Les Filles en série

C’est pour cette raison que je veux garder des Cariatides, immobilisées par le toit de l’Érechtéion, cet angle qui fait qu’elles sont tournées les unes vers les autres comme dans un geste de soutien commun et d’affection. C’est pour cette raison que je garde, aussi, le désir de Virginia Woolf transposé dans celui de Mrs. Dalloway, ce personnage organique et stellaire qui hante les trois femmes de The Hours (le roman de Michael Cunningham et le film de Stephen Daldry). Je retiens le baiser de Thelma et Louise avant de plonger dans le Grand Canyon, la complicité entre Molly et Nomi (qui vengera le viol de son amie) dans Showgirls, l’émotion de Sarah pour ses compagnes de course et son cœur qui défaille en entendant Zoey chanter au karaoké. Je reste avec la résurrection de Marilyn Monroe dans l’imaginaire de tant de petites filles, et les têtes blondes lumineuses que Nelly Arcan sauve de la misogynie. Je partage la défense des filles par les filles, dans The Brave One et Hard Candy, l’affection politique de Gloria Steinem pour ses collègues du Playboy Club pendant son enquête journalistique, la lutte pour les droits des mannequins par l’ancienne top-modèle Sara Ziff, la mise en jeu collective et la mise en danger de soi chez les Pussy Riot et les Femen. J’habite en esprit ces bancs de parc, lits et baignoires que partagent sans cesse les filles de Girls tout au long de la télésérie.

De Virginie Despentes, je garde les asphalteuses.

Et des filles de la grève, enfin, je garde la volonté, la résistance, le refus de reculer…