Écoutez nos défaites

Laurent Gaudé livre une œuvre très profonde sur la guerre, la violence, les conquêtes dans un récit contemporain de 3 personnages, tombant sans cesse en écho avec ces 3 grands noms de l’histoire, connus pour leurs grandes actions mais dont les mains sont tachées de sang. Fidèle à son style, il passe d’un personnage à un autre tout le long de son roman dans une mosaïque captivante.

Historiquement instructif (sauf sans doute pour les passionnés d’un de ces personnages), philosophiquement engagé, ce roman d’une poésie désabusée m’a passionné de bout en bout.

A travers les époques, les continents, Laurent Gaudé fait le constat de l'ambition cruelle de nos puissants qui n'hesitent pas à sacrifier des dizaines de milliers d âmes pour parvenir à leurs rêves de conquête. Car derrière chaque triste victoire, se cache une defaite, celle de l'opposant vaincu mais surtout celle du vainqueur. Le heros du jour, celui qui a remporté la bataille, est un monstre sanguinaire qui a perdu toute humanité. Qui peut s'enorgueillir d'une quelconque reussite face à un charnier putride gigantesque au dessus duquel les oiseaux charognards entament leur vol morbide?

Laurent Gaudé nous offre un récit puissant sur la bêtise humaine, sa folie prédatrice et son envie infinie de domination. L histoire se répète. Les epoques se succèdent amenant leur lot de combats inutiles. D où nous vient cette volonté forte d auto destruction? Pourquoi l humanité passe t elle plus de temps à s entre tuer qu'à jouir pacifiquement?

Dans un récit teinté d une pointe mélancolique, l auteur nous redonne de espoir en nous prenant comme témoin de l idylle naissante entre Assem et Mariam? 2 êtres éprouvés, l un par les missions dangereuses, l autre par sa volonté farouche de sauvegarder les antiquités du Moyen orient? Et si l amour pouvait être plus fort que tout?

Mes Chers Vous,

Assem est un agent du renseignement français. Alors qu'il démarre son ultime mission, à Zurich, il croise Mariam.

Elle est irakienne et archéologue. Elle essaie de sauver les trésors des villes détruites par les terroristes.

Dans ce monde en friche, ils sont tous deux fatigués de cette vie qu'ils ont menés l'un et l'autre pour lutter contre la barbarie de l'Homme.

Ils sont tous deux à ce moment si particulier pendant lequel il est temps de se retourner sur sa vie et d'en faire le bilan.

Laurent Gaudé aurait pu offrir au lecteur le bilan de ces deux vies, celle d'Assem et de Mariam, qui se croisent en plein effondrement de Mossoul... Il aurait alors été simple de comparer la chute d'un pays au bilan d'une vie qui conclurait alors peut-être à sa défaite...

"La défaite vraie, profonde, la défaite que les hommes sentent en eux, un beau jour, comme une force qui leur pèse, les rend moins rapides, moins innocents, la défaite du corps qui s'empâte, se gonfle, s'essouffle, et les yeux qui voudraient ne pas avoir tant vu."

Mais, effectivement, cela aurait été céder à la facilité... parce que quoi de plus complexe qu'une vie entière ? Quoi de plus emplie de mille et une choses qu'une vie aboutie qui entame son dernier cycle, inéluctable ?

Pour mieux comprendre à quel point il est essentiel de saisir que l'on apprend plus de ses défaites que de ses victoires, Laurent Gaudé crée un roman choral mêlant à la fois la voix d'Hannibal marchant sur Rome, du général Grant écrasant les confédérés à celle d'Hailé Sélassié prenant la décision de se dresser contre l'invasion fasciste...

Aussi étrange que cela puisse paraître, ces voix, qui pourraient être dissonantes, se mêlent avec fluidité et beauté, créant un récit d'une puissance rare.

Et doucement, au fil des pages, Laurent Gaudé rappelle que si l'Homme aime regarder avec fierté ses victoires, il doit aussi apprendre à Ecouter ses défaites... parce que ce sont elles qui lui auront donné les plus grandes leçons.

"Qui vincit non est victor nisi victur fatetur."

Celui qui est victorieux ne l'est pas tant que le vaincu ne se considère pas comme tel.

Un roman qui pourrait sembler mélancolique mais qui rappelle surtout à quel point il est important de continuer, à chaque instant, de se battre pour deux choses : la Beauté et l'Humanité... en soi, la Vie !

Et puis, si vous aimez les beaux mots, vous (re)découvrirez également l'absolument magnifique poème de Constantin Cavafy, "Corps, souviens-toi..."

http://cecibondelire.canalblog.com/archives/2022/01/08/39295755.html

Un livre magnifique dont le message se dessine petit à petit jusqu'à que la morale soit évidente : écoutez nos défaites ! Ce roman m'a vraiment interpelé. Un bon équilibre entre faits historiques d'Hannibal, de Grant et de Sélassié et faits actuels avec Mariam, Assem et Sullivan. Les liens entre les différents protagonistes étaient sublimes. Entendre Hannibal crier "Chargez" et puis lire les soldats de Grant qui entre dans la bataille... Je conseille vivement de déguster ce bouquin !

L'un de mes auteurs favoris. J'apprécie la qualité de sa plume et ce récit est une réussite. Il n'est pas sans me rappeler quelques passages de Le Clézio.

Qui trop embrasse mal étreint ? J'aime beaucoup Laurent Gaudé, mais j'ai un peu l'impression que sur ce coup-là, il s'est laissé dépasser par la taille du projet... Certains passages sont très beaux, mais on se perd parmi les trop nombreux narrateurs, et surtout, trop difficiles à identifier. Pourtant, ses protagonistes centraux et contemporains (Assem, Mariam, Sullivan) suffisent largement à faire un très beau récit.

Un livre que j'aurais voulu aimer plus que ça.

Un excellent roman sur la guerre, décrite à travers des points de vues très différents et complémentaires, entre le passé et le présent.

Laurent Gaudé exprime, à travers une écriture soignée, poétique et des personnages très intéressants, sa vision de la guerre. Il livre en même temps un témoignage poignant sur des peuples qui souffrent dans l'indifférence, au milieu de leurs pays en proie à la violence et la destruction.

C'est donc un roman très agréable et instructif qui mérite une lecture attentive.

Livre sur la guerre, la violence, les conquêtes dans un récit contemporain de trois personnages, tombant sans cesse en écho avec ces trois grands noms de l’histoire, connus pour leurs grandes actions mais dont les mains sont tachées de sang. Il passe d’un personnage à un autre tout le long de son roman dans une mosaïque désabusée. Historiquement instructif, sans aucun doute, philosophiquement engagé, j’avoue avoir eu du mal à accroché au style de cet auteur. Au début la lecture est déstabilisante. Il faut savoir passer ce cap.

Quel magnifique tourbillon d'émotions que ce livre!

Ce livre raconte des moments-clé de l'existence de six personnages, trois historiques et trois fictifs. Deux agents spéciaux : un Français qui termine sa carrière, et un Américain s'étant retiré des forces spéciales. Une archéologue transportée par le désir de faire survivre l'histoire. Deux chefs militaires, Hannibal Barca, qu'on ne présente plus, Ulysses S. Grant, le plus grand général nordiste lors de la guerre de Sécession. Un chef politique, le Négus, Hailé Sélassié, roi d'Ethiopie.

Des histoires pour la plupart n'ayant aucun rapports, se rapprochent puis s'entre-croisent dans un typhon d'émotions.

Chaque fait historique est réel, et on y voit le dépit devant la nécessité de laisser tant de soldats mourir pour "remporter" la victoire. Les conséquences sont visibles rapidement, et on voit l'évolution de chaque personnage comprenant l'horreur qu'il a commise, allant d'une d'une perte de confiance en soi, suivi de remords inimaginables, à la dépression et la déperdition par l'alcool.

Laurent Gaudé, titulaire du prix Goncourt, ne cesse de bluffer avec son style plein de vie, d'émotions, nous emportant littéralement à chaque coin du monde, nous faisant traverser les époques avec toujours autant d'enthousiasme.

Ce livre est pour moi le bijou des sorties 2016

Assem est un agent des services secrets français, pour lesquels il opère dans le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord depuis de nombreuses années. Mariam est archéologue, un métier qu'elle a choisi par vocation, dans l'espoir de sauver le patrimoine historique et culturel de son pays, l'Irak. Tous deux se rencontrent à Genève pour une nuit avant de retourner chacun de leur côté à leurs combats personnels. Mais lorsqu'on côtoie la guerre, la mort et la destruction d'aussi près, quelle victoire espérer? Racontés en parallèle, les destins d'Hannibal, du général Grant et d'Hailé Selassié témoignent de la façon dont l'Histoire s'écrit, dans le sang et sans égards pour ceux qui la font, laissant derrière elle des êtres ravagés et irrémédiablement défaits.

Ce parallélisme avec des batailles historiques plus ou moins lointaines donne un écho profond aux récits d'Assem et Mariam, solidement ancrés dans l'époque contemporaine (traque de Ben Laden en Afghanistan, chute de Khadhafi en Libye, attentat du Bardo en Tunisie, prise des villes de Mossoul, Nimroud et Palmyre par Daesh...). Ainsi, ce roman raconte la guerre aux multiples visages à travers les époques et les continents, une bataille succédant à une autre, inlassablement et sans fin. Mais il raconte aussi l'espoir porté par l'art, qui résiste aux siècles et aux conflits, traversant le temps comme un fil fragile et un peu dérisoire, l'espoir qu'il restera quelque chose de beau à transmettre au futur malgré la laideur des défaites. J'ai été captivée par cette lecture qui nous emporte loin de nos zones de confort et interroge de façon intime nos propres combats.