Lui résister... ou pas - vol. 6

– Ça, c'est bon. Allez, il faut que je continue comme ça…

Je profite d'être seule dans un bureau pour m'encourager à mi-voix. Penchée depuis la veille sur les documents juridiques notifiant le changement de nom des produits de la société française rachetée par Butler Incorporation, je me plonge dans le travail pour oublier Joseph…

Mais je ne peux pas dire que ce soit un franc succès.

J'ai du mal à occulter le fait qu'il m'ait expédiée de l'autre côté de l'océan pour avoir le champ libre avec les mannequins qui doivent papillonner dans les couloirs de la tour Butler. Poussant un soupir exaspéré, je fronce les sourcils et me lève, nerveuse.

– Arrête de penser à ce mec, m'exorté-je, agacée.

J'esquisse un pas vers la porte, mais m'arrête net : pour chaque employé français, je suis une des représentantes de leur nouveau patron. Même s'il a nommé sur place un responsable de l'entreprise, je sens bien que ma présence rend les échanges moins spontanés.

C'est vraiment le comble d'être associée à lui chaque fois que je sors d'ici !

Je soupire et retourne m'asseoir. Ma seule consolation, c'est que je travaille à quelques kilomètres de la maison où vivent désormais mes parents. Au moins, eux ont été ravis de mon arrivée ! On ne s'était pas vus depuis des mois et je mentirais en disant que ça ne me fait pas plaisir, mais… J'aurais préféré que ce soit dans d'autres circonstances.

J'ai du mal à faire bonne figure et ils ont bien senti que quelque chose n'allait pas, même si, pour l'instant, j'ai réussi à éviter le sujet.

Aucune envie de parler de Joseph…

Joseph et son obstination, sa manière insupportable de vouloir tout décider à ma place et sa réaction lamentable quand il s'est rendu compte que je ne céderai pas et que jamais il n'aurait les pleins pouvoirs sur ma vie !

– Salaud égoïste et égocentrique.

J'ai parlé à voix haute. En même temps, comme plusieurs fois par jour, des larmes me montent aux yeux et viennent brouiller ma vue. C'est ce qui rend la situation encore plus insupportable : j'ai beau savoir que ce mec n'est pas pour moi, qu'il vaut mieux que cette histoire s'arrête là, je ne peux pas m'empêcher de fantasmer sur le grain de sa peau, son odeur, la couleur de ses yeux, sa façon de me faire l'amour comme si c'était chaque fois la première et la dernière fois… nos fous rires et nos escapades incroyables… Et je me déteste de l'aimer encore !

Putain, j'en ai marre, je veux une lobotomie !