Quand la banlieue dort

De la fenêtre de ma chambre, je regarde, dehors, une autre fenêtre, identique à la mienne. C’est aussi celle d’une chambre. Je connais le plan de la maison d’à côté ; elle est, au moindre détail près, la copie conforme de celle que j’habite. La suivante est pareille, celle d’après aussi, celle d’en face également. Et ainsi de suite. J’ai vérifié ça chez tous mes potes, quand je m’en suis rendu compte, je n’en revenais pas. Ça continue comme ça sur des kilomètres, de part et d’autre de rues neuves, ou plutôt de routes neuves qui serpentent et s’enroulent les unes autour des autres, bordées de maisons neuves, toutes au crépi blanc, au toit marron et aux volets sombres.

Chacune de ces maisons est séparée de la suivante par une petite bande de terre trop étroite pour qu’y poussent des arbres, mais suffisante pour une haie de thuyas taillés court. Je ne comprends pas l’intérêt de ces haies de thuyas noirs, puisque depuis l’étage, depuis le nôtre aussi bien que depuis celui d’en face, ou celui de n’importe quelle autre maison, on voit tout ce qui se passe dans le jardin voisin. Bien sûr, entre la haie qui se trouve de notre côté et celle, parfaitement semblable, que nos voisins Marcelli ont plantée du leur, un petit mur de brique sépare de manière claire et précise, incontestable, les lots de nos familles respectives. Je ne comprends pas l’intérêt de ce genre de mur, puisque n’importe qui pourrait sans difficulté, surtout à l’abri d’une haie de thuyas, l’escalader avant de redescendre de l’autre côté.