La Fille de Séréna

Mélita s'était résignée, décidée à faire contre mauvaise fortune bon cœur. Mais à cette époque, pas plus que son père ou que lady Cranleigh, elle ne pouvait prévoir qu'il restait peu de temps pour s'accommoder de cette situation. En effet, un an après son second mariage, à l'approche de Noël, sir Edward mourut subitement.

Pour Mélita, le choc fut terrible. Elle ne pouvait se faire à l'idée que son père avait disparu. Chaque fois qu'elle rentrait à la maison, elle s'attendait à entendre sa voix. Certaines nuits, elle se serait précipitée dans sa chambre pour s'assurer qu'elle ne faisait pas un cauchemar et que son père était vivant.

Quant à lady Cranleigh, encore en grand deuil, un an seulement après la perte de son mari, elle prenait son veuvage avec courage, comme elle le disait elle-même. Elle ne manquait pas d'amis pour la consoler et le noir lui allait à ravir.

Lorsqu'elle avait perdu sa mère, Mélita avait cru toucher le fond du désespoir. La mort de son père la privait de tout appui, elle se sentait déracinée, rejetée de son univers familier. Tant qu'il avait vécu, elle avait été très proche de lui. Elle ne l'avait jamais quitté. Elle l'accompagnait à l'étranger dans les postes où la carrière diplomatique l'envoyait. Et même lorsqu'il était débordé de travail, il trouvait toujours du temps à lui consacrer.

Après sa mort, le souvenir de ce bonheur passé avait déchiré la jeune fille. Ils avaient vécu des jours merveilleux, ensemble, à Vienne d'abord, puis en Italie où il lui décrivait les monuments qu'il lui faisait visiter. Il avait le talent de faire revivre le passé. Orpheline à présent, Mélita, le cœur serré, feuilletait les livres de sa bibliothèque qu'ils avaient parcourus ensemble tant de fois.