Natalya et Victor Prose, Tome 3 : Machine God

Vingt minutes plus tard, Prose était dans le bureau de Morane.

Il remarqua une bouteille de champagne dans un seau à glace, sur une petite table couverte d’une nappe, près de la fenêtre. Deux flûtes et un bouquet de fleurs complétaient l’arrangement.

Morane saisit son regard.

— Le grand jour approche, dit-il en guise d’explication. Deux ans d’association, ça se fête.

— Une association qui a commencé par un enlèvement, qui a été suivi d’une séquestration.

— Vous me peinez, fit Morane. Moi qui ai toujours eu le plus grand respect pour vous !

— C’est la raison pour laquelle vous m’avez confié à votre amie Aïsha quand je suis arrivé ? répliqua Prose.

— Vous a-t-elle maltraité ?

— Physiquement ? Non.

Quand il voyait Morane en personne, l’esprit de Prose revenait à sa première rencontre avec lui, dans ce même bureau. Et à celle qui avait suivi, avec Aïsha. Il s’étonnait chaque fois de tous les détails dont il se souvenait.

Prose se rappelait l’odeur de médicament dans la salle de réveil. Puis les explications de la chirurgienne… Sans savoir pourquoi, il n’avait jamais été entièrement convaincu par ce qu’elle lui avait dit. Aujourd’hui encore, il se demandait ce qu’on lui avait vraiment fait…

La vivacité de ces souvenirs était sans doute un effet du choc qu’il avait eu de découvrir qu’il avait été enlevé par un individu qui portait son propre visage en guise de masque, puis d’apprendre que son ravisseur entendait le garder prisonnier pendant plusieurs années juste avant d’être envoyé en salle d’opération.

On aurait voulu le traumatiser, qu’on ne s’y serait pas pris autrement.

Prose cligna des yeux. À travers la fenêtre, en face de lui, le soleil l’éclairait directement. Son interlocuteur, par contre, était à contre-jour. Prose devait plisser les yeux pour le regarder.

C’était une de leurs rares rencontres directes. Comme dans leurs discussions sur Skype, Morane portait un masque qui faisait de lui le sosie de son invité.