Commentaires de livres faits par Laurien
Extraits de livres par Laurien
Commentaires de livres appréciés par Laurien
Extraits de livres appréciés par Laurien
En effet, avant que la Normandie ne prenne une grande place dans la littérature et la peinture du XIXème siècle et du début du XXème, avec Maupassant et son analyse des moeurs des paysans cauchois, avant Maurice Leblanc et ses descriptions picturales des falaises d'Etretat, il y eut Balzac et les pêcheurs bretons. En quelques pages puissantes, il fait surgir un drame intimiste, tout en livrant des descriptions poétiques impressionnistes avant l'heure des paysages, mêlant le ciel, la mer et le sable.
Si le spectacle de la nature est sublime, le coeur des hommes lui est redoutable. Les relations parents/enfants semblent vouées à l'échec, ou du moins à la souffrance. Entre maladie, handicap, amour maternel non réciproque et infanticide, Balzac pourrait sombrer dans le mélodrame, mais non, le paysage permet de s'élever au tragique.
L'autre intérêt du récit, c'est la description des Parisiennes, celles du beau monde, comme un type, dans leur mode de vie, leur intérieur, leurs loisirs et leurs sentiments.
Ce n'est pas une oeuvre politique, mais un texte sur la responsabilité et la culpabilité, sur le devoir et sur la foi. Si l'intrigue n'est guère surprenante, ce sont les scènes de vie des Parisiens, d'intérieur même, qui donnent leur charme à ce texte.
Comme dans d'autres Scènes de la Vie privée, Balzac s'interroge sur l’institution du mariage. Car au-delà de la passion qu'éprouve Hippolyte, née d'une rencontre romanesque qui a séduit son âme d'artiste, cette jeune fille au profil de Madone et au regard de vierge est-elle si innocente, alors qu'elle vit dans la misère ? Tout le récit est construit sur ce doute, même le décor peut être interprété dans les deux sens.
Le dénouement est cependant assez rapide, et surprenant par son manque de cynique.
Car à côté de cette romance tragique, ce texte est aussi l'évocation des divisions politiques après les Cent Jours, en présentant les intrigues et les coteries, voire les mesquineries à l'intérieur d'un cercle féminin, ou plutôt de deux cercles féminins, les filles d'aristocrates légitimistes, et les filles de bourgeois enrichis. La jeune fille Corse, fervente bonapartiste, ne peut être que mal-aimée de toutes ses compagnes, d'autant qu'elle les surpasse en beauté et en talent. Ginevra est un beau personnage féminin passionné, à ses côtés Luigi fait assez falot, il n'a pas le caractère de son épouse.
C'est ce que ne comprend pas cette insupportable Emilie, pleine de préjugés qui lui coûtent son bonheur. Elle multiplie les critères pour trouver un mari, du physique à l'esprit, à la somme d'argent possédé, et surtout au titre. Un autre roman qui aurait pu s'appeler "Orgueil et préjugés", mais sans dénouement heureux... Au contraire, Emilie fait elle-même son propre malheur pour satisfaire ses principes, et la farce finit en drame, la belle jeune fille trop fière épouse un vieillard.
Pauvre Victorine aussi, la sœur moins belle, plus vieille, qui épouse un homme par devoir et reste derrière son comptoir sans plaisir.
Pauvres femmes, qui ne trouvent jamais le bonheur dans le mariage.
Si les trouvailles langagières du petit garçon sont spirituelles et assez décalées au début, elles en deviennent à la longue fatigantes. Le Camarade Papa du titre est évanescente. Certes, je comprends que c'est pour relier les deux histoires, montrer les liens, l'importance des ancêtres et des racines.
Un avis mitigé donc, où la déception l'emporte, sans doute parce que les promesses du début m'avaient séduite.
C'est féroce, cruel, une satire des débuts de la Troisième République où les positions sociales sont bouleversées.
Car oui, Célestine est une voix, une voix qui porte pour exprimer ses émotions, ses révoltes et ses joies, trop rares pour elle. Elle parle et nous faire revivre un monde, la maîtrise du langage, du beau langage, étant un code qui révèle la position sociale de chacun - mais les codes peuvent être pervertis : la bonne cherche à imiter les airs de la grande dame, la grande dame jure comme une domestique quand elle se laisse aller. Ainsi, le passage sur le dîner mondain chez les maîtres snobs est un régal.
Célestine est aussi un corps, une femme désirante qui affirme ce qu'elle désire - ou ceux qu'elle désire. C'est une fille trop gentille, qui veut plaire à ses amants même quand elle ne les aime pas beaucoup, qui apprécie la sensualité des parfums d'alcôve comme l'odeur du crottin.
Et Célestine est une âme, mise à nous devant nous, qui nous livre ses émotions. Elle rit rarement mais se moque beaucoup - elle a l'ironie féroce sans être cruelle sur les défauts des autres. Le récit de l'agonie de Monsieur Georges est un très beau passage littéraire, plein d'émotions.
Ce livre est donc une très belle découverte !
Moi qui ne lis pas beaucoup de romans policiers, j'ai apprécié que l'intrigue ne soit pas trop sanglante gratuitement - à part la scène d'autopsie, mais qui est décrite avec un détachement clinique, scientifique... Cependant, j'ai trouvé des facilités - le héros qui oublie tous ses traumatismes d'enfance, c'est peut-être possible scientifiquement, mais j'ai trouvé que l'auteur en profitait pour me manipuler ; cela ne m'a pas empêché de trouver le coupable.
C'est un roman d'hommes qui veulent prouver leur virilité par la chasse au nom de la tradition, l'alcool pour oublier plus que par plaisir, l’exhibition des muscles, et surtout, les filles qui ne sont que des proies. Le personnage qui aurait dû être le plus intéressant, Marsailli, est donc en retrait, disputée par les hommes mais ne pouvant imposer ses choix.
Les personnages sont dépeints rapidement mais précisément, l'écriture n'est pas là pour nous faire ressentir de l'empathie, mais pour nous surprendre en nous perturbant.
Si on ne peut décrypter aujourd'hui toutes les allusions parfaitement transparentes pour les lecteurs du siècle, notamment les désignations des personnes, on sourit encore de la bêtise humaine, on s'amuse de la prétention des savants, et on se plaint des horreurs et des inutilités des guerres.
L'écriture arrive à faire ressentir cette vacuité et cette pesanteur : le passage sur l'impossibilité de Jonathan à se concentrer pour exercer son métier comme habituellement - mais non normalement, puisque ce métier présenté par suggestion comme inutile, est un morceau de suspense angoissant. De même, le pigeon est un antagoniste de roman noir, vicieux, mauvais, repoussant physiquement. Et au contraire, il y a une forme de douceur, voire de sensualité dans l'écriture quand Jonathan découvre enfin un plaisir, le plaisir des sens, en faisant un repas inhabituel pour lui.
Une oeuvre courte donc, mais puissante.
Sauf que... en le relisant aujourd'hui, avec un regard d'adulte féministe, à l'ère de la dénonciation des agressions et des crimes sexuels, ce n'est plus un conte, mais le récit d'un abus. le jeune homme beau est charmant profite de sa position de dominant pour séduire avec légèreté une jeune fille, la mettre enceinte sans se soucier des conséquences. Les riches bourgeois méprisent les pauvres qui travaillent. La parole de la victime n'est pas entendue et n'est pas crue. Certes, tout finit bien, mais on peut se demander comment Patricia pourra vraiment être heureuse. le plus honnête et le plus brave est finalement Felipe, s'il n'est pas beau il est sincère et émouvant.
Les personnages sont clichés : Jamal reconnaît lui-même qu'il fait un coupable parfait en tant qu'Arabe handicapé travaillant dans un asile, les jeunes femmes sont toutes plus belles les unes que les autres et intelligentes, les policiers sont bornés, la grand-mère gâteuse...
Quant aux rebondissements, ils sont assez prévisibles - ce qui est dommage pour un roman policier, tout en étant invraisemblables : si on remet l'histoire dans l'autre, les incohérences sont multiples.
Une lecture rapide, mais qui ne laisse pas un grand souvenir, qui est plus une perte de temps.
Ce jeune héros est entouré d'une troupe de joyeux compagnons - au sens de la "merry England", ce monde perdu idyllique, ou plutôt recréé dans l'imaginaire des écrivains du XIXème siècle industriel et du début du XXème qui face aux horreurs de la guerre moderne se réfugient dans la vision rêvée d'une Angleterre campagnarde, fraternelle, avec une vie en communauté. Si la fraternité d'armes permet le rapprochement, les barrières et les distances sociales restent préservées : le héros ne peut épouser sa belle que lorsqu'il est devenu digne d'elle, l'archer est proche du chevalier sur le champ de bataille, mais lui doit tout de même le respect. D'ailleurs, un épisode marquant est la révolte de paysans français contre leur seigneur, une situation qui est décrite comme impossible en Angleterre. De même, les campagnes anglaises sont verdoyantes, tandis que les terres de France sont désolées et ravagées.
Dommage que la partie véritablement épique n'arrive qu'à la fin, que les véritables exploits guerriers ne soient que survolés - mais c'est ce qui prouve que ce n'est pas un roman de chevalerie, ou plutôt, que ce n'est pas une épopée.
L'art enfin se révèle trompeur, la magie de la scène fait tomber amoureux mais sans connaître la réalité des coeurs - et des corps.
le thème de départ est fascinant : la biographie d'un des premiers magiciens, Robert-Houdin, qui inspire lui-même d'autres grands artistes. L'art et la création, sous toutes leurs formes, sont magiques, puisqu'ils permettent une illusion qui éblouit en sortant du quotidien.
Un autre récit suit Georges qui s'intéresse à toutes les techniques nouvelles de cette fin du XIXème siècle qui permettent d'éblouir et de manipuler - on devine assez vite qui est ce Georges.
Enfin, un troisième récit, à une troisième époque, celle du Championnat d'Europe de football 1984, suit des personnages sur la trace des précédents. C'est la partie que j'ai le moins aimée, et je n'ai pas compris l'intérêt de renvoyer, par le texte, à ces matchs de foot.
C'est cependant une jolie pièce sur l'art, le talent et la transmission, avec le personnage énigmatique de l'Horloger qui traverse le temps pour faire découvrir à chacun sa vocation.
Bonaparte apparaît peu d'ailleurs, il n'est là que pour imposer sa volonté que tous relaient, alors même qu'il n'est pas encore le tout-puissant Empereur. Et seul Fourès voit qu'il marche vers le pouvoir absolu : les lois n'ont plus cours, la fraternité et l'égalité disparaissent, ce sont bien les signes que la République agonise et qu'un nouveau roi va remplacer les anciens.
Dommage néanmoins qu'on ne voit pas plus les sentiments de la Bouillotte, il aurait été intéressant de comprendre, pourquoi elle a cédé alors qu'elle aime toujours son mari. Son origine populaire n'est qu'effleurée, bien qu'elle soit un élément de compréhension du personnage.
Car Galilée est présenté comme un homme proche du peuple, qui écrit en langue moderne au lieu du latin pour que tout le monde le comprenne. Il est aussi plus à son aise en buvant du lait et en mangeant des olives que dans les cours pontificale ou nobiliaire.
Mais si les astres ne sont plus immobiles, si les croyances immuables sont remises en cause, l'autorité de l'Eglise est menacée, mais aussi l'autorité des nobles. Les scènes où le moine décrit la vie de ses parents paysans est très forte, assez poétique tout en étant puissante politiquement. De même, la scène du carnaval est évocatrice, tout comme le système solaire, la société d'ordres est bouleversée.
De jolies thèses donc, mais je ne sais pas si tous ces discours et ses grandes tirades passent bien mises en scène.
Le suspense et les rebondissements du roman feuilleton sont bien là, on tourne les pages très vite. L'aspect historique aussi avec tous les passages obligés sur la révolution.
Mais ce qui m'a le moins accroché, ce sont les personnages, très manichéens, qui n'évoluent pas. André est présenté comme fou amoureux, mais est prêt à ne pas voir sa fiancée pendant plusieurs mois ou années, séduit une autre femme, ou ne pense qu'à s'amuser sur la scène. Comme le suggère la première phrase, il prend la vie en s'amusant, ce n'est pas un héros torturé des oeuvres romantiques.
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Tancrède : Une uchronie de Ugo Bellagamba
Pour le dire clairement, j'ai beaucoup aimé la partie historique, et j'ai soupiré devant la partie uchronique. La description de l'itinéraire d'un jeune croisé idéaliste se confrontant à la real-politik et aux réalités des massacres est très bien restituée et intéressante. On connaît l'existence des croisades, mais sans savoir forcément toutes ses étapes - et tous ses massacres et ses horreurs, décrits ici au plus près, dans la lignée du courant scientifique de l'histoire-bataille. Les réflexions sur la tolérance religieuse et la quête de sens, sont bien amenées, le cheminement spirituel du héros est crédible.
Mais c'est à partir du basculement dans l'uchronie que j'ai moins adhéré à l'histoire. En effet, j'ai eu l'impression que l'auteur voulait "caser" la secte des Assassins, en utilisant une société secrète agissant dans l'ombre, pour reprendre des thèmes assez actuels. Au contraire du début, les transformations du héros d'assassin en formation à chef de la secte et à quasi prophète ne sont pas assez creusées pour être crédibles, peut-être parce que ces chapitres reposent sur des ellipses. Ce sujet était passionnant pourtant, mais il ne fait que l'effleurer dans ses carnets.
Un sentiment mitigé donc, dommage car j'avais vraiment aimé la première moitié.
L'intérêt vient de la bêtise du jeune premier, amoureux certes, mais qui par ses stupidités ruine toutes les machinations de son valet. S'il est vrai que cela procure un effet comique quelques fois, l'effet répétitif d'accumulation devient lassant dans les actes 4 et 5. Le dénouement complètement tiré par les cheveux, un véritable deus ex machina, permet néanmoins de sauver la moralité.
Je n'ai pas adhéré non plus aux personnages. Violaine est une vierge, martyre et sainte. Elle fait donc des miracles, pardonne à tous, et est insupportable tellement elle est éthérée - quoique marquée dans sa chair par contraste. Mara n'est pas assez diabolique ou cruelle pour être intéressante, puisqu'elle a aussi ses failles, et sa rédemption est dans son amour maternel.
L'aspect historique qui aurait pu me plaire n'est qu'effleuré : il y a de rares allusions aux combats de Jeanne d'Arc, avec le sacre de Reims. Les paysans apparaissent trop brièvement pour qu'on puisse s'intéresser à eux, alors que cet acte aurait pu être évocateur et symbolique, avec la neige, la veillée de Noël, la restauration de la France ruinée, le pardon et la réconciliation...