Sous ma peau

Le diner nous est servi, lui regagne sa place sans un mot. Au fond, j’ai conscience de lui avoir battu froid. Une part de moi le regrette, l’autre se dit qu’il l’a mérité après m’avoir tyrannisée des jours durant.

Les fins morceaux de canard que je tente d’avaler avec subtilité et raffinement restent stockés dans ma bouche. Je me fais l’effet d’un hamster .Tout est sans gout aucun. Seul le vin rouge, français, semble merveilleux à mon palet.

Dans la salle les rires raisonnent, autour de moi les gens parlent et s’esclaffent en se touchant régulièrement les uns les autres comme le feraient de bons amis. Je note intérieurement que les femmes portent sans cesse une main à leur poitrine tout en gonflant les lèvres avant de dévoiler leurs dents immaculées. Leurs bruits de gorge me donnent des envies de meurtre. Tout m’agace.

Ce n’est pas comme je l’avais imaginé, c’est bien pire.

Bennett, lui, parfaitement à l’aise, dine à une dizaine de places assises de la mienne. Me savoir si loin de lui et de ses remarques acerbes constitue le point d’orgue de ma soirée. Je l’observe à la dérobée, deux blondes l’encadrent et se pavanent, les seins dans son assiette. Il semble y prendre du plaisir, le chacal, il rayonne. Tout m’agace vraiment.

D’un geste lent je repousse mon assiette et me lève pour regagner une baie, ouverte sur la terrasse.

Dehors, mes pas raisonnent sur les larges dalles pavées tandis que j’avance sous les lumières tamisées des braséros dispersés aux quatre coins du jardin. Le bruit que je produis je m’en moque, isolée, loin des autres, je m’en trouve soulagée. J’ai le sentiment de renaitre. Le temps d’un instant, je me perds dans la contemplation des bananiers et des palmiers, hauts de plusieurs mètres avant de m’avancer vers la piscine.

Un gars, bien éméché est en train d’y boire un cocktail tout habillé tandis que son copain de beuverie agonise sur un transat en cuir tressé. L’image de débauche me frappe alors que cette soirée a une thématique on ne peut plus sérieuse. Les invités sont censés bien se tenir sans jamais perdre de vue la raison de leur présence. Je secoue la tête, à quoi m’attendais-je ? Exactement à cela.