Les Audacieuses, Tome 9 : Courtisane d'un baron

Jemima les regarda toutes les deux avec tendresse, puis elle remarqua une grande boîte à chapeau posée sur le sol à côté de Minerva.

— Qu’est-ce que c’est ?

Minerva attrapa la boîte avec une expression diabolique, retira le couvercle et sortit un chapeau haut de forme. Il était encore noir et brillant, mais le bord était un peu usé. Contrairement à la plupart des chapeaux, il était rempli de petits bouts de papier.

— Oh non, déclara Jemima en sentant son cœur sombrer.

Elle fronça les sourcils en observant l’intérieur du chapeau.

— Se reproduisent-ils ? demanda-t-elle. Je suis certaine que nous n’en avions pas écrit autant.

Ses amies échangèrent un regard, et Minerva se mordit la lèvre.

— Eh bien, Bonnie est passée l’autre jour, il faisait froid et gris et nous mourrions d’ennui…

Jemima grogna.

— Il ne reste que Matilda et moi. Matilda dit qu’elle ne veut pas participer, Héléna a déjà pris le sien, et tout le monde est déjà passé.

Héléna haussa les épaules.

— On ne sait jamais quand une jeune femme aura besoin d’un challenge pour transformer sa vie. Il faut se préparer.

— Allons-nous nous mettre à les emmener avec nous dans la rue à présent ? demanda Jemima.

— Non, bien sûr que non.

Minerva s’esclaffa et soupira d’un air nostalgique en regardant le chapeau. On aurait presque dit qu’elle voulait en piocher un autre.

— Mais nous n’avions pas le cœur de le laisser presque vide, avec seulement quelques petits bouts de papier solitaires dans le fond. En plus, nous nous sommes follement amusées à les imaginer.

— Ça, je n’en doute pas.

Jemima leva les yeux au ciel, puis les mains lorsque ses deux amis la regardèrent avec un petit sourire.

— … Oh, très bien. Je suis déjà dans le pétrin, un peu plus d’ennuis n’y changeront rien. Tout le village me prend pour une gourgandine, ce que je suis, j’imagine, et mon protecteur s’est enfui à Londres pour voir son amour perdu. Je ne crois pas que les choses pourraient être pire.

— À la bonne heure ! déclara Héléna avec un visage impassible, et Jemima ne put s’empêcher de rire.

Avec toute la solennité qui s’imposait, Minerva secoua le chapeau de manière à faire bruisser les papiers, et soupira dans l’attente de la suite des événements. Elles demeurèrent silencieuses lorsque Jemima y plongea la main. Son idiot de cœur n’aurait pas dû battre si vite, ce n’était pas comme si un défi idiot pourrait changer quoi que ce soit. Elle referma les doigts sur un morceau de papier et le sortit. Elle le regarda pendant un long moment avant de trouver le courage de le déplier.

— Eh bien ? s’enquirent à l’unisson Héléna et Minerva.

Jemima lut la première ligne et éclata de rire, avant de se remettre à sangloter dans le mouchoir froissé d’Héléna. Minerva retira le papier des doigts de son amie en soupirant et le déchiffra à voix haute :

— Trouvez une chose que vous voulez et ne reculez devant rien pour l’obtenir. Eh bien, voilà un conseil avisé.

Héléna ricana.

— Je suppose que c’est l’un des vôtres. Je ne peux nier que l’idée est bonne. C’est le genre de choses que j’aurais pu écrire moi-même. Bien sûr, si l’on décide que l’on veut les joyaux de la couronne, cela risque de provoquer une certaine agitation.

Minerva retroussa le nez à cette idée.

— Nous étions d’accord dès le départ, pas d’idées idiotes de ce genre. Je crois que nous savons toutes les deux que la chose que Jemima veut, c’est lord Rothborn.

— Oui, dit Héléna en posant un bras autour des épaules de Jemima. De préférence à genoux, la suppliant de lui accorder son pardon, et lui promettant monts et merveilles.

Jemima poussa un petit rire étouffé.

— Je ne veux rien de tel, protesta-t-elle, même si en réalité, elle trouvait l’idée très séduisante.