Ardian Vulpea T.1 L'Île des serpents

Je sais (et sens) que mon corps est recouvert d’une peau de bête, sans doute de chèvre, et que je suis nu sous celle-ci. Entre la porte et moi se trouvent trois personnes. J’en déduis vite que ce sont les locataires attitrés de ce charmant dortoir. La jeune et troublante tigresse, la petite Boucle d’Or aux yeux de hibou et un bon gaillard aux longs cheveux marron « encatogannés » d’un morceau de tissu blanc, certainement plus âgé que moi d’une ou deux années, vu sa taille.

Ce garçon m’inspire directement confiance. Il arbore fièrement une paire de lunettes avec des verres épais comme des fonds de bouteille reliés par un bout de fil torsadé oxydé par le temps, lequel a laissé des traces vertes sur ses tempes et le contour de ses yeux. Il émane cependant de son air pataud et de sa carrure un je ne sais quoi qui coupe l’envie de se moquer de lui et lui donne plutôt la tête du bagarreur au repos que celle de l’intello de service. À moins que ce ne soit la vilaine cicatrice violacée lui balafrant le cou d’une oreille à l’autre…

Pour son jeune âge, sa musculature est déjà bien dessinée, ses épaules sont larges comme mes deux cuisses, et son torse ressemble à un V qui écarterait les bras. Sa chemise naguère blanche, au col et aux manches déchirés, ne possède plus de boutons (partis depuis longtemps en vacances), laissant ainsi transparaître son ventre « abdominablement » musclé et le léger duvet naissant qui le recouvre.