Trio à Manhattan, Tome 1.5 : Déjeuner de famille

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Bailey

– Je panique.

Daniel, qui est assis sur le canapé, les yeux collés sur son écran, lève le nez et m’observe silencieusement.

– Tu es superbe, dit-il après une longue pause.

Sa voix est douce, mais je suis sûre qu’il est prêt à m’étrangler. C’est la troisième fois que je change de tenue en moins de dix minutes.

– Je porte un jean.

Mon Dieu, comme je fais geignarde.

Daniel soupire et pose son ordinateur sur la table basse.

– Bailey, me dit-il en se levant et en s’étirant paresseusement, ma mère est ravie à l’idée de faire enfin ta connaissance. Même en haillons, tu serais accueillie à bras ouverts : promis. Calme-toi.

– Facile à dire, grommelé-je, d’humeur rebelle.

Je sais que Daniel a raison, mais j’ai les mains moites et les nerfs en pelote. Daniel adore sa mère. Et si elle me déteste ? Ou pire : et si elle pense que je suis une traînée parce que nous sommes dans un ménage à trois ?

Sebastian apparaît dans le cadre de la porte et me reluque des pieds à la tête – avec mon jean noir, mon t-shirt noir et ma grosse turquoise.

– Sympa, dit-il. C’est la tenue que je préfère. Tu te ressembles.

– Qu’est-ce que c’est censé vouloir dire ?

– Tu passes ta vie en jean et t-shirt noirs, me fait-il remarquer. C’est toujours bizarre de te voir porter autre chose.

– Je devrais mettre une robe.

Je pivote sur mes talons et me dirige vers la chambre d’amis. Le lit king size y est couvert de tous les vêtements que j’ai essayés jusque-là dans ma quête de la tenue parfaite pour une rencontre avec ma belle-famille. Où est cette petite robe noire ? Je jure entre mes dents, tout en cherchant la robe fourreau en soie que j’ai achetée deux ans plus tôt pour une occasion professionnelle. Ce serait la tenue idéale pour rencontrer la mère de Daniel, enfin je crois.

J’émerge de la chambre après dix minutes, gênée et un peu raide. La soie frotte contre ma peau, et la gaine que je porte dessous me donne du mal à respirer. Mais ce fichu sous-vêtement me donne de jolies courbes, et je fais dame. Il faut souffrir pour être belle.

– C’est mieux comme ça ? demandé-je à mes deux amants qui ont pris refuge dans la cuisine.

Ils tournent la tête.

– Mon Dieu, dit Daniel en levant les yeux au ciel. À quel point crois-tu que ce déjeuner soit formel ? Bailey, regarde ce que je porte.

Pour la première fois de la matinée, je prête attention aux vêtements de Daniel et je ne peux pas cacher ma surprise.

– Tu as un t-shirt de concert Bob Marley ? gloussé-je. Je suis choquée.

– D’abord ma mère, et maintenant toi. Je suis un peu vexé que tout le monde me pense trop ennuyeux pour assister à des concerts.

– Pas tous les concerts…, rétorqué-je en accentuant mon sourire. Juste ceux où la majorité du public fume de la beuh.

– Merci de cette précieuse remarque, dit-il sur un ton pince-sans-rire. En tout état de cause, je serai en t-shirt et jean. Et Sebastian aussi. Alors, ôte-moi cette robe, s’il te plaît, et trouve quelque chose de plus décontracté.

– Et quand tu auras décidé quoi porter, ajoute Sebastian, avec une lueur malicieuse dans les yeux, rejoins-nous dans la salle de jeux. Nous avons des plans pour toi.

– Hein ? glapis-je. C’est bientôt l’heure de partir.

Le regard de Sebastian dit clairement : pas de discussion.

– Tu as trois minutes.