Commentaires de livres faits par Karine89
Extraits de livres par Karine89
Commentaires de livres appréciés par Karine89
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« Vic ? », chuchota Rambo.
Il ne leva pas la tête. Il resserra sa prise sur ses jambes, ses doigts s'enfonçant dans sa peau assez fort pour laisser des traces.
« Ça va aller, Vic, dit Rambo, touchant son pied. Promis. Je sais que ça a l'air difficile, mais nous devons tous être courageux. Ton cerveau te dit que tu n'y arriveras pas, mais tu n'as pas besoin de toujours l'écouter. Parfois, il te raconte des bobards. Comme quand il me dit : « Non, non, tu n'es pas courageux, tu as peur de tout ». Ou : « Non, tu n'y arriveras pas, parce que tu mourras dans d'atroces souffrances, et que tes entrailles s'échapperont de ton corps complètement écrabouillé. »
Cette fois, le chanteur tourne vivement le visage vers moi.Ses yeux paraissent encore plus sombres que d'ordinaire.
— Pardon ?
— La question est simple.
一Je... Ça ne te regarde pas.
Je soupire et me lève, abandonnant ma guitare contre mon fauteuil. D'un geste habile, je retourne le sien et pose les mains sur les accoudoirs. Je l'entends déglutir et lorgne sur ses lèvres malgré moi avant de plonger mon regard dans le sien.
- Tu dis que c'est ce votre public veut entendre, mais toi,tu t'es déja demandé ce que tu voulais ? Tu ne crois pas en ce que tu chantes. Il n'y a pas besoin d'être professionnel pour s'en rendre compte. Il te faut des textes plus personnels, des textes qui racontent quelque chose pour toi. Cesse de te contenter de ce que les autres veulent ou attendent de toi. Le jour où tu pourras mettre tes tripes dans ce que tu chantes, là,tu auras de l'or entre les mains.
River ne répond rien. Enfoncé contre le dossier de son siège, il cligne des yeux à plusieurs reprises, son regard se perdant un court instant sur ma bouche.
Je me demande ce qui se passerait si je l'embrassais, la tout de suite.
Je me redresse, chassant rapidement mes pensées, et récupère mon paquet de clopes, posé près de ma veste.
- Je vais m'en griller une avant que les autres ne reviennent.
River hoche la tête avant de se retourner et de reporter son attention sur la console de mixage. Je l'entends expirer bruyamment au moment où je referme la porte derrière moi.
Dante... De quoi est donc composé son enfer ? Moi, créature de l'ombre, subissant l'exposition répétitive d'une lumière écrasante, je sens déjà s'agiter en moi un besoin de découvrir les facettes qui définissent cet homme aussi énigmatique que magnétique.
<< D'accord, Dante. Toi et moi, nous nous retrouverons donc très vite. >>
Je crois que je me prends la plus belle claque verbale dans la gueule qu'on m'ait jamais envoyée. Chacun de ses mots m'a heurtée avec une telle violence que j'en perds la voix. La seule chose que sa tirade m'inspire c'est...
- Connard!
Ma main traverse l'espace qui nous sépare et atterrit avec brutalité sur sa joue. Sous le choc, il manque de lâcher son chargement. Mais il le rattrape in extremis et darde sur moi un air ahuri. Tellement surpris qu'il entrouvre ses lèvres, mais je n'ai absolument pas envie d'écouter la suite.
- Je croyais que c'était ton job.
Il sourit et se pencha pour me mordre le lobe de l'oreille.
La culpabilité m'envahit, poisseuse et inconfortable. Ça faisait des années que je lui en voulais amèrement et injustement. J'avais du mal à croire qu'il m'avait si rapidement prouvé que j'avais eu tort à bien des égards.
- Quoi ? demanda-t-il.
Sa main gauche caressa ma cuisse et s'y déposa confortablement.
Je ne savais pas trop comment formuler la suite. Théo ouvrit la bouche pour parler, mais il marqua un temps d'arrêt. Je ralentis en atteignant un autre feu rouge; les essuie-glaces battaient en rythme et dégageaient la neige légère qui tombait.
- Je ne veux pas être ton ennemi, lançai-je enfin.
- Je sais ! répliqua-t-il en serrant ma jambe avec ses doigts. Ce n'est que du patinage. Ce n'est pas la vraie vie.
- Le patinage, c'est toute notre vie. C'est qui nous sommes.
- C'est ce que nous faisons. Feu vert.
- Quoi ? demandai-je enfin.
Tu me rends heureux, c'est tout. Tellement que ça en devient ridicule, expliqua-t-il en haussant une épaule. Tous ces trucs de mariage à la con sont tellement épuisants, pourtant quand nous sommes ensemble, je trouve que tout ça importe peu.
En moins de temps que pour dire “ouf”, il agrippe mon anorak et me plaque contre son torse.
— Je ne ressens plus rien pour lui, je te l’ai déjà dit. Moi aussi, je pensais avoir encore des sentiments pour lui, mais j’ai pris conscience que si je m’accrochais autant à lui, c’était en raison de mes rêves. Je les ai perdus en même temps que lui.
— J’ai du mal à te croire, balancé-je avec défiance.
Et les nôtres se tiennent dans une pièce à quelques mètres.
— C’était le docteur pour vous ?
— Oui. Il m’a offert ce que je ne pensais jamais pouvoir connaître.
— C’est-à-dire ?
— La vie.
Ma réponse provoque un froncement de sourcils chez mon adversaire. Je ne lui laisse pas le temps de m’interroger à ce sujet, je ne risque pas de fournir des informations compromettantes à un inconnu. Ma maladie est mon secret le mieux gardé, seuls ceux qui partagent mon existence en ont connaissance.
— Et que vous a offert Viktor ?
— La rédemption.
— Deux récompenses précieuses pour deux individus qui ne semblent pas les mériter.
— Un miracle, comme vous le dites. C’est assez déstabilisant de se rendre compte qu’un jour, le karma met sur nos routes, un être qui fera tout basculer.
- C'est ton nouveau pourquoi ? rétorque-t-il avec froideur.
Je souris en percevant son air grognon. Baron ne réalise pas à quel point ça le rend... attirant. C'est ce qui m'a plu chez lui inconsciemment la première fois que nous nous sommes rencontrés. Son arrogance et sa nonchalance qui soufflent le chaud et le froid. Cet homme aux multiples facettes hante l'esprit de ceux qui croisent sa route. Aujourd'hui encore, il demeure une énigme aussi fascinante que frustrante.
- Le temps employé dans ta phrase est révélateur. Il était différent. Aujourd'hui, c'est différent.
- Est-ce que tu l'aimes encore ?
Cette fois, c'est moi qui recule, et ma respiration s'accélère. Tout mon corps se raidit parce qu'une sensation particulière se répand dans mes muscles aux souvenirs que j'ai tant cherché à refouler, ces dernières heures. Lui et moi, dans cette chambre.
Est-ce que je l'aime ?
- Je n'en sais rien, avoué-je, le cœur lourd. Mais la question n'est pas là, il n'y aura jamais de lui et moi. C'est comme ça, et il faut l'accepter. Je voulais simplement que tu le saches.
Je l'observe par-dessus mon épaule, son air triomphant et fier. Je ravale la bile dans ma gorge et avoue :
Je sais.
Et mon cœur se met à saigner à mesure que j'assimile la véracité de ses propos.
Non. En effet. J'ai perdu Harper il y a un moment déjà.
J'avais appris que c'est important de dire à un patient qu'il allait mourir et, aussi, de l'annoncer à ses proches. Il ne faut pas de grands discours, pas de blablabla, mais le dire simplement. Malgré la douleur que ça cause. Les faux espoirs, ça fait encore plus mal.
- Je sais, ai-je donc répondu.
J'ai fermé les yeux avec un soupir. Je le savais, mais en même temps, je ne voulais pas le savoir.
J'ai senti la caresse de son pouce sur ma joue.
- Ça arrivera demain, dans un mois ou dans six mois. On ignore quand, je l'ai accepté. J'ai eu le temps de craquer, de crier, de péter un câble, de pleurer et de comprendre qu'il n'y avait rien que je pouvais faire. J'ai reçu le soutien d'un thérapeute. Je suis conscient que tu n'as pas tout ça. - Je m'en sortirai.
J'ai compris plus tard que c'était le pire mensonge que j'avais pu lui dire. De plus, je lui avais menti en le regardant droit dans les yeux. Ni l'un ni l'autre n'avons été dupes.
La flamme dans ses yeux noirs se transmettait à moi, me brûlant. Emil ne parlait plus, et cependant, il était éloquent.
Désolé, Ansel.
D'une certaine manière, c'était égoïste de sa part de me laisser tomber amoureux de lui. C'était pourtant le cadeau le plus généreux qu'on m'ait jamais fait. Même s'il me faudrait plusieurs années pour en prendre conscience et me sentir reconnaissant.
Éperdu, perdu, j'ai acquiescé simplement. Une pauvre réaction, typique chez moi. D'autant que je ne cessais de me répéter ces mots. Fuck, ce qu'il est sexy... Une sensation de chaleur m'a envahi et m'est montée au visage.
- Vraiment pas, Ansel, a-t-il insisté.
- Troublé, je l'étais avant de te rencontrer. Je l'ai toujours été. Tout me trouble. Je suis le sujet et l'objet de mon propre trouble. Et maintenant ? a-t-il demandé avec circonspection.
- Je pourrais rire et pleurer en même temps. Tout ce que je veux, c'est être avec toi. Je... je croyais que je n'étais plus moi-même auprès de toi. D'une certaine manière, c'est le contraire. Je n'avais jamais été moi-même, mais maintenant, je suis moi. J'ai l'impression d'être tout neuf. J'ai du mal à l'expliquer.
Emil m'a dévisagé longtemps sans mot dire. À quoi songeait-il ? Cela lui posait-il un problème que j'ignore les choses de la vie et de l'amour alors qu'il avait besoin d'un vrai compagnon pour le rassurer, l'étreindre quand la peur, l'épuisement le saisissaient ? Mes pensées fourmillaient, la tristesse m'envahissait. J'attendais qu'il parle mais il continuait de m'observer sans doute lisait-il en moi comme dans un livre ouvert. Je me sentais transpercé par ses yeux noirs, ce regard intense et si troublant. Au bout d'un moment, il s'est rapproché, a pris mon visage entre ses mains et m'a embrassé. C'était un baiser différent de tous les précédents et cependant si parfait que j'en ai eu les larmes aux yeux.
- Je ne sais pas qui tu étais avant, Ansel Lijser... a murmuré Emil tout contre ma joue.
Pause minuscule. Et mon cœur qui se dilate.
- Maintenant, j'ai l'impression que tu es le garçon dont je suis en train de tomber fou amoureux.
Il va me pousser jusqu'aux portes d'un hôpital psy, s'il continue.
Bref...
Suis-je prêt à souffrir? À offrir à Valentin ce qu'il attend puis à le regarder s'éloigner, trouver un nouveau challenge, un nouvel amant ?
Pour la première fois depuis longtemps, je n'ai plus envie de répondre par un non catégorique. J'ai envie de me dire « pourquoi pas ? ».
Peut-être que la douleur en vaudra le coup.
Peut-être qu'une fois qu'elle aura disparu, je pourrais en apprécier les souvenirs doux-amers.
Et peut-être que je devrais vraiment aller me pieuter au lieu de me poser des tas de questions.