Le Ravin des ténèbres

Je suis pourtant un très grand fan de sieur Robert Heinlein, mais force est de constater que cette oeuvre ne restera pas dans les annales de la sf.

l'histoire : Un homme très riche et très vieux parvient à faire transplanter son cerveau dans un corps jeune qui va s'avérer être une femme (qui n'est autre que sa secrétaire adorée décédée prématurément).

En dehors de quelques passages intéressants sur les implications juridiques d'un tel transfert, une vision assez pessimiste du futur (en matière de sécurité) et un peu d'humour (noir, salace ou humour tout court) assez caractéristique des romans d'Heinlein, on assiste à un badinage gentiment, très gentiment égrillard, où l'héroïne (le héros ?) embrasse et couche à tout va, tombe enceinte (par insémination artificielle, je vous laisse deviner qui est le donneur), se marie et meurt en couche. (Oui j'ai tout dit...).

De la sf pour adulte promise par le quatrième de couv, on est loin, très loin de ce qui peut se faire aujourd'hui.

Des dialogues à base de vieux cochon, chérie, vieux satyre franchement pénibles à force de répétition et un cruel manque d'histoire sont ce qui ressort au final de ce roman;

Même les amateurs assidus d'Heinlein (dont je suis) pourront se passer de la lecture de ce "chef d'oeuvre".

Heinlein approfondit toutes les dimensions médicales, sociales et philosophiques de la question de la greffe de cerveau (qu'il avait déjà abordée en 1940 dans un texte mineur, « Salut », offert au fanzine de Ray Bradbury, Futuria Fantasia), et donc du support physique et de l'identité.

Jeanne doit d'abord s'approprier son nouveau corps, son apparence et ses perceptions, dans une description assez juste d'une difficile rééducation fonctionnelle et psychologique, bien avant que la première greffe de membre réussie en 1998 n'en démontre l'importance (les premières transplantations d'organes datent, elles, des années 60).

S'ajoute ici le double apprentissage du genre et du sexe. Jeanne se découvre bisexuelle, avide non seulement de retrouver tous les plaisirs sensuels que Jean a oubliés, et quelques nouveaux, mais aussi de satisfaire un besoin de maternité. Elle tente aussi de se recréer une famille de cœur, une communauté choisie autour d'anciens employés, d'ex-amants ou de ses docteurs.