Canard au sang
Auteur
- Robert Sabatier (Écrivain)
Thèmes
Littérature FrançaiseAcheter neuf
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Classement en biblio
extrait
… En fait, il n’existait qu’un bruit : celui du métal heurtant le métal. Et ce bruit qui venait de bien plus loin, de bien plus haut, que l’homme mon prochain se répercutait d’ère en ère, parfois brûlant, sifflant, jaune comme le métal des forges, rouge comme le sang futur, vert de vieilles rouilles, rugissant de feu, vibrant par cent lames, écrasé par mille marteaux, résonnant des bourdons de cathédrales jusqu’au tréfonds des âmes, s’échappant des tours et des fraiseuses, chargé de cris autant que de musique, de haine moins que d’amour, de vie plus que d’agonie, de temps comme de patience, vainqueur, toujours vainqueur ! – et ce bruit, mêlé de grelots, de pierrailles, de sonnailles, de liquides, d’acides, de métaphysique vraie et de métaphysique fausse, indéfinissable parce que simple et nu d’une part, et d’autre part, portant la voix de tous les temps, s’exprimant en passé, en présent et en avenir, ce Bruit ! s’écrasa, ce matin-là, sur l’asphalte, sous la forme de deux bidons de lait, bavant de crème blanche, mousseuse, fade, écœurante, – deux bidons de lait posés sur le trottoir, comme chaque matin, vers six heures, mais ce matin-là précisément, plus absurdes peut-être.
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Résumé
Rocroy, barbu, chevelu, à la fois Marsyas le Satyre et Socrate le Sage, termine sa vie en se livrant à des occupations fort diverses : professer la gymnastique, parler aux statues, relire Montaigne, conter fleurette aux flacons, exprimer verbe haut sa colère, enfin courir les Jupons ou flâner dans son village de la Montagne-Sainte-Geneviève.
Un matin, il aperçoit deux bidons de lait cernés par le brouillard. Plus tard, on apprendra la mort d'une crémière alors qu'elle dormait auprès de son fils, le petit Beppo. On apprendra aussi le vol d'un tiroir-caisse et cela suffira à créer un conflit entre Rocroy et une « bande » de jeunes gens, mi-aventuriers, mi·étudiants, épris d'idéal ou rêvant à ce « canard au sang » qui, pour eux, symbolise « le Règne ».
C'est l'English, sorte de Poil-de·Carotte adulte qui aspire à une existence fastueuse ; c'est Durban qui désire être le héros d'une aventure devenue impossible; c'est la Typo, amical et bourru ; c'est Brigitte, leur muse à queue de cheval ; c'est enfin l'inquiétant mulâtre, Oscar, qui a institué un commerce de chats volés. Ils commettent des méfaits qu'ils exagèrent par vantardise jusqu'au jour où un trafiquant : V. D. M. les met en contact avec le vrai Mal sans pour cela calmer la soif de cet « autre chose» qui tourmente chacun d'eux.
Abondant en scènes où la truculence se mêle à l'intensité dramatique, ce roman révèle un art romanesque à la lois vigoureux et précis. Les thèmes de l'auteur d'Alain le nègre, de Boulevard se sont amplifiés. Avec force, sont exprimés le sort atroce de l'homme seul, son impuissance devant le Temps, son recours à l'enfance et à des valeurs qui affirment l'espoir. Dans Canard au sang, les sujets les plus variés sont traités avec une vérité, une simplicité qui font qu'à travers les pages d'un roman inexorable, parfois cruel, se déploie une tendresse déchirante.
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