L'Adepte bleu, Tome 2 : L'Adepte bleu

chapitre 1 licorne

Une licorne solitaire galopait à travers prés en direction du Château Bleu. C’était un mâle, à la robe lustrée de couleur bleu foncé, aux pattes postérieures s’ornant d’un talon et d’un cou-de-pied rouges, et à la corne élégamment spiralée. Tout en allant, il jouait une mélodie à l’aide de cette corne creuse, dont le son rappelait le timbre moelleux du saxophone. Portées par l’air, les notes le précédaient à travers les prés.

Stile s’approcha du parapet et regarda en bas. C’était un homme tout petit mais très robuste, un ancien jockey qui n’avait pas perdu la forme. Il était vêtu d’une chemise et d’un pantalon de coutil bleus, quoique d’aucuns jugeassent que ni l’un ni l’autre ne convenaient à sa position. Toutefois sa position était telle qu’il pouvait les ignorer impunément – jusqu’à un certain point.

— « Clip ! » s’exclama-t-il, en reconnaissant le visiteur. « Hé, Neysa, ton frère est là ! »

Mais Neysa le savait déjà. Elle avait l’ouïe plus fine que lui. Elle sortit en trottant du château et rejoignit Clip à la porte, croisant sa corne avec la sienne en guise de salutation. Puis tous deux se livrèrent à leur rituel prolongé de réunion, caracolant côte à côte à l’unisson tout en jouant un duo. La corne de Neysa possédait le son de l’harmonica et il se mariait admirablement avec la musique du saxophone.

Stile regardait et écoutait envoûté, sans que son enchantement dût rien à la magie. Il avait toujours aimé les chevaux et les licornes lui plaisaient encore davantage. Il était évidemment partial, Neysa étant sa meilleure amie dans cette dimension. Néanmoins…

Les deux équidés accentuèrent leur rythme, les sabots frappant le gazon avec précision. Bientôt ils adoptèrent l’allure syncopée à cinq temps, ou Pas des Licornes, en y accordant leur musique. Incapable de résister, Stile sortit son bel harmonica et accompagna leur air, en marquant la mesure avec le talon aussi bien qu’il le pouvait. Il était doué pour la musique et, ces derniers temps, s’était perfectionné dans cet art qui se trouvait être si intimement associé à ses pouvoirs magiques. Quand il jouait, une aura magique se formait autour de lui. Mais il refusait de se laisser inhiber par cette particularité ; la magie ne se manifestait de façon tangible que lorsqu’il procédait à une incantation de la manière appropriée.