La ménopause des fées, tome 3, La nuit des porcs vivants

Cela s’était passé un matin de printemps. Comme à son habitude, elle [Morgane] saluait l’aurore en buvant la rosée au calice des fleures quand un drôle de petit gars avait attiré son attention. Accroupi dans la mousse, il récoltait les simples – activité qui, d’ordinaire, est l’apanage des sorcières. Intriguée, la fée l’avait longuement observé. L’air d’érudition pensive qu’il arborait, en dépit de son extrême jeunesse, l’ayant émue plus que de raison, elle avait voleté jusqu’à l’éphèbe – sévèrement vêtu, comme tout bachelier qui se respecte, d’un habit gris souris légèrement étriqué, d’une chemise à jabot, de bas blancs et de chaussures à bouts carrés ornées de boucles en cuivre – et s’était posée sur le rebord de son chapeau.

D’abord, il l’avait prise pour une libellule, ce qui la fit sourire. En plus d’être mignon, il était naïf, qualité dont elle était, elle, totalement dépourvue, mais qu’elle appréciait chez autrui. Elle lui avait donc fait le grand jeu. Un étourdissant ballet aérien, agrémenté de mimiques sans équivoques et s’achevant en butinage facial.

Comment ne pas y perdre son latin, même pour un botaniste distingué ? Il le perdit donc, ainsi que sa gourme, couché parmi le thym, la sauge et le serpolet.

Nonobstant la taille de son initiatrice, ce fut, pour le puceau, un grand moment d’ivresse. Si grand, si magnifique, qu’il voulu recommencer, encore, et encore, et encore. Morgane se plia complaisamment à ses caprices, et y prit tant de plaisir que, sur ses instances, elle consentit à le suivre jusqu’à la capitale.