Agence matrimoniale Prime, Tome 4.5 : J'ai épousé Wonjin

Une expression inquiète se dessina sur le visage de Rihanna.

— Froissé ses sentiments, comment ?

Je jetai un coup d'œil coupable à la glacière avant de la regarder à nouveau.

— Il m'a apporté un cadeau des plus étranges. Cela m'a vraiment pris par surprise, et ma réaction n'a probablement pas été aussi enthousiaste qu'il l'espérait.

— Étrange comment ? insista Rihanna, ses yeux se fixant sur le contenant comme si elle pouvait voir à travers.

— Tu sais, le genre de choses bizarres qu'un chat t'apporterait, dis-je, me sentant mal d'exprimer à voix haute la pensée qui m'avait traversé l'esprit lorsque j'avais ouvert la glacière pour la première fois.

Rihanna se figea. Je n'aurais pas su dire si son expression traduisait de l'inquiétude face à ce que j'avais pu dire, ou si elle s'inquiétait de ce que le cadeau pouvait être. Sans un mot, elle ouvrit la glacière. Je retins mon souffle pendant qu'elle regardait à l'intérieur. Le choc sur son visage fit place à l'émerveillement, ce qui me décontenança. Elle releva la tête pour me regarder, comme le ferait un parent contrarié qui attendait que son enfant capricieux s'explique.

— C'est un oiseau mort ! dis-je d'un ton qui indiquait clairement que je m'attendais à ce qu'elle se range à mon avis.

Cette fois, je me sentis flétrir devant l'air franchement horrifié que me lança Rihanna.

— Dis-moi que tu ne lui as pas dit ça ? me supplia Rihanna.

Je remuai sur mes pieds et tordis mes doigts devant moi.

— Euh... Je l'ai peut-être fait ?

Rihanna baissa la tête et se couvrit le visage des deux mains en émettant un grognement d'incrédulité. Même si je ne savais toujours pas ce que j'avais fait de mal – en plus de le blesser – je craignais maintenant d'avoir commis un faux pas culturel majeur ou de l'avoir grandement insulté.

— C'est grave à ce point ? demandai-je d'une petite voix.

Elle laissa retomber ses mains et me regarda comme si j'étais au-delà de toute rédemption. Rihanna referma le couvercle et se leva de sa position accroupie.

— Il faut qu'on parle, dit Rihanna d'une voix sévère avant d'indiquer ma chaise d'un geste de la main. Assieds-toi.

Pour une femme aussi petite, à peine un mètre cinquante par rapport à mon mètre quatre-vingts, elle dégageait une incroyable aura de force et d'autorité. Je n'y réfléchis même pas à deux fois avant d'obtempérer.

Elle se hissa sur le bord de mon bureau et me regarda droit dans les yeux.

— Ce n'est pas un « oiseau mort » que le chat t'a apporté, mais un faucon lunaire qui t'est offert en signe de respect et d'admiration, dit Rihanna d'un ton sévère. C'est un cadeau royal.

— Vraiment ? demandai-je, me sentant encore plus coupable.

— Vraiment. Les faucons lunaires sont presque impossibles à attraper. Des chasseurs expérimentés perdent la vie en essayant d’en capturer un. Ils sont non seulement extrêmement difficiles à atteindre, car ils vivent dans les régions les plus sauvages de Cibbos, mais ils sont aussi incroyablement féroces. Je n'en reviens pas qu'il y soit parvenu tout seul. Pas étonnant qu'il soit parti pendant trois jours, dit Rihanna, l'air de vouloir me faire entendre raison avec quelques bonnes taloches. C'est le genre de cadeau qu'un chef de clan apporterait à un autre chef pour lui demander la paix. C'est ce qu'un mâle apporterait à la femelle la plus convoitée du village pour lui demander sa main.

Ma mâchoire tomba et mes yeux faillirent me sortir de la tête.

— Quoi ?

— N'importe quelle femelle yurus se pâmerait devant une telle démonstration de force et de dévotion, même si elle finissait par ne pas le choisir, déclara Rihanna.

— Mais qu'essayes-tu de dire ? demandai-je, refusant d'accepter l'évidence.

— Que Wonjin est fou de toi ! s'exclama-t-elle comme si c'était une évidence. Tu n'as pas remarqué qu'il te regarde comme si tu étais un ange descendu du ciel ? Qu'il cherche toujours à te faire plaisir et à répondre à tous tes besoins ?

Je secouai la tête, me demandant si nous parlions toujours de la même personne.

— Wonjin me foudroie du regard et grogne ! Quand nous sommes ensemble, le silence est assez épais pour être coupé avec une putain de tronçonneuse ! Il a toujours l'air de vouloir me défoncer le crâne !

Rihanna roula des yeux.

— Il ne foudroie pas du regard et ne grogne pas. Il t'admire et ronronne. S'il ne parle pas, c'est parce que ta beauté le laisse sans voix. Il ne veut pas te défoncer le crâne. Il veut t'étouffer de câlins et de caresses ! Tu ne comprends pas quel genre d'ours en peluche sont les mâles yurus !

Je la dévisageai, bouche bée, me demandant quel genre de champignon bizarre elle avait bien pu manger. Oui, je pouvais être plutôt aveugle quand il s'agissait de remarquer qu'un homme avait le béguin pour moi. Mais Wonjin ?!

— C'est un énorme Yurus, avec des cornes, des défenses, une queue et des sabots. Et je suis...

— Une petite humaine qui n'a aucune de ces caractéristiques, m'interrompit Rihanna avant de se désigner d'un geste de la main. Où veux-tu en venir ?

Je froissai le visage, privée de tout argument. Elle était plus petite que moi et mariée à un Yurus bien plus imposant que Wonjin.

Le visage de Rihanna s'adoucit soudainement et elle m'adressa un sourire compatissant.

— Écoute, je comprends. Quand Kayog m'a dit que le seul moyen d'éviter d'être larguée sur la planète prison Molvi était d'épouser un minotaure albinos géant, je n'ai pas vraiment sauté de joie. Les cornes, la fourrure, les défenses, une queue et des sabots ne figuraient pas en tête de liste de mes critères de recherche d'un conjoint. Je n'en suis qu'au début de ma relation avec lui, mais Zatruk est vraiment génial. Ne laisse pas des idées préconçues et des normes sociétales te faire passer à côté de quelque chose de potentiellement merveilleux. Je ne sais pas si vous êtes parfaitement compatibles, mais je sais que Wonjin est vraiment fou de toi. Tu n'as pas à te précipiter, ni même à sortir avec lui si tu ne le sens pas. Mais garde l'esprit ouvert.

Me sentant dépassée, je tentai de donner un sens aux diverses pensées et émotions qui me traversaient. Sans attendre ma réponse, Rihanna sauta en bas du bord de mon bureau et me serra l'épaule d'une manière encourageante.

— Et mange cette volaille, ajouta-t-elle en désignant la glacière du menton. C'est meilleur quand elle est rôtie à la broche.