L'Archange des Caraïbes, Tome 3

Hannah avait demandé à ce que le pavillon noir soit abaissé, exceptionnellement. Il n’était pas question d’être prise en chasse par la Royal Navy ou de gaspiller de précieux boulets de canon advenant une attaque de la part des Britanniques. Elle n’avait certes pas l’intention de couler le navire sur lequel naviguait Heath Fenway, mais s’il faisait preuve d’hostilité, elle devrait rétorquer, ne serait-ce que pour parvenir à le maîtriser. Tête-de-plomb ne cessait de lui demander à quoi ils devaient s’attendre, ce dont Hannah n’était pas certaine.

-Un navire marchand pour sûr. Si la chance est avec nous, nous n’aurons à faire face qu’à une goélette. Celle-ci sera facile à aborder sans trop de violence. Mais une frégate… Je doute cependant que Fenway dispose d’autant d’armes que nous.

-Et comment ferons-nous alors pour le repérer?

Hannah soupira. Elle faisait confiance à son instinct, mais pour Tête-de-plomb, cela ne fut pas suffisant.

-Et à la nuit tombée comme cela, sans connaître le nom du navire… Fenway ne s’installera pas à la proue du navire afin d’afficher sa présence, Capitaine.

-Nous nous rapprocherons de sa trajectoire quand le jour sera levé. Nous nous approcherons de tous les navires qui n’appartiennent pas à la flotte Britannique.

Le jeune homme tiqua devant le plan fort peu étoffé de Hannah. Elle se contenta de lui ordonner de rester à la barre tandis qu’elle réfléchissait à la façon qu’il conviendrait d’agir quand ils retrouveraient la trace de Fenway.

-Je serai dans mes quartiers, appelez-moi si un navire apparaissait à l’horizon.

-À vos ordres, Capitaine.

Suri terminait d’installer les choses de Hannah dans sa cabine quand celle-ci la rejoignit. Elle lui avait préparé un lit confortable et lui suggéra de dormir malgré que la mer semblait vouloir s’emballer. L’Archange tanguait de plus en plus et une tempête était peut-être envisageable, ce qui serait désastreux. Si la frégate était détournée de sa trajectoire à cause des vents, Fenway pourrait leur passer sous le nez sans qu’ils ne puissent l’apercevoir. Et Hannah n’osait même pas imaginer ce qui se produirait si l’homme parvenait à New Providence en son absence. Son père ne ferait preuve d’aucune pitié.

-Je vais me reposer une heure ou deux, mais pas davantage. Je veux être sur le pont si le temps se dégrade.

-Désirez-vous rester seule, Mademoiselle Thatch?

-Oui, s’il te plaît.

La vérité était que Hannah ne se sentait pas en mesure de se détendre le moins du monde. Son corps lourd lui criait certes son envie de dormir, mais son esprit était en alerte et demandait des réponses.

L’atmosphère était étouffante dans la pièce puisque le vent était complètement tombé. Le calme avant le pire. Les vêtements de la jeune femme étaient humides et beaucoup trop chauds. Elle retira la veste de son père et l’accrocha à la patère à l’entrée de la cabine. Ses pantalons furent également abandonnés quelque part et sa chemise vola jusqu’au lit quand Hannah la lança à l’aveuglette. Nue, elle se rendit à l’autre bout de la pièce et ouvrit le baril d’eau douce. Elle y plongea une éponge. En projetant la tête vers l’arrière, elle pressa l’éponge entre ses doigts et laissa l’eau s’écouler sur sa gorge et sa poitrine.

-Ah! comme c’est bon!