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La rose du Colisée



Description ajoutée par jouannic1993 2010-12-04T11:43:14+01:00

Résumé

Veuve, la belle Silvana dirige avec son oncle une maison de plaisirs. Aux yeux de tous, elle offre l'apparence d'une femme comblée. Nul ne sait que son oncle est couvert de dettes et que la ruine les menace. Courtisée par de riches soupirants, dont le jeune et fougueux Eutychus qui veut l'épouser, elle répugne pourtant à faire un mariage d'intérêt. Mais, un jour, l'arrogant cousin d'Eutychus, Lucius Fortis, proche de Jules César, vient lui proposer un marché : il fera d'elle une femme riche pourvu qu'elle s'engage à renoncer à Eutychus. Humiliée d'être prise pour une créature vénale, Silvana refuse.

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Classement en biblio - 17 lecteurs

extrait

Extrait ajouté par Underworld 2020-01-10T00:59:32+01:00

** Extrait offert par Michelle Styles **

1.

69 avant J.-C.

Baiae, dans la baie de Naples, la plus luxueuse et la plus célèbre station de bord de mer de l’ancienne République romaine

Encore un effort et elle y serait. Elle pouvait entendre l’eau qui clapotait contre le mur du port.

Silvana Junia se força à donner un coup de jambes. Sa tunique avait commencé à glisser de sa ceinture et l’étoffe trempée par la mer s’enroulait autour de ses cuisses, l’emprisonnant, la tirant vers le bas.

Les cris et les éclaboussures qui résonnaient derrière elle un moment plus tôt s’étaient arrêtés. Cotta et ses acolytes avaient renoncé à la poursuivre ou décidé qu’elle s’était noyée dans la baie. Elle aurait beaucoup aimé voir l’expression de son beau-fils quand elle avait sauté de son bateau. La soirée ne s’était pas passée comme elle le prévoyait, mais elle n’avait pas eu non plus la fin sur laquelle il comptait.

Silvana fit une moue désabusée. A partir de maintenant, elle s’en souviendrait : Cotta était l’ennemi.

Elle fournit une dernière poussée vigoureuse. Sa main tendue toucha la maçonnerie rugueuse et se referma sur une prise minuscule. Elle y était arrivée. Les dieux étaient avec elle, ce soir. Elle avait réussi. Maintenant, il ne lui restait plus qu’à sortir de l’eau et à rentrer chez elle.

Le mur du port la dominait, trop haut pour qu’elle puisse l’escalader. Elle regarda sur sa droite. Seul un bateau de pêche se balançait à quelques mètres d’elle ; sur son flanc, elle aperçut l’ombre d’une échelle de corde. Si elle parvenait à monter sur le bateau, elle pourrait gravir l’échelle jusqu’au sommet du mur et atteindre la promenade de Baiae. Prudemment, elle se fraya un chemin dans cette direction, pouce par pouce. Sa ceinture se défit, et sa tunique et sa chemise se gonflèrent autour d’elle.

Elle tendit le bras et ses doigts trouvèrent une prise sur le côté du bateau. Elle s’autorisa à rester suspendue là, à moitié dans l’eau et à moitié hors de l’eau, essayant de recouvrer son souffle. Combien de temps avait-elle passé dans la mer ? Lorsqu’elle avait plongé elle l’avait trouvée glaciale, mais à présent elle était plus chaude que le bassin des bains de Mercure.

Son corps s’enfonça de nouveau. Elle était fatiguée, très fatiguée. Si épuisée que la mer l’appelait. Elle pourrait flotter indéfiniment dans un sommeil sans rêves.

Elle se raidit. Elle ne laisserait pas Cotta gagner de cette façon. Elle se força à se soulever et s’allongea, le visage reposant sur le pont de bois, les jambes pendant dans le vide. De l’eau salée ruisselait de ses cheveux blonds, couleur de miel, et de sa tunique bleu foncé. Ses jambes refusaient de bouger, mais elle fit un nouvel effort et roula dans le bateau avec un bruit mouillé, qui lui parut très fort. Son souffle s’arrêta.

Y avait-il quelqu’un à bord ? L’avait-on entendue ?

C’était le silence, à part le calme clapotis de l’eau contre la coque.

L’échelle pendait tout près, terriblement tentante. Il fallait qu’elle y arrive. Elle rassembla toute son énergie, se redressa et se jeta en avant. Sa main agrippa la corde. Au-dessous d’elle, de la cale du bateau, monta un bruit de voix étouffées.

« Faites qu’ils se rendorment », pria-t-elle. La dernière chose dont elle avait besoin était un autre scandale lié au nom de la déjà célèbre Silvana Junia. Elle avait assez de ces incidents, réels ou supposés, attachés à sa stola. Crispus, son jeune frère, l’avait implorée dans une tablette aux dernières ides : plus de scandale jusqu’à ce qu’il se soit assuré une position de tribun junior, et elle avait donné son accord.

Après ce qui lui sembla durer une éternité, les voix se turent.

Elle se mit à grimper avec précaution, ignorant la façon dont sa tunique se pressait contre ses jambes, la ramenant en arrière. Sa main toucha le haut du mur.

Elle avait triomphé !

Une grande main balafrée se tendit vers elle, la saisit par le poignet et la tint solidement, l’aidant à se raffermir.

— Vous êtes en sécurité. Vous avez atteint la rive, grommela une voix grave.

Silvana leva les yeux et vit une silhouette penchée au-dessus du mur. Les jambes de l’homme étaient interminables et sa tunique frôlait le milieu de ses cuisses. Elle se rendit compte qu’il avait les épaules larges, mais ne put voir son visage qui était dans l’ombre.

Elle bougea son bras et il la relâcha. Dans un dernier élan, elle gravit les échelons restants et prit pied sur la promenade.

— Je suis sur la terre ferme, dit-elle en tournant les yeux vers les villas qui se dressaient avec leurs fantomatiques piliers blancs, leurs sombres loggias et leurs toits rouges, pour éviter de regarder l’inconnu. C’est plus sûr que la mer.

— Tout dépend de qui vous êtes. Si vous êtes une nymphe ou peut-être une sirène, avec des cheveux comme les vôtres, la mer vous conviendrait mieux, continua la voix de son ton tranquille.

Contre toute raison, cette intonation donna à Silvana une impression de sécurité, comme si sa traversée de la baie n’était rien d’autre qu’un mauvais rêve.

Elle écarta une mèche de cheveux mouillés de son visage. Une nymphe ? Elle ne se faisait pas d’illusions. Son apparence présente était plus proche de celle d’un rat d’eau trempé que de celle d’une quelconque beauté mythique. Elle avait eu assez de flatteries mensongères pour le restant de ses jours. Et elle n’était pas disposée non plus à discuter avec un étranger de ses motifs de sauter dans la baie.

— Je suis humaine, je vous assure, déclara-t-elle de sa voix la plus glaciale.

Ce qu’il lui fallait maintenant, c’était s’éloigner de cet endroit avant que les esclaves et les manœuvres commencent à se mettre au travail, avant que quelqu’un la reconnaisse. Elle fit un pas vers la route.

— Alors pourquoi jouiez-vous les Vénus sortant des flots ? rétorqua l’homme en lui barrant le passage. Pas par choix, j’imagine. Ou vous exercez-vous à quelque nouveau divertissement pour exciter les habitants blasés de Baiae ?

— C’était la seule solution que j’avais, répondit-elle en rejetant ses épaules en arrière et en se redressant.

Même si on la considérait comme une grande femme, sa tête n’atteignait pas le nez de l’inconnu.

— Vous avez décidé de prendre un bain au clair de lune vêtue de votre plus belle tunique, observa-t-il.

Il pressa ses doigts les uns contre les autres.

— Je sais que Baiae est réputée pour maintes choses, mais je n’avais pas entendu parler de dames nageant dans la mer en pleine nuit. Dites-moi : est-ce une pratique courante, ou essayez-vous de lancer une nouvelle mode ?

— Ni l’un ni l’autre.

Silvana haussa son menton d’un cran et scruta les ombres anguleuses du visage de son interlocuteur. Il était impossible de discerner quelle sorte d’homme il était. Mais cela n’avait pas d’importance. Elle n’avait pas l’intention de le revoir. Après un bain chaud, cette soirée ne serait plus qu’un mauvais souvenir.

Elle carra ses épaules, se préparant à passer devant lui.

— Si vous voulez m’excuser, il faut que je rentre chez moi. Je ne souhaite pas rester trempée plus longtemps que je n’y suis obligée.

— Il est dangereux d’être dehors à cette heure de la nuit, et seule. Je vais vous escorter.

Son timbre grave fit passer un frisson dans le dos de Silvana.

— Il n’y a que des voleurs, des malfaiteurs et des personnes mal intentionnées qui peuplent les rues aussi tard.

— Et qu’êtes-vous ? Un voleur, ou un malfaiteur ?

Silvana s’efforça de donner à sa voix un ton insouciant et détaché, mais ses paroles sortirent de sa gorge avec un son étranglé.

Le bruit des vagues faisait écho aux battements forcenés de son cœur. Avoir fait tout cela seulement pour perdre son collier et sa bague. Ce serait une fin appropriée à une soirée désastreuse.

Pourquoi avait-elle tenté de négocier avec Cotta ?

Elle observa l’homme aux larges épaules pour voir ce qu’il allait faire. Se contenterait-il de ses bijoux ?

— Dites-moi rapidement : quelles sont vos intentions ?

— Je ne suis ni un voleur ni un malfaiteur.

Il s’inclina légèrement.

— Mon nom est Fortis et je compte vous raccompagner chez vous en toute sécurité. Une femme doit avoir un protecteur à une heure aussi tardive. Je ne vous ferai aucun mal.

Les genoux de Silvana fléchirent et elle chancela en avant. Ses mains frôlèrent la toge de drap de Fortis, et son parfum de santal mêlé à une odeur indéniablement masculine chatouilla ses narines avant qu’elle se redresse et reprenne sa contenance. Cela faisait longtemps que quelqu’un, et en particulier un étranger, ne s’était pas soucié de sa sécurité. La plupart des gens étaient plutôt intéressés par le récit de ses dernières incartades.

— Je connais le chemin pour rentrer chez moi. Je ne crains plus rien, maintenant que j’ai regagné la terre ferme.

— Un honnête homme, Pio le pêcheur, un client à moi, dort sur ce bateau, déclara Fortis sur le ton de la conversation.

Mais il y avait dans sa voix quelque chose de dur et de tranchant qui exigeait des réponses.

Silvana se figea, gardant brièvement un pied en l’air avant de le reposer sur le sol froid.

— Je n’ai rien pris, dit-elle en tournant ses paumes vers le haut. Et je n’ai touché que ce que je devais. Je n’avais pas le choix. A présent, laissez-moi partir en paix.

— Jureriez-vous cela sur les ombres de vos ancêtres ?

Il tendit la main et la saisit par le coude.

— Oui, je le jurerais.

Elle baissa les yeux sur ses longs doigts. Une onde de chaleur remonta dans son bras. Un léger frisson la parcourut. Allait-il la croire ? Il le fallait.

Lentement, un par un, ses doigts la libérèrent mais il resta immobile.

Silvana inspira, attendant de voir ce qu’il allait faire ensuite. Avec le poids de sa tunique, il serait stupide d’essayer de courir. Elle devait espérer que les Parques n’avaient pas décidé d’un tour cruel de leurs fuseaux — la laissant échapper à Cotta pour la jeter dans les griffes d’un homme beaucoup plus dangereux.

— Maintenant nous y allons, sirène, dit Fortis avec une trace de rire dans la voix. Vous pourriez chanceler de nouveau ou vous blesser les pieds sur des pierres coupantes. Dois-je vous porter ?

Silvana refusa d’imaginer ce qu’elle éprouverait en sentant les bras de cet homme autour d’elle… Son bain de mer involontaire avait affecté son esprit. Elle n’avait pas à nourrir de telles pensées.

— Je peux très bien marcher, dit-elle en prenant la voix la plus hautaine possible.

De toutes ses mésaventures de la nuit, avoir perdu ses sandales était la pire. Elle les aimait beaucoup et elles ne dataient que d’une saison. Elle devait espérer qu’elles étaient restées à bord et que Cotta se comporterait décemment en les lui renvoyant. Même si elle n’y comptait pas trop.

— Au revoir, Fortis. Merci de votre sollicitude.

— Vous avez froid. Une nymphe ne devrait pas avoir froid.

Il ôta sa toge et, avant qu’elle puisse émettre une protestation, il la plaça sur ses épaules. Le parfum masculin de santal et de balsamine l’enveloppa et la retint captive. Chaud. Intime.

Silvana déglutit fortement. Elle souhaitait rester drapée dans cette toge. Elle écouta le doux son des vagues qui clapotaient sur la plage. Ses mains se refermèrent sur le drap lourd. Ce vêtement n’appartenait pas à un esclave ou à un ouvrier. Sous le clair de lune, la tunique de Fortis était d’un blanc pâle avec une bande pourpre le long de l’ourlet, ce qui lui indiquait que son « sauveur » n’était pas un homme du commun.

Mais pourquoi porter une tunique courte et non des habits du soir, à une heure aussi avancée ? Où se rendait-il ? Ou d’où venait-il ?

Elle regarda par-dessus son épaule l’eau d’un noir d’encre. Avait-elle eu tort de se fier à ses instincts en plongeant dans la baie ?

— Je vais mouiller votre toge.

Les mains engourdies par le froid, elle chercha l’ouverture du vêtement.

— Laissez-la où elle est. Elle séchera.

Il eut un rire sardonique.

— Il serait dommage que vous ayez nagé sur toute cette distance juste pour prendre un refroidissement.

— Je vais bien, ne vous inquiétez pas.

Silvana éternua à plusieurs reprises, chaque fois plus fort.

— J’ai chaud, déclara-t-elle néanmoins. C’est le mois de mai à Baiae, pas le mois de décembre à Rome.

— Restez couverte.

Lucius Aurelius Fortis, depuis peu questeur de Rome, se félicita de voir que cette fois-ci la femme frissonnante obéissait, ses doigts resserrant la toge autour d’elle. Par Hercule, elle se révélait plus obstinée qu’il ne l’aurait cru possible. Qui refusait l’offre d’une toge ?

Il la considéra. Elle était trop âgée pour être dans sa prime jeunesse. Malgré ses cheveux et sa tunique trempés, elle se comportait comme si elle présidait un dîner de gala dans une des villas privées de Baiae. Son collier, ses boucles d’oreilles et les lourdes broderies de sa tunique indiquaient que son plongeon dans la mer n’avait pas été prémédité. Il tendit la main et affermit la toge sur ses épaules.

— Recevoir de l’aide d’un étranger vous met mal à l’aise, observa-t-il.

— J’ai découvert que toute aide est accompagnée de conditions, en général.

— Il n’y a pas de conditions, ici.

Elle vit briller ses dents blanches au clair de lune.

— Peut-être une. Je voulais vous remercier pour le spectacle, tout à l’heure. Ce n’est pas souvent que je tombe sur une charmante personne aux membres blancs sortant de la mer.

Ses mains, aux cals rugueux, touchèrent la joue de Silvana. Elle les compara aux mains douces de Cotta. Elle savait auxquelles elle faisait le plus confiance. Mais le temps de la confiance, pour elle, était révolu depuis longtemps. Elle l’avait appris au travers d’amères expériences : la confiance avait un prix trop élevé.

— Je vous remercie de me prêter votre toge, dit-elle en drapant le vêtement plus étroitement autour d’elle. Faites-moi savoir où je devrai vous la rendre.

— Je vous accompagne à votre villa.

Le ton de Fortis n’admettait pas de réplique.

Elle battit des cils. Qu’est-ce que cet homme savait d’elle ? Avait-il deviné qui elle était ?

— Comment savez-vous que je vis dans une villa ?

— Le collier que vous portez pourrait payer le loyer d’un appartement pendant un an.

— C’est un présent de mon défunt mari.

Silvana grimaça en elle-même. Elle n’aurait jamais dû le mettre, pas pour un entretien avec Cotta, son ancien beau-fils. Quelle ironie c’était. Cotta avait cinq ans de plus qu’elle. Pourquoi elle avait écouté son oncle et accepté cette rencontre, elle l’ignorait. Elle savait comment était Cotta, et qu’il n’offrirait pas d’aide pratique.

— Etes-vous prête à partir ? Rester ici à discuter de bijoux ne vous permettra pas de quitter rapidement vos vêtements mouillés.

Elle leva la tête et vit ses yeux sombres qui la regardaient. Son souffle se coinça dans sa gorge. Il était si près et elle était drapée dans sa toge. Elle ne savait rien de lui, mais cela n’avait plus d’importance.

Elle se détourna et contempla la baie obscure. De petites lumières dansaient çà et là. Il était impossible de déterminer si ces lumières appartenaient au bateau de Cotta. Elle se demanda si deux de ses mentons au moins avaient frémi quand elle avait sauté de son bord. Elle eut un rire bref.

— Allez-vous me dire ce qui est si amusant ?

— Je pensais à mon prétendu compagnon de ce soir.

Elle écarta une mèche mouillée de son visage.

— Il pensait m’avoir à sa merci, mais je me suis échappée.

— Et va-t-il répandre l’histoire dans Baiae ?

L’inquiétude était clairement inscrite sur les traits de Fortis.

— Une telle chose pourrait ruiner la réputation d’une femme.

Silvana inclina la tête de côté, considérant son assertion. Que dirait-il s’il savait que sa réputation était déjà ruinée, ruinée au-delà de toute réparation possible ? Cette petite escapade n’était rien comparée à certaines des histoires qu’elle avait entendu chuchoter sur elle dans les bains ou vues étalées sur les murs. C’était le prix qu’elle payait pour son indépendance et occasionnellement, dans des moments comme celui-ci, elle se demandait si cela en valait la peine.

— Non, non. Il s’en tirerait bien plus mal que moi, affirma-t-elle avec plus de conviction qu’elle n’en ressentait.

Qui savait de quoi Cotta était capable ? Elle devait espérer que son outrageuse vanité le ferait taire.

— Quel genre d’homme est prêt à admettre qu’une femme préfère l’eau noire de la baie à son étreinte ?

— Je m’en remets à votre jugement supérieur, mais il est temps que nous partions. D’autres personnes vont bientôt arriver.

— Je dois vous arracher à quelque occupation.

— J’ai le temps de vous raccompagner chez vous.

Fortis écarta les bras.

— En outre, comment puis-je m’assurer autrement de récupérer ma toge ? C’est l’une de mes favorites.

— A vous entendre, on croirait que vous avez l’habitude de sauver des femmes des eaux.

Elle lui jeta un coup d’œil à travers le rideau de ses cheveux.

— Cela ne m’est pas arrivé récemment.

— Alors vous avez déjà fait ce genre de chose.

— Et vous ?

— Bien sûr que non !

Silvana tourna la tête et le regarda en face.

— Vous paraissez remarquablement calme, observa-t-il. Je ne connais pas beaucoup de femmes qui sauteraient volontairement d’un bateau, traverseraient une baie à la nage et ne seraient pas après coup dans un état hystérique.

— Je ne suis pas encore chez moi. Nul doute que cela me frappera à ce moment-là, répondit Silvana. Mais je ne vois pas la nécessité de pleurer. Je dois faire de mon mieux avec ce que j’ai. Et c’était mon choix de sauter du bateau.

— Vraiment… Allez-vous me dire à qui était ce bateau ?

Il reprit une attitude observatrice et Silvana se demanda pourquoi quelqu’un d’aussi manifestement riche se trouvait au bord de la baie à cette heure de la nuit. Un nouveau frisson la traversa. Elle y repenserait plus tard, quand elle aurait pris un bain et aurait dormi. Pour l’instant, le plus important pour elle était de rentrer chez elle.

— Le nom de cet homme ne fait pas de différence. Je veux mettre toute cette expérience derrière moi. J’en suis sortie indemne, bien qu’un peu mouillée.

Elle commença à marcher vers la route. Son pied achoppa maladroitement sur une pierre et elle trébucha. Fortis la prit par le coude et la tint fermement.

— J’ai dit que je vous ramènerais chez vous.

Sa voix était soyeuse, mais elle perçut l’acier qui se dissimulait dessous.

Elle bougea son bras et il la lâcha.

— Je peux me débrouiller seule.

— J’ai promis de vous reconduire en toute sûreté. Je tiens mes promesses.

Silvana pinça les lèvres. Elle devrait le laisser aller avec elle. Déjà, les premiers rayons du soleil apparaissaient au-dessus des collines. Bientôt, tout Baiae serait debout et en mouvement. C’était une chose d’affronter des rumeurs et une tout autre expérience d’être surprise dans une situation compromettante. Personne ne voudrait croire que Fortis et elle s’étaient rencontrés innocemment. Sa promesse à Crispus serait brisée avant qu’il revienne à Baiae de son école.

— Y allons-nous ? Il apparaît que vous accepter comme mon protecteur sera la manière la plus prompte de me débarrasser de vous.

— Vous voulez vous débarrasser de moi, sirène ?

— Je veux rentrer chez moi.

Ils marchèrent en silence. Fortis ne tenta pas de la toucher, mais Silvana n’en était pas moins consciente de sa présence et de chacun de ses mouvements. Elle leva son regard vers lui tandis que la lumière rose de l’aube se levait à l’horizon. Le visage de Fortis était anguleux et dur. Au lieu d’être noirs comme elle l’avait imaginé, ses yeux étaient d’un vert langoureux. Ses cheveux noirs bouclaient sur ses tempes, contrastant avec la rigueur de ses traits. Pourquoi était-il déterminé à l’aider ?

— C’est ici que nous nous disons adieu.

Silvana s’arrêta devant l’entrée de sa villa. Elle pouvait voir de la lumière vaciller sous la porte. Nul doute que Dida le portier serait encore réveillé. Et peut-être même son oncle. Est-ce que Cotta était venu ? Quelle histoire avait-il racontée ?

— Est-ce que je vous reverrai ?

Les mains de Silvana s’agitèrent sur la fermeture de la toge. Le revoir ? Ce n’était pas une hypothèse à laquelle elle avait songé. Trop de choses se passaient dans sa vie tourmentée. Elle ne pouvait risquer de l’y mêler. Cette brève rencontre avait été un répit.

— Je doute que ce soit possible.

Elle lui tendit la toge et ignora le brusque frisson qui la traversa. Sa tunique lui semblait plus lourde que jamais.

Il lui prit le vêtement. Le bout des doigts de Silvana toucha les siens et elle écarta la main comme si elle s’était brûlée. Il haussa un sourcil.

— Alors je vais vous dire adieu.

— Adieu, dit-elle en se tournant pour partir.

Le plus vite elle serait dans la villa, le plus tôt elle pourrait commencer à évaluer les dommages de sa mésaventure.

— J’apprécierais que vous gardiez le silence sur ma baignade.

— J’ai dit que je veillerais à votre sécurité.

Il la saisit par l’épaule et la fit se retourner. Dans la lumière grise de l’aube, ses yeux étaient d’un vert profond, comme le bassin du temple de Mercure.

— Voici comment je dis adieu.

Il courba la tête et ses lèvres effleurèrent celles de Silvana, douces mais fermes, la réchauffant au plus profond d’elle-même. Son corps trembla, emporté par cette sensation. Il l’enlaça et la tint contre son corps dur et musclé. Puis il releva la tête, s’écarta et le baiser fut terminé. Elle passa sa langue sur ses lèvres. Elles n’étaient pas meurtries mais lui paraissaient plus pleines, différentes.

— Pardonnez-moi, murmura-t-il. Votre bouche m’a ensorcelé.

— Je devrais vous souffleter, dit-elle, la voix trop altérée à son goût.

— Mais vous ne le ferez pas.

Il toucha sa joue d’un doigt. Elle fut parcourue d’un frisson.

— A la prochaine fois où vous aurez besoin d’être sauvée, sirène.

— Je m’en suis très bien sortie seule. Et je suis humaine, pas une nymphe ou une sirène.

Silvana tint la tête haute. La prochaine fois qu’elle le rencontrerait — si elle devait le rencontrer de nouveau —, elle ne serait pas autant à son désavantage, se promit-elle. Elle lui montrerait qu’on ne se moquait pas d’elle, qu’on ne l’embrassait pas comme si elle était quelque fille de Vénus exerçant son commerce sur le port.

Il s’arrêta et se retourna. Ses yeux dansaient.

— Comme vous voulez.

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Commentaires récents

Commentaire ajouté par Ryzel 2016-06-29T13:21:49+02:00
Argent

ce livre ne m'as paru très intéressant

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Commentaire ajouté par MissEleanorVane 2014-03-05T04:48:16+01:00
Argent

Un très bon roman !

Il aurait pu être meilleur, certes, surtout vis-à-vis de mes attentes de ce roman, mais cela reste une très bonne lecture, agréable et sans prise de tête, et c’est toujours un plaisir pour moi de plonger dans l’univers de la Rome antique, cette époque qui me fascine tellement et l’auteur à bien travailler ses connaissances de cette époque, il n’y à rien à reprocher de ce côté-là. Et vu comme le sujet est rare dans les romances historiques, ce soit Harlequin, J’ai Lu où Milady, c’est toujours un petit plaisir pour moi.

Silvana Junia, veuve, à toujours supporter les rumeurs cruelles et mensongères à son sujet. Mais aujourd’hui, ses rumeurs risque de mettre en danger la carrière politique de son frère, qui désire monter en grade au Sénat de la République romaine. Mais des problèmes d’argent et de familles vont la poursuivre et compromettre ses efforts pour rester droite. Et un de ses problèmes est Lucius Aurelius Fortis, un séduisant sénateur venu de Rome, qui lui demande de se tenir éloigné de son cousin qui lui fait la cour…

Au début du roman, j’aimais bien Silvana. Mais elle à finit par m’agacer, surtout vers la fin. Qu’elle peut être stupide et têtue, c’est exaspérant. Fortis est un très bon personnage, un homme bon, amoureux, et gentil tout en ayant un caractère approfondi qui ne fait pas de lui une lavette. Le genre d’hommes que n’importe quelle femme aurait rêver de rencontrer à cette époque-là. Mais bien que je l’aie appréciée, il ne m’a pas non plus fait vibrer. Leur romance est belle mais parfois elle tourne trop en rond.

En somme, c’est un bon roman, j’ai aimée le mélange subtil de l’univers complexe et sanglant de la Rome antique au style romanesque et souvent un peu guimauve des Harlequin, cela à donné au livre un côté réaliste et profond, chose rare dans un Harlequin. L’histoire est un peu facile mais on en rentre dedans facilement. Mais si c’est une lecture agréable, ce n’est pas non plus un livre qui marque. Un bon livre à lire pour une soirée tranquille.

Une lecture sans prise de tête et agréable !

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Commentaire ajouté par selene82 2013-12-03T22:50:27+01:00
Lu aussi

Je l'ai lu il y a déjà un bon moment, mais je me rappelle encore m'être posé la question à la fin de ma lecture : pourquoi ce titre?

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Date de sortie

La rose du Colisée

  • France : 2008-02-28 - Poche (Français)

Activité récente

Chat l'ajoute dans sa biblio or
2017-10-19T21:21:12+02:00
jela61 l'ajoute dans sa biblio or
2016-09-05T12:10:42+02:00

Titres alternatifs

  • The Roman's Virgin Mistress - Anglais

Les chiffres

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extraits 1
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Note globale 7 / 10

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