sombre printemps

Elle est assise autour de la table ronde avec sa mère et son frère et fixe un regard triste sur la place de son père qui reste vide. Toute la misère de ses dix ans l’étreint : Frieda est partie. Son père est parti. Elle hait sa mère et n’a pas de contact avec son frère. Après le dîner, elle se cache, assise par terre, dans un coin de la bibliothèque et regarde pour la centième fois les images du Vingt mille lieues sous les mers de Jules Verne.

Elle tombe amoureuse de la figure sombre et mélancolique du Capitaine Nemo et se délecte de l’effroi que lui causent les pieuvres qui pénètrent dans le sous-marin Nautilus et dont les hommes coupent à la hache les tentacules onduleux et multiples. Le Capitaine Nemo est l’un de ses héros sans lesquels elle ne peut pas vivre. Plus proche d’elle et plus compréhensible que les êtres qui l’entourent. A neuf heures, on l’envoie se coucher et, comme tous les soirs, tremblante de peur, elle prend le chemin qui, par l’immense hall, l’escalier et le long couloir, mène à sa chambre.