Milliardaires et célibataires, Tome 2 : La fierté d'un homme d'affaires

** Extrait offert par Rachael Thomas **

1.

Dante Mancini avait la désagréable impression d’être en train de perdre le contrôle de sa propre existence. Le constat était d’autant plus alarmant qu’il considérait la maîtrise de soi comme une vertu cardinale, celle sur laquelle il avait fondé l’immense empire industriel et financier qui était aujourd’hui le sien.

Tout avait commencé avec cette série d’articles publiés par la revue à scandale Celebrity Spy. Il s’agissait de portraits au vitriol de quatre hommes d’affaires présentés comme les symboles débauchés d’un mode de vie décadent.

Ces chroniques les faisaient apparaître comme des play-boys irresponsables qui vivaient dans un monde de luxe et consacraient l’essentiel de leur temps à faire la fête et à séduire de splendides jeunes femmes.

Au début, Dante n’y avait guère prêté attention. Il s’en était même amusé, s’imaginant que personne ne prendrait ce genre de caricature au sérieux.

Mais il n’avait pas tardé à comprendre son erreur lorsque plusieurs clients avaient renoncé à travailler avec lui, laissant entendre qu’une telle collaboration risquait de porter préjudice à leur image de marque.

Même le travail de la fondation Hope que finançaient Dante et les trois autres milliardaires concernés s’était trouvé menacé. Les administrateurs leur avaient fait clairement comprendre qu’il était temps pour eux de redorer leur blason.

Ben Carter avait fini par réunir Zayn Al-Ghamdi, Xander Trakas et Dante. Il leur avait alors exposé l’idée saugrenue qu’il avait conçue pour faire face à ces calomnies. Contre toute attente, les deux autres avaient semblé convaincus par ses arguments. Dante, en revanche, avait trouvé absurde l’idée de se marier pour répondre à une simple campagne de presse.

Mais quelques jours plus tard, Bettino d’Antonio, l’un de ses plus anciens clients, avait brusquement décidé de faire appel à l’un de ses principaux concurrents. En guise d’explication, il avait indiqué à Dante qu’il ne pouvait continuer à travailler avec quelqu’un qui reniait à un tel point les valeurs familiales qui lui tenaient tant à cœur.

Cela avait été la goutte d’eau qui avait fait déborder le vase, et Dante s’était résigné à prendre contact avec Elizabeth Young, la fondatrice et directrice de l’agence de rencontre Léviathan. C’était Xander Trakas qui la leur avait recommandée et, en l’entendant parler d’elle, Dante n’avait pu s’empêcher de se demander si ces deux-là n’avaient pas eu une aventure.

L’idée de faire appel à une telle agence lui paraissait un peu étrange. Après tout, il n’avait jamais eu de mal à trouver des compagnes auparavant. Mais force était de reconnaître que jamais encore il n’avait cherché quelqu’un avec qui il serait susceptible de partager plus qu’une simple aventure, voire carrément sa vie entière.

Dante avait toujours considéré que l’union entre un homme et une femme ne pouvait être que temporaire. Passée l’excitation des premières rencontres, l’attirance finissait indéniablement par s’amenuiser. Le désir s’effaçait inévitablement jusqu’à disparaître complètement.

À ses yeux, ceux qui passaient des années en couple se mentaient à eux-mêmes, que ce soit par peur du changement ou par réflexe inconscient de se complaire dans une situation stable et posée. Jamais encore il n’avait commis l’erreur de s’attacher et, lorsqu’il sortait avec quelqu’un, c’était toujours lui qui prenait l’initiative de la rupture.

Presque toujours, se reprit-il mentalement.

Comme chaque fois qu’il repensait à la nuit passionnée qu’il avait passée avec cette inconnue, Dante sentit naître en lui un mélange irrépressible de désir, de frustration et de colère. Il n’avait pas l’habitude que ses partenaires le quittent au beau milieu de la nuit sans même lui laisser un nom ou un numéro de téléphone.

Cette brève histoire ne ressemblait à aucune de celles qu’il avait pu connaître. Tout était allé très vite. Dès qu’il avait posé les yeux sur la magnifique rousse qui semblait s’ennuyer autant que lui à cette soirée, il s’était senti profondément troublé.

Cette fille avait éveillé en lui un désir aussi puissant qu’irrésistible. Ce n’était pas uniquement de l’attirance physique, mais plutôt une forme de fascination qu’il aurait été bien en peine d’expliquer.

Il ne s’était écoulé qu’une dizaine de minutes entre le moment où il l’avait abordée et celui où tous deux s’étaient retrouvés dans sa chambre d’hôtel. Leur étreinte avait été intense et passionnée — probablement l’une des plus ardentes qu’il ait jamais connue.

Puis la mystérieuse inconnue avait disparu aussi soudainement qu’elle lui était apparue…

Ce souvenir frustrant ne contribuait guère à améliorer l’humeur massacrante dans laquelle il se trouvait, et le mal de tête dont il avait hérité après la fête trop arrosée de la veille n’arrangeait vraiment rien.

Dante n’avait pas l’habitude de faire de tels excès mais il avait voulu oublier ses problèmes, l’espace d’une soirée. Hélas, il le payait au prix fort ce matin…

Réprimant un soupir, il se dirigea à grands pas vers son bureau. Là, comme à son habitude, sa secrétaire lui adressa une chaleureuse salutation.

— Je ne veux surtout pas être dérangé, lui dit-il. Ne me transmettez aucun appel et décalez mes rendez-vous.

— Mais, monsieur…, fit-elle mine de protester.

— Aucun appel, répéta-t-il avant de se diriger vers son bureau.

Il y pénétra d’un pas résolu et se dirigea aussitôt vers le confortable fauteuil de cuir qui trônait derrière sa table de travail. S’y laissant tomber, il ferma les yeux et massa ses tempes douloureuses.

Étant donné l’état dans lequel il se trouvait, il était peu probable qu’il soit très efficace ce matin-là. Peut-être pouvait-il en profiter pour appeler cette Elizabeth Young. Cette pensée ne fit qu’ajouter à la sensation d’accablement qui pesait sur lui. Cette journée était vraiment très mal partie…

Alors même qu’il parvenait à cette déprimante conclusion, un toussotement se fit entendre. S’attendant à voir sa secrétaire revenir à la charge, Dante rouvrit les yeux. Mais la porte du bureau était toujours close.

Tandis qu’il parcourait la pièce du regard, quelle ne fut pas sa surprise quand il vit la jeune femme qui était assise sur le canapé situé près de la machine à café.

— Votre secrétaire m’a proposé de vous attendre ici, expliqua-t-elle d’une voix légèrement hésitante.

Dante demeura silencieux, cherchant désespérément à comprendre comment la belle rousse qu’il avait rencontrée deux mois auparavant pouvait bien se trouver dans son bureau. Comment était-elle parvenue à le retrouver ? Et que pouvait-elle bien lui vouloir après tout ce temps ?

Un doute s’insinua soudain en lui. Se pouvait-il qu’elle ait appris qui il était dans les pages de Celebrity Spy ? Si tel était le cas, avait-elle décidé de le faire chanter ? Cette hypothèse ne fit qu’accentuer la migraine qui l’assommait.

— Que voulez-vous ? lui demanda-t-il un peu abruptement.

Elle tressaillit légèrement et se leva pour s’approcher de son bureau. Parvenue au milieu de la pièce, elle s’immobilisa, visiblement mal à l’aise.

Il en profita néanmoins pour l’observer. De toute évidence, elle n’avait pas cherché à se mettre en valeur. Son jean délavé et son sweat-shirt informe frappé de l’écusson d’une université australienne atténuaient la grâce et la beauté qui l’avaient frappé, le soir où il l’avait rencontrée.

Elle portait alors une superbe robe rouge qui révélait de longues jambes fuselées, le doux renflement de sa poitrine et la naissance de son dos magnifique. Ce seul souvenir suffit à éveiller en lui une pointe de désir qu’il tenta d’ignorer.

Il ne pouvait en effet pas se permettre de succomber de nouveau à son charme. Pas tant qu’il ne saurait pas quelles pouvaient être ses véritables intentions…

— Je ne veux pas vous déranger, lui dit-elle d’un ton hésitant. Je n’ai qu’une chose à vous dire et puis je m’en irai…

— Dites-moi tout d’abord comment vous m’avez retrouvé, lui demanda-t-il.

— J’ai lu un article à votre sujet…

Elle détourna les yeux, apparemment embarrassée.

— Si c’est de l’argent que vous voulez, vous avez frappé à la mauvaise porte, lui dit-il posément.

Elle rougit de plus belle et lui jeta un regard chargé de reproches.

— Pas du tout, protesta-t-elle vivement. Je n’ai pas l’intention de vous faire chanter…

Dante se sentit légèrement coupable de l’avoir accusée. Mais il savait hélas que bien des femmes s’intéressaient plus à son argent qu’à lui-même.

— Comment vous appelez-vous ? lui demanda-t-il.

— Piper. Piper Riley.

— Très bien, Piper. Asseyez-vous et dites-moi ce qui vous amène ici.

Elle hésita un instant avant de venir prendre place sur l’une des chaises qui se trouvaient devant son bureau. Elle prit alors une profonde inspiration et le regarda droit dans les yeux.

— Je suis enceinte, lui annonça-t-elle enfin.

Un sourire ironique se dessina sur les lèvres de Dante.

— Impossible, déclara-t-il. Nous avons pris nos précautions.

— C’est aussi ce que je pensais, soupira-t-elle. Mais apparemment, les préservatifs ne sont pas fiables à cent pour cent. Il paraît que c’est marqué sur la boîte…

Dante sentit un frisson le parcourir de la tête aux pieds.

— Vous ne prenez donc pas la pilule ?

Piper secoua la tête.

— Je n’avais pas de raison de le faire. Lorsque nous nous sommes rencontrés, j’étais célibataire…

— Ce n’est plus le cas ?

— Si, bien sûr…

Dante passa ses paumes sur son visage. Si la journée avait mal commencé pour lui, elle était en train de virer au cauchemar. Était-il en train de payer le prix de la vie de débauche qu’il avait menée ?

— Est-ce que vous êtes vraiment sûre qu’il est de moi ? lui demanda-t-il.

— Oui, répondit-elle sans hésiter.

Dante lui lança un coup d’œil interrogatif, et Piper rougit de plus belle.

— Je n’ai pas eu d’autre relation depuis cette nuit-là, avoua-t-elle.

Dante s’aperçut alors avec un brin d’étonnement que tel était aussi son cas. Sans doute avait-il été trop occupé par les affaires qui lui tombaient dessus depuis lors.

— Écoutez, reprit-il, je ne dis pas que vous mentez. Mais nous ne nous connaissons quasiment pas…

— Que vous me croyiez ou pas, cela n’a aucune importance, répondit-elle. J’ai juste pensé que je vous devais la vérité. Après tout, vous êtes un peu concerné par cette histoire, si je ne m’abuse. Mais je ne vous demande rien.

Loin de le rassurer, cette déclaration ne fit qu’ajouter à son inquiétude. Se pouvait-il qu’elle soit réellement enceinte de lui ?

— Il existe des tests qui pourraient confirmer la paternité, remarqua-t-il.

* * *

Piper ne put réprimer un soupir. Elle commençait à regretter amèrement d’être venue trouver Dante. Mais lorsqu’elle avait appris qu’elle était enceinte, elle n’avait pas hésité un seul instant sur la conduite à tenir.

La question n’était pas de savoir s’il comptait assumer ou non cette paternité. Il était le père de cet enfant et avait le droit de connaître son existence. Mais elle avait tout de même espéré qu’il se montrerait un peu plus compréhensif.