr
Il nous avait éblouis en 2013 avec Confiteor, fresque monstre croisant avec brio les époques et les tragédies, au fil des tribulations d'un violon, et que Le Point avait sélectionné comme l'un des meilleurs livres de l'année. Il revient avec Voyage d'hiver, un recueil de quatorze nouvelles. Là encore, le Catalan navigue en toute liberté d'un point à l'autre de l'espace et du temps.
À première vue, rien de commun entre un apprenti diamantaire, escroc tissant sa toile dans les Pays-Bas du XVIIe siècle, le fils de Jean-Sébastien Bach, réputé « idiot » mais musicien surprenant, deux amants qui se donnent rendez-vous 25 ans après leurs adieux dans la Hongrie du XXe siècle, ou encore ce bibliographe fou qui dans l'Espagne d'aujourd'hui annote les mauvais livres pour les sauver de l'oubli. Et pourtant, l'écrivain joue à télescoper leurs histoires, au gré d'œuvres ou d'objets qui circulent. « J'ai voulu m'amuser un peu, en créant un réseau de relations entre ces nouvelles, jusqu'à en faire un quasi roman. Comme romancier, j'ai l'habitude d'aller d'un endroit à un autre sans problème. Pourquoi pas d'une nouvelle à une autre ? »
Instants décisifs

Dans ces textes dont l'écriture s'est étalée sur près de vingt ans, Cabré met en scène ces instants décisifs où se jouent des questions de vie ou de mort, et où l'ironie du destin s'exprime. « La nouvelle c'est un 100 mètres, alors qu'un roman est un marathon. Il faut laisser le lecteur K.-O. en quelques pages. » Pari tenu. L'écrivain cultive une fascination particulière pour ces moments où le pire de l'homme s'exprime. On rencontrera quelques meurtres, plusieurs vols, une bonne dose de mensonges, et même l'enfer de Treblinka. « Le monde ne va pas bien, et le mal est sans doute une de mes obsessions. J'écris, je ne vais pas chez le psychiatre, et tous mes démons se retrouvent là, sur la page. »
Pourtant, à première vue, rien ne laisse présager de telles obsessions chez cet homme d'une impeccable courtoisie, désormais plusieurs fois grand-père, et qui vit depuis un demi-siècle dans un village tranquille des environs de Barcelone. Car l'observateur, inquiet des dérives humaines, est aussi un érudit passionné, qui a trouvé dans l'art un refuge au fracas. Ses pages sont aussi une déclaration d'amour à la culture européenne, à la musique, l'une de ses grandes joies, à la peinture, ici incarnée par un Rembrandt qui passe de mains en mains…
Dans Poussière, un bibliographe tient un registre des livres mal-aimés, leur consacrant des fiches minutieuses. « Il lit par compassion, parce qu'il sera le seul à le faire. À ce moment-là, l'auteur et le livre seront vivants à nouveau. Par conséquent, il a une bibliothèque à mourir d'ennui – j'ai inventé presque tous les titres pour ne stigmatiser personne ! » Mais dans les pages de Cabré, nul ennui, seulement le plaisir contagieux d'histoires menées de main de maître.
"Voyage d'hiver", de Jaume Cabré, nouvelles traduites du catalan par Edmond Raillard, Actes Sud, 292 p.
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Ce livre m'a d'abord emballée. Je dévorais chaque chapitre avec bonheur. Puis très curieusement, au fil de ces saynètes, je me suis prise d'une vraie antipathie pour l’héroïne qui gifle sa fillette de trois ans pour un oui ou pour un non, qui la secoue, qui refuse de consoler ses pleurs... c'est avec soulagement que je l'ai terminé, heureuse que ma route quitte celle de cette mère très perturbée par son divorce.
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date : 05-04-2017
Ce livre, au demeurant bien écrit, m'a laissé une impression mitigée. L'idée de départ était intéressante : une jeune femme, happée par la vie de tous les jours, décide de s'octroyer un jour à elle, en cachette des siens et de son employeur, journée volée qui lui permettra de s'engouffrer dans le livre passionnant qu'elle vient de commencer, tout en se promenant au hasard dans Paris. Tous les ingrédients étaient là pour un livre qui provoque une réelle empathie. Qui n'a pas rêvé de pareil programme ? En final, on reste sur le quai vide d'une gare où le train est parti sans attendre la retardataire ...
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date : 02-04-2017
J'ai beaucoup aimé le style, des fulgurances par moments dans le choix et l'assemblage des mots. L'histoire par elle-même m'a moins touchée que la façon de la raconter. Une phrase parmi tant d'autres : " La maison était comme le prolongement des terres nues, muettes sous le long cri du vent "
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date : 02-04-2017
J'ai été déçue par le rythme de la pièce.Toute la dernière partie est magistrale. Mais j'ai peiné sur le début. Je n'ai ps retrouvé l'éblouissement que m'ont procuré Roméo et Juliette, Macbeth et Hamlet.
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date : 07-03-2017
Je suis entrée dans ce livre comme dans un lieu magique : sur la pointe des pieds pour ne pas briser le charme, et le souffle court. C'est un bonheur sans détours de bout en bout, malgré le sujet, malgré la mort, la violence et la fin de notre monde. C'est un insufflateur d'espoir aussi, puisque malgré tout cela, l'espoir demeure tout comme la joie inouïe de se sentir acteur plus que lecteur.
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date : 07-03-2017
Voilà le genre de livre qui ne laissera aucune trace dans ma mémoire. C'est gentiment écrit, pas méchant du tout, mais sans intérêt non plus. Il est vrai que chaque livre lu est posé en contraste fort ou faible avec celui qu'on vient d'achever. Et lire "Nos séparations" tout de suite après le magistral " Station Eleven" c'est un peu comme avaler une soupe sans sel après un repas chez Troisgros....
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Ce recueil, couronné par le prix Goncourt de la nouvelle 2015, a l’avantage de présenter un ensemble cohérent qui n’oblige pas le lecteur à quitter sans transition un univers pour un autre, très (ou trop ?) différent… à passer du coq à l’âne ! La fluidité de la lecture tient à la longueur des textes – le recueil en compte quatre –, qui autorise des développements et des dialogues, et aux liens entre les différentes narrations. Parmi ceux-ci, le thème commun à toutes les nouvelles : celui d’un choix à la fois inévitable et épouvantable, quand on se retrouve seul face à une décision qu’on prendra, forcément, à la Première personne du singulier. La trame de la quatrième nouvelle, « Le train de six heures quinze », qui fait penser au film intitulé « Le choix de Sophie », illustre bien le côté tragique du choix imposé (ici, par des soldats allemands durant la Seconde Guerre) puisque les options ouvertes sont toutes insupportables (comment choisir parmi ses propres enfants ceux dont on séparera, alors que, raflés la veille, on doit monter dans le train vers l’Allemagne ?).

Ces nombreux liens d’un texte à l’autre reposent parfois sur des passerelles entre les faits ou des personnages (par exemple Madeleine Vernaud de la 4ème nouvelle est la cousine du sous-lieutenant Vernaud héros de « Carrefour 54 », la deuxième nouvelle) et, le plus souvent, sur des thèmes récurrents, tels l’amour paternel, le sens des responsabilités et du devoir, la lecture, etc. Arrêtons-nous sur l’amour d’un père pour son (ses) fils, sujet qui n’est pas si souvent abordé et qui est ici au centre de la première et magnifique nouvelle « Un fanal arrière qui s’éteint » dont le déroulement se situe en mer durant la nuit de Noël 1884 : « Possédait-il plus grande richesse que l’amour qu’il portait à Tim ? Et plus grand bonheur que de le savoir partagé par son fils ? » pense le capitaine Flaherty tandis que les matelots de La Providence observent que « (…) ces deux êtres (le père et le fils) n’entreprenaient rien de moins en définitive, année après année, que de se fondre l’un dans l’autre pour se renforcer, comme le fer fusionne avec le carbone pour se transformer en acier. »… Cet amour tissé d’une insondable confiance de la part des fils à l’égard des pères, si bien que Pierre-Joseph, le résistant raflé en 1943 avec ses deux enfants, « (…) ne pouvait que baisser la tête (…) : y a-t-il plus grande culpabilité pour un homme que de se découvrir incapable de défendre les siens, ceux pour qui on donnerait sa vie sans hésiter ? »

La plupart des personnages aiment lire et, pour certains, ne se séparent pas de livres classiques leur permettant de « (…) parler avec les morts qui avaient des choses à dire de leur vivant (…) » Quant au sous-lieutenant du « Carrefour 54 », sa fin héroïque s’inspirera tout particulièrement d’un poème de Victor Hugo, au point qu’à la question ‘peut-on vivre comme dans les livres ?’, il faudra bien répondre, hélas pour lui ! par l’affirmative.

La seule narration contemporaine, basée sur une enquête journalistique et intitulée « Le naufrage du lieutenant Wells », se déroule en 2013 et pose la question du droit de faire justice soi-même dans le cas d’un crime qui risque de demeurer impuni. Vaste question à laquelle l’auteur tente de répondre à travers la personnalité de son héros et les motivations inhérentes à un idéalisme sans concession… C’est la nouvelle la moins convaincante.

Le plaisir de lecture de ce recueil tient aussi aux qualités d’un style qui flirte avec l’oralité, tout en restant classique, et donne le sentiment d’une voix qui raconte et, dès le départ, prévient que cette histoire-là, c’est la pire de toutes les tragédies humaines ! Ajoutons le talent de Patrice Franceschi pour camper des personnages – on les voit aussitôt ! – et faire sentir, mine de rien mais crescendo, tout le poids des tensions auxquelles sont soumis ses héros. Ce recueil de nouvelles, en conclusion, est un véritable bonheur de lecture que je souhaiterais partager avec le plus grand nombre… Vive les jurés du Goncourt ! En matière de nouvelles, ce sont de grands chefs !
Marie-Dominique Godfard,
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Quatre nouvelles, quatre pépites. Des textes ciselés dans une langue parfaite, portés par un certain classicisme, de l'élégance et du souffle. Et surtout un fil conducteur magnifique. Dans ces quatre nouvelles il est question de choix cornéliens, de ceux qui vous mettent face à vous-mêmes, à vos valeurs, à la quintessence de ce que vous êtes. De ces êtres confrontés au pire émane une lumière, une beauté qui laisse totalement ébloui.

Patrice Franceschi nous transporte sur l'océan déchaîné en compagnie de marins aguerris et pourtant démunis face à la puissance des éléments ; il nous catapulte en 1940, en pleine débâcle de l'armée française aux côtés d'un militaire inspiré par Victor Hugo ; il nous dépose sur une île déserte de Polynésie, sur les traces du seul rescapé d'un naufrage dont les causes restent inexpliquées. Enfin, il nous transperce le cœur, en 1943, sur un quai de gare où les files de déportés attendent le convoi qui les mènera vers l'inconnu dont ils perçoivent le danger.

Ah ce dernier texte. Le train de 6h15. Comment vous dire. Magnifique, poignant, terrible. Impossible de ne pas être marqué à vie par les figures de Madeleine et de Pierre-Joseph qui concentrent en quinze minutes (et 20 pages) toute la diversité des sentiments que l'on éprouve durant une vie entière. Dans un autre temps, à un autre moment leur coup de foudre aurait donné lieu à la création d'une charmante famille recomposée, avec des sourires, des hésitations aussi concernant les enfants, leur adaptation. Mais là, en 1943, chacun dans sa file avec ses deux enfants, l'urgence d'être ensemble face à la crainte du futur, et l'horrible dilemne auquel ils sont soudain confrontés...

Avant d'en arriver là, on aura admiré le courage du capitaine Flaherty, vieux loup qui a donné sa vie à la mer et lui sacrifiera tout. On aura vibré pour le sous-lieutenant Vernaud et sa farouche volonté de demeurer fidèle à ses idéaux lorsque le moment sera venu, les écrits de Victor Hugo dans la poche, "et s'il n'en reste qu'un, je serai celui-là". On aura percé le secret de Wells, l'idéaliste révolté par l'indifférence de son équipage, décidé à agir à sa façon, quitte à disparaître à jamais.

Ils font des choix quitte à basculer dans le drame ou dans la mort. Jamais ils n'abandonnent ce en quoi ils croient profondément, jamais ils ne renoncent. Des hommes comme ça, on aimerait en croiser plus souvent. Des textes comme ceux-ci également.

Les jurés Goncourt ne s'y sont pas trompés. Lauréat du Prix Goncourt de la Nouvelle en 2015, ce recueil est un petit bijou d'humanité, de respect pour le courage et la grandeur d'âme, un hommage aussi à tous ces personnages ignorés, perdus au milieu d'une tragédie qui les dépasse, broyés par l'histoire. Mais toujours droits, fiers et la tête haute.

A mettre entre toutes les mains, sans hésitation.
17 Juin 2016 , Rédigé par Nicole Grundlinger
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J'ai vraiment aimé ce livre. Tout à la fois drôle, pétri d'humour et mélancolique aussi, c'est une vraie réussite littéraire.
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date : 05-02-2017
Géographe de formation, l’écrivain, alpiniste et voyageur n’avait pas beaucoup de considération pour ceux qui empruntent les chemins. Une chute de dix mètres, et remarcher devient un but. Un pas après l’autre, il a voulu traverser la France pour se remettre à l’endroit.

Sylvain Tesson : «La marche m’a remis d’aplomb, physiquement et mentalement, elle dissipe les nuages noirs»
L’écrivain Sylvain Tesson, qui a parcouru le monde et escaladé tout ce qu’il trouvait sur son chemin (montagnes, cathédrales, immeubles, maisons…), se livre dans Sur les chemins noirs (Gallimard) à un voyage intérieur. Intérieur car, pour une fois, il sillonne son propre pays. Intérieur car, meurtri physiquement et psychologiquement par un grave accident et un deuil, il a fait de cette marche une opération de rééducation et une tentative de réconciliation avec lui-même.

Vous aviez déjà pratiqué la marche avant votre accident ? N’était-ce pas trop lent pour vous ?
"Je l’avais pratiquée, oui, mais seulement en tant qu’alpiniste. En montagne, on appelle cela la «marche d’approche». C’est un peu comme un parvis avant d’attaquer la montagne. Ou les escaliers avant l’amour. Après mon accident [en août 2014, il a chuté de près de 10 mètres en escaladant la façade d’une maison, à Chamonix, alors qu’il allait rendre le manuscrit de son récit Bérézina, ndlr], je ne pouvais plus gambader de la même manière, cette marche a été aussi une rééducation. Jusqu’alors, la marche évoquait plutôt un séjour en thalassothérapie. En France, c’est une activité forcément paisible. C’est un petit pays tellement peuplé, on ne peut même pas s’y perdre. Cela me fait penser à cette affiche électorale de François Mitterrand, «La Force tranquille» : il est en premier plan avec, en fond, un paysage français."

Etiez-vous très différent à l’arrivée, au-delà des aspects mécaniques et physiques ?
"Tout marche ensemble, les aspects physiques sont justement essentiels. La marche m’a remis d’aplomb, physiquement et psychologiquement. Elle m’a apporté un vrai rétablissement moral. J’avais des périodes très sombres avant de partir. La marche dissipe les nuages noirs. J’ai aussi vécu cette marche de façon médiévale, presque arthurienne. Traverser les forêts rend très sensible au merveilleux de la nature. Il faudrait prescrire à tous les accidentés la marche dans la nature avec nuits à la belle étoile."

Vous abattiez quand même 30 ou 40 kilomètres par jour !
"Oui, mais ce n’était rien pour celui que j’étais avant, un sportif en très bonne condition physique. J’allais bien alors, comme va bien un adolescent : j’étais en surchauffe permanente, dans un état d’excitation générale. Surchauffe que j’entretenais en mettant du fioul dans la machine, le fioul étant l’alcool. Dans cet état d’exaltation, je négligeais beaucoup ce qui m’entourait. Depuis l’accident, j’ai arrêté complètement l’alcool. Il me reste quelques petits pincements de nostalgie parfois, mais ils disparaissent vite avec la découverte des matins limpides. J’ai découvert la chance que j’avais de vivre dans ce pays, et de pouvoir simplement marcher, ce qui n’était pas évident juste après la chute. Dès que j’ai compris que j’allais retrouver l’usage de mes jambes, je n’ai pensé qu’à cette marche."

Cet accident fut comme un rite de passage à l’âge adulte ?
"Même plus qu’adulte : quand j’étais encore à l’hôpital, cette chute de dix mètres de haut m’avait fait vieillir de cinquante ans. Je suis passé de l’état de sportif en très bonne santé à celui de vieille dame en convalescence. Les premiers pas ont été très laborieux. Comme si chacun d’eux était une escalade. Après, j’ai découvert à la marche des vertus que je ne soupçonnais pas, un principe de thermodynamique, qui favorise non seulement les idées mais aussi un auto-entretien général de tout le corps. J’ai recommencé l’escalade, mais de façon raisonnable. Maintenant, j’utilise des cordes. Et surtout, je ne fais plus d’escalade en solo. Vous savez ce qu’en disent les alpinistes ? «Si tu tombes, c’est la chute, et si tu chutes, c’est la tombe.»

La montagne est le dernier espace sauvage ?
"Malheureusement non, dès qu’on l’approche de très près, les empreintes humaines sont partout. Lorsque vous grimpez une paroi, vous découvrez une multitude de pitons plantés dans la roche. C’est un grand débat actuellement entre les alpinistes et tous ceux qui pratiquent la montagne. Il existe par exemple un mouvement qui s’appelle «Mountain Wilderness», pour la préservation de l’aspect sauvage de la montagne - autrefois, pour se rapprocher du «wilderness» anglais, on utilisait cette très belle expression d’«espaces adamiques» -, qui a entrepris de préserver les parois rocheuses des pitons. Les pitons sont un peu à la montagne ce que les ronds-points sont à la plaine, un aménagement du territoire sur le granit. Avant, les alpinistes retiraient leurs pitons au fur et à mesure de leur grimpée. Aujourd’hui, les pitons sont posés à la perceuse, avec des chevilles à expansion.
La montagne n’est plus un espace préservé. Il y a des refuges partout. Même dans les «gouffres effroyables» dont parlait Chateaubriand. On voit bien la marque de l’aménagement du territoire. Si on est attentif, on verra aussi le balisage, qui signale le moindre sentier de randonnée."

Votre itinéraire ne suit pas la diagonale du vide ?
"C’est une notion du siècle passé. C’était un terme de la Datar [remplacée en 2014 par le Commissariat général à l’égalité des territoires]. Cette diagonale traversait la France de la Meuse aux Landes. Cette ligne était tracée à partir des faibles taux de densité de la population. C’est d’ailleurs l’itinéraire qu’a suivi l’écrivain Jacques Lacarrière pour écrire Chemin faisant (Fayard, 1974). Il arrivait de Grèce, après le coup d’Etat, et ne voulait voir personne. C’était aussi mon objectif. Je voulais retrouver le silence. Le silence, c’est quand on entend enfin les insectes xylophages, ceux qui rongent le bois.

Mon itinéraire est aussi inspiré de la littérature des agences d’aménagement du territoire et des cartes IGN. Quand j’étais à l’hôpital, à l’été 2015, j’ai entendu aux informations le compte rendu d’un rapport commandé par le Premier ministre sur l’hyperruralité. Ce terme m’a interpellé. Au critère démographique, on avait ajouté un critère d’éloignement administratif, les distances avec les CHU, les prisons ou les préfectures… Il y a toujours une arrière-pensée à l’aménagement du territoire, on vous parle de proximité du CHU en ayant en tête le contrôle, les impôts et les prisons. Les liens routiers avec les ronds-points et les zones d’activité commerciale ne résoudront jamais la désubstantialisation des campagnes. Nous avons tous traversé des villages vides, qui semblent morts. Ils ne font qu’ajouter un désastre à la catastrophe.

J’ai quitté cet itinéraire à la sortie du Massif central car je voulais rejoindre le littoral. Je voulais que cette marche s’achève au bord d’une falaise sur la mer. Les falaises du Cotentin étaient parfaites. Mais, depuis le Mercantour, le trajet reste diagonal."

Est-ce si différent de marcher en France et en Sibérie ?
"En France, on assiste à ce que Braudel appelle «l’extrême morcellement». Le paysage change constamment, à la simple échelle du pas. Le temps d’une marche, on peut ainsi observer différents aspects géologiques, quand on passe d’un sol calcaire à un sol granitique par exemple, ou au gré des changements climatiques, culturels et architecturaux. Le paysage français est une œuvre de marqueterie extravagante. Lorsque l’on marche en Sibérie, on assiste au contraire à un spectaculaire déploiement d’uniformité, le paysage reste le même sur des immensités, jour après jour. Avancer pendant deux semaines sans voir la moindre variation peut apporter l’ivresse d’une longue traversée en mer.

La mosaïque française dit beaucoup sur l’inutilité des débats sans fin sur «une» identité nationale. Les paysages français devraient décourager tous les combats de coqs. La singularité française réside justement dans cet extrême morcellement."

Quels sont les paysages qui vous ont le plus bouleversé ?
"On revient toujours aux paysages qui nous sont familiers, on aime mieux ce qu’on connaît bien. Mes paysages de prédilection sont provençaux. Ceux du Mercantour, les Alpes-de-Haute-Provence, la Vésubie. Je les ai fréquentés dès l’enfance, j’en aime toutes les odeurs, la sécheresse. J’aime cette terre qui ne retient rien. Les paysages humides, au contraire, m’inquiètent : à force de vivre sur des terres qui retiennent l’humidité, les gens qui y habitent retiennent aussi les secrets, c’est peut-être une forme de folie. Je préfère la chaleur exubérante du Sud."

La marche est-elle aussi une histoire de rencontres ?
"Ce n’était pas mon objectif de départ. Je voulais vraiment faire une marche d’évitement. J’ai pris les chemins les plus écartés. Mais, du coup, les rares rencontres n’en sont que plus marquantes. Elles étaient toutes surprenantes et je ne les oublierai pas. Elles sont gravées dans ma mémoire. Je me souviens d’une vieille dame accrochée à son village déserté comme une naufragée à un radeau. Les gens que j’ai croisés n’avaient pas du tout les mêmes conversations ni les mêmes centres d’intérêt que les citadins. Ils ne parlent pas de l’actualité, mais de leur écosystème, des arbres, des champignons, du temps… J’ai retrouvé aussi les animaux et les végétaux qui se cachent, qu’on ne veut pas voir, les araignées et les orties par exemple."

La marche vous rappelle-t-elle vos études de géographie ?
"La géographie physique me passionnait, elle permet de lire les paysages, ses accidents, ses plis et replis. Les plaques tectoniques ou un changement géologique y sont lisibles. Mais davantage en Mongolie qu’en France. En Mongolie, vous pouvez prendre des chemins sans qu’il y ait de trace de passage humain, les traces des précédentes invasions sont effacées depuis longtemps. En France, même sur une paroi des Grandes Jorasses, on tombe sur toute une quincaillerie de pitons, tout un écomusée."

Vous remarcherez en France ?
"C’était une étape. Un moment de méditation, de reconstruction. J’ai pu constater à quel point la marche en plaine permet cette échappée réflexive. Je pense qu’on ne peut pas philosopher en escaladant les montagnes, tout notre esprit est mobilisé par le terrain, par le bloc d’après. Aujourd’hui, je peux recommencer à partir plus loin, en Grèce ou en Chine."

Alexandra Schwartzbrod , Catherine Calvet
Libération.fr

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date : 05-02-2017
Sombre année 2014 pour la randonneur et écrivain Sylvain Tesson qui perd sa mère en mai et tombe d'un mur à Chamonix en août, chute de huit mètres qui lui brise les côtes, les vertèbres et le crâne et dont il sort quelques mois plus tard avec une paralysie faciale, la colonne cloutée de vis et des douleurs intenses dans le dos. Les médecins lui recommandent de se "rééduquer". Pour le marcheur inlassable, qui a parcouru une partie de la planète, cela signifie ni plus, ni moins : ficher le camp et reprendre la route ou plutôt les chemins noirs dans une campagne de silence, de sorbiers et de chouettes effraies. Lui qui connaît Samarkand, les forêts de Sibérie, l'Himalaya, les steppes russes et a pu mesurer l'immensité du monde, ce voyage de rééducation physique et morale se fera en France pour la simple raison que sur son lit de douleur, il s'était promis : "Si je m'en sors, je traverse la France à pied par les routes buissonnières, les chemins cachés, bordés de haies" - là où il existe encore une France cachée, ombreuse et protégée du vacarme des grandes agglomérations.

Son départ se fera au col de Tende vers le Mercantour, puis il traversera le Verdon, le Comtat-Venaissin, l'Aubrac, le Cantal, le Limousin, la Creuse, l'Indre, la Champagne mancelle, la Mayenne pour gagner le Cotentin et achever son périple dans les genêts et les cardères du cap de la Hague dans "une aube fouettée de mouettes". Voici donc un voyage, né d'une chute, qui a permis à Sylvain Tesson de solder ses comptes et d'oublier ses infortunes. Une France traversée pour y trouver remède et oubli et dont le circuit lui réapprend à goûter les odeurs, les aubes, le ruissellement des bois, les hautes prairies et lui enseigne qu'un jardin est en mesure de fonder un système de pensée et qu'un insecte est une clef digne de la plus noble joaillerie pour ouvrir les mystères du vivant.

Durant ce parcours, il dormira souvent au pied d'un arbre, dans une combe moussue à la belle étoile ou dans un petit hôtel de village peuplé de vendangeurs. "Ainsi d'une connaissance parcellaire accède-t-on à l'universel" - souligne l'écrivain-randonneur. "Je sommais les chemins noirs de me distiller encore un peu de leur ambroisie". Grâce à eux, le marcheur retrouve non seulement le souffle mais l'inspiration, "la substance des choses, la musique du silence, l'odeur du tanin, le charme de la vie rurale, la musique des objets, la promesse des soirées piquées de lampions". "Ce dont j'étais le témoin" - écrit-il - "dans l'odeur doucereuse des filets aurifères, c'était la cousinage entre les princes de la vie et les paysans de la terre, cette fraternité d'enluminure pas encore fracturée par la lutte sociale. Un rêve romantique en somme".

Sylvain Tesson n'a pas prié Dieu de l'aider - il est agnostique - mais il l'a demandé aux sentes qui se perdent afin de nous permettre de nous retrouver : "Il était difficile de faire de soi-même un monastère mais une fois soulevée la trappe de la crypte intérieure, le séjour était fort vivable." il y a, certes, des milliers de manières de fuir le monde : "Port-Royal était la façon la plus noble ; le monastère cistercien, la plus aisée ; le cabinet d'étude, la plus modeste ; l'atelier d'artiste, la plus civilisée ; le refuge de montagne, la plus hédoniste ; la grotte d'ermite, la plus doloriste ; la bergerie dans les alpages, la plus romantique ; la cabane dans les bois, la plus juvénile ; le fortin colonial, la plus classe".

Selon l'écrivain, toute longue marche a ses airs de salut. On se met en route, on avance en cherchant des perspectives dans les ronces ou, mieux encore...en soi. "On trouve un abri pour la nuit, on se rembourse en rêves des tristesses du jour". On élit domicile dans la forêt, on s'endort bercé par les chevêches ou le bruissement des feuillées," on repart le matin électrisé par la folie des hautes herbes, on croise des chevaux. On rencontre des paysans muets".

Avec ce livre, Sylvain Tesson, marcheur philosophe, nous donne la meilleure médecine pour nombre de nos maux et nous met en garde contre le danger le plus inquiétant qui soit : la modernisation effrénée qui met en péril nos paysages et nos âmes.

Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE
AgoraVox.fr
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