Au service du surnaturel - Saison 2 : Blake, Épisode 5

Julia se raidit lorsqu’un cliquetis de chaîne se rapprocha de notre table au fond du restaurant. Le serveur arriva et sont apparence s’opacifia permettant aux clients auquel il était rattaché de le voir.

« Non ! Pas lui… »

S’éleva alors une voix reconnaissable entre toutes : celle du King qui se mit à chanter :

« Well, it's one for the money ! Two for the show ! Three to get ready !... »

Il accompagna le début de sa chanson de son déhanché mythique, tout comme l’était sa coiffure : la banane d’Elvis et son costume blanc et doré scintillant. Enfin, ça aurait eu plus d’effet si on ne voyait pas au travers. Avec discrétion, je fis un petit geste de la main et la chaîne tira le fantôme en arrière. Mais Elvis Presley n’avait pas dit son dernier mot. Il tenta de rester à sa place tout en faisant son show. Il continuait de chanter, ses bras moulinant, sa tête dodelinant de droite à gauche, pour faire la grand show comme pour résister à la force qui l’entraînait loin de nous. Un second, puis un troisième couplet. Il n’abandonna pas, bien au contraire. Sa prestation de Blue Suede Shoes fut à la hauteur de sa renommée.

« Le gars envoi du lourd... Enfin envoyait... »

Il finit sa chanson sous les acclamations de l’ensemble des clients proche de nous qui avaient pu le voir, la plus fervente de ses admiratrices étant sans nul doute Julia. Elle était une fan incontestée de ce chanteur dont elle m’avait bassiné les oreilles lorsque nous étions ensemble. Cela faisait un moment que j’avais relâché mon pouvoir, vaincu par la détermination du fantôme du King version jeune qui s’avança vers nous avant d’offrir un clin d’œil à Julia. Trop émue, elle ne put parler pendant un bon moment, dévorant des yeux notre serveur populaire tandis que nous passions commande.

— Je n’arrive pas à croire que tu aies acquis Elvis ! dis-je à un Jaro tout fier de lui.

— Je t’avoue que cela fut une lutte impitoyable entre le Manor de Seattle et le nôtre. Mais j’ai été plus malin que ton cher père.

— Tu veux dire moins radin ?

— Aussi.

Nous partageâmes un sourire de connivence avant que Julia, remise de ses émotions, n’intervînt dans la conversation.

— Comment ça ? Tu as acquis tous ces fantômes ?

— Ils sont en effet la propriété de l’établissement, répondit Jaro avant de se pencher vers elle, pour lui confier à voix basse : je suis actuellement en pourparlers avec un vendeur d’âme français pour acquérir le fantôme de – tiens-toi bien, ma chère – Louis XIV ! Si…

— Que je ne veux pas acheter, coupai-je Jaro qui s’enflammait pour tout et pour rien ces derniers temps.

Julia se détourna de mon ami pour me faire face :

— Louis XIV ? Le fameux roi français ?

— En personne ! Enfin, son âme, repris-je sans laisser le temps à mon ami de le faire. Et de plus il ne parle QUE l’ancien français. Donc même ses compatriotes qui viendraient à séjourner ici ne le comprendraient pas. C’est la raison pour laquelle je juge cette acquisition totalement inutile pour ne pas dire extravagante étant donné le tarif que l'on demande.

— Julia, pourrais-tu faire comprendre à notre ami ici présent que ce serait le nec plus ultra que de se faire servir à table par le Roi-Soleil en personne !