Merlin, Tome 4 : Les Portes de glace

La vision se limita alors à la seule pièce forte. Bientôt, le petit brasier près du lit prit de la vigueur, et des flammes quasi surnaturelles illuminèrent la pièce et la réchauffèrent de leur ardeur. L’ombre s’approcha du lit et une forme invisible sembla s’asseoir sur la couche. Elle resta ainsi immobile, comme observant un long moment la jeune et jolie femme endormie. Les traits fins de cette dernière rappelaient ceux d’une autre femme de grande beauté, mais plus âgée… Soudain, la voix douce d’un homme, pleine de charme et de magnétisme, se fit entendre, murmurant :

— Optima… Belle Optima, réveille-toi…

À l’appel de son nom, la jeune femme se réveilla et, d’abord surprise de se retrouver seule dans la pièce, sursauta tout à coup, cherchant tout autour d’elle :

— Gaina ? Gaina, où es-tu ?

L’ombre prit soudain plus d’intensité et emprunta la forme d’un bel homme d’âge mûr.

— Vous ! Que faites-vous ici ? Où est Gaina ?

L’homme fit un geste vers la porte close et dit :

— Elle est sortie pour nous laisser seuls.

— Vous devez partir immédiatement. Si père vous trouve ici, il vous tuera !

— N’aie de crainte, ma belle Optima, il n’en fera rien.

Il dort profondément, ainsi que tes frères et sœurs. Ne t’ai-je pas promis que je viendrais te rejoindre en plein cœur de la nuit ?

— Certes, mais je vous croyais rêveur. Comment imaginer que vous auriez l’audace de venir jusqu’à moi ?

— Je l’aurais fait autrement, mais ton père a perdu la raison et ne laisse plus personne t’approcher.

La jeune femme sembla se calmer et réfléchir :

— Il faut le pardonner, vous savez. Ce n’est pas sa faute, les augures ont révélé qu’un grand mal s’approchait et qu’il m’arracherait à lui.

— Je le comprends, Optima. Il a peur de te perdre et il craint les désirs qu’ont pour toi les hommes de Bretagne. Tu es, après tout, la plus belle des femmes de tout le pays.

La jeune dame, visiblement flattée, sembla alors plus détendue et attentive à l’homme :

— Je n’ai rien à faire des autres hommes de Bretagne, c’est avec vous que je veux vivre, mon seigneur.

Elle abandonna sa retenue et s’approcha lentement du bel homme pour se blottir dans ses bras.

— Depuis que je vous ai vu, ce jour-là, sur le pont du village, je n’ai plus de sentiment que pour vous. Je ne comprends pas pourquoi mon père vous refuse ; un homme de si bon rang, habile à la guerre et instruit dans les arts savants.

La jeune femme lui jeta un regard plein d’admiration et posa passionnément ses lèvres sur celles de l’homme. Après ce court interlude, elle continua :

— Mais comment avez-vous passé les gardes ? Avez-vous pris la forme d’une bête de la forêt ? Et comment avez-vous réussi à entrer sans réveiller toute la maisonnée ? Avez-vous lancé un de vos sorts de sommeil sur mes parents et sur nos gens ?

— Quelque chose comme ça, en effet, mais ne crains rien, je ne leur ai fait aucun mal… Et maintenant, il n’y a que nous deux qui ne dormons pas dans toute la Bretagne.

L’homme se débarrassa de sa tunique et de son chemisier, révélant son torse musclé et sa superbe constitution, à la suite de quoi la jeune femme et lui s’abandonnèrent à leur passion.