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Commentaires de livres faits par Phil_33

Extraits de livres par Phil_33

Commentaires de livres appréciés par Phil_33

Extraits de livres appréciés par Phil_33

Houaooou ! ! ! Quel bouquin, mes amis ! Quel bouquin ! Ici, pas question de Coup de Cœur, il s’agirait plutôt d’un Coup de Tête… Mais attention ! À ne pas mettre entre toutes les mains : si vous êtes un inconditionnel de “l’Amérique” des “Américains” et du “Rêve américain” ce livre n’est pas pour vous. Nul doute que vous le trouveriez tendancieux et de mauvaise foi !
Mais si, comme moi (avant d’avoir lu ces pages), votre avis sur les États-Unis et ses habitants est partagé entre une certaine admiration et un peu d’antipathie voire parfois de l’agacement sans trop savoir pourquoi, je vous encourage à lire ce livre, écrit par une historienne native du pays. Ce n’est pas un roman mais une sorte de document qui retrace, pas à pas la création, l’édification de cet immense pays que sont les États-Unis d’Amérique, du point de vue des indigènes. Sans style littéraire, ni fioritures de forme. C’est parfois un peu lourd et répétitif pour ne pas dire fastidieux.

Roxanne Dunbar-Ortiz est née en 1939 à San Antonio au Texas. C’est une historienne états-unienne, écrivain et féministe. Son père, Ecossais-Irlandais avait épousé sa mère (dont le père était irlandais et la mère indienne, semble-t-il). Elle grandit au sein de communautés rurales indiennes. En 1960 elle militait dans des mouvements de droits civiques, contre l’apartheid, contre la guerre du Vietnam, dans le mouvement de libération des femmes…

Dès que j’entreprends d’écrire un papier sur ce livre, je me rends immédiatement compte que vais devoir laisser fréquemment la parole à l’auteure. Ce billet n’est pas une “critique”. Qui prétendrais-je être pour écrire une critique de ce livre ? Quel est mon expertise pour pouvoir le faire ? Ce n’est pas, non plus, un commentaire. Mon ambition est de vous donner un aperçu et quelques éléments qui vous donneront, peut-être, envie d’en découvrir davantage en lisant cet ouvrage d’une importance considérable pour mieux comprendre la marche du Monde.

Tout d’abord, un rappel, comment débute toute cette histoire ? Pour nous, tout commence par une erreur, lorsque Christophe Colomb “découvre” des terres inconnues en 1492 alors qu’il cherchait une nouvelle route pour atteindre les Indes.
« En 1982, le gouvernement espagnol et le Saint-Siège proposèrent qu’en 1992 les Nations Unies commémorent la “rencontre” entre l’Europe et les peuples des Amériques, au cours de laquelle les Européens étaient censés avoir offert aux indigènes la civilisation et le christianisme […] À la surprise générale des représentants européens et nord-américains, la délégation africaine tout entière quitta l’assemblée en signe de protestation. Les Africains condamnèrent fermement cette célébration du colonialisme au sein de l’ONU, une institution qui avait précisément été créée pour y mettre fin. »

Nous voici plongé au cœur du sujet !
Il s’agit bel et bien de l’expansionnisme et du colonialisme européen, vieux de plus de 5 siècles : « Du milieu du 15e siècle au milieu du 20e siècle, la plupart des terres non-européennes furent colonisées sous couvert de la Doctrine de la Découverte […] La Doctrine de la Découverte a pour origine une bulle papale de 1445 qui autorisa la monarchie portugaise à s’emparer de l’Afrique de l’Ouest. Après le voyage d’exploration de Christophe Colomb en 1492, une autre bulle papale donna une permission similaire à l’Espagne. » Ces bulles encycliques papales octroyèrent aux nations européennes la propriété des terres qu’elles avaient “découvertes” de sorte que les indigènes qui y vivaient perdirent leur droit naturel à la terre. Très pratique un Pape (Alexandre VI) qui fait des bulles : « En 1792, peu après la création des États-Unis, le secrétaire d’État Thomas Jefferson déclara que la Doctrine de la Découverte, développée par les États européens, était une loi internationale qui s’appliquait aussi au gouvernement des États-Unis. » Rappel : lors de la création des États-Unis, le pays ne comptait que 13 États répartis le long de la côte atlantique, il restait encore près de 90 % du territoire à “découvrir” !

Alors comment cela s’est-il passé ?

Mais au fait, est-on sûr qu’il y avait des indigènes, sur place, quand les colons sont arrivés ? Oui, bien évidemment, même si « selon un consensus actuel entre les historiens, le transfert général de terres des indigènes aux colons euro-américains après 1492 fut moins le résultat de l’invasion, des guerres et de l’avidité européennes que des bactéries des envahisseurs, qu’ils transportaient sans le vouloir. »
En fait, « l’histoire des États-Unis est l’histoire d’une colonisation de peuplement, marquée par la création d’un État fondé sur le suprématisme blanc, sur la pratique généralisée de l’esclavage, sur le génocide et le vol de terres. »
Mais il est vrai que les autochtones n’étaient pas tout à fait des hommes : les Anglais, qui n’en étaient pas à leur coup d’essai, avaient découvert ce détail lors de l’invasion de l’Irlande du Nord au début du 17e siècle : « Les Irlandais sous administration britannique seront regardés comme biologiquement inférieurs jusqu’au 20e siècle. Au milieu du 19e siècle, sous l’influence du darwinisme social, des savants anglais propagèrent l’idée que les Irlandais (et tous les peuples de couleur) descendaient du singe, tandis que les Anglais descendaient de “l’homme” qui avait été créé par Dieu “à son image”. Les Anglais étaient donc des “anges” et les Irlandais (et autres peuples colonisés) appartenaient à une espèce inférieure, que les suprématistes blancs états-uniens et autres identitaires chrétiens nomment aujourd’hui les “peuples de la boue” (mud people). » Maintenant, je ne m’étonne plus de la prolifération des créationnistes aux États-Unis !
Et donc, tout une bonne partie de cet ouvrage est consacrée à l’expansion, la colonisation de peuplement et les méthodes employées, assassinats, massacres, spoliations, la fameuse conquête de l’Ouest revue et corrigée. Et comme la main d’œuvre est insuffisante pour mettre en valeur toutes ces nouvelles terres fraichement “découvertes”, on en fait venir d’Afrique. Et comme ces africains se rebellent ou s’enfuient, on utilise des milices « Les milices des États devinrent plus tard des “patrouilles d’esclaves”, utilisées pour discipliner les esclaves et capturer les fugitifs. Le deuxième amendement, ratifié en 1791, inscrit dans la loi ces troupes irrégulières : “Une milice bien organisée étant nécessaire à la sécurité d’un État libre, le droit qu’à le peuple de détenir et de porter des armes ne sera pas transgressé.” La signification persistante de cette “liberté” révèle les racines culturelles coloniales des États-Unis. »
Une puissance coloniale, les États-Unis ? Allons donc ! Pour s’en convaincre il nous suffit d’écouter le Président Barack Obama sur la chaîne panarabe Al Arabiya en 2009 […] « Nous commettons parfois des erreurs. Nous n’avons pas été parfaits. Mais si vous regardez notre histoire, vous verrez que l’Amérique n’est pas née comme une puissance coloniale. » Pas mal comme déni, mais était-il vraiment sincère en disant cela ou était-ce purement politique ? j’aimerais le croire…
Comment l’États-unien moyen peut-il accepter son passé ? Dans le déni de la réalité.
Il est tellement plus confortable de s’en remettre au « récit conventionnel de l’histoire des États-Unis [qui] fait systématiquement des “guerres indiennes” une sous-espèce de la catégorie douteuse qu’est “l’Ouest”. Et puis il y a les westerns, les romans de gares, les films et les séries télévisées que presque chaque États-unien a tétés avec le lait de sa mère. […] L’architecture de la domination du monde par les États-Unis fut conçue et testée pendant la période du militarisme continental au 19e siècle […] Le début du 21e siècle vit exploser sur la scène mondiale une nouvelle forme de militarisme et d’impérialisme des États-Unis, encore plus éhontée, [lors de] l’élection de George W. Bush […] les forces spéciales des États-Unis furent déployées dans le monde entier, et ce modèle se prolongea après l’élection de Barack Obama. »
Pour que la société états-unienne cesse de se mentir à elle-même, accepte sa propre responsabilité et son passé, l’historien Juan Gómez-Quiñones écrit que « les patrimoines ancestraux indigènes devraient faire partie des programmes scolaires, des matières enseignées et analysées à l’université. » Les peuples et communautés indigènes souhaitent être reconnus, siéger à l’ONU en tant que nations, exister sur leur sol ancestral « Ce processus commence par le respect dû aux traités conclus par les États-Unis avec les nations indigènes […] Cet avenir, si nous voulons qu’il advienne, requiert d’importants programmes éducatifs… »
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Une découverte FORTE. Le meilleur livre depuis longtemps. Il faut passer au dessus des longueurs.
La rencontre de deux destins d’exception dans des circonstances exceptionnelles et dramatiques. Magnifiquement écrit et d'une sensibilité rare.
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date : 20-12-2019
Lequel des deux "moi" va déborder l’autre au moment du bilan ? Le moi cartésien, positif, rationnel, cohérent mais un peu borné ? ou le moi subjectif, équivoque, obscur, déraisonnable, curieux ? Depuis les premières lignes l’affrontement est permanent et disons-le franchement, Nastassja ne simplifie pas les choses : elle est terriblement sympathique et terriblement déroutante !

Nastassja Martin est née à Grenoble en 1986. Elle est Docteur en anthropologie, diplômée de l’École des hautes études en sciences sociales, experte reconnue des peuples du Grand Nord. Elle avait eu Philippe Descola pour directeur de thèse ce qui l’a profondément marquée, partageant avec lui le système des quatre ontologies qui ne sépare pas en deux domaines ontologiques distincts humains et non-humains. Il distingue ainsi quatre "modes d’identification" parmi les sociétés humaines, le totémisme, l’animisme, l'analogisme et le naturalisme, de sorte que ces modes d’identification sont des manières de définir des frontières entre soi et les autres.
Ça peut paraître quelque peu abscons, mais si l’on veut comprendre, un tant soit peu, le cheminement de Nastassja, après sa rencontre avec l’ours, on doit réaliser que nous ne jouons pas dans la même catégorie. Et ça change tout (comme dirait l’autre) : vous et moi (probablement) sommes plutôt naturaliste, tandis qu’elle est imbibée d’animisme voire de totémisme… L'animisme reposerait sur cette affirmation que les animaux et les plantes ont la même intériorité (émotions, conscience, désirs, mémoire, aptitude à communiquer...) que les humains, ils ne s'en distingueraient que par leurs corps et donc aussi par leurs mœurs…
Mouais…
D’où la bagarre entre mes deux "moi"… Celui qui réfute et celui qui veut bien parce que… pourquoi pas ?

Alors donc, Nastassja s’est retrouvée face à face avec un ours sur un haut plateau du Kamtchatka le 25 août 2015, les yeux dans les yeux et, comme ni l’un ni l’autre n’a voulu baisser le regard, ils en sont venus aux mains « Il n’a pas voulu te tuer, il a voulu te marquer. Maintenant tu es "miedka", celle qui vit entre les mondes. » Moitié femme-moitié ours. Il ne faut pas le lui dire deux fois. Elle est défigurée, mais c’est la trace de l’ours. Ça entre parfaitement dans son cadre animiste.
Mon moi déraisonnable est aux anges.

Elle donne à lire conjointement ses deux carnets de terrain, le carnet de jour, de couleur, où elle inscrit les notations et le carnet nocturne, le noir, où elle consigne les rêves « Je dois dire que j’ai deux carnets. L’un est diurne. Il est empli de notes éparses, de descriptions minutieuses, de retranscriptions de dialogues et de discours, opaques le plus souvent, jusqu’à ce que je rentre chez moi et que j’y mette de l’ordre […] L’autre est nocturne. Son contenu est partiel, fragmentaire, instable. Je l’appelle le cahier noir, parce que je ne sais pas bien définir ce qu’il y a dedans. Le carnet diurne et le cahier nocturne sont l’expression de la dualité qui me ronge ; d’une idée de l’objectif et du subjectif que je sauve malgré moi. » Et ses rêves sont un éternel recommencement. C’est presque avec nostalgie qu’elle rêve « au baiser de l’ours sur mon visage, à ses dents qui se ferment sur ma face, à ma mâchoire qui craque, à mon crâne qui craque, au noir qui fait dans sa bouche, à sa chaleur moite et à son haleine chargée, à l’emprise de ses dents qui se relâchent, à mon ours qui brusquement inexplicablement change d’avis, ses dents ne seront pas l’instrument de ma mort, il ne m’avalera pas. » Elle aime cette moitié d’elle-même. Elle en rêve toutes les nuits et ce ne sont pas des cauchemars.
Elle est allée au-devant de l’ours, ils avaient rendez-vous.
Mon moi cartésien se rebiffe.

C’est « parce que l’ours est parti avec un bout de ma mâchoire qu’il a gardée dans la sienne, et qu’il m’a cassé le zygomatique droit, il va falloir opérer ». Elle se retrouve donc dans un hôpital russe, modèle du genre, puis, rentrée en France, on refait ce que les Russes avait fait, on est tellement mieux (lire les suites !), et c’est là qu’elle croise la psychologue de la Salpêtrière qui lui demande comment elle se sent “psychologiquement” et ajoute : « Parce que, vous savez, le visage, c’est l’identité, » alors, tout son métier, son doctorat, son animisme prennent le dessus : « Je la regarde, ahurie […] je voudrais lui expliquer que je collecte depuis des années des récits sur les présences multiples qui peuvent habiter un même corps pour subvertir ce concept d’identité univoque, uniforme et unidimensionnel. »
Mon moi rationnel s’agace.

Elle est à mille lieux de s’imaginer qu’elle a devant elle une femme-ours, la psy, complètement à côté de la plaque, la psy, pas incompétente, non, juste naturaliste : « Est-ce que j’arrive à dormir la nuit ? J’imagine qu’elle voudrait que je me confie. Que j’évoque l’horreur, le fauve, sa gueule, ses dents, ses griffes, que sais-je encore. » Eh bien non. La pauvre psy, elle ne peut s’imaginer que, dans le calme de la nuit, le fameux syndrome de stress post-traumatique se transforme en rendez-vous avec son alter-ego, l’ours de la taïga.
Mon moi extravagant jubile.

Alors, dès que sa mandibule est consolidée que pensez-vous qu’elle s’empresse de faire ? Bingo ! Elle retourne là-bas sous le prétexte qu’elle n’a pas fini le travail… Mon Œil ! C’est qu’elle lui a donné un vigoureux coup de piolet, à SON ours… Est-il encore vivant ? Et puis on la comprend, là-bas, loin de la civilisation, même si elle est "miedka" …
Mon moi raisonnable se cabre.

Bon la revoilà dans son univers, éclairée à la bougie, l’eau courante… sous la glace, la nourriture à chasser dans la forêt. Alors, heureuse, Nastassja ? Hum… « Je suis docteur en anthropologie sur les bancs de l’institution. J’ai un compagnon qui vit au fil des crêtes. Un chez moi accroché à la montagne. Un livre en préparation. Tout va apparemment bien. Pourtant quelque chose me taraude, grignote le fond du ventre, la tête brûle aussi, j’ai la sensation de fin de moi, de fin de cycle aussi peut-être […] C’est une sensation horrible, parce qu’il m’arrive précisément ce que j’ai cru observer chez ceux que j’étudiais. […] Je m’épuise dans d’inutiles circonvolutions mentales, je compense par des exploits physiques, mais il n’y a rien à faire, je sombre. »
Mon moi incohérent se fait discret et mon moi rationnel ricane, l’imbécile.

Le mot de la fin ? Elle va écrire ce livre, ses carnets sont empilés, elle relit le noir : « Je ferme le cahier, pensive. Je le range précautionneusement sur l’étagère, un léger sourire se dessine sur mes lèvres. Je crois que le cahier noir a coulé dans les cahiers de couleur depuis l’ours. »
Mon moi fantasque est béat.

Je vais vous confier un secret, mais il reste entre nous, hein ? Quand j’ai commencé ma lecture j’ai voulu en savoir plus et suis allé sur Google… Elle est belle Nastassja, avec ses cicatrices, ses cheveux blonds en colère, ses yeux bleus et son regard intelligent qui survole et pénètre à la fois l’objectif, elle est là et ailleurs… Vous savez quoi ? Je crois bien que je suis un peu amoureux !
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Ne pas se laisser abuser par le titre. Mais retenir le sous-titre : UNE HISTOIRE DE L’INVISIBILITÉ DES FEMMES.

À la lumière des dernières observations archéologiques il apparait que la femme préhistorique était un homme comme les autres. Alors pourquoi, dans l’imagerie populaire traine la silhouette de l’homme, à l’entrée de la caverne, altier, farouche, armé de son épieu, portant encore sur l’épaule le gibier qu’il vient de chasser, avec derrière lui, accroupie dans la poussière et dans l’ombre de la grotte, sa compagne, un enfant accroché à son sein, préparant le repas, entourée d’enfants de différents âges et de vieillards plus ou moins prostrés… Homme dominateur, femme soumise… Image d’Épinal faussée par plusieurs millénaires de culture machiste qui place la femme au dernier rang de la société.

Dans son ouvrage (délibérément féministe), L’homme préhistorique est aussi une femme, Marylène Patou-Mathis nous montre que l’histoire de l’évolution de l’humanité n’étant envisagée presque exclusivement que du point de vue des hommes, les rapports sociaux qui impliquent les femmes sont rarement pris en considération.

Ce livre n’étant pas une fiction romanesque il n’attirera, malheureusement, que peu de lecteurs malgré son immense intérêt sociologique et anthropologique. Aussi je traiterai mon commentaire à la manière d’un compte-rendu (chronologique) destiné aux personnes qui souhaiteraient avoir un aperçu, sans lire l’ouvrage… Et (surtout) pour mon petit-fils de dix-huit ans qui pense tout savoir des relations homme-femme mais qui n’aura ni le temps, ni le courage de se plonger dedans.

Si vous souhaitez lire ce livre, n’allez pas plus loin. Bien sûr je n’ai pas tout rapporté, ce livre est foisonnant, je n’ai même pas respecté le plan, mais j’ai suivi les grandes lignes et sélectionné de nombreux extraits.
Si vous décidez de poursuivre, attention… plus de 3000 mots vous attendent pour arriver au bout !

Préhistorienne française, spécialiste des comportements des Néandertaliens, Marylène Patou-Mathis est née en 1955 à Paris. Directrice de recherche au CNRS, rattachée au département Préhistoire du Muséum national d'histoire naturelle depuis janvier 2019. Elle obtient une maîtrise de géologie à l’université Pierre-et-Marie-Curie (Paris VI), puis se spécialise en préhistoire avec un DEA de géologie du Quaternaire, paléontologie humaine et préhistoire, à l'université Paris VI en 1981. Elle soutient sa thèse de doctorat en préhistoire, dans cette même université, en 1984.

La Préhistoire est une science jeune qui débute au milieu du XIX° siècle, « Les représentations de la famille préhistorique imite le modèle idéal de la famille occidentale du XIX° siècle : nucléaire, monogame et patriarcale. » Comment s’étonner alors que l’approche des premiers anthropologues a pour modèle leur environnement, celui d’une société occidentale du XIX° siècle, héritière d’une tradition judéo-chrétienne et gréco-romaine dans laquelle les femmes sont perçues comme des êtres inférieurs, comme un mal nécessaire (Voir plus bas).

Quel est le statut social de la femme préhistorique ?
La réponse n’est certainement pas évidente ni facile à formuler. En fait elle provoque un débat houleux au sein du monde scientifique. Marylène Patou-Mathis nous propose un florilège des diverses affirmations et infirmations, toutes plus péremptoires les unes que les autres qui s’opposent, dans un brouhaha assourdissant de spécialistes, convaincus de détenir LA vérité ! Mais à la décharge de tout ce beau monde, il faut rappeler qu’à cette époque la mondialisation n’était pas vraiment à l’ordre du jour et chacun faisait sa petite salade dans son coin sans se demander si c’était tendance ou pas. Tout le monde n’avait pas la télé, au paléolithique, Facebook et Tweeter n’en était qu’au tout début… Alors, les femmes étaient obligées d’improviser, sans tenir compte de la mode du moment, même celles abonnées à "Closer" devaient faire preuve d’imagination (la distribution du courrier n’était pas fiable).
Au milieu des archives laissées sur place (art pariétales, sépultures, vestiges de toutes sortes…) nous allons devoir faire notre philosophie : mettez-vous dans la peau de l’homme préhistorique, au paléolithique (Sapiens, Néanderthalien, Denisovien ou autres), il y a 300 000 à 30 000 ans, qui voit, dans sa horde, ce drôle d’individu, appelons-le "femme" pour faire simple, dont le ventre s’arrondit, parfois, de façon tout à fait magique (le mot miraculeux n’existe pas encore), et c’est une très bonne chose car au bout d’un certain temps la "femme-magique" va donner naissance à un enfant qui, s’il survit, va grossir le groupe. Elle est vraiment magique cette femme. Elle enfante, elle élève, elle bénéficie d’une fonction primordiale dans la pérennité du clan. Suivant les régions et les périodes il se pourrait que se développe une véritable « vénération des femmes en tant que fondatrices des lignées. »
Un père ? Qu’est-ce que c’est ? Comment faire un lien entre l’accouplement et une naissance qui intervient neuf mois plus tard ? « Étant donné qu’il était impossible de connaître avec certitude le véritable père du nouveau-né, la filiation matrilinéaire apparaît plus que probable. » La femme a un rôle économique et possède un statut social probablement équivalent à celui des hommes, ou plus élevé comme semble l’attester la place centrale qu’elle occupe dans l’art paléolithique. Étant le seul lien avec la descendance on peut donc raisonnablement penser que ces sociétés étaient matrilinéaires (système de filiation dans lequel chacun relève du lignage de sa mère. Cela signifie que la transmission, par héritage, du prestige et des biens matériels, se succède suivant le lignage féminin), mais « nous n’avons actuellement aucun indice qui permette de conclure à l’existence de sociétés matriarcales, sous-entendu dominées par les femmes, ou patriarcales. »

Au néolithique, 10 000 à 2 000 ans avant J.C., suivant les régions, si sur les peintures rupestres les femmes ne semblent pratiquer que la cueillette l’observation de leur squelette prouve qu’elles pratiquaient d’autres activités : « certains individus d’Europe centrale avaient des bras plus puissants que ceux des athlètes féminines d’aujourd’hui. Cette incroyable force physique des membres supérieurs résulterait des activités liées à l’agriculture : labourage des sols, récoltes des céréales, broyage des grains à l’aide de meules de pierre… » C’est tout naturellement que, pratiquant la cueillette et rapportant des graines au campement, elles ont vu germer celles tombées au sol. Ce qui leur a donné l’idée d’en semer « Devenues agricultrices, elles seraient également à l’origine de différents outils agricoles, dont la houe et la meule à broyer les grains. Selon certains chercheurs, ces savoirs auraient été transmis de mère en fille, ce qui leur aurait conféré un statut social aussi élevé, voir supérieur, à celui des hommes. »
Mais toutes les femmes ne se sont pas cantonnées dans des rôles domestiques, par exemple, dans certaines communautés néolithiques ainsi qu’à l’âge du bronze et du fer, des femmes pratiquaient des activités supposées exclusivement masculines, comme la chasse et la guerre. Ainsi considérant certaines sépultures où le défunt est enterré avec un char de guerre, « Si l’on considère les hommes inhumés dans des tombes à char comme des "chefs", il n’y a aucun argument archéologique pour ne pas faire de même avec les femmes inhumées dans des tombes à char. »
Ou encore, ce squelette découvert dans les années 1880 sur l’île de Björkö en Suède, entouré de ses armes (une épée, deux lances et vingt-cinq flèches) et deux chevaux. Attribué pendant plus d’un siècle à un chef guerrier… impensable d’imaginer une guerrière ! En 2014, une étude anthropologique et des analyses ADN ont révélé que ce prétendu guerrier viking était une guerrière, et probablement une cheffe de guerre.
C’est également au néolithique que se développe l’élevage et que doit apparaître la notion de paternité remplaçant peu à peu la filiation maternelle par la filiation paternelle. Dès 1884, pour Friedrich Engels, Cette évolution est l’une des causes de l’assujettissement des femmes. Le renversement du droit maternel fut « la grande défaite historique du sexe féminin. »
L’exploitation des animaux (laine, lait…) aurait entrainé un cantonnement accru des femmes dans l’espace domestique. Avec l’accroissement des richesses (pâturages, bétail, réserves alimentaires) et donc de la notion de propriété, les hommes auraient pris une place de plus en plus importante au sein des communautés pour en assurer la protection et la pérennité pour la descendance. Ce qui aurait fait apparaître des élites et des castes, dont celle des guerriers et entraîné une division sexuée ainsi que la généralisation de la filiation patrilinéaire.

Ces transformations bouleversent la place des femmes dans la société pour les millénaires à venir.

Pendant 150 ans les interprétations qui ont été faites des vestiges archéologiques ont contribué à rendre les femmes invisibles, en minorant leur importance dans l’économie. Les découvertes récentes font apparaître que les femmes préhistoriques sont aussi importantes que les hommes dans le processus d’humanisation. En charge des jeunes enfants, elles ont transmis les premières formes de culture et de langage. Dans les sociétés patrilocales (quand la femme vit dans la demeure de son compagnon), en quittant leur groupe de naissance pour en rejoindre un autre, elles favorisent les échanges de savoirs et de savoir-faire. On peut envisager « que la situation des femmes ait été probablement bien meilleure qu’à certaines périodes historiques où les préceptes religieux et l’iniquité des lois ont maintenu les femmes dans un état d’infériorité et de subordination. »

Comment était perçu la femme dans l’Antiquité ?
Tous ces grands penseurs anciens que j’admirais, sans vraiment les connaître, me laissent dubitatif : pour Platon, seuls les mâles sont « des êtres humains complets ». Pour Aristote, « un mâle est mâle en vertu d’une capacité particulière, une femelle est une femelle en vertu d’une incapacité particulière » ! et comme ça ne suffit pas : « la femelle est comme un mâle mutilé, un mâle infertile » !... Ils sont bien nos Grands Penseurs ! J’étais plus léger en Candide ! Rappelez-vous, « C’est dans "L’Iliade" qu’a lieu l’invention de la virilité, cet idéal physique et moral qui dote les individus de sexe mâle d’une supériorité irrécusable, celle qui s’exprime dans la raison, inaccessible aux femmes. »
À Rome, le droit romain donne au père de famille le droit de vie et de mort sur ses esclaves, ses enfants et sa femme, souvent considérée comme une esclave ! Rendons à César… certains penseurs de l’Antiquité s’élèvent contre le préjugé de l’infériorité intellectuelle et morale des femmes. Ce qui reste sans effet.
À Sparte, les femmes sont considérées plus ou moins à l’égale des hommes (parce qu’elles engendrent des soldats !).

Et à l’origine de la chrétienté ?
Les recommandations de Paul (Saint), ce merveilleux chantre misogyne, sont telles qu’il veut que les femmes soient soumises et silencieuses (2,11), qu’elles ne doivent ni enseigner ni faire la loi à l’homme (2,12) et, dans sa Première épître aux Corinthiens, il dit les choses clairement : « Le chef de tout homme, c’est le Christ ; le chef de la femme, c’est l’homme » (11,3). Les premières églises paléochrétiennes montrent, sur leurs fresques, des femmes célébrant la messe (Ce que conteste le Vatican !). Enfin ajoutons une douce pensée d’Épiphane de Salamine (Évêque, vers 400), qui sait apprécier le beau sexe : « Les femmes constituent une race faible, à laquelle on ne peut faire confiance, et d’intelligence médiocre ».

Comment ça se passe au Moyen-Âge ?
Jusqu’au VIII° siècle les femmes sont juridiquement sous la domination de leur mari, seules les aristocrates ont un statut social relativement élevé et peuvent accéder au pouvoir. Nombreuses sont celles, nobles ou roturières, qui participent à la guerre sainte et, à côté de grande figures féminines comme Aliénor d’Aquitaine qui, au XII° siècle, administrent leur fief en l’absence de leurs époux partis guerroyer, nous trouvons des Thomas d‘Aquin (1225-1274) pour affirmer : "la femme est un homme raté" !!!...

Et sous la Renaissance ou les Lumières, la femme renait-elle ?
Et bien non ! Même si certains penseurs comme Érasme (1466-1536) et Thomas More (1478-1535) pensaient que les femmes avaient besoin d’une bonne instruction, comme un homme, c’était pour parfaire l’éducation des enfants mais qu’elles ne pourront la mettre en pratique en dehors du foyer. Si pour Martin Luther (1483-1546) les hommes et les femmes sont égaux devant Dieu, le rôle des femmes est de se marier et d’assister leur mari. Seuls les courants protestants dissidents du XVII° siècle vont autoriser les femmes à prêcher et à devenir pasteur. Quant à Jean-Jacques Rousseau il écrit dans Émile ou De l’éducation (1762) : « … Ainsi toute l’éducation des femmes doit être relative aux hommes. Leur plaire, leur être utiles, se faire aimer et honorer d’eux, les élever jeunes, les soigner grands, les conseiller, les consoler, leur rendre la vie agréable et douce : voilà les devoirs des femmes dans tous les temps et ce qu’on doit leur apprendre dans l’enfance. » Enfin on retiendra le don de visionnaire du grand philosophe allemand Emmanuel Kant (1724-1804) qui prédit que les femmes « ne sauraient embrasser les sciences, ces dernières relevant d’un "entendement sublime". »

Heureusement pour ces dames, la Révolution et l’Empire vont améliorer leur situation !
Que nenni ! Malgré la Déclaration des droits de l’homme et des citoyens, elles sont considérées comme des « citoyens passifs » mineurs. Un décret de 1793 les exclu de l’armée « L’héroïsme ne peut être que masculin. » Olympe de Gouges, morte guillotinée le 3 novembre 1793 à Paris, considérée comme une des pionnières du féminisme français, déclare : « La femme a le droit de monter sur l’échafaud, elle doit également avoir le droit de monter à la Tribune. »
En 1804 le Code civil napoléonien va encore accentuer les différences faisant des épouses des mineures à l’égal des enfants et des fous.

Continuons avec la femme du XIX° siècle…
Le ton est donné avec les écrits du philosophe allemand Arthur Schopenhauer (1788-1860) qui qualifie les femmes de « puériles, futiles et bornées » qui « demeurent toute leur vie de grands enfants, une sorte d’intermédiaire entre homme et enfant […] La raison débile de la femme ne participe ni à ces avantages ni à ces inconvénients ; elle est affligée d’une myopie intellectuelle… » Mais, semble-t-il, le pompon de la goujaterie revient à Pierre-Joseph Proudhon qui n’hésite pas à écrire en 1858 « En elle-même la femme n’a pas de raison d’être [ !? ] ; c’est un instrument de reproduction qu’il a plu à la nature de choisir de préférence à tout autre moyen. » Qu’en pense Euphrasie, son épouse ? Après on s’étonne que les hommes soient des machos… et les femmes, féministes !
La cause des femmes trouve un allié en Stendhal qui, avec Le Rouge et le Noir (1830) et La Chartreuse de Parme (1839), formule des critique acerbes sur la position subordonnée de la femme.
Bravant l’interdit, Jeanne Deroin, une institutrice autodidacte, se présente comme candidate aux élections législatives du 13 mai 1849, rares sont les voix — y compris dans son camp — qui soutiennent cette candidature. Nous retrouvons Pierre-Joseph Proudhon, qui la juge « excentrique », et même des femmes comme George Sand ou Marie d'Agoult, alias Daniel Stern, l'estiment déplacée. Elle est moquée par Honoré Daumier, qui tourne en ridicule les aspirations de ses contemporaines au vote ou au travail et présentent leur émancipation comme une catastrophe pour l'ordre domestique.
À cette époque, l’entrée des femmes dans les usines est perçue par les hommes comme une concurrence, en particulier par les syndicalistes proudhoniens qui vont voter en 1866 le refus du travail des femmes !
Rien d’étonnant alors, lorsqu’il a fallu imaginer la famille préhistorique, qu’on l’ait construite sur le modèle de celle du XIX° siècle dans laquelle les femmes sont reconnues comme des êtres si inférieurs et si méprisés.

Enfin nous voici au XX° siècle libérateur…
Alors, bien sûr, nous commencerons le siècle en soulignant le "don de visionnaire du grand philosophe allemand Emmanuel Kant" (voir les Lumières) par le prix Nobel de physique décerné à Marie Curie (et accessoirement à son époux Pierre) en 1903 et celui de chimie en 1911. Et, avant d’entamer la litanie des détracteurs, penchons-nous sur cet obscur professeur au lycée de Besançon, Léon Abensour, né en 1889 qui écrit en 1921 dans sa préface de l’Histoire du féminisme de origines à nos jours : « …Hier considérée par tous les docteurs de la loi comme un être inférieur […] exclue par "l’infirmité de son esprit" des conseils de la cité, la femme se hisse peu à peu hors du gouffre où, pour les siècles des siècles, la malédiction de Jéhovah précipita Ève. […] Depuis un demi-siècle, et depuis 1914 surtout, la femme s’est montrée, suivant le mot de Voltaire, "capable de tout ce dont les hommes sont capables". »
Malgré tout l’héritage est lourd qui fait qu’en 1924, lorsqu’un décret permet aux filles de recevoir le même enseignement que les garçons, les préjugés sont si prégnants qu’il est mal vu qu’elles fassent des études poussées pour exercer un métier…
Alors que dès 1879 de nombreux pays avaient accordé le droit de vote aux femmes et que dès 1919 il fut adopté par la chambre des députés, le Sénat rejette systématiquement le projet de loi, il faut attendre 1944 et le Général de Gaulle pour qu’enfin les femmes deviennent « électrices et éligibles dans les mêmes conditions que les hommes. »
Comme si ce n’était pas suffisant, les femmes ont un autre combat à mener, celui de la réappropriation de leur corps et de la maîtrise de leur sexualité. C’est en signant le texte « Je me suis fait avorter », en 1971, que Simone de Beauvoir et 343 autres signataires réclament le libre accès aux moyens anticonceptionnels et à l’avortement libre. Mais il faudra attendre 1974 et la loi Simone Veil, ministre de la Santé, pour obtenir la légalisation de l’avortement. Dans la lancée, ce sont les violences sexuelles qui sont sur la sellette : en 1980 le viol devient un crime ; en 1984 une loi punit les violences sexuelles ; en 1990 la Cour de cassation reconnaît le viol entre époux.
Mais les violences sexuelles et sexistes dont sont victimes les femmes persistent. Mais la "machine" est en marche… Les mouvements suite à « l’affaire Weinstein » (2017), #BalanceTonPorc, #MeToo… ébranlent les consciences et posent les bonnes questions. Dans Le mythe de la virilité, la professeure de philosophie Olivia Gazalé montre combien le mythe de la supériorité masculine a organisé l’asservissement des femmes, mais condamné les hommes à un « devoir de virilité. » Ici, je tiens à citer "l’abominable" roman de Karine Tuil, Les choses humaines, couronné par le Prix Interallié 2019 et le Goncourt des Lycéens 2019, qui traite exactement de cette situation d’asservissement (sexuel) de la femme et que, malheureusement, une grande majorité des lecteurs a applaudi (sur 331 lecteurs 77 % ont donné une note entre 7 et 10 et… 12 ont eu un coup de cœur !).

C’est au cours des années 1980 que l’historienne Américaine Joan Scott introduit la notion de genre, en tant que norme sociale, dans l’analyse des processus historiques de domination masculine. Pour comprendre comment s’élabore le masculin et le féminin et les relations entre les deux sexes qui en découlent, il faut distinguer le sexe, qui relève du biologique, et le concept du genre, qui relève de l’organisation sociale et politique.
Dans le système patriarcal, les garçons et les filles sont élevé de façon différente, genrée, particulièrement en ce qui concerne le rapport aux autres. La vulnérabilité est décrété féminine, les garçons doivent, quant à eux, la masquer et abolir toute empathie. Ce détachement permet d’instaurer un ordre politique avec des subordinations. Les parents élèvent encore leur fille en vue du mariage plutôt qu’ils ne favorisent leur développement personnel de sorte qu’elle est souvent moins spécialisée, moins solidement formée que ses frères et qu’elle s’engage moins totalement dans sa profession et renforce son désir de trouver un mari. Tout engage les femmes à vouloir plaire aux hommes et se retrouver en situation de vassalité.
Les préjugés sexistes se retrouvent dans l’alimentation. Les femmes aiment le poisson, le thé et les légumes, c’est bien connu, et les hommes préfèrent la viande, la bière et le gras ! Pourtant les goûts alimentaires ne sont pas fixés dans le cerveau, ce sont les traditions culturelles véhiculées dès l’enfance qui créent cette différenciation. Cette ségrégation alimentaire, présente dès le Néolithique, aurait influé sur la taille et la corpulence des hommes et des femmes, apportant plus de protéines animales aux hommes qu’aux femmes.
En finir avec le patriarcat, cela passe également par la démasculinisation de la langue française. C’est au XVII° siècle qu’on décrète que le masculin prévaut sur le féminin. Depuis, des générations d’écoliers et d’écolières répètent inlassablement « le masculin l’emporte sur le féminin », se préparant à occuper des places différentes et hiérarchisées dans la société. Et que dire de la féminisation de certains noms, métiers, titres ou grades (Comme ces mots qui me font dresser les cheveux sur la tête et que je n’arrive pas à employer : écrivaine, autrice, commandante…) ?

Je voudrais terminer sur une anecdote personnelle, qui illustre bien l’esprit des "années 80". L’industrie aérospatiale bordelaise chez qui j’ai consacré 30 années de mon existence, m’a permis de suivre un long stage d’œnologie particulièrement sympathique et enrichissant. Un jour que nous abordions les vins du Médoc (Bordeaux) et plus particulièrement l’appellation Margaux (dont certains crus prestigieux, comme le Château Margaux, peuvent dépasser 1000 € la bouteille). L’œnologue officiant nous vantait les mérites de ces crus, leur terroir exceptionnel, leurs fruits rouges, leur rondeur et longueur en bouche et leur caractère particulièrement féminin… Alors, dans le silence recueilli de la dégustation, retenti soudain une voix (celle du patron du département Achats, connu pour sa verve et son esprit facétieux) lançant à la cantonade : « Je ne vois pas ce que vous lui trouvez de féminin, à ce vin... Il est très bien ! » Provoquant une violente réaction de la part du "chœur des vierges" présent… et les gloussements des mecs, goguenards.
C’est une plaisanterie, bien sûr, qui fait sourire, évidemment, et dont on pourrait entendre des variantes, encore aujourd’hui, n’importe où, dans un amphi d’étudiants, sur un chantier de fouilles archéologiques… mais « Je ne vois pas ce que vous trouvez de masculin, à ce vin… Il est très bien ! », est-ce que ça ferait rire ?

Enfin pour conclure, je ne peux m’empêcher de retranscrire cette phrase de l’auteure qui me semble tout résumer : « La connaissance des premières femmes de l’humanité pourrait rouvrir les portes fermées par des siècles d’obscurantisme. »

Note : Pour les personnes qui seraient intéressées par le sujet, je recommande vivement le numéro spécial de Sciences et Avenir de janvier 2021 qui titre "SAPIENS, Les dernières découvertes". Entièrement consacré à la préhistoire, avec des articles signés Yves Coppens, Pascal Picq, Évelyne Heyer, Marylène Patou-Mathis…
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date : 01-10-2021
Klara ? Un androïde à énergie solaire, une d'Amie Artificielle (AA), sorte de robot de compagnie très perfectionné même si les modèles B3 sont "améliorés" dans certains domaines. Klara, elle, fait preuve des meilleures qualités d'observation, d’analyse et de compréhension. Ainsi apparait Klara dans l’univers du huitième roman de l'écrivain britannique Kazuo Ishiguro, « Klara et le Soleil ».

Kazuo Ishiguro est né au Japon, à Nagasaki, en 1954. En 1960, toute la famille part s'installer au Royaume-Uni et emménage à Guildford, dans le Surrey, afin que son père, océanographe, puisse travailler en tant que chercheur au National Institute of Oceanography, à Southampton. Il suit ses études de littérature et de philosophie dans les universités du Kent et d'East Anglia. Puis il se consacre à l'écriture à partir de 1982 et reste de manière définitive en Grande-Bretagne, aux côtés de sa femme, Lorna MacDougall, qu'il a épousée en 1986, et de leur fille Naomi, née en 1992. Kazuo Ishiguro écrit tous ses livres en langue anglaise, bien qu’il ait été élevé par ses parents japonais, dans un foyer où l’on parlait cette langue. Le 5 octobre 2017, il reçoit le Prix Nobel de littérature pour l’ensemble de son œuvre.
Ses principales œuvres sont :
• Un artiste du monde flottant (1986)
• Les Vestiges du jour (1989)
• Auprès de moi toujours (2005)

Ado, dans les années 1950, j’adorais le genre hautement littéraire que l’on nommait à cette époque lointaine « Anticipation » où des auteurs comme Isaac Asimov, A. E. van Vogt, Arthur C. Clarke et autre Jimmy Guieu, faisaient les beaux jours et transportaient les gamins avides d’évasions à des années lumières du train-train quotidien. J’en ai fait des voyages à des vitesses supraluminiques, ricochant d’une galaxie à l’autre avant que la vie ne me rattrape et que je me retrouve tout naturellement chez Ariane-Espace pour une trentaine d’années !...

Et donc, voilà que soixante ans plus tard, un Prix Nobel de Littérature se lance dans l’aventure, sous le prétexte ambigu de mettre en relation un robot androïde avide de famille humaine et des humains confrontés à une intelligence artificielle. Comment les uns et les autres vont-ils se comporter ?

Je venais de lire « Faire la morale aux robots » de Martin Gibert (ou "Une introduction à l’éthique des algorithmes") où de nombreux problèmes sont soulevés (https://www.senscritique.com/livre/Faire_la_morale_aux_robots/42524775) et une illustration dans une fiction me semblait intéressante.

Klara et le Soleil (Klara and the Sun) est un roman d'anticipation dystopique mettant en scène Klara, la narratrice, un robot androïde fonctionnant grâce à l’énergie solaire (détail important). L’action se passe aux États-Unis, probablement dans l’État du Wisconsin, dans un futur incertain mais relativement proche.
L’action débute dans une ville (Milwaukee ?), dans un magasin d’Amis Artificiels où sont exposés des robots semblables à Klara. Il importe d’être placé aux meilleures places, comme en vitrine, pour bénéficier des rayons du soleil, pour faire le plein d’énergie, et pour attirer la clientèle. Le soleil est considéré comme une divinité généreuse qui déverse son nutriment. Gérante, la responsable du magasin, déplace régulièrement les robots pour donner à chacun sa chance d’être remarqué, mais la concurrence est rude et les robots craignent d’être relégués dans l’arrière-boutique.

Enfin, une jeune fille, Josie, 12 ans et demi, persuade sa mère d'acheter Klara. La suite se déroule principalement à leur domicile, vaste maison contemporaine, à la campagne. L'état de santé de Josie est très instable, elle est obligée de suivre des cours à distance. Le voisin, Rick, 15 ans, est le seul autre enfant du voisinage et ami de Josie.

Brave petite Klara, pauvre petite Klara, androïde TRÈS perfectionnée, très incomplète et pleine de défauts, fragile, vulnérable, à la vision limitée, à l’équilibre instable, imprévisible et insécure, mais à l’intelligence remarquable, capable de curiosité, d’observation, de compréhension, d’enregistrement, d’apprentissage, d’imitation, de disponibilité, d’attention, de sollicitude, d’empathie, de discrétion, d’indulgence, d’anxiété et de tant de naïveté… Agent virtuel capable d'établir des relations bénéfiques avec "son" humain, Josie, et capable d’abnégation :
« Peut-être que la mère a pensé que si elle restait tout le temps avec sa fille, Josie se sentirait moins seule, dis-je enfin. – Qui prétend que je me sens seule ? – Si c’était la vérité, si Josie se sentais vraiment moins seule avec sa mère, je m’en irais volontiers. »
Brave petit soldat, elle respecte les trois lois de la robotique (https://fr.wikipedia.org/wiki/Trois_lois_de_la_robotique) et, pour sauver Josie qui souffre d'une maladie incapacitante non précisée, incapable de suivre une vie et une scolarité normales, elle n’hésitera pas à intercéder auprès d'un être supérieur (le Soleil) et à sacrifier la moitié d'un de ses "fluides précieux" au risque de voir diminuer ses propres capacités. Son sacrifice sera-t-il utile ?

Le début de lecture est assez déroutant, petit à petit on prend possession de l’"esprit" de Klara, la narratrice, les « je » répétés finissent par nous identifier à l’androïde (qui, au début, n’est pas jeune mais neuve). On EST Klara, avec toute sa sensibilité, ses maladresses, ses croyances, ses espoirs…
Je vous laisse découvrir le dernier chapitre, terriblement troublant, terriblement émouvant qui est allé chercher au fin fond de ma vieille mémoire les vers du Poète :
« Objets inanimés, avez-vous donc une âme
Qui s'attache à notre âme et la force d'aimer ? »
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date : 19-01-2019
À ma gauche, le dompteur et ses lions, et Joséphine, la jolie veuve enamourée. À ma droite le gros chien mystérieux et Franck le producteur sur le retour et ses associés squales. Un siècle les sépare (1914 ou 15, à gauche et 2017 à droite), mais pas le lieu : des collines isolées dans un coin perdu du Lot. Tout est en place pour un double drame, mené en parallèle. Chaque chapitre nous fait enjamber un siècle d’histoire. Un vrai caprice d’auteur. Un exercice de style écartelé entre peurs ancestrales et vieilles superstitions, d’un côté, sur fond de première guerre mondiale dont on a peu d’échos et la sauvagerie du monde des affaires du 21ème siècle qui a oublié toutes mesures. J’espérais quelques envolées héroïques, de hauts faits époustouflants à la mesure de la mise en scène et du lieu… Mais non. D’une extrémité du siècle à l’autre, à chaque époque, on sent qu’il va se passer quelque chose, mais il faut se rendre à l’évidence : il ne se passe RIEN et on s’ennuie pas mal. Sans doute suis-je trop matérialiste, on aurait dû m’avertir qu’il s’agissait d’une fable, d’un conte mollasson, d’une incongruité sans queue ni tête ce qui, au moins, pardonnerait les incohérences.


Pour preuve, j’en rapporterai deux exemples assez divertissants.

Au début du siècle dernier, un dompteur est donc arrivé dans cette région reculée, avec huit fauves de près de 250 kg chaque des cages en acier individuelles, une grande cage commune et une immense cage de piste, toujours en acier, de plus de 4 m de haut, une idée de la masse de tout cela ? … Le tout sur des… charrettes, deux voitures-cages attelées à quatre chevaux. Quatre chevaux ? Mais quels chevaux, sans doute ! D’une puissance exceptionnelle car cent ans plus tard, dans son 4 x 4 de 300 CV, dans la même côte, Franck a souffert : « Très vite la montée s’avéra coriace, d’autant qu’il y en avait deux kilomètres, deux kilomètres de sente pierreuse et défoncée, avec une déclivité de 40 %, il avait un mal fou à retenir ces trois cents chevaux, une puissance totale qui hissait l’Audi mais qu’il fallait dompter […] Les capteurs et le Park Pilot bipaient de toutes parts, l’électronique de veille s’affolait… » (De la supériorité animale).

Je suis bien vieux, malheureusement, mais je n’étais quand même pas né en 1914. Ainsi je ne peux donc pas certifier qu’à cette époque les barreaux des cages n’étaient pas en acier chromé, ce dont je doute fort, pour ce qui est de l’acier inoxydable, il faudra encore attendre une bonne dizaine d’années pour commencer à voir une vulgarisation de cet alliage et certainement pas pour les cages de cirque. Néanmoins, cent ans après l’installation de la cage en pleine nature les barreaux brillent toujours d’un vif éclat (brillaient-ils seulement quand ils étaient neufs ?) au point d’être visibles depuis un satellite : « En revanche, à l’est du gîte, on apercevait (sur la photo), on remarquait une brillance en haut à gauche, un halo étincelant au cœur d’une masse sombre. On aurait dit un gigantesque éclat de soleil… » (Le cirque Pinder en avance sur son temps… Tout pour éblouir ses spectateurs !).

Trêve de plaisanteries. Vous me direz que ces détails sont secondaires. Pour moi, ils discréditent le reste. Que voulez-vous.


Quant au personnage central, c’est le chien éponyme qui n’a pas de nom ! Qui se prend d’amitié pour Franck qui déboule dans son univers. Qui est ce chien ? Un molosse à l’air sauvage. Le chien de braconniers ? Le chien du boucher ? Toujours est-il qu’il est supérieurement intelligent, il comprend toutes les volontés de Franck, il ne lui manque que la parole. Quant à être dans une fable, pourquoi ne pas lui donner des super-pouvoirs ? Et bien, il en a si peu que lorsque Franck lui confie enfin une mission, il est incapable de la remplir ! Bravo le Chien !

Bon. Allez, ça vaut bien trois… quatre points, tous ça, et c’est cher payé.
Cela n’empêche pas la grosse majorité des lecteurs d’aimer et même d’aimer beaucoup ce livre, au point de lui décerner le Prix Landerneau des Lecteurs 2018. Désolé, s’il n’y en a qu’un, je peux bien être celui-là ? Non ? Je n’ai donc pas été emballé, mais pas du tout !... À l’exception de deux points particuliers (j’ai assez rapporté de négatif) :

En premier lieu, j’ai beaucoup aimé la caricature des “greffés”. Ces gens qui, aujourd’hui, se comptent par millions et dont le nombre ne cesse de croître. Ils sont complètement coupés du monde (alors qu’ils sont persuadés d’y être “hyperconnectés”) en permanence hypnotisés par leur greffon. Mais pour Franck, son greffon ne lui sert plus à rien, en zone blanche, c’est devenu une chose muette, inutile, en pleine crise de rejet. Alors il s’affole et devient littéralement fou… comment vivre sans une partie de soi-même ? Il est pathétique et horripilant, le pauvre.
Quant à ses associés en “visite” quand ils découvrent leurs greffons inutilisables c’est une CATASTROPHE qu’ils n’avaient jamais imaginé pouvoir vivre un jour. Ainsi, lorsqu’après avoir passé une nuit, dehors, sous un orage, on les retrouve, trempés, épuisés, « Ils étaient à bout. Leurs téléphones avaient dû prendre l’eau et étaient déchargés depuis longtemps, pourtant chacun tenait le sien dans sa main comme un môme ne lâche pas son doudou. »
En tous lieux publics, je vois autour de moi des représentants de cette nouvelle humanité, aliénée à leur greffon au point d’oublier de s’adresser à la personne en face d’elle. (N’étant pas accro moi-même et appréciant cette critique de la société, j’ajouterai volontiers un point supplémentaire).

Et enfin, ce qui reste pour moi, la pièce maitresse du livre, c’est Franck (végétarien depuis dix ans), le citadin découvrant un marché de campagne :

« C’était brutal après une nuit passée dans un trop plein de silence. Alors il longea les étals tout en les observant, il les voyait comme les ornements d’un autre monde, un monde bucolique et coloré auquel il ne participait pas. Lise qui était farouchement végétarienne n’aurait pas été à l’aise devant cette profusion de charcuterie préparée par des producteurs artisanaux, des jambons divers et variés, des saucissons suspendus et des conserves, des piles de bocaux, des pâtés, des terrines confectionnées à partir de toutes sortes de chaires d’animaux écrasés, cuisinés, compactés … Quand même, il tomba aussi sur quelques stands de légumes, des légumes qui lui semblaient bien gros, il ne voyait aucune indication certifiant que c’était du bio, qu’importe, il y avait là une effervescence vivace, comme s’il était au centre d’un gigantesque estomac, un estomac vorace qui boufferait de tout, de la viande, des légumes, des fruits, de la charcuterie et du poisson, ça s’agitait partout, les clients et les commerçants avait tous l’air de se connaître, chaque transaction durait longtemps parce que tous se parlaient, les gens qui se croisaient se parlaient également, il y avait quelque chose de goinfre dans tout ça, d’abondant, de festif et peut-être même d’heureux, oui ces êtres semblaient unanimement heureux, heureux de se retrouver au carrefour de leurs appétits. »
Et je vous laisse découvrir LE boucher impérial et magnifique trônant au milieu de son étal rutilant. (Va pour un point de plus !)
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Oh ! Hé, Oh ! Vous ! Oui, Vous là ! Vous qui ne connaissez pas encore les profondeurs insondables de l’univers vargassien ! Vous êtes curieux d’entendre le commissaire Adamsberg et ses équipiers « réfléchir » à voix haute ?... Autour d’une soupière de garbure ? Ça aide à réfléchir la garbure ! Vous connaissez ?
« C’était un plat traditionnel des Pyrénées, et sans doute fallait-il avoir grandi avec pour apprécier cette soupe au chou mêlée des divers restes du potager et, si possible, de jarret de porc. A la garbure, on ajoutait du confit de canard… »
Alors, autour d’une garbure on conspire sur les enquêtes qui n’en sont pas… Concentrez-vous ! Voilà ce que ça donne :

Le lieutenant :
- …Il y aurait bien une possibilité. Mais vous allez dire que je fais mon zoologue, ou mon Danglard (commandant érudit de l’équipe).
Le commissaire :
- Allez-y tout de même, lieutenant.
Le lieutenant :
- Il faut descendre dans les pensées les plus primaires et profondes des êtres humains.
Le commissaire :
- Descendez.
Le lieutenant :
- Je ne sais pas par où commencer. C’est très enchevêtré, les pensées primaires.
Le commissaire :
- Alors commencez par « il était une fois » […]
Le lieutenant :
- Ah très bien, cela me va. Il était une fois le venin animal…
.
Et c’est parti… tout le charme de ce livre tient dans la loufoquerie, le vagabondage, l’irrationnel des situations et des discours. Si vous aimez les intrigues bien ficelées, passez votre chemin. Si vous aimez les fins bien construites et irréfutables, passez votre chemin. Si l’invraisemblable vous défrise, passez votre chemin. Si l’incroyable, l’inconcevable, le fabuleux ou le chimérique vous indispose, voire, vous horripile, passez votre chemin !... Si un peu de fantaisie vous agrée, allez-y. Si l’étonnant ne vous déstabilise pas, allez-y. Si le déstabilisant ne vous étonne pas, allez-y. Si l’improbable, le douteux, l’extravagant, le poétique ou le prodigieux vous intrigue, voire, vous amuse, vous séduit, vous affriole ou tout simplement vous satisfait, allez-y. Qu’attendez-vous ? Allez-y...
C’est du Vargas !
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UN COLLÉGIEN !... J’avais envie d’un truc facile, d’une bluette agréable à lire, comme un collégien je me suis laissé avoir par le joli profil prometteur de la couverture et par l’intrigue annoncée… une jeune femme (certainement très jolie) loue, pour un mois, un appartement à Paris… suite à une erreur informatique sans doute, aujourd’hui toutes les erreurs sont informatiques, un monsieur acariâtre et misanthrope se trouve également locataire du même appartement pendant la même période… on se doute que ça va faire des étincelles mais qu’ils vont finir dans les bras l’un de l’autre… voilà qui présage quelques rebondissements de bon aloi et quelques instants de détente…

Que nenni ! Nous voilà embarqués dans une histoire abracadabrante de peintre génial, ex-tagueur (pardon, grapheur !) à qui on veut faire dire n’importe quoi (il est mort… il ne viendra pas contredire les protagonistes !) sur son œuvre, sur une histoire de tableaux perdus, de fils assassiné et de veuve défigurée par la chirurgie esthétique…
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Quel verbiage autour de ce peintre disparu… Très modestement, pendant près de vingt ans, j’ai fréquenté un atelier de peinture, nous avons usé successivement quatre professeurs, tous très compétents, mais particulièrement le dernier que nous avons réussi à sauvegarder pendant une dizaine d’années… il nous faisait fréquemment travailler à la manière de… après une étude détaillée du travail du maître et de sa vie. Il nous a toujours mis en garde des dérives fréquentes autour des interprétations plus ou moins fumeuses que l’on veut donner aux œuvres. Surtout après la mort de leur auteur ! Les critiques aiment bien se gargariser d’explications compliquées pour jouer les « Monsieur je sais tout ».
Lors d’une interview sur RTL Guillaume Musso a déclaré :
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"Plus que la peinture, c'est le processus de création qui m'a toujours passionné, nuance l'écrivain. Parfois même, le processus m'intéresse plus que le résultat final, et comment les artistes arrivent à trouver une sorte d'énergie créatrice et souvent, c'est en détruisant (...) Ce peintre dont la présence hante tout le récit trouvait son carburant en détruisant les gens autour de lui jusqu'à ce qu'il devienne père et que quelque chose s'apaise en lui."
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Et bien grand bien lui fasse !
Moi, ça me fatigue… Je croyais trouver du plaisir avec ce livre… c’est vite devenu une corvée !... Le collégien qui s’est fait avoir au début se retrouve, au moment de rouvrir le livre, dans la peau du collégien qui a une furieuse envie de sécher les cours !
Ma liseuse me dit que j’en suis à 40 %, bon, allez, STOP, ça suffit, on arrête !
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date : 21-01-2019
Pourquoi ai-je voulu lire ce livre ? Parce qu’il est le premier au top cinquante ? Parce que deux de mes éclaireurs l’ont lu et ont été emballés ? Parce que plus de deux cents personnes l’ont lu et neuf sur dix lui ont attribué une note au moins égale à sept ? Ou plus certainement parce qu’en lisant le synopsis j’ai tout de suite pensé à « Malevil » de Robert Merle, ce roman post-apocalyptique qui, à l’époque, m’avait beaucoup séduit par son côté « Je survis parce que je me débrouille » dans le style MacGyver. C’est du moins, le souvenir qu’il m’en reste : faire preuve d’une grande inventivité pour tirer partie de tout, afin d’assurer sa survie…

Mais voilà que dans la première partie de ce livre (qui en compte trois) on découvre les héroïnes, directement échappées de « La petite maison dans la prairie », téléportées un siècle plus tard dans la série « La petite maison dans la forêt » dans une variante un peu plus catastrophe, la mère est morte d’un cancer, le père ne parvient pas à faire son deuil, Laura s’appelle Nellie, a 17 ans, et sa sœur Mary devient Éva et a 18 ans quand tout s’effondre. Plus d’électricité, plus d’Internet, plus d’essence, plus rien dans les supers marchés. Le pire, c’est que c’est arrivé progressivement laissant à chacun l’espoir du provisoire.
Mais nous, lecteurs avertis, on sait bien que la situation va durer et même empirer (sinon il n’y aurait pas de livre !). Et ça empire ! Et nos jeunes filles, complètement déconnectées de la vie réelle et sociale, devenues orphelines, ayant toujours vécues isolées dans leur petite maison dans la forêt, chacune enfermée dans sa bulle, sont totalement inconscientes de la gravité de la situation. Tout particulièrement l’ainée qui ne vit que pour la danse au son d’un métronome mécanique et de la musique qu’elle joue dans sa tête. Quant à la cadette, elle incarne un certain rêve américain, celui de la réussite des études, dans la meilleure université possible. Ce sera Harvard ! Comme elle ne sait quelles études elle entreprendra et bien elle apprend TOUT !... Sans fréquenter d’écoles… et bien sûr, elle est très en avance sur les autres enfants de son âge et… Harvard lui tend les bras !

On est dans l’utopie absolue et le délire le plus complet.
L’irresponsabilité est totale. Il faut pratiquement attendre la fin de la narration pour entendre une parole sensée :
« Depuis que tout a commencé, nous avons attendu d’être sauvées, attendu comme de stupides princesses que nos vies légitimes nous soient rendues. Mais nous n’avons fait que nous berner nous-mêmes, que jouer un autre conte de fées » et encore
« Pendant tout ce temps on a vécu dans le passé, en attendant d’y revenir. Mais le passé n’existe plus. Il est mort. »

Pour une fille très en avance sur les autres enfants de son âge… Quelle lucidité !... Quid des autres enfants ?
Lorsque cette fille très en avance décide de prendre les choses en mains, c’est-à-dire d’utiliser le livre de sa mère sur les plantes (afin d’en extraire de la teinture naturelle), on obtient une liste d’actions, une liste à la Prévert, une longue énumération fastidieuse de faits et gestes, de plantes qui soignent, de mauvaises herbes qui deviennent bonnes, sans âme et sans émotion. Nellie devient experte en herboristerie alors qu’elle faisait tout juste la différence entre un arbre et un buisson ! En un rien de temps elle redécouvre ce que ses ancêtres avaient mis des générations à appréhender… Ce que c’est que la femme moderne ! Quand même ! C’est d’une naïveté touchante mais pas très crédible…
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Bon. On a vu d’excellents livres dont la cohérence du rationalisme n’était pas la qualité première. Aussi ai-je cherché l’univers poétique dégagé par cet ouvrage… je ne l’ai pas trouvé. J’aurais aimé plus qu’une simple évocation du ciel nocturne que nul contemporain n’a plus contemplé depuis des décennies du fait de la pollution lumineuse… J’aurais aimé plus qu’une simple allusion à la communion avec nos frères vivants, animaux ou végétaux qui peuplent la forêt…

J’ai cherché une leçon philosophique développée dans cet opus… je ne l’ai pas trouvée. Bien sûr on peut tirer une leçon. Chacun à sa façon. Le bilan anthropologique de l’auteur sur ces deux enfants gâtées du XX° siècle n’est pas brillant, à mes yeux. Il semble que ce soit le fruit de l’éducation laxiste des parents qui avaient tout des soixante-huitards attardés. Rejet du groupe, fuites. Fuite dans le passé puis fuite en avant vouée à l’échec du fait du rejet des autres. Les deux sœurs sont à ce point repliées sur leurs deux nombrils qu’elles voient dans l’autre un ennemi systématique. Or il n’y a pas de salut hors du groupe, de la horde, de la tribu la plus importante possible. Les tribus indiennes dont il est fait le panégyrique étaient très nombreuses (fin XVIII°, en Californie on comptait plus de 300 000 indiens) … Alors deux jeunes filles, seules, perdues dans les bois…
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Alors, pour ma part, la leçon philosophique sera celle du poète : « Pendant que nous parlons, le temps jaloux s’enfuit. Cueille le jour, et ne crois pas au lendemain ». La recherche du bonheur n’est pas dans un retour au néant mais dans un évitement des extrêmes. Entre le retour à un dépouillement extrême et l’assujettissement au matérialisme extrême, il y a tout une gamme d’équilibres où l’homme peut vivre heureux.
Je ne crois pas en ce livre !
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date : 22-01-2019
Pendant l’été 1985, Paul Copeland est animateur dans un camp de vacances à la lisière d’un bois. Une nuit, sa petite amie, Lucy, l’entraine à abandonner la garde du campement. Quatre jeunes en profitent pour le quitter, dont sa sœur Camille. On ne les reverra plus. Seuls deux corps sont retrouvés. On attribuera la mort des ados à un tueur en série qui sévissait dans la région.
Vingt ans plus tard, Paul, devenu procureur, est appelé pour identifier un corps. Il reconnaît formellement Gil Perez, un des ados disparus. Si Gil a été en vie tout ce temps qu’en est-il de Camille ? Paul est bien décidé à faire la lumière.
Un Coben au suspense classique que l’on a du mal à refermer entre deux chapitres. Je m’apprêtais à lui attribuer six points après avoir deviné une trame un peu simpliste… mais il a droit à un point supplémentaire car elle est un peu moins simpliste que je ne pensais… Ce n’est quand même pas un cru exceptionnel !
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Marie-Lou étudiante en médecine a « raté » son concours d’internat sur une bêtise… Elle qui ne rêve que de montagnes, dans sa Savoie natale, n’a d’autre choix que de prendre le dernier poste disponible, que personne n’a voulu, à… Brest !... Adieu les montagnes, une nouvelle vie commence dans les brumes bretonnes et la dure réalité de l’hôpital… C’est sans compter avec Matthieu, un surfer, interne en ORL, mystérieux et poétique…
Un livre sympathique et très agréable à lire, on se prend vite d'empathie pour Marie-Lou et sa jeune vie. Une peinture très intéressante du monde hospitalier. Le tout un peu cousu de fil blanc…
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Yanis, talentueux et fougueux autodidacte dans le bâtiment se sent à l’étroit dans sa collaboration avec Luc, le frère architecte de sa femme Véra, pragmatique et prudent. La rupture éclate quand Luc refuse LE chantier que Yanis attendait. Poussé par sa femme et financé par Tristan, un client providentiel, Yanis se lance à son compte…
J’ai eu du mal à me connecter en regardant les personnages s’agiter comme on suit des mouches affolées dans un bocal… en suivant le fil blanc ! On se doute que tout doit bien finir, par quel chemin ? On verra bien !... Et tout finit bien par une pirouette pas très plausible… Un peu déçu quand même, avec un inévitable « Tout ça pour ça ! ».
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date : 23-01-2019
C’est l’histoire d’un professeur de dessin qui s’appelle Joann Sfar. À la demande de Madame la Ministre de la Culture, la direction des Beaux-Arts le réveille aux aurores afin de régler le problème du harcèlement sexuel à l’école… J’ai trouvé le sujet prometteur. Qui plus est, avec mes vingt années de peintre amateur, je suis tout émoustillé ! J’ai eu le bonheur d’avoir un prof formidable qui savait effacer les tabous pudibonds en parlant avec naturel de ce qu’ailleurs on cataloguerait de cru. Je suis donc tout ouïe.

Pour faire court, Joann Sfar est né en 1971 à Nice, c’est un auteur de bande dessinée, illustrateur, romancier et réalisateur français. Auteur de très nombreuses bandes dessinées, il est notamment connu pour ses séries Le Chat du rabbin, qu'il a ensuite adaptée au cinéma, et Donjon. Il a également illustré de nombreux ouvrages. Depuis 2010 et son film Gainsbourg, vie héroïque, il est également réalisateur. Depuis 2013, il s'est mis à l'écriture de romans.

Pour en revenir à Modèle vivant, Joann Sfar, que je ne connaissais que de loin, pour avoir parcouru quelques-unes de ses BD sans avoir retenu le nom de l’auteur, Joann Sfar donc, démarre fort, en mettant les pieds dans le plat et en assénant ses convictions :
« Le livre est l’objet fétichiste ultime : on tourne la page, comme si on soulevait une jupe, sauf que le dévoilement ne vient jamais. Lire, c’est dévoiler l’objet du désir pour s’apercevoir que le voile est toujours là. Je crois qu’on ne le dit pas assez : les spécialités sexuelles ont pour principale fonction d’empêcher les gens de baiser. »
Ou plus précisément, concernant le viol :
« Oui, je sais que certains font semblant de considérer comme du consentement réfléchi l’attitude de l’actrice qui cède pour avoir un rôle. […] Je n’ai jamais rencontré une seule personne normale dans le monde du cinéma. Chacun a pour unique préoccupation sa carrière, son succès, son image, sa folie, ses angoisses. » [...] Alors c’est vrai, il y a les réalisateurs qui demandent à prendre un verre… et qui essaie, pour voir. Il y a aussi les monstres, mais tout le monde les connait. Il y a aussi « le super actifs sexuels qui s’envoient vingt nanas pendant le tournage. Ce qu’on oublie de raconter, c’est que ça se bouscule pour le sucer. Parce que c’est une prise de pouvoir sur le tournage. »
Et pour en revenir aux modèles qui posent en atelier :
« à force de vouloir tout aseptiser, on va finir par devoir se résoudre à tuer les modèles, puis à les faire poser dans du formol, pour n’avoir plus rien à leur reprocher. » (?!...)
Petit à petit, à coups d’anecdotes cocasses, l’auteur extrapole à l’art en général, puis à l’ensemble de la société, qui s’emploie à brider toute forme de créativité, voire de communication. Dans un monde régi par le politiquement correct, où l’on ne peut plus rien dire ni rien faire. Mais il finit par s’embrouiller les pinceaux et les fusains et à sombrer dans la bougonnerie et le galimatias qui l’éloigne de plus en plus du sujet entrainant l’ennui et l’irrésistible envie de passer à autre chose.
C’est ce que j’ai fait !
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Caryl Férey est né à Caen en 1967 mais a grandi en Bretagne. Grand voyageur, il parcourt l'Europe à moto, puis fait un tour du monde à 20 ans. Il travaille notamment pour le Guide du routard. Ses principaux romans se situent dans des pays marqués par un passé douloureux – colonisation, apartheid, dictature – qui sert de toile de fond à ses histoires : la Nouvelle-Zélande pour “Haka“ et “Utu“ l’Afrique du Sud pour “Zulu“ l’Argentine pour “Mapuche“ et le Chili pour “Condor“.
Caryl Férey travaille près de quatre ans sur chaque roman, en procédant par étapes : un premier voyage pour découvrir le pays, prendre des repères ; ensuite commence un long travail de documentation, d’études, avant de passer à l’écriture de l’histoire ; un nouveau voyage sur place privilégiera les rencontres et permettra d’affiner, d’ancrer dans le réel ; et au retour c’est l’écriture elle-même qui est travaillée encore un an.
Son personnage de Mc Cash apparaît dans “Plutôt crever” (2002) et “La jambe gauche de Joe Strummer” (2007).
En créant ce personnage étrangement attachant, Caryl Férey dépeint avec sensibilité ce qu’est la relation forte d’une amitié indéfectible. C’est ainsi que Mc Cash définit son sentiment pour son ami Marc, disparu en mer : « Une amitié celte, semblable à un vieux grille-pain déglingué : difficile d’y entrer, impossible d’en sortir. »
Le parcours du quinquagénaire Mc Cash a toujours été chaotique. Né d’une mère Bretonne et d’un père Irlandais, il a grandi dans la violence à Belfast. C’est ainsi que Mc Cash est devenu borgne. S’installant en France à l’âge adulte, il devint policier.
Si au début de cette troisième aventure, usé par les douleurs dues à son infirmité, il n’a pas l’air en grande forme, ne nous y fions pas. La hargne qui l’anime est toujours aussi vive, et ses réflexes ne laissent que peu de chances à ses adversaires. La mort de son meilleur ami, Marco, est trop mal expliquée pour que ça ne cache pas quelque chose. Mener une enquête quand on n’est plus flic, encombré qu’il est par une fille de treize ans qui est à peine la sienne, rien d’insurmontable pour Mc Cash.
Marco appartenait à une riche famille, était avocat, mais sa véritable nature, c’était de bourlinguer sur les mers à la voile. Marin aguerri et alcoolique cynique, l’ami de Mc Cash était un authentique aventurier dans l’âme. Il venait d’acquérir un nouveau voilier en Grèce, et le ramenait par la mer en Bretagne, quand il a été victime d’un naufrage. Étonnante disparition pour un marin de son niveau, estime Mc Cash, à moins qu’il ait malencontreusement croisé un gros navire qui l’aura éperonné. L’ex-policier cherche des informations sur ce qui s’est produit et son enquête va l’amener à aller se faire voir chez les Grecs…

Les livres de Férey sont des radiographies d’un monde violent, noir, complexe, où le suspense est mêlé de sociologie, de politique ou d’économie. Le tout est raconté d’une plume parfois ardente mais toujours sans concession.
Mais à force de trop vouloir dénoncer, à force de trop vouloir tout expliquer, on tombe dans la lourdeur et le laborieux voire, le fastidieux. Personnellement, c’est ce que je reproche à la plupart des films américains : leur côté bavard et démonstrateur. Tout se passe comme si le spectateur (lecteur) est tellement débile qu’il faut lui mettre les points sur les i en lui expliquant tout. Sinon nul ne comprendrait quoi que ce soit. C’est sans doute le revers de la médaille du travail « trop » bien préparé et documenté.
Cela n’engage que moi, mais je préfère qu’en dénonçant des faits, on suggère, on laisse au lecteur le soin de comprendre, d’imaginer, toutes les malversations qui en sont à l’origine (ou alors on écrit un livre d'économie politique). Sur un sujet similaire, l’émigration, j’oserais un parallèle avec le livre d’Olivier Norek « Entre deux mondes » ou celui de Michel Bussi « On la trouvait plutôt jolie », où, sans démonstrations pesantes et besogneuses on est parfaitement renseigné sur les origines, les conditions et les horreurs subies par les migrants… Le but n’est-il pas atteint ?
Tous les détails des diverses corruptions et autres trafics dénoncés par monsieur Férey ont-ils, eux, atteint leur but ? La lecture terminée, ne sont-ils pas noyés sous la quantité ?... Pour ce qui est de la crise grecque, est-on absolument certain de leur pertinence ? Par moment j’en suis venu à douter de l’impartialité de l’auteur… Les Grecs ne sont-ils pas un peu trop blancs de blanc dans toute cette histoire ?...
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Lecteurs, mes frères, évitez ce livre ! c’est le conseil de quelqu’un qui s’est trompé de lecture !

Ce livre est un livre de femme, écrit par une femme, sur une femme, plébiscité par des femmes (en majorité).

Entendons-nous bien, je n’ai rien contre les femmes ! Bien au contraire. Elles sont tout ce que je ne suis pas et souvent je les envie. Mais dans le cas présent, ça ne fonctionne pas…

Alors pourquoi ai-je voulu lire ce livre ? C’est là où se situe l’erreur, pour moi, et je voudrais attirer l’attention de mes joyeux compères.
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Alors, quoi ? C’est toute une histoire… Tout d’abord une photo, sur trois colonnes, dans les pages culturelles d’un journal régional : une jolie jeune femme, au visage juvénile négligemment allongée sur un canapé à la façon de madame Récamier et ce titre qui annonce que pour son premier roman Violaine Huisman vient d’obtenir le Prix du Roman Marie Claire 2018 pour “Fugitive parce que reine”. Elle est bien jolie la jeune primée et son air d’ingénue donne envie d’en savoir plus.

“Ce premier roman raconte l'amour inconditionnel liant une mère à ses filles, malgré ses fêlures et sa défaillance.” Ce serait banal, mais on apprend que la mère est assez folledingue…
Dans un entretien avec le journal Marie Claire, lorsqu’on lui demande quelle est la part de fiction dans ce livre, elle répond qu’il s’agit « de la biographie romancée de ma mère. Une vie extravagante, rocambolesque, drôle, éminemment vivante. Une vie qui palpite, un cœur qui bat. A toute vitesse. » Alors là, je me mets à rêver… j’adore les histoires complètement déjantées, fantasques, abracadabrantes et j’imagine une autre version de « En attendant Bojangles » d’Olivier Bourdeaut, dont j’avais beaucoup aimé la première partie, complètement loufoque qui engendrait gaité et bonne humeur. Mais là rien de tel.
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Dans la première partie (le livre en compte trois : le regard ingrat et critique de l'adolescente, puis celui intime et compréhensif de l’adulte et enfin le manque et le chagrin après la disparition de l’être tant aimé) les situations invraisemblables ou rocambolesques provoquées par cette maman déséquilibrée provoquent un climat triste et pathétique mais ne prêtent certainement pas à sourire.

Au passage, j’aime bien l’appréciation mi-figue mi-raisin d’Anne Crignon (L’OBS) “sur le milieu grand bourgeois où se déroule le récit, la beauté stupéfiante de la mère ayant fait office de laisser-passer pour s'élever haut, sans argent ni culture, dans la société parisienne. Faire une syncope dans un salon Napoléon III sous l'effet conjugué des psychotropes et d'un vieux whisky tourbé vous donne tout de suite une autre allure que s'écrouler avec sa bouteille de blanc sous les néons d'une cuisine de HLM”…
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Puis, dans la partie suivante, l’auteure nous conte l’histoire de Catherine, sa mère : « La femme qui avait existé avant de m’enfanter, je n’y avais pas accès. […] Certes, sa vie elle me l’avait raconté par le menu, mais pour l’incarner il fallait l’imaginer, l’interpréter. Il fallait que j’en devienne la narratrice à mon tour pour lui rendre son humanité. » Et là, j’avoue que l’intérêt s’effiloche. J’ai lu un certain nombre de critiques très positives du style :

“Ce récit autobiographique fascinant, bouleversant et sans concession est une véritable ode à l'amour d'une fille pour sa mère, femme libre, indomptable et excessive à en donner le tournis” ou “Quand l'amour entre une mère et ses filles est plus fort que la folie et la maladie... cela donne ce premier roman d'une force et d'une puissance bouleversante”, personnellement, je suis très partagé. Partagé entre intérêt et agacement. Je ne suis pas certain de me sentir très concerné par les dérèglements maniaco-dépressifs de Catherine :
« (maman) pleurait à tout bout de champ, par intermittence certes, mais quand la saison des larmes arrivait c’était la mousson, Isis faisant déborder le Nil », vu comme ça, c’est dit avec humour, mais la liste est longue et on finit enseveli, usé sous le pathos :
« on aurait pu aussi bien brosser son portrait sous forme de liste de pathologies : schizophrénie, mythomanie, kleptomanie, alcoolisme, tour à tour neurasthénie et hystérie », fini, l’humour.

Quant au style, là aussi, nombreux sont ceux qui applaudissent “Violaine Huisman écrit comme on nage une brasse puissante” (Anne Crignon, L’OBS) ou encore “La grande maitrise d’un style aussi fluide pour traiter d’un chaos” (Gilles Chenaille, RueDesAuteurs.net).
Mais, pour ma part, je regrette des chapitres de 90 et 110 pages. Je regrette qu’au milieu de phrases au vocabulaire riche et choisi se mêlent des expressions d’une trivialité crue, d’une grossièreté choquante. Admettons ce langage ordurier lorsque la fille site les paroles de sa maman chérie « Elle lui balançait par la fenêtre ses roses rouges de merde, son cliché en bouquet il pouvait se le carrer. Et mon cul c’est du poulet ? Bordel… », mais quand elle rapporte des situations pourquoi se mettre dans le ton ? :
« Il était hors de question que maman travaille avec sa mère : c’était la porte ouverte à des engueulades à tire-larigot […] maman adorait ça, le grand n’importe quoi, elle ne pouvait pas s’empêcher de foutre le bordel partout où elle passait […] c’était pas trop son truc le repassage et le récurage des chiottards »…
Est-ce pour faire “grand bourgeois qui s’encanaille” ?
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En conclusion, je me suis trompé. Au lieu de me régaler de situations extravagantes et rocambolesques, histoire de rire un bon coup de l’inattendu de la chose, je suis tombé dans un long récit à usage psychanalytique. Une histoire de nanas compliquées dans le genre “Je t’aime. Moi non plus” qui, en toute honnêteté ne devrait pas intéresser grand monde. Avec soulagement, je suis arrivé à la fin, partagé entre curiosité, rejet, agacement et parfois même répulsion, me sentant, par moment, voyeur malgré moi.
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date : 25-01-2019
INSUPPORTABLE ! Le livre commence par le drame : la mort d'un enfant, l'agression très grave de l'autre enfant et le suicide manqué de la nounou… savoir cette "fin" m'a empêché d'aller très loin dans ma lecture, trop troublé pour continuer… Mais voilà que le livre est couronné du GONCOURT ! Je vais donc reprendre ma lecture et mon commentaire...

NON, décidément je n'ai pas pu me connecter, trop lent, trop mou, pas d'empathie, pas dans le coup !... Une peinture de la société, certes, tous fautifs, certes, mais est-ce une raison suffisante pour massacrer des enfants ? Même par désespoir ?
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date : 25-01-2019
L’île de la Réunion… le farniente, les palmiers, le soleil, un couple d’amoureux, Liane et Martial… le paradis !
Mais quand Liane disparaît, Martial devient le suspect n° 1 et est poursuivi par la police…
Un autre aspect de l'île de la Réunion (vue de l'intérieur). Un roman encore une fois très documenté semble-t-il… Peut-être un peu tiré par les cheveux… mais on se régale quand même !
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Une intrigue dynastique dans le vignoble bordelais. Les retrouvailles contrariées des membres de la grande famille Laverzac autour d´un héritage prestigieux et contesté.
À Fonteyne, leur magnifique propriété familiale, les Laverzac se réunissent deux fois l´an autour d´Aurélien, le patriarche qui règne en maître incontesté. Mais cet été, sous l´apparente euphorie des retrouvailles, couvent des orages bien plus dévastateurs que ceux qui s´abattent sur les vignes... L´avenir de Fonteyne est en jeu et Aurélien, qui y a consacré sa vie, veut, envers et contre tout, préserver l´intégrité de son domaine en assurant sa succession. Seul Juillet, le plus jeune des quatre fils, adopté trente ans plus tôt dans des circonstances mystérieuses, pourrait se montrer à la hauteur de ses espérances. Mais pourquoi serait-ce le « bâtard » qui hériterait de cette fortune colossale ? Et Alexandre, le seul fils à être rester à Cognac et à y avoir fait sa vie, ne peut accepter cet affront et va le faire savoir. Au milieu des tempêtes et des drames, ce sera au seul Juillet d´affronter les fantômes du passé, et de boucler sa propre histoire d´enfant trouvé.
Un livre agréable que l’on a du mal à refermer. Le scénario type d’une longue saga pour la télé avec ses multiples rebondissements et son suspense bien entretenu…
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date : 30-01-2019
Dans les années 1950, l'Amérique de Home est au bord de l'implosion et bouillonne, mais c'est ici la violence contre les Noirs américains, contre les femmes qui s'exprime. En effet, les Noirs Américains sont brimés et subissent chaque jour le racisme et la violence institutionnalisés par les lois Jim Crow, qui distinguent les citoyens selon leur appartenance « raciale ». Pour eux, le moindre déplacement, même le plus simple, d'un état à l'autre, devient une véritable mission impossible.
La guerre de Corée vient à peine de se terminer, et le jeune soldat Frank Money rentre aux Etats-Unis, traumatisé, en proie à une rage terrible qui s'exprime aussi bien physiquement que par des crises d'angoisse. Un appel au secours de sa jeune sœur va le lancer sur les routes américaines pour une traversée transatlantique de Seattle à Atlanta, dans sa Géorgie natale. Il doit absolument rejoindre Atlanta et retrouver sa sœur, très gravement malade. Ce voyage à travers les États-Unis pousse Frank Money à se replonger dans les souvenirs de son enfance et dans le traumatisme de la guerre.
C'est un roman de la rédemption que nous offre ici l'auteur, c'est une bonne peinture de la société américaine des années 50 (et peut-être encore aujourd’hui d’après l’auteur), mais somme toute moins « noire » que je le supposais avant lecture. Rien de transcendant quand même mais sans doute suis-je passé à côté.
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date : 01-02-2019
En décembre 2015, je me suis laissé abusé par des commentaires dithyrambiques sur le livre « Une autre vie » par l’auteur de « Avant d’aller dormir » ! Ces commentaires étaient si élogieux – et j’étais à court de lecture - que j’ai téléchargé les deux ouvrages et me suis lancé dans « Avant d’aller dormir » … j’aurais mieux fait de ne pas attendre… pour aller dormir, car carton ou pas ce livre ne m’a pas plu mais avec un gros effort à la clé je suis arrivé à la fin !
Ensuite, j’ai essayé « Une autre vie » et bien non je n'ai pas pu aller au-delà de la moitié… Comme le précédent, que de longueurs ! ça n'avance pas ! c’est mou, c’est ennuyeux au possible ! c'est vraiment le style de l'auteur… que j'éviterai désormais ! (De même que la revue qui m’a conseillé ces lectures – Version FEMINA)
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Alors âgée de quatorze ans, Nina découvre un soir sa mère assassinée, baignant dans un bain de sang. Son père est accusé du crime et condamné à la prison. Quinze ans plus tard, il sort de prison en liberté conditionnelle. Nina qui a toujours cru en son innocence lui vient en aide mais peu de jours après sa libération il est lui-même assassiné ainsi qu'un ancien ami d'un de ses frères... Ces crimes sont-ils liés ? Ont-ils un rapport avec le meurtre de sa mère ? Nina va essayer de découvrir la vérité...
Dans un style simple et familier l'auteur nous entraîne laborieusement dans les méandres d'une enquête lente et molle aux rebondissements prévisibles. Seules les cinquante dernières pages accélèrent l'action et réveillent l'intérêt jusqu'à l'arrestation du coupable qui n'est qu'une demi-surprise et l'épilogue sentimental prévisible pour Nina la solitaire. Ce livre sera vite oublié mais il apportera aux inconditionnels de l'auteur un moment de distraction, sans grosse fatigue intellectuelle.
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date : 05-03-2019
Trois juges vieillissants, qui ont commis des délits mineures (détournement de fonds, fraude fiscale ou conduite en état d'ivresse ayant causé la mort), purgent leur peine dans une prison fédérale très laxiste de Floride. Depuis leur prison, avec la complicité de leur avocat, ils montent une petite affaire lucrative en appâtant des hommes mariés et riches, aux penchants homosexuels, qu'ils font chanter, en menaçant de tout révéler, après un échange de lettres compromettantes. Mais un jour, ils ramènent dans leur filet un mystérieux M. Konyers derrière lequel se cache l'homme que la CIA à choisi pour être le prochain président des États-Unis...

Malgré quelques longueurs, on a hâte de connaître le dénouement. Dans un style simple teinté d'un humour toujours présent, l'auteur nous entraîne dans un monde secret où l'homme de l'ombre est bien plus puissant que celui placé sous les projecteurs. Il montre (une image d'artiste ?) comment on fabrique un homme politique à la destinée suprême à partir d'un petit élu sans grandes ambitions, avec manipulations et intrigues tant au niveau national qu'international pour arriver au but. Une certaine critique de la société américaine dans laquelle d'autres se reconnaîtront.
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Lire ce livre, c’est un premier pas citoyen vers la survie de notre planète…
Elle est belle, fragile, petite et c’est la seule que nous ayons…
Aurélien Barrau, est né en 1973 à Neuilly-sur-Seine, c’est un astrophysicien spécialisé dans la physique des astroparticules, des trous noirs et en cosmologie. Il travaille au Laboratoire de physique subatomique et de cosmologie de Grenoble. Il est également professeur à l'université Grenoble-Alpes.
Il est engagé dans la question écologique. Il a notamment lancé, avec l'actrice Juliette Binoche, un appel intitulé Le plus grand défi de l'histoire de l'Humanité signé par plus de 200 personnalités, dans le journal Le Monde, en octobre 2018, à la suite de la démission de Nicolas Hulot.
Ainsi quand on lui demande le véritable but de ce livre, s’il est lié à une volonté de sortir de l’aspect « people » de l’appel ou d’affirmer celui d’être à la fois scientifique et accessible, depuis une argumentation très complexe, il confesse qu’« Il est vrai que la tribune initiale était assez “people”. Ceci grâce à mon amie Juliette Binoche : sans elle, nous n’aurions pas eu le dixième de cette visibilité. Elle a été formidable de générosité et de sincérité. Pour autant, une question se pose : qu’est-ce que ce texte – qualifié d’article ayant eu le plus grand impact dans ce domaine – a réellement changé ? Rien du tout. Tout continue à empirer. Mon père m’a dit qu’après cette mise en garde, il faudrait proposer des solutions. C’est ce que j’ai tenté de faire ici. Mais il est vrai je n’ai aucune légitimité à suggérer un plan de sauvetage du monde ! De plus, je ne me pose pas comme un exemple ou un donneur de leçons, étant parfaitement conscient de mes propres faiblesses. J’essaye simplement de réfléchir, avec honnêteté, à ce qui est possible et souhaitable. Ce geste émane juste du désir impérieux de tenter ce qui est en mon pouvoir pour contribuer “infimement” à donner une dernière chance à la vie. »
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Quoi ? Tout va bien ! Ça fait des décennies qu’on fait comme ça… pourquoi changer ? En cent ans on a brûlé la moitié du pétrole que la planète a mis des millions d’années à fabriquer, ce qui représente de l’énergie solaire stockée pendant des millions d’années, libérée en quelques années… et on fabrique du gaz carbonique que les arbres que nous coupons ne peuvent plus absorber… et on fabrique du plastique qui se retrouve dans la mer et pour finir, dans nos estomacs… Et on tue, on tue le vivant sans distinction, humains (48 000 morts, en France, par an, du fait de la pollution), animaux, végétaux…
« Dans tous les cas, les conséquences se traduiront par une montée des océans, une fonte importante de la banquise et des calottes polaires, un engloutissement des îles et des villes côtières, des incendies fréquents et dévastateurs, des extinctions massives d’espèces dans toutes les branches du vivant, un développement notable de certaines maladies graves, une progression des cyclones, tempêtes et inondations, des pics de chaleurs destructeurs associés à une avancée importante des déserts et une chute importante des populations animales. »

Alors STOP ! Arrêtons de déconner. Non, Aurélien n’est pas un RABAT-JOIE. C’est un lanceur d’alerte tout ce qu’il y a de plus réaliste : « Les scientifiques sont désespérés : ils ne comprennent pas qu’on ignore leurs conclusions pourtant parfaitement claires et infiniment tristes. » Affirme-t-il.

Rapportons, ici, en vrac, quelques-unes des actions primordiales, changeons notre façon de vivre et de penser. Ce ne sera pas facile mais inévitable :
• « Le premier axe d’action, le plus essentiel, le plus simple, le plus impératif et le plus utile : “diminuer la consommation“. Une croissance exponentielle […] n’est pas tenable éternellement dans un monde fini. »
• « Migrer vers une alimentation végétarienne serait très bénéfique pour l’écologie : l’industrie de la viande est l’une des plus polluantes qui soient. […] Il serait, par exemple, aisé que, dans un premier temps, une alternative végétarienne soit systématiquement proposée dans les cantines scolaires et professionnelles, dans tous les restaurants. »
• « Il n’est plus possible de tout sacrifier aux seuls impératifs économiques ou au seul hédonisme irresponsable de ceux qui ont les moyens de passer leurs vacances à l’autre bout du globe. D’autres vérités, bien plus fondamentales, sont en train de se rappeler à nous. »
• « On ne peut plus continuer sur la lancée actuelle, même en usant de prouesses technologiques. On ne peut plus autant se déplacer. On ne peut plus autant renouveler. On ne peut plus autant gaspiller. On ne peut plus autant tuer. »
• « On ne peut plus mener une politique qui favorise la “croissance” consumériste. […] C’est une question de sérieux. Les “doux rêveurs” ne sont pas, ici, les écologistes, mais ceux qui pensent pouvoir défier les lois fondamentales de la nature. »
• « Il est temps de nous empêcher de conduire le monde en état d’ébriété écologique. »
• « Il s’agit de ne plus penser les animaux et végétaux comme des ressources… »
• « Penser en matière de “pouvoir de vie” plus que de “pouvoir d’achat”. »
• « L’enjeu n’est pas de sauvegarder le monde tel qu’il est, […] rien ne serait plus irrationnel et suicidaire que la poursuite à l’identique d’un être-au-monde qui, manifestement, nie le monde. »
• « La tâche est immense et le temps presse. Si le génie humain existe, c’est maintenant qu’il doit se manifester. »
Nous sommes TOUS sur le même radeau en perdition. Il ne s’agit pas d’y réfléchir, c’est dépassé, il s’agit d’agir, au niveau individuel, au niveau gouvernemental et au niveau mondial et ce n’est plus le moment de dire que c’est utopique !
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Un été avec EUCLIDE…
PYTHAGORE, THALÈS et les autres… Oh, ça va ! Ne soyez pas sectaire… Vous n’avez pas fait la grimace, l’an dernier, quand on a passé “Un été avec Homère” ! Et pourtant, il était plutôt belliqueux celui-là ! Ici, rien de semblable, uniquement la philosophie des nombres, la beauté et l’harmonie qui vous ferait presque croire en une intervention divine…
Il est vrai que « On ne se vante jamais d’être nul en français, en histoire, mais pour les maths, on aurait presque l’impression que certains en sont fiers » nous confie Olivier Peyon, dans l’entretien qui ouvre le livre.
- Quelle drôle d’idée, direz-vous, de lire un livre sur les Mathématiques ! (Je mets toujours une majuscule à cette discipline, par déférence) !
- Pas plus étrange que de lire un livre de Philosophie.
Car c’est bien de cela dont il s’agit : « La réflexion mathématique est toujours accompagnée d’une pensée et d’une argumentation philosophique. » Le long débat sur le zéro en est un exemple : « SI la possibilité même du zéro est rejetée dès Aristote, c’est pour des motifs de cohérence […] En effet, quand on n’a rien, on peut dire que l’on n’a pas de pomme tout autant que l’on n’a pas de poire ; mais alors si zéro était égal aussi bien à zéro fois une pomme qu’à zéro fois une poire, on pourrait être tenté de dire que les pommes sont identiques aux poires : on courrait vers une inacceptable incohérence ! » Et cela se poursuit par ce qui peut, aujourd’hui, prêter à sourire : « En effet, rien fois rien et 9 fois rien sont rien ; c’est égal à aucunement 9. [On notera la difficulté pour exprimer ce « rien » à travers cette manière surprenante pour le lecteur contemporain de définir le vide comme n’étant aucunement quelque chose]. » Mais ne soyons pas trop condescendants : si nous sourions, aujourd’hui, c’est grâce au long travail de réflexion de ces grands penseurs antiques qui ont établi les bases des Mathématiques modernes.
N'oublions pas que de nos jours, en géométrie, par exemple, nous ne la pratiquons pas au sens grec du terme. Lorsque nous démontrons les propriétés d’une figure, nous sommes habitués à utiliser des formules, des propriétés, des théorèmes qui, eux-mêmes, ont été démontrés par ces génies antiques. La géométrie antique ne se faisait non pas avec des équations, des fonctions ou des coordonnées, mais avec deux instruments fondamentaux : la règle et le compas. Et l’auteur d’ajouter : « Loin de moi l’idée d’une quelconque nostalgie de l’époque où la géométrie était plus complexe qu’aujourd’hui : il s’agit plutôt de mettre en lumière le fait que les méthodes ingénieuses de résolution des problèmes géométriques auxquelles avaient recours les Euclide et autres Archimède sont d’une vertu pédagogique très intéressante […] L’esprit de géométrie est ici une belle manière de développer notre esprit de finesse ».
Nous trouverons, ici réunis, de très nombreux textes anciens qui portent la preuve de l’avancée de ces penseurs et nous ne pouvons qu’être admiratifs devant la finesse et l’intelligence de leurs raisonnements, comme la démonstration très géométrique, par Euclide, du théorème de Pythagore, ou celles, toujours par le même Euclide, des théorèmes de Thalès. Une merveille (mais oui) ! Et quant à la curiosité de la suite des carrés, vous connaissez ? « Il est possible de décomposer les nombres carrés grâce aux nombres impaires : 1² = 1 ; 2² = 1+3 ; 3² = 1+3+5 ; 4² = 1+3+5+7, et ainsi de suite. Cette décomposition très astucieuse donne un résultat à la fois simple et beau à regarder. » La simplicité est souvent synonyme de beauté et d’harmonie.
Personnellement j’ai toujours préféré la géométrie à l’algèbre, comme d’autres préfèrent Flaubert à Balzac ou Racine à Corneille. Je trouve l’algèbre pratique mais un peu bébête, trop mécanique, automatique, une fois la mise en équation réalisée, “ya pu ka”… Tandis que composer une belle démonstration géométrique, c’est du Mozart !
- Il déraille, le vieux ! À près de quatre-vingts ans il a tout oublié !
- Et ben non ! Ça fait dix ans que je révise… depuis que mon petit-fils est entré au CP. Et cette année ce sera en première (pas S. Ça n’existera plus !) spécialités Maths, Physique-Chimie, Informatique… qu’est-ce qu’on s’amuse, tous les deux !
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date : 18-09-2019
Raz le bol de ces sites « CHEZ DUPONT TOUT EST BON ! »… C’est la deuxième fois que je me fais avoir ! Sont-ils sponsorisés par les maisons d’édition ? Ou est-ce moi qui suis un vieux râleur éternellement insatisfait ?

Je me suis laissé abusé par un : « Waouh ! Un 1er roman, vraiment ? Comment du 1er coup arriver à une telle maîtrise romanesque ? Il y a une telle intensité dans le tourbillon des vies des personnages qui se croisent et se recroisent pendant des décennies ! […] c’est toute une société qui nous est contée à travers deux familles aux ramifications surprenantes… »
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Alors bon. Pendant une soixantaine d’années, on assiste aux croisements improbables des membres de deux familles, l’une blanche, l’autre noire. Pourquoi improbables ? Parce que… c’est grand les États-Unis, on jongle d’un état à l’autre, d’une époque à l’autre (une date sous-titre chaque chapitre, vite oubliée) sans suite chronologique, d’un personnage à l’autre (la liste des personnages du début du livre en compte trente-trois !), mais ça ne fait rien, l’auteure les fait se rencontrer : l’un devient déménageur ? Et Boum, il déménage un membre de l’autre famille. L’un s’installe dans une nouvelle maison ? Et Vlan, il se retrouve voisin d’un membre de l’autre famille ! Et, à force de jouer au chat et à la souris… L’un va à la Fac ? Et Smack ! Il se retrouve dans les bras d’un membre de l’autre famille (Et réciproquement…)... Ce n’est plus du hasard, c’est du harcèlement !...

En vol de croisière (passées les premières mises au point), chaque chapitre est consacré à un personnage, il y en a suffisamment pour composer beaucoup de chapitres. Petit à petit on sort du brouillard, encore faut-il s’aider d’un double arbre généalogique (grâce à la liste susdite) pour s’y retrouver. Néanmoins les protagonistes restent survolés, très superficiellement et heureusement, sinon on aurait affaire à une saga en six volumes ! Et franchement, il n’y a pas matière à creuser davantage. De l’après-guerre à Obama, il a dû s’en passer des choses dans la vie politique du pays… Rien, néant. En soixante ans, la société américaine a dû évoluer… Ah bon, vous croyez ? Première nouvelle. Une famille noire, une famille blanche… de quoi flasher ? Il m’avait sembler entendre parler racisme, aux USA, j’ai dû me tromper. J’ai lu quelque part qu’il était question de suprématisme blanc, une légende sans doute… Juste une vague évocation, au sujet d’Eddie Christie, vétéran noir de la Navy qui aide dans une boutique de fleuriste : « Les hommes qui arrivaient en Cadillac, en Lincoln et en Town Car, vêtus de costumes sur mesure, pensaient qu’il lui manquait une case, qu’il était simplet, idiot. Pas besoin de faire grand-chose pour encourager leur erreur de jugement, il suffisait d’être noir. » Pas de quoi fouetter un chat, en somme ! En fait, dans ce livre, dans cette peinture d’une société américaine, tout est à l’image de cette remarque raciste, tout est en demi-teinte, tout y est lymphatique, indolent. Je ne dirai pas que je m’y suis ennuyé, mais je n’ai rien trouvé d’attrayant, encore moins d’exaltant, en tout cas, je n’ai rien appris sur la société américaine et sur l’histoire complètement inexistante de ces soixante dernières années.

Cette lecture est une perte de temps.
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Misère de misère ! Au moment de commencer ces lignes, je me retrouve dans la situation de l’artiste peintre que je n’ai jamais pu être : devant une page blanche avec la certitude que lorsque j’aurai terminé ce ne sera pas du tout ce que je voulais dire !

Je ne suis pas un contemplatif. Je ne peux rester à l’affût des mots comme Sylvain reste, des heures, des jours, à l’affût des animaux (et qui plus est, par – 30° C). Mais j’ai tenu bon.

Il a bien changé Sylvain, depuis qu’il n’escalade plus les façades d’immeubles. Depuis qu’il a fait une chute de dix mètres en escaladant celle de son ami Jean-Christophe Rufin en 2014 (Cf. « Un été avec Homère »).

Première question, comment a-t-il pu accepter l’invitation de Vincent Munier d’aller en expédition au Tibet sachant qu’il ne pourrait pas porter sa part de barda, suite à son accident ? Ils seront quatre, quatre déjantés à parcourir les hauts plateaux tibétains à 5000 m d’altitude, en hiver. Et donc trois à se coltiner la charge totale (couchage, chauffage, nourriture, matériel photo et autre…) par des chemins que l’on imagine des plus ardus… Passons.
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Les voilà donc partis pour une longue quête dont le but avoué est d’apercevoir la déesse des lieux, la panthère des neiges, mystérieuse et rare. Pourquoi est-elle si rare ? Devinez ? Comme tous les fauves de la planète les vilains hommes (ces derniers arrivés sur Terre) l’ont chassée à outrance, car l’homme est un animal nu qui convoite la fourrure des bêtes ! Il en reste peu, donc. Mais en outre, comme tous les fauves, une fois nourrie, elle dort, quatre ou cinq jours, pratiquement vingt heures par jour, invisible parmi les rochers.
Donc, nos quatre curieux vont rester à l’affût, pendant des heures et des jours, dissimulés dans les rochers, dans le vent glacé, attendant le bon vouloir de la reine des sommets.

Et que fait-on pendant ces longues heures vides ? On pense. On rumine, on refait le monde dans un silence et une immobilité de rigueur. Cette attente, ce désir, cet espoir, ce recueillement, cette méditation permanente, jusqu’à cette souffrance physique stoïquement endurée me fait immanquablement penser à d’autre pèlerins. Au moins, si leur Santiago est particulièrement difficile d’accès, vont-ils se prosterner devant une vraie relique, encore vivante, le temps que les maîtres de Pékin ne s’en préoccupent pas.

Alors, à quoi pense-t-il, Sylvain, quand il ne rêve pas à l’once de l'Himalaya ?
Il s’en prend aux chasseurs : « Pourquoi détruire une bête plus puissante, et mieux adaptée que soit ? Le chasseur fait coup double. Il détruit un être et tue en lui-même le dépit de n’être point aussi viril que le loup ou aussi découplé que l’antilope. » Il s’en prend à l’avidité humaine. Ainsi, contemplant un troupeau d’antilopes « chirou » au pelage blanc et gris, plus doux qu’un cachemire, car leur toison les a condamnées : « les braconniers vendaient leurs peaux à l’industrie textile, business planétaire. L’espèce était menacée de disparition […] l’une des traces du passage de l’homme sur la Terre aura été sa capacité à faire place nette […] il était un nettoyeur. »
Il s’en prend aux hommes en général responsables de la disparition programmée des animaux : « La créature la plus prospère de l’histoire du vivant. En tant qu’espèce, rien ne le menace : il défriche, bâtit, se répand. Après s’être étendu, il s’entasse. […] Il y avait quelques millénaires, le Dieu de la Genèse s’était montré précis : « Soyez féconds, multipliez, remplissez la Terre, et l’assujettissez » (1.28). On pouvait raisonnablement penser que le programme était accompli… »
Dans sa solitude glacée, en attendant l’apparition quasi divine, il pense, Sylvain, il pense aux huit milliards d’êtres humains, ses frères, qui asservissent la nature, acidifient les eaux, asphyxient les airs « Un rapport de la Société zoologique britannique établissait à 60 % la proportion d’espèces disparues en cinq décennies. Le monde reculait, la vie se retirait, les dieux se cachaient. La race humaine se portait bien. Elle bâtissait les conditions de son enfer »

Heureusement Sylvain, le Sauveur, est arrivé avec LA solution, et il nous la livre tout de go, en toute simplicité et tous les Aurélien Barrau du monde peuvent bien hurler avec les loups : « Ne rien attendre. Se souvenir beaucoup. Se garder des espérances, fumées au-dessus des ruines. Jouir de ce qui s’offre. Chercher les symboles et croire la poésie plus solide que la foi. Se contenter du monde. Lutter pour qu’il demeure. » Voilà un beau programme qui promet d’être très efficace !

Et la Reine des neiges dans tout ça ?

À mon avis, comme pour Compostelle où le plus important est le Chemin, l’essentiel est le cheminement (ici immobile) qui mène jusqu’à elle, ou pas. Quand enfin elle apparaît tout s’abolit « Je la croyais camouflée dans le paysage, c’était le paysage qui s’annulait à son apparition. […] La panthère somnolait, épargnée de toute menace […] certaine de son absolutisme. Elle reposait, absolument abandonnée car intouchable. » L’attente est récompensée et la tension est propice au lyrisme mais reconnaissons qu’il s’agit d’un « gros chat avec des taches (jaillissant) du néant pour occuper son paysage. »

Tout ça, pour ça ?

Disons-le franchement, je me suis prodigieusement ennuyé en attendant, frigorifié derrière mon rocher, une hypothétique apparition, tout en me demandant lequel, de ma liseuse ou du jet international, avait la plus forte empreinte carbone…
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