De l'autre côté

La malédiction s’est abattue sur nous, comme une mousson sur un arbre, un épais nuage rouge annonçant son arrivée. L’eau est devenue rouge ; il pleuvait des gouttes de sang.

Nous savions que c’était fini, que nous étions toutes maudites, mais certaines qui n’y croyaient pas, se laissaient quand même tenter. Chaque fois, elles mourraient la semaine suivante.

Il fut alors décidé que les jeunes filles seraient libres jusqu’à ce qu’elles expérimentent leur premier cycle. Ensuite, elles seraient isolées, enfermées dans un des nombreux terrains féminins qui avaient été conçus un peu partout dans le monde.

Sur ces terrains de plusieurs kilomètres, il y avait un jardin, un foyer qui pouvait accueillir au total cent jeunes femmes, une bibliothèque, un hôpital, des cuisines, un centre sportif, et une animalerie. Tous les commerces étaient tenus par des femmes, c’était obligatoire.

À seize ans, les jeunes femmes avaient le droit de sortir dans la cour.

La cour… Cet endroit tant convoité par les ladies, oui c’est comme cela que nous nous sommes nommées une fois la malédiction arrivée dans nos vies. La cour était le seul endroit qui permettait d’accéder au quartier des hommes. Les hommes, qui étaient aussi des tueurs.

Nous ignorions pourquoi, mais aucune femme ne survivait plus de sept jours une fois qu’elle avait été déflorée. Les hommes le savaient, et se plaisaient à nous tenter, pour nous tuer…

Seules quelques femmes avaient la chance, si on pouvait appeler cela comme ça, de survivre quelques mois de plus. Neuf mois exactement, le temps de mettre leur bébé au monde. Mais leur répit ne se prolongeait jamais après l’accouchement.

Notre vie tenait dans les mains des hommes, des mains qu’on avait envie de toucher, et qu’on devait ignorer, parce que nous le savions, céder, c’était mourir.