Mikazuki, Tome 3 : La chute des guerriers

L’esprit répondit par un son étouffé, une sorte de clapotis sourd, avant de se déformer pour étirer une bouche qui vint envelopper le tube de bois et l’absorber. Il s’éloigna en l’emportant.

Hiroyuki le suivit du regard et retourna s’asseoir sur son coussin. Les yeux fermés, il commença sa méditation, faisant défiler dans son esprit toutes les images qui lui revenaient en mémoire à partir du jour où il était parti rencontrer les tengus. Chaque fois, il s’interrogeait sur la pertinence de ses actions, essayait d’en tirer des leçons pour le futur. Plus tard dans la nuit, alors qu’il n’avait pas bougé de sa position, son expression paisible changea. Ses traits se crispèrent tandis que, tour à tour, ses poings se contractaient ou se desserraient sur ses cuisses. Il était en train de vivre en songe un combat imaginaire au sabre entre lui et Hayato. Ses yeux roulaient sous ses paupières closes, les commissures de ses lèvres se soulevaient. Ce n’est que quand il sentit l’approche d’un jour nouveau qu’il interrompit sa rêverie dirigée. Il était essoufflé et tous ses muscles lui semblaient trop raides. Il se leva pour faire quelques étirements solitaires dans sa chambre.

Iyo attendait à la surface du lac, les deux pieds l’un contre l’autre pour tenir sur la bande de glace que Hiroyuki avait gelée à leur arrivée. Ses habits mouillés pendaient autour d’elle, ses cheveux attachés sur la nuque tombaient droits dans son dos. Chargés du poids de l’eau, ils se paraient de reflets bleus. Le dernier quartier de lune, encore visible entre l’heure du tigre et celle du lièvre, apparaissait terne à travers le miroir dépoli d’une épaisse couche de nuages. Quelques flocons gris tombaient pour venir s’effacer sur les ventres retournés des poissons morts ballottés entre les rides des courants.